[ Page principale | Nouveautés | La Bible | la Foi - l'Évangile | Plan des sujets | Études AT | Études NT | Index auteurs + ouvrages + sujets ]
Exposé des Actes des Apôtres — Ch. 21 à 28
William Kelly
Table des matières abrégée :
Table des matières détaillée :
La carrière publique de l’apôtre était terminée pour ce dont l’Écriture nous informe. Le reste du livre des Actes traite presque exclusivement de l’histoire personnelle de l’apôtre, spécialement ses affrontements publics avec les Juifs, et par eux avec les païens. Dans le premier et le dernier de ces chapitres 21 à 28, nous avons un peu ses relations avec les chrétiens. Le livre s’achève en le montrant prisonnier du Seigneur à Rome, mais pourtant libre de voir tous ceux qui le recherchaient, auxquels il prêchait le royaume de Dieu et enseignait les choses concernant le Seigneur Jésus Christ. Des traces bien plus tardives apparaissent dans ses dernières épîtres. Il était important, selon la pensée de l’Esprit, de nous donner le début du ministère de Pierre, principalement en Judée et en Samarie, ainsi que l’ouverture de la porte aux nations. Après cela, Paul remplit toute la scène jusqu’à la fin du livre.
« Et quand, nous étant arrachés d’auprès d’eux, nous eûmes mis à la voile, voguant en droite ligne, nous arrivâmes à Cos, et le jour suivant à Rhodes, et de là à Patara. Et ayant trouvé un navire qui passait en Phénicie, nous y montâmes et mîmes à la voile. Et ayant découvert Chypre, et l’ayant laissée à gauche, nous voguâmes vers la Syrie et nous abordâmes à Tyr ; car c’était là que le navire devait décharger sa cargaison. Et ayant trouvé les disciples, nous y demeurâmes sept jours. Et ils dirent à Paul, par l’Esprit, de ne pas monter à Jérusalem. Mais ayant accompli ces jours, nous partîmes et nous nous mîmes en chemin ; et tous nous accompagnèrent avec femmes et enfants jusque hors de la ville ; et nous étant mis à genoux sur le rivage, nous priâmes. Et après nous être embrassés les uns les autres, nous montâmes sur le navire ; et ils s’en retournèrent chez eux. Et quant à nous, achevant notre navigation, nous arrivâmes de Tyr à Ptolémaïs ; et ayant salué les frères, nous demeurâmes un jour auprès d’eux » (Actes 21:1-7).
Tel est le récit succinct du voyage. Le lendemain (comme nous le verrons) ils entreprirent le voyage par terre à travers la Palestine, tandis que dans les versets précédents (dont nous nous occupons maintenant), ils voyageaient par bateau. Ce sont des affaires toutes simples, mais l’Esprit de Dieu aime s’arrêter sur le voyage d’un tel homme et de ses compagnons, et nous ferons de même. Nous faisons du tort à Sa grâce en pensant que le Saint Esprit n’a à faire qu’à des affaires extraordinaires, comme des discours frappants, des langues étranges, des signes miraculeux, et des souffrances encore plus fructueuses quand elle sont supportées sans ostentation. Sans nul doute, le Saint Esprit est la puissance pour tout ce qui est bon et digne de Christ ; mais comme Christ Lui-même a vécu la plus grande partie de Sa vie dans une obscurité extrême vis-à-vis des hommes, faisant parfaitement la volonté de Dieu, devant qui et pour qui pas un moment n’était perdu, ainsi l’Esprit de Dieu entre dans tous les détails de la vie dans ceux qui sont à Christ. Assurément si quelque chose est propre à donner de la dignité aux circonstances journalières, c’est bien le passage que nous avons sous les yeux ; mais les enfants de Dieu le croient-ils, le croyons-nous ? Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi par l’Esprit ; ne soyons pas désireux de vaine gloire, nous provoquant les uns les autres, nous portant envie les uns aux autres.
Faisons le lien entre les choses les plus ordinaires, et la volonté et la gloire de Christ. Certainement rien n’est plus proche de l’animal que manger et boire ; pourtant la parole de Dieu voudrait que nous nous emparions même de ces choses en vue d’un but plus élevé, et il n’y a pas de manière aussi simple et sûre que de le faire par la foi qui, en regardant en haut, en prend sa part en Son nom. « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Cor. 10:31). Ainsi nous ne serons en occasion de chute ni aux Juifs ni aux Grecs ni à l’assemblée de Dieu. La grâce évite les contestations, comme elle abhorre le péché et nous enseigne à complaire à tous les hommes en toutes choses, mais non pas en vue de son propre avantage, mais plutôt dans l’amour divin envers beaucoup, afin qu’ils soient sauvés (1 Cor. 10:33). C’est ainsi que Christ marcha dans la puissance de l’Esprit non attristé ; c’est ainsi que nous sommes appelés à marcher, bien que, hélas, nous l’attristions trop souvent. Or il n’y a pas de règle de vie aussi vraie, aussi pleine et aussi directe ; et ici le chemin devient donc très intéressant. « Pour moi, vivre c’est Christ » est sous-jacent à ce qui nous est dit du grand apôtre.
« Quand, nous étant arrachés d’auprès d’eux… » (Actes 21:1a).
Le verbe peut être parfois adouci, mais le sens naturel implique un effort violent. L’affection chrétienne est une réalité sur la terre ; dans tout le récit, on ne voit rien de ce qui détourne vers des objets d’intérêt naturel.
« Voguant en droite ligne, nous arrivâmes à Cos, et le jour suivant à Rhodes ». (Actes 21:1b).
Nous pouvons être sûrs, d’après le caractère et la capacité et les connaissances de l’apôtre, qu’il regardait la beauté naturelle et avait une pensée pour toutes les évocations historiques qui se présentaient ici-bas. « Mais je fais une chose » (Phil. 3:14) était autant une parole adressée aux autres qu’une réalité de sa propre vie — « Pour moi, vivre c’est Christ ». Les exigences de la nouvelle création l’emportaient totalement sur celles de l’ancienne. Ainsi quand nous l’avons vu seul à Athènes avec tout loisir pour observer à l’entour les vestiges qui auraient autant attiré les hommes de l’ancien monde que les modernes, et plus même que la plupart des sites ici-bas, quel en fut l’effet sur lui ? Son esprit fut excité au-dedans de lui en voyant la cité pleine d’idoles. Ce n’était pas la sculpture qui l’enchantait, ni l’architecture qui l’aveuglait. Il mesurait tout d’après la gloire de Christ, et pourtant personne n’aurait pu montrer plus de tact dans le discours qu’il leur adressa. S’il sondait à fond leur idolâtrie, il se servit du plus petit point de vérité reconnu dans cette ville de vanité : c’était l’autel portant l’inscription : « Au Dieu inconnu ».
En vérité Paul marchait par la foi et non par la vue ; ne devrait-il pas en être ainsi pour nous ? En sommes-nous réellement arrivés au point d’abandonner la vie de foi parce que nous n’avons ni autorité apostolique ni pouvoirs miraculeux ? Le Saint Esprit n’est-Il pas descendu, et n’a-t-Il pas été envoyé pour être avec nous éternellement (Jean 14:16) ? Il serait humiliant en effet de répondre comme les douze hommes d’Éphèse (qui ne pouvaient pas parler autrement en vérité) : « Nous n’avons même pas ouï dire s’il y a un Saint Esprit ». Si nous chrétiens parlons ainsi maintenant, c’est de l’incrédulité coupable à l’égard du privilège sûr et ferme de l’église de Dieu. Tout ce que nous avons besoin, c’est de nous juger nous-mêmes et marcher dans la foi, la vérité, et l’amour ; l’Esprit manifestera alors Sa puissance en grâce.
« Et ayant trouvé un navire qui passait en Phénicie, nous y montâmes et mîmes à la voile » (Actes 21:2).
Il est bon de remarquer les manières d’agir providentielles du Seigneur. Le même cœur qui reste impassible devant la tempête la plus violente et la plus dangereuse, doit être reconnaissant pour un vent favorable et un voyage tranquille ; il en fut ainsi, et il en est ainsi. Les circonstances ne créent jamais la foi, bien que Dieu puisse utiliser des faits inattendus pour agir sur nos consciences. Mais c’est la foi simple qui peut rendre pareillement grâce à Dieu aussi bien par mauvais temps que par beau temps. Ce n’est certainement pas de l’indifférence ; mais la volonté connue de Dieu est toujours bonne, agréable et parfaite ; et le cœur est soutenu dans la confiance de Son amour. Il fallait ainsi voir Sa main dans le fait de trouver un navire qui passait en Phénicie. Il semble que le navire qu’ils prirent en premier n’alla pas plus loin que Patara dans la direction désirée, et ayant trouvé ensuite une correspondance pour la Phénicie, « nous y montâmes et mîmes à la voile ». Ainsi dans les arrangements de Dieu, — arrangements extérieurs mais pleins de grâce, — il n’y eut pas de perte de temps.
« Et ayant découvert Chypre, et l’ayant laissée à gauche, nous voguâmes vers la Syrie et nous abordâmes à Tyr ; car c’était là que le navire devait décharger sa cargaison » (Actes 21:3).
Sans nul doute le terme « découvert » est un terme technique de marins, mais peut-on imaginer que l’apôtre passa devant l’île sans se rappeler la scène du début de son ministère, avec son frère plus âgé Barnabas, et son frère plus jeune, Jean Marc, qui les accompagna une fois ? Nous avons déjà eu la preuve de la bonté de Barnabas (Actes 4:36-37), et l’Esprit Saint s’est prononcé là-dessus ; et cela a été prouvé plus tard encore, quand il quitta Antioche au milieu de travail actif du Seigneur pour aller chercher Saul de Tarse, et l’amener à travailler avec lui dans ce grand centre de la bénédiction chrétienne (Actes 11:22-26). Mais Barnabas et Marc avaient quitté l’apôtre, et le cœur de l’apôtre les cherchait et ressentait un amour qui s’élevait au-dessus de leurs défaillances, comme il le prouva, non seulement en paroles, mais en actes à la fin.
La Syrie et Tyr où ils débarquèrent durent certainement rappeler aussi de profondes considérations à l’apôtre. Le Seigneur Lui-même s’était retiré là pendant son ministère terrestre, et c’est de ces contrées qu’une femme cananéenne était venue et avait obtenu de Lui non seulement la réponse de miséricorde qu’elle voulait pour sa fille, mais aussi une louange pour sa foi qui ne devait jamais être oubliée.
Le retard du navire à Tyr était autant ordonné de Dieu que le fait d’en trouver un tout de suite à Patara. Le déchargement de la cargaison donnait à l’apôtre et à ses compagnons du temps, non pas exactement pour « trouver » les disciples, mais pour les « découvrir ». Il semble qu’il a fallu faire une recherche, non pas seulement les trouver par hasard. Ils étaient les disciples, et ainsi « nous y demeurâmes sept jours ». Nous avons déjà vu cela en Troade et l’avions remarqué parce que cela leur avait donné l’occasion de passer au moins un dimanche pour la communion de la Cène.
Une information donnée en passant nous apprend combien l’église primitive était pleine de la puissance de l’Esprit : « Et ils dirent à Paul, par l’Esprit, de ne pas monter à Jérusalem ». Assurément l’apôtre n’a pas manqué d’avertissements, comme il le dit lui-même aux anciens d’Éphèse : « Et maintenant, voici, étant lié dans mon esprit, je m’en vais à Jérusalem, ignorant les choses qui m’y doivent arriver, sauf que l’Esprit Saint rend témoignage de ville en ville, me disant que des liens et de la tribulation m’attendent » (Actes 20:22-23). Il est cependant évident que l’apôtre considérait cela plutôt comme une indication du danger qui l’attendait, et non pas tant comme une indication personnelle qu’il devait suivre et à laquelle il fallait obéir. Il était déterminé à en passer par là, quel que soit le danger, quelle que soit la souffrance, comme le Maître l’avait fait dans une perfection incomparable pour Son œuvre infinie, réalisée à tout prix.
« Mais ayant accompli ces jours, nous partîmes et nous nous mîmes en chemin ; et tous nous accompagnèrent avec femmes et enfants jusque hors de la ville ; et nous étant mis à genoux sur le rivage, nous priâmes. Et après nous être embrassés les uns les autres, nous montâmes sur le navire ; et ils s’en retournèrent chez eux » (Actes 21:5-6).
C’est une autre belle particularité de l’affection divine : la famille ainsi que le caractère social des chrétiens des premiers temps. Ceci devrait être d’un grand prix maintenant, si nous sommes sages. Lorsque les saints sont gardés de l’excitation de la chair et de la frivolité du monde, ils sont particulièrement exposés à se refroidir dans ce monde froid.
« Et quant à nous, achevant notre navigation, nous arrivâmes de Tyr à Ptolémaïs ; et ayant salué les frères, nous demeurâmes un jour auprès d’eux » (Actes 21:7).
Ici ils arrivèrent dans le port appelé autrefois Accho, et maintenant St Jean d’Acre ; et bien que ce ne fût qu’un jour, quel bonheur de le passer avec les frères ! Car ils étaient apparemment déjà connus comme tels à Ptolémaïs.
Ce que nous avons vu jusqu’ici était le voyage par mer de Paul et de ses compagnons ; ce qui suit est leur voyage par voie de terre.
« Et le lendemain, étant partis, nous (*) vînmes à Césarée ; et étant entrés dans la maison de Philippe l’évangéliste qui était l’un des sept, nous demeurâmes chez lui » (Actes 21:8).
(*) « Paul, et nous qui étions avec lui » est un texte plus tardif, qui s’est glissé dans le Texte Reçu, la Version Autorisée anglaise, et d’autres.
Les paroles de l’écrivain inspiré sont claires et nettes. Leur précision donnerait à penser qu’aucun esprit intelligent ne peut manquer de discerner quel est le Philippe dont il s’agit. Or justement le père de l’histoire ecclésiastique [Eusèbe] a réussi à mal comprendre ce verset, et à confondre Philippe l’évangéliste avec Philippe l’apôtre. Ce n’est pas par plaisir qu’on fait remarquer une défaillance si étrange et si inexplicable chez un lecteur intelligent de l’Écriture ; mais c’est un devoir de signaler l’erreur, et d’insister sur sa gravité à titre d’avertissement vis-à-vis de ceux qui prônent l’autorité des écrits des pères de l’église. Incontestablement Eusèbe n’était ni meilleur ni pire que la plupart d’entre eux. Pour des yeux superstitieux, il a l’avantage de se situer à une place franchement précoce parmi ces pères, car il fut dans la fleur de son éclat à l’époque de l’empereur Constantin (306-337 apr. J.C.). Aucun ancien manuscrit du Nouveau Testament grec qui ait subsisté ne lui est antérieur, et deux seulement peuvent prétendre être aussi précoces. Il est pourtant clair qu’avec le texte qu’il avait, il s’est trompé grossièrement, non pas sur un point de saine doctrine, mais sur une simple question de fait. Car ici dans les Actes, il nous est dit que le Philippe chez qui le groupe de l’apôtre demeura, n’était pas seulement l’évangéliste, mais l’un des sept, c’est-à-dire l’un des sept hommes désignés par les apôtres pour le service de diacre au temps du premier amour, peu après la Pentecôte.
Quand un Eusèbe méconnaît pareillement le sens incontestable de l’Écriture, et qu’il laisse une erreur aussi sérieuse se glisser dans l’histoire, quelle confiance peut-on avoir dans aucun fait ou affirmation allégués en dehors de l’Écriture ? Il ne s’agit pas d’imputer des visées malsaines à cet historien, mais les circonstances prouvent, dans ces jours-là comme dans les nôtres, une déplorable ignorance de la parole de Dieu là où on s’y serait le moins attendu. L’autorité des pères de l’église dans les choses de Dieu n’est pas plus fiable que la théologie systématique moderne. La valeur de l’Écriture est inestimable tant du point de vue pratique que dogmatique. C’est la norme aussi bien que la source de la vérité.
« Or il avait quatre filles vierges qui prophétisaient. Et comme nous nous arrêtâmes là plusieurs jours, un prophète nommé Agabus descendit de la Judée ; et étant venu auprès de nous et ayant pris la ceinture de Paul, et s’étant lié les pieds et les mains, il dit : L’Esprit Saint dit ces choses : L’homme à qui est cette ceinture, les Juifs à Jérusalem le lieront ainsi et le livreront entre les mains des nations » (Actes 21:9-11).
Le fait indiqué au verset 9 mérite toute notre attention. Philippe avait quatre filles célibataires, dont il est déclaré qu’elles prophétisaient, c’est-à-dire qu’elles avaient la plus haute forme de don pour agir sur les âmes de la part de Dieu. Prophétiser ainsi, c’était encore plus qu’enseigner ou prêcher. Nous ne doutons donc ni de ce qu’elles utilisaient leur don, ni qu’il leur était interdit de l’utiliser dans l’assemblée. « Il est honteux », avait écrit Paul dans sa première épître aux Corinthiens (1 Cor. 14:34-35), « pour une femme de parler dans l’assemblée ». Il semble qu’à Corinthe certaines étaient assez hardies pour essayer cette innovation et d’autres encore : mais il semble aussi que cela ait été à cette époque quelque chose de tout à fait inhabituel et inconnu.
En général les femmes chrétiennes de ce temps-là comprenaient mieux quelle était leur place. Cependant quelques désirs dans le mauvais sens pouvaient surgir ici ou là. En tout cas l’apôtre trouva nécessaire dans sa première épître à Timothée d’écrire : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni d’user d’autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence » (1 Timothée 2:12). Le mot αυθεντειν [user d’autorité] ne contient pas le sens d’usurpation, mais la possession ou l’exercice d’un pouvoir (non pas dans le sens de commettre un meurtre). La femme n’est pas placée en position d’autorité, et elle ne doit pas non plus agir comme si elle était ainsi placée. C’est indiscutable pour des esprits soumis. « Si quelqu’un pense être prophète ou spirituel, qu’il reconnaisse que les choses que je vous écris sont le commandement du Seigneur » (1 Cor. 14:37). La volonté du Seigneur pour nous est écrite sans qu’on puisse s’y tromper, si nous voulons bien respecter l’Écriture.
Mais ces quatre filles célibataires de Philippe prophétisaient effectivement, en dehors de l’assemblée puisque ce n’était pas dans l’assemblée. Quant à prophétiser en public, la bienséance l’aurait interdit encore davantage quand l’ordre de Dieu l’interdisait dans l’assemblée. Aucun lieu ne pouvait être plus approprié que la maison paternelle. 1 Cor. 11:2-16 indique clairement que, lorsqu’elle priait ou prophétisait, la femme devait faire en sorte de porter une marque de soumission ; car même en prophétisant, elle ne doit pas oublier qu’elle est une femme, et que le chef [= la tête] de la femme c’est l’homme, comme le chef [= la tête] de tout homme est Christ. La femme doit donc être voilée tandis que l’homme ne doit pas l’être. « Tout homme qui prie ou qui prophétise en ayant [quelque chose] sur la tête, déshonore sa tête ; et toute femme qui prie ou qui prophétise, la tête découverte, déshonore sa tête, car c’est la même chose qu’une femme qui serait rasée. Car si la femme n’est pas couverte », dit l’apôtre, « qu’on lui coupe aussi les cheveux. Mais s’il est déshonnête pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle soit couverte. Car l’homme, étant l’image et la gloire de Dieu, ne doit pas se couvrir la tête ; mais la femme est la gloire de l’homme ». Les deux ont leur place respectivement dans le Seigneur qui, s’Il donne de la puissance, n’en maintient pas moins l’ordre ; mais chacun a une place propre que le Seigneur lui a attribuée, comme toutes choses sont de Dieu. Ainsi Sa parole règle tout, et nous devons nous en souvenir davantage en des jours où la voix de l’homme se met à parler tout haut, et où on fait de moins en moins cas de la parole de Dieu.
Il ne nous est pas dit que ces jeunes filles aient prédit quoi que ce soit au sujet de Paul, mais nous apprenons qu’Agabus le prophète ajouta aux avertissements déjà donnés par d’autres. Non seulement cela, mais il vint et prit la ceinture de Paul, et lia ses pieds et ses mains, et dit : « L’Esprit Saint dit ces choses : L’homme à qui est cette ceinture, les Juifs à Jérusalem le lieront ainsi et le livreront entre les mains des nations ». C’était tout à fait la manière symbolique des anciens prophètes, et ceux qui assistaient à la scène en furent remplis de tristesse pour l’apôtre honoré.
« Et quand nous eûmes entendu ces choses, nous et ceux qui étaient du lieu, nous le suppliâmes de ne pas monter à Jérusalem. Mais Paul répondit : Que faites-vous en pleurant et en brisant mon cœur ? Car pour moi, je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus. Et comme il ne se laissait pas persuader, nous nous tûmes, disant : La volonté du Seigneur soit faite ! » (Actes 21:12-14).
Il est clair que l’apôtre ne comprit pas que le Seigneur voulait qu’il se détournât de Jérusalem. Il entendit seulement répété par Agabus, ce dont il avait été si souvent averti par d’autres, à savoir qu’il devait y souffrir. En effet dès sa conversion, il avait été signalé combien il lui faudrait souffrir pour le nom du Seigneur. Il est clair que Paul a dû conclure que le Saint Esprit parlait, non pas pour le dissuader de ce chemin périlleux, mais plutôt pour l’y préparer — certainement la prison, et peut-être la mort. L’affection fraternelle des autres l’aurait protégé de tout ce qui l’attendait à Jérusalem, mais l’amour va plus loin que l’affection fraternelle. Ainsi il était à l’œuvre chez le serviteur, comme il l’avait été en perfection chez le Maître.
L’apôtre passe maintenant à cette ville qui avait une si grande part dans ses affections, ou au moins aux saints qui s’y trouvaient, bien que cela eût été peu compris par ceux qui ne voyaient en lui que l’apôtre de l’incirconcision.
« Et après ces jours, ayant rassemblé nos effets, nous montâmes à Jérusalem. Et quelques-uns aussi des disciples de Césarée vinrent avec nous, amenant un certain Mnason, Cypriote, disciple depuis le début, avec (*) qui nous devions loger » (Actes 21:15-16).
(*) Note Bibliquest : JND traduit : « chez » qui.
Un « vieux » disciple n’est certainement pas exact, et ne peut même pas être vrai, αρχαιω n’exprimant pas son âge comme homme, mais sa qualité de disciple depuis le début. Il est donc intéressant de trouver en passant que Chypre avait été bénie par Dieu, non seulement par les visites de Paul et Barnabas, mais même auparavant.
« Et quand nous fûmes arrivés à Jérusalem, les frères nous reçurent avec joie. Et, le jour suivant, Paul entra avec nous chez Jacques, et tous les anciens étaient présents. Et après qu’il les eut embrassés, il raconta une à une les choses que Dieu avait faites parmi les nations par son service. Et eux, l’ayant ouï, glorifièrent Dieu » (Actes 21:17-20a).
Nous voyons ici dans toute sa force l’amour et l’honneur qui régnaient parmi les saints. Non pas qu’en ces jours-là il n’y ait eu aucune épreuve, ni des épreuves propres à ces jours-là : ceci est inévitable. Aucune différence de caractère religieux ne peut se comparer dans ce monde au gouffre qui séparait les Juifs d’avec les nations. Dieu Lui-même, sous la loi, avait maintenu la séparation entre eux au maximum, et notre Seigneur le fit jusqu’à la croix. Celle-ci termina l’ordre de choses ancien pour introduire le nouveau — l’ordre de la grâce et de la nouvelle création en Christ que le Saint Esprit descendu du ciel mit en œuvre en puissance et joie et intelligence. Dès lors Christ devient tout, et en effet Il en est digne ; comme Il est tout, ainsi Il est en tous ; et la distinction de Juifs et de Grecs, de circoncis et incirconcis, barbares, Scythes, esclaves ou hommes libres, s’efface en Lui devant Dieu.
Mais pourquoi les chrétiens trouvent-ils le christianisme si difficile à saisir, si difficile d’en jouir et si difficile à pratiquer ? Pourtant l’Esprit donné à chaque croyant n’est pas un esprit de crainte ni de servitude, mais de puissance, et d’amour, et de conseil [= sobre bon sens], avec Christ devant nos yeux. Le sentier peut être difficile, mais comme c’est le vrai chemin, il est l’exercice de l’amour ; tout ce dont il s’agit, c’est d’apprécier Christ, et d’appliquer la vérité dans un esprit de grâce. Comme la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ. Nous n’avons qu’à croire, non pas à craindre l’homme, ni à poursuivre nos propres pensées.
La parole de Dieu est maintenant révélée comme une pleine réponse à Christ, et par l’Esprit on trouvera qu’elle résout toutes les difficultés en détail. Cependant, nulle part les difficultés n’étaient plus grandes qu’à Jérusalem, le foyer naturel du sentiment juif extrême. L’apôtre y était venu, animé par un fort sentiment d’amour et de pitié pour sa nation, comme il l’explique lui-même en Actes 24:17 : « Or, après plusieurs années, je suis venu pour faire des aumônes à ma nation et des offrandes ». Ce n’était guère à cela qu’il était lui-même appelé, bien que l’amour qui l’y conduisait opérait toujours puissamment dans son cœur, comme nous le savons d’après Galates 2 et d’autres passages.
Mais il y avait une autre raison qui rendait critique la présence de l’apôtre à Jérusalem. La sphère d’action qui lui avait été assignée concernait les nations (comparez Galates 2:7-9) ; et le Saint Esprit avait certainement donné de nombreux avertissements par le moyen de prophètes le long du chemin concernant des dangers dans cette ville. Personne, pas même un apôtre, n’est fort sinon dans la dépendance du Seigneur, comme il le dit lui-même : « Quand je suis faible, alors je suis fort ». Car la puissance de Christ « s’accomplit dans l’infirmité ». Et Paul plus que tous pouvait dire : « Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance du Christ demeure sur moi » (2 Cor. 12:10, 9). Mais il est instructif de voir qu’Antioche se révéla être un lieu dangereux pour Pierre, comme Jérusalem le fut pour Paul. Le Seigneur opérait efficacement en Pierre, pourtant c’était principalement et manifestement pour l’apostolat de la circoncision. Il opéra aussi assurément par Paul avec les nations, probablement plus puissamment que par aucun autre homme sur la terre.
Mais nous anticipons. L’arrivée de Paul et de ses compagnons à Jérusalem reçut un accueil chaleureux des frères. Il semblerait que la maison de Jacques était le lieu connu pour tous les rassemblements spéciaux, des anciens en tout cas — tout comme nous entendons parler d’une réunion de prières dans la maison de Marie, mère de Jean Marc (Actes 12:12). « Et, le jour suivant, Paul entra avec nous », est-il dit, « chez Jacques », et tous les anciens étaient présents. Il devait y avoir de nombreux groupes de Juifs chrétiens à Jérusalem, où ceux-ci se comptaient maintenant par milliers. On ne connaissait pas encore de grands immeubles dédiés à l’assemblée, semble-t-il. Il n’était cependant pas question d’une réunion de l’assemblée à cette occasion ; seuls les anciens étaient présents. Ils étaient issus sans doute de ces nombreux groupes, et leur réunion ensemble comme anciens devait contribuer puissamment au maintien de l’ordre et de l’unité, sans supplanter le moins du monde la responsabilité de l’assemblée, alors que la vérité gouvernait dans un esprit de grâce. On peut facilement comprendre que la maison de Jacques fût un lieu approprié pour ce type de rencontre. Le verset ne nous donne pas l’impression d’une réunion à cette occasion seulement, bien qu’il soit très probable que la nouvelle de la venue de Paul, imminente puis effective, soit l’explication du fait que « tous les anciens » fussent présents à ce moment-là. Il y a des besoins permanents qui nécessitaient la rencontre des anciens normalement ; mais cette occasion-ci avait bien sûr l’élément extraordinaire de la présence de Paul.
« Et après qu’il les eut embrassés [WK : salués], il raconta une à une les choses que Dieu avait faites parmi les nations par son service » (Actes 21:19).
Il y avait une parfaite franchise de sa part. Aucun effort de mettre exagérément en avant ce que Dieu avait opéré parmi les Juifs ou dans les synagogues. Il exposa devant eux particulièrement ce qu’il lui avait été donné de faire parmi les nations. Sans aucun doute, cela était voulu du Seigneur pour élargir leurs cœurs. Ils n’étaient guère habitués à Jérusalem à voir ou entendre quelque chose sur leurs frères des nations. L’apôtre l’exposa soigneusement ; et quand ils l’entendirent, ils glorifièrent « Dieu » — car il semble que cela soit la leçon correcte, plutôt que « le Seigneur ».
L’apôtre pouvait dire : « Si quelqu’un vous évangélise outre ce que vous avez reçu, qu’il soit anathème » (Galates 1:9). Un évangile différent n’est pas un autre évangile ; il est l’abandon de ce que Paul prêchait, ou en est un succédané humain. On peut se demander si aucun autre apôtre aurait pu parler de manière si absolue. Paul prêchait ce qu’ils prêchaient, mais on peut honnêtement douter qu’ils prêchaient tout ce que Paul prêchait. Si l’on garde à l’esprit la manière spéciale de sa conversion et la vérité qui y fut révélée, cela nous permet de mieux le comprendre. Il commença par un Sauveur en gloire, et il lui fut communiqué dès le début la vérité merveilleuse que Christ et les chrétiens sont un : « Saul ! Saul ! Pourquoi Me persécutes-tu ? » Un saint maintenant est aussi un membre du corps de Christ. Les autres l’apprirent, mais ce fut révélé dès le début à l’apôtre Paul, et il fut l’instrument spécial du Seigneur pour répandre cette vérité dans le monde. Ce n’était pas seulement « l’évangile de Dieu », aussi riche que soit cette expression, mais c’était « l’évangile de la gloire de Christ ».
C’était Christ, non plus connu selon la chair, mais comme ressuscité et glorifié. Les ténèbres des nations et la loi juive étaient laissées derrière, et même la promesse était éclipsée par un éclat bien supérieur. C’était la grâce dans la plénitude de son exercice et dans sa plus haute splendeur dans la personne de Christ, avec Lequel nous sommes associés dans la relation la plus étroite — Christ est le chef [= tête] sur [au-dessus de ; over] toutes choses, mais Il est aussi le chef [= tête] donné à l’assemblée qui est Son corps. L’église ne fait pas partie de ces « toutes choses », mais elle est unie à Lui qui domine sur toutes choses, la plénitude de Celui qui remplit tout en tous (Éph 1:23). C’est pourquoi l’apôtre prêcha l’évangile de la gloire de Christ comme aucun autre n’est dit l’avoir fait. Cela ressort très clairement de 2 Corinthiens 3, 4 et 5. Cela apparaît en substance dans les épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens ; mais là, c’est plutôt appelé le mystère de l’évangile. « Ce mystère est grand ; mais moi je parle relativement à Christ et à l’assemblée » (Éph. 5:32). Christ étant la Tête exaltée, l’assemblée étant Son corps et Son épouse, l’église est déjà maintenant un avec Lui. Il « s’est livré lui-même pour elle, afin qu’il la sanctifiât, en la purifiant par le lavage d’eau par [la] parole ; afin que lui se présentât l’assemblée à lui-même, glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais afin qu’elle fût sainte et irréprochable » (Éph. 5:25-27).
La gloire de Christ en haut dans le ciel est la réponse à Son humiliation ici-bas, indépendamment de tout ce qui a pu s’ensuivre par ailleurs. Il n’y a pas non plus de témoin aussi brillant que Paul. C’est pourquoi l’apôtre parle de « mon évangile », et « notre évangile » quand il joint à lui-même les noms de ses compagnons [Rom. 2:16 ; 16:25 ; 2 Tim. 2:8 ; 2 Cor. 4:3 ; 1 Thess. 1:5 ; 2 Thess. 2:14]. Il lui fut donné de prêcher l’évangile de la gloire de Christ dans toute la grandeur de sa bénédiction ; et c’est pourquoi ceux qui, ayant une fois connu cet évangile, commencent à prêcher la grâce seulement à un niveau inférieur, sont en danger de laisser échapper cet évangile de la gloire de Christ, même si le contenu de leur prédication est juste. Rien n’élève aussi complètement au-dessus de la tradition et des pensées des hommes.
De là venait le danger de se trouver à Jérusalem, même pour l’apôtre. On y respirait une autre atmosphère. Certes ils confessaient que Jésus est le Christ, et ils attendaient Son royaume et Sa gloire ; mais de l’abondance du cœur, la bouche parle.
« Et eux, l’ayant entendu, glorifièrent Dieu et dirent à Paul : Tu vois, frère, combien il y a de milliers de Juifs qui ont cru ; et ils sont tous zélés pour la loi. Or ils ont ouï dire de toi, que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les nations de renoncer à Moïse, disant qu’ils ne doivent pas circoncire leurs enfants, ni vivre selon les coutumes » (Actes 21:20-21).
Ce témoignage était vrai pour ce qui les concernait eux, mais ce qu’ils avaient appris au sujet de Paul était une exagération. Quel que fût son sens de la liberté chrétienne, personne n’était plus tolérant que lui vis-à-vis de la conscience juive ; d’un autre côté personne n’était plus résolu à enseigner les croyants des nations qu’ils n’avaient rien à faire avec la loi, mais avec Christ mort et ressuscité. Qu’est-ce que les croyants des nations avaient à voir avec la circoncision et les autres institutions ou coutumes d’Israël ? Pour le ciel, comme dans le ciel, tout cela était inconnu.
Comme la pleine grâce de Dieu prêchée par l’apôtre surprenait un bon nombre de saints à Jérusalem, on chercha un vernis pour prouver qu’il était malgré tout un bon Juif.
« Qu’est-ce donc ? Il faut absolument que la multitude s’assemble, car ils entendront dire que tu es arrivé. Fais donc ce que nous te disons : Nous avons quatre hommes qui ont fait un vœu ; prends-les et purifie-toi avec eux, et paye leur dépense, afin qu’ils se rasent la tête, et tous sauront que rien n’est vrai des choses qu’ils ont ouï dire de toi, mais que toi aussi, tu marches gardant la loi » (Actes 21:22-24).
Il n’était pas surprenant que les chrétiens de Jérusalem donnent un tel conseil, mais il semble que le suivre fût une glissade pour l’apôtre Paul. Personne ne savait mieux que lui marcher comme mort avec Christ et ressuscité avec Lui ; personne ne savait mieux que lui plaire au Seigneur sans craindre les opinions des hommes, y compris celles de ses frères. Il lui importait peu d’être examiné par d’autres ou par lui-même (1 Cor. 4:3). S’il avait regardé au Seigneur pour être guidé à ce moment-là, peut-être aurait-il pu conseiller Jacques et les autres de ne rien juger avant le temps jusqu’à ce que le Seigneur vienne, qui aussi mettra en lumière les choses cachées des ténèbres, et qui manifestera les conseils des cœurs ; et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu » (1 Cor. 4:5). En effet, il est douteux que quoi que ce soit fait pour rendre témoignage à soi-même (cela semble le fond du conseil de Jacques à Paul) soit jamais béni de Dieu, ni que cela satisfasse l’homme. Nous verrons quel en fut le résultat dans ce cas.
Dans leurs relations passées avec les croyants des nations (Actes 15:22-29), les apôtres et les anciens avaient agi avec une sagesse divine. Aussi il est ajouté ici :
« Mais à l’égard de ceux des nations qui ont cru, nous en avons écrit, ayant décidé qu’ils n’ont rien de semblable à observer, si ce n’est qu’ils se gardent et de ce qui est sacrifié aux idoles, et du sang, et de ce qui est étouffé, et de la fornication » (Actes 21:25).
Ces injonctions avaient été clairement comprises avant même que la loi ne fût donnée à Israël. Ce n’était pas une religion naturelle ignorante du péché et de la chute. Pour Dieu l’homme a besoin de révélation ; mais pour de telles choses, le christianisme ne fait que confirmer les grands principes établis par Dieu avant même l’existence d’Israël.
« Alors Paul, ayant pris les hommes avec lui, et, le jour suivant, s’étant purifié, entra avec eux au temple, annonçant quand seraient accomplis les jours de leur purification, l’époque à laquelle l’offrande aurait été présentée pour chacun d’eux » (Actes 21:26).
L’apôtre céda à ses frères juifs. Ce n’était en aucune manière une mesure qui découlait de son propre jugement devant Dieu, et nous verrons que ce fut totalement vain à l’égard des Juifs. Il y avait sans aucun doute de l’incompréhension de leur part ; mais nous ne pouvons guère dire, avec tout le respect dû aux apôtres, que la lumière du Seigneur brillât sur le déroulement de ce qui fut recommandé et fait. Leur conduite semble avoir présenté des défaillance sur plusieurs points, tandis que, dans ce qui a été écrit par l’Esprit comme direction permanente pour l’église, leur enseignement a été sans le moindre doute parfaitement préservé de la moindre erreur. « Nous, nous sommes de Dieu », dit l’un d’eux : « celui qui connaît Dieu nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas : à cela nous connaissons l’esprit de vérité et l’esprit d’erreur » (1 Jean 4:6). Cela est rigoureux, mais c’est la vérité ; et s’il en est ainsi, c’est réellement une grâce de faire savoir à tous les saints qu’il existe une telle norme — non seulement la personne de Christ, mais la parole des apôtres. Si nous Le confessons véritablement, nous les écouterons sûrement ; si nous les refusons, nous ne reconnaissons véritablement Celui qui les a envoyés et inspirés. Si nous les rejetons Lui et eux, nous sommes irrémédiablement perdus, et plus coupables que les Juifs ou les païens qui n’avaient pas de tels privilèges. Car la vraie lumière brille maintenant. Dieu est pleinement révélé en Christ, et la parole écrite fait connaître tous les deux.
C’était une scène singulière : Paul en train de se purifier pour montrer qu’il marchait correctement et gardait la loi. C’était évidemment marcher selon les pensées des autres, ce qui ne glorifie pas plus Dieu que cela ne satisfait l’homme.
« Et comme les sept jours allaient s’accomplir, les Juifs d’Asie l’ayant vu dans le temple, soulevèrent toute la foule et mirent les mains sur lui, s’écriant : Hommes israélites, aidez-nous ! C’est ici l’homme qui partout enseigne tout le monde contre le peuple, et la loi, et ce lieu ; et qui de plus a aussi amené des Grecs dans le temple et a profané ce saint lieu. Car ils avaient vu auparavant dans la ville Trophime l’Éphésien avec lui, et ils croyaient que Paul l’avait amené dans le temple (*). Et toute la ville fut en émoi, et il se fit un rassemblement du peuple ; et ayant saisi Paul, ils le traînèrent hors du temple ; et aussitôt les portes furent fermées. Et comme ils cherchaient à le tuer, le bruit vint à l’officier en chef, au chiliarque de la cohorte, que tout Jérusalem était en confusion ; et aussitôt il prit des soldats et des centurions, et courut à eux ; mais eux, voyant le chiliarque et les soldats, cessèrent de battre Paul. Alors le chiliarque s’étant approché, se saisit de lui et donna l’ordre de le lier de deux chaînes, et demanda qui il était et ce qu’il avait fait. Mais les uns criaient une chose, les autres une autre, dans la foule ; et n’en pouvant apprendre quelque chose de certain, à cause du tumulte, il donna ordre que Paul fût mené dans la forteresse (**). Et quand il fut sur les degrés, il arriva qu’il fut porté par les soldats à cause de la violence de la foule ; car la multitude du peuple suivait, en criant : Ôte-le ! » (Actes 21:27-36).
(*) Bengelius : les fanatiques se trompent souvent dans leurs suppositions.
(**) Littéralement : le camp.
Il n’y a jamais eu un serviteur du Seigneur aussi dévoué que Paul. Cela n’a toutefois pas empêché les effets d’une position mal prise. Il s’était éloigné de ceux vers qui le Seigneur l’avait envoyé, à cause de son amour excessif pour l’ancien peuple de Dieu. À l’exemple d’autres, il avait fait tout son possible pour se les concilier, mais l’effet produit ne répondit ni aux attentes de Jacques ni à celles de Paul. Pouvons-nous dire qu’en montant à Jérusalem, il avait ce genre d’imitation de Christ qu’il aimait recommander aux saints ? « Soyez mes imitateurs, comme moi aussi je le suis de Christ » (1 Cor. 11:1). Quand le Seigneur monta pour sa dernière et fatale visite, quelle grande différence ! Il chassa tous ceux qui étaient assis et commerçaient dans le temple, Il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de colombes ; Il guérit des aveugles et des boiteux qui vinrent à Lui (Matt. 21:14). Il confondit ceux qui l’interrogeaient sur Son autorité ; aux plus orgueilleux d’entre eux, Il leur mis sous les yeux leur infériorité par rapport aux publicains et aux prostituées qu’ils méprisaient ; Il dévoila leur histoire passée et présente à la lumière de Dieu si bien qu’ils ne purent que reconnaître la destruction misérable suspendue sur leur méchanceté, et la transmission de la vigne de Dieu à d’autres cultivateurs qui Lui rendraient les fruits en leur saison. Et malgré toute leur inimitié, ils craignaient la foule parce qu’ils Le tenaient pour un prophète. Et quand les chefs religieux vinrent les uns après les autres pour Le tenter, Il les réduisit au silence, Pharisiens, Saducéens et Hérodiens, et Il acheva toute la scène par la grande question-test pour les Juifs : comment le fils de David peut-il être Seigneur de David, ce qu’Il est incontestablement ? Aucun Juif n’a jamais pu répondre à cette question depuis ce jour-là jusqu’à maintenant. C’est pourquoi Il ne put que prononcer des « malheur » sur leur état véritable, et devant leur ruine manifeste, prophétiser à l’égard d’un royaume qu’Il va Lui-même introduire en tant que Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire.
Certes, Il a malgré tout été rejeté et crucifié, mais Il a été le témoin fidèle. Il n’y a pas eu l’ombre d’un compromis : Il n’a rien dit, rien fait, rien semblé être, sinon la vérité pour la gloire de Dieu. Il fit la belle confession devant Ponce Pilate (1 Tim. 6:13), le souverain sacrificateur d’Israël s’étant montré plus vil et plus cruel que le païen si endurci qui condamna le Seigneur à être crucifié.
Pourtant, assurément, l’apôtre aimait le Seigneur, et répondait à Ses pensées comme nul autre ne le fit, même parmi les apôtres ; cependant il était homme ; et le sentiment humain dans sa forme la plus estimable l’entraîna dans une déviation (je ne veux pas dire un contraste) par rapport à notre Seigneur à Jérusalem. Mais pour Christ, malgré toute la profondeur de Son humiliation, quel triomphe suivit de près Sa mort accomplie là !
Pour Paul, ce ne fut pas la mort à Jérusalem, mais la haine le jeta entre les mains des nations pour être, jusque-là seulement un prisonnier, pas encore pour mourir, bien qu’à la fin ce qui lui arriva parmi les nations fut sa vraie gloire, et là il souffrit simplement et uniquement comme témoin pour la vérité. Le désir de son cœur était la communion des souffrances de Christ, étant rendu conforme à Sa mort (Phil. 3:10).
« Et comme on allait faire entrer Paul dans la forteresse, il dit au chiliarque : M’est-il permis de te dire quelque chose ? Et il dit : Tu sais le grec ? N’es-tu donc pas l’Égyptien qui, ces jours passés, a excité une sédition et emmené au désert les quatre mille hommes des assassins [ou : sicaires] ? Et Paul dit : Je suis Juif, de Tarse, citoyen d’une ville de la Cilicie qui n’est pas sans renom ; je te prie, permets-moi de parler au peuple. Et quand il le lui eut permis, Paul, se tenant sur les degrés, fit signe de la main au peuple, et un grand silence s’étant fait, il leur parla en langue hébraïque, disant » (Actes 21:37-40).
Ici encore Paul se place sur un terrain très différent de celui dont il avait l’habitude ; il allègue sa race juive auprès du chiliarque. Qui a soutenu si fermement ailleurs la grande vérité que Christ est tout ? Qui a été plus complètement au-dessus de toute distinction humaine dans la défense du service du Seigneur ? C’était bien Paul l’apôtre, mais il n’était pas ici dans la sphère des nations qui lui avait été assignée, mais à Jérusalem, cherchant à réconcilier l’irréconciliable. Est-ce trop de dire qu’ici apparaît la faiblesse de celui qui, sur son propre terrain, a été, par grâce, bien plus fort que tous les autres ?
Dans la première partie de ce livre nous avions l’histoire de la conversion de l’apôtre selon l’ordre chronologique, avec son effet profond sur le progrès de l’évangile et la révélation de la vérité chrétienne. Ici nous avons le récit de cette conversion comme faisant partie intégrante de sa défense devant le peuple d’Israël. Ce récit a donc un but spécial, souligné par l’utilisation de l’hébreu comme langue, et qui explique d’autres particularités. Il n’y a aucune divergence réelle d’avec les deux récits d’Actes 9 et 22, pas plus qu’ailleurs dans l’Écriture. L’apparence de divergence n’est due qu’à la différence de but poursuivi, lequel est très évident ici, comme en Actes 26. En Actes 26 le récit est court et modifié par le fait qu’il fut adressé au roi, Hérode Agrippa le jeune, ainsi qu’au gouverneur romain. Quelles que soient les particularités observées, elles sont dues à la même cause. Le même principe s’applique en fait au traitement de tout sujet par des hommes intelligents. L’Écriture ne fait qu’adopter la même règle, mais dans une perfection que les hommes n’atteignent pas. Notre place comme croyants est d’apprendre par ce qui heurte, bien à tort, l’incrédulité.
« Hommes frères et pères, écoutez maintenant mon apologie auprès de vous. Et quand ils entendirent qu’il leur parlait en langue hébraïque, ils firent silence encore plus ; et il dit : Je suis Juif, né à Tarse de Cilicie, mais élevé dans cette ville-ci, [et] instruit aux pieds de Gamaliel selon l’exactitude de la loi de nos pères, étant zélé pour Dieu, comme vous l’êtes tous aujourd’hui ; et j’ai persécuté cette voie jusqu’à la mort, liant les hommes et les femmes, et les livrant [pour être mis] en prison, comme le souverain sacrificateur même m’en est témoin, et tout le corps des anciens, desquels aussi ayant reçu des lettres pour les frères, j’allais à Damas, afin d’amener liés à Jérusalem ceux aussi qui se trouvaient là, pour qu’ils fussent punis » (Actes 22:1-5).
Il y avait une formation providentielle dans le cas de l’apôtre comme pour d’autres ; elle était spécialement manifeste chez lui qui était Juif, et non pas prosélyte des nations. Il était né à Tarse, un centre renommé en ce temps-là pour les lettres et la philosophie. Mais il fut élevé aux pieds du rabbin le plus célèbre de l’époque. Or Gamaliel était bien instruit et strict comme pharisien orthodoxe, mais nous avons déjà eu une preuve remarquable, tout à fait indépendante de l’apôtre, de sa modération singulière quand les sadducéens se mirent à persécuter la foi. Ce n’est pas souvent que des érudits sont également connus pour leur prudence, et encore moins pour une sagesse qui introduit Dieu en relation avec la conscience, non pas seulement de façon formelle ; Dieu l’utilisa pour détourner complètement le sanhédrin de ses pensées incrédules et sanguinaires (Actes 5:34-40). C’est aux pieds de Gamaliel que fut élevé celui qui devait être le témoin du Saint Esprit à l’égard de la grâce de Dieu dans notre Seigneur Jésus comme aucun autre homme ne l’a été depuis le commencement du monde.
Sa formation initiale à Jérusalem n’aurait pas fait pressentir cette orientation à des yeux mortels : il fut instruit selon la rigueur de la loi des pères. Si les pharisiens de Jérusalem étaient zélés plus que tous les autres, lui l’était encore plus ; mais en vérité quand la foi vint, il put d’autant mieux comprendre le changement complet de la loi pour la grâce. Ceux qui n’ont jamais creusé sous la surface de l’une n’arrivent pas à apprécier l’autre ; ils sont enclins à mêler les deux — ce qui est le grand fléau de la chrétienté, et qui fait que la loi n’est plus la loi, et la grâce n’est plus la grâce.
La loi exige la justice humaine. Maintenant la grâce a révélé la justice de Dieu, et ce n’est que celle-ci que l’apôtre désigne comme la justice qui est de la foi ; « car Christ est la fin de la loi pour justice à tous croyant » (Rom. 10:4). Il n’est pas question d’efforts de l’homme, encore moins d’exploits. Il n’est pas appelé à monter au ciel pas plus qu’à descendre dans l’abîme. C’est Christ qui est descendu, de même que Christ ressuscité d’entre les morts est monté, et nous devenons justice de Dieu en Lui. Le salut provient entièrement de Christ ; c’est ce que Dieu aime faire — et Il ne peut que le faire en accord avec Son caractère en vertu de l’œuvre de Christ. « La parole, donc, est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur», non pas la parole que l’homme prépare pour Dieu, mais la parole que Dieu envoie pour être prêchée : « si tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur et que tu croies dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car du cœur on croit à justice, et de la bouche on fait confession à salut » (Rom. 10:8-10). Ainsi Dieu s’est en effet occupé des pécheurs, et Il est en mesure de le faire. C’est Sa grâce, mais c’est aussi Sa justice.
Or, une fois que Saul fut vivifié, plus il étudiait la loi et entrait dans ses exigences justes et inexorables vis-à-vis de l’homme, plus ses yeux s’ouvraient sur l’impossibilité de salut sous la loi. Elle était faible par la chair, et n’aboutissait qu’à l’esclavage ; éclairer la conscience ne pouvait qu’aboutir à un désespoir amer. Car le salut est entièrement l’affaire de Dieu qui, envoyant Son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et comme sacrifice pour le péché, a condamné le péché dans la chair (Rom. 8:3). C’est ainsi seulement qu’il pouvait y avoir un salut. La loi ne pouvait rien faire sinon condamner le pécheur. L’évangile proclame que le péché est condamné, dans sa racine et dans ses fruits, et que le croyant est sauvé et affranchi pour marcher non pas selon la chair, mais selon l’Esprit.
C’était donc justement un tel zélateur de la loi qui, après avoir eu le cœur ouvert par la grâce, pouvait voir et apprécier pleinement la délivrance de l’évangile. Le même principe s’applique encore maintenant, malgré une distance sans doute incalculable entre l’apôtre et les autres saints, quelque bénis qu’ils puissent ou aient pu être, de nos jours ou auparavant. Les hommes qui jouissent le plus de l’évangile et qui sont les mieux qualifiés pour le présenter sont souvent ceux qui, dans les jours de leur ignorance, ont été profondément attachés à la loi et aux ordonnances, lesquelles génèrent nécessairement l’esclavage là où la conscience est exercée.
Ceci aurait dû parler avec force aux Juifs qui pesaient le discours de l’apôtre. L’apôtre n’avait jamais été un Israélite négligent ou léger ; autant son éducation avait été des plus strictes, autant son zèle personnel était profond. Il en avait en effet donné la preuve la plus complète en persécutant cette Voie jusqu’à la mort. Nul n’était aussi actif que Saul de Tarse pour lier et envoyer en prison tant les hommes que les femmes ! Il était simplement un exemple au plus haut degré de ceux qui sont zélés pour Dieu, mais non pas selon la connaissance (Rom. 10:2). Qui mieux que lui pouvait parler de son expérience personnelle à des hommes qui ignoraient la justice de Dieu, et cherchaient à établir la leur (Rom. 10:3) ? — d’autant plus qu’il se soumettait maintenant à la justice de Dieu.
Le souverain sacrificateur ne pouvait pas non plus ignorer les faits, mais plutôt rendre témoignage, et tous les anciens avec lui ; car il leur est rappelé que Saul avait aussi reçu des lettres pour les frères, c’est-à-dire les Juifs parmi les nations, et qu’il avait voyagé jusqu’à Damas pour en ramener liés à Jérusalem ceux qui y étaient, afin qu’ils soient punis. Lui qui allait parcourir tout le monde avec l’évangile, ne pouvait pas autrefois confiner son zèle légal dans les limites de Jérusalem ou de la Judée.
L’apôtre maintenant raconte sa conversion merveilleuse, et comme il s’adressait aux Juifs, il la présente de manière à désarmer leurs préjugés, si cela était possible.
« Et il m’arriva, comme j’étais en chemin et que j’approchais de Damas, que vers midi, tout à coup, une grande lumière, venant du ciel, brilla comme un éclair autour de moi. Et je tombai sur le sol, et j’entendis une voix qui me disait : Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ? Et moi je répondis : Qui es-tu, Seigneur ? Et il me dit : Je suis Jésus le Nazaréen que tu persécutes. Et ceux qui étaient avec moi virent la lumière, [et ils furent saisis de crainte (*)], mais ils n’entendirent pas la voix de celui qui me parlait. Et je dis : Que dois-je faire, Seigneur? Et le Seigneur me dit : Lève-toi et va à Damas, et là on te parlera de toutes les choses qu’il t’est ordonné de faire » (Actes 22:6-10).
(*) Le Texte Reçu ajoute selon l’autorité d’un grand nombre de manuscrits : « et ils furent saisis de crainte », mais aleph, A,B,H et plusieurs cursifs, et les meilleures versions ne comportent pas cette portion de phrase. Note Bibliquest : Les traductions J.N. Darby française et anglaise incluent cette portion de phrase.
L’indication que c’était « vers midi » est plus précise que ce que disait Actes 9:3. Cela rend la vision bien plus frappante. Ce n’était pas une transe, mais un fait manifeste. La lumière du ciel qui brilla autour de lui était bien plus forte que le soleil en plein midi, en présence de gens qui voyageaient avec lui. On ne pouvait pas s’y tromper. Pour autant que nous le sachions, seul Paul fut converti à cette occasion. La voix ne s’adressa à personne d’autre cette fois-là ; et il est précisé ici que les autres personnes n’entendirent pas la voix de Celui qui lui parlait. Le même historien [Luc], qui rapporte cette description comme les propres affirmations de l’apôtre, nous avait dit lui-même que ses compagnons de voyage restèrent tout interdits, entendant bien la voix, mais ne voyant personne (Actes 9:7). Ceci peut avoir l’air d’une contradiction pour un lecteur occasionnel, mais il faut que le lecteur soit négligent ou mal disposé pour ne pas percevoir que les deux déclarations sont au fond totalement en harmonie. En Actes 9 nous apprenons que ses compagnons entendirent un son, et rien de plus ; et au ch. 22 (*) nous apprenons que seul Paul entendit la voix de Celui qui lui parlait. Pour les autres c’était un son inarticulé ; pour lui c’était non seulement intelligible, mais le tournant d’une vie dont la richesse en témoignage à la grâce de Celui qui lui parla alors, dépasse toutes les autres.
(*) En Actes 9, φωνη « son » ou « voix » est au génitif, et simplement partitif ; en Actes 22 c’est l’accusatif qui a une portée très grande quant à l’objet, et qui n’est pas partitif.
Car le moment était maintenant venu pour une nouvelle étape dans les voies de Dieu. Il fallait que la gloire céleste de Christ soit vue par un témoin choisi appelé par Lui dans Sa grâce souveraine depuis le ciel, — le persécuteur tiré du milieu de sa carrière religieuse et rebelle. Sans doute c’est toujours la grâce quand une âme est amenée des ténèbres à la merveilleuse lumière de Dieu. Mais ici toute la vérité brille d’un éclat extrême. Étienne termina son témoignage en contemplant Jésus dans la gloire de Dieu. Saul commence son témoignage pour Jésus avec Jésus vu dans la même gloire. Cela rappelle quelque chose des deux prophètes d’autrefois, dont l’un finit sa course en étant enlevé au ciel tandis que l’autre la commença à partir de cette vue glorieuse qui lui donna désormais une si puissante impulsion (2 Rois 2). Il était remarquable dans le cas présent que Saul avait participé à la mort d’Étienne, et avait gardé les vêtements des faux témoins qui le lapidaient, tandis que son esprit montait vers le Seigneur dont il venait de voir la gloire et à laquelle il avait rendu témoignage.
Et le peu de temps écoulé après la mort d’Étienne fut occupé par Saul à respirer menace et meurtre contre les disciples du Seigneur. Malgré tout, la lumière descendant des cieux brilla soudain tout autour de lui. Jeté à terre, il entendit une voix lui dire : « Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ? » Bien que rempli d’acharnement par la tradition et les préjugés, il ne put s’empêcher de demander avec étonnement : « Qui es-tu, Seigneur ? » Personne n’était plus certain que lui de rendre service à Dieu en chassant les disciples des synagogues, et même en les tuant. Il avait une bonne conscience selon la loi dans son zèle persécuteur de l’assemblée (Phil. 3:6). Jusque-là il ne connaissait ni le Père, ni le Fils. La vraie Lumière n’avait jamais pénétré son âme. Mais maintenant la lumière qui brillait autour de lui était annonciatrice d’une gloire meilleure et invisible aux yeux humains, « la lumière de la gloire de Dieu dans la face de Christ ». Ses compagnons en virent la brillance extérieure, mais ils ne virent pas ce que nul ne peut voir à moins d’être passé, par la puissance de Dieu, des ténèbres à cette merveilleuse lumière.
À son grand étonnement, il apprit que Celui qui parlait, qu’il ne pouvait que reconnaître comme Seigneur de tout, était justement le Jésus qu’il était en train de persécuter. Car Il était ainsi connu dans les personnes des Siens : Christ et l’assemblée sont un. Immense découverte ! d’autant plus immense dans de telles circonstances sans pareil. C’est à l’ennemi d’autrefois, brisé et désormais obéissant à la vision céleste, qu’est révélé Christ dans la gloire, le Fils de Dieu, et Celui-ci lui est révélé non seulement à lui, mais en lui. Voir Galates 1:16. Il est la vie, et le chrétien est un avec Lui. Si c’était vrai des disciples qu’il persécutait, c’était tout autant vrai de leur persécuteur, devenu maintenant lui-même disciple. « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit [avec lui] » (1 Cor. 6:17). Quand nous verrons le Seigneur à Sa venue, nous serons comme Lui, y compris dans un corps changé en la même image. Si nous sommes transformés maintenant, comme par le Seigneur en Esprit, nous serons rendus conformes alors au Seigneur et par le Seigneur ; car nous Le verrons comme Il est (2 Cor. 3:18 ; 1 Jean 3:3).
Ces grands principes étaient tous impliqués dans la vision de l’apôtre, mais cela ne veut quand même pas dire qu’ils furent tous dévoilés à son esprit à ce moment-là. En temps voulu personne ne sut mieux que Paul, ni aussi bien que lui ce qu’impliquait cette vision ; ces vérités furent ainsi transmises, de la manière la plus puissante, dans ce grand fait de portée incalculable pour l’église, et même pour le monde. Car qui, parmi tous les hommes, a jamais assuré une mission aussi vaste que celle de l’apôtre ? Les douze sentirent et reconnurent qu’il était l’apôtre de l’incirconcision aussi réellement qu’eux l’étaient de la circoncision. Cela ne les empêcha nullement de chercher le bien des nations ; et cela empêcha encore moins Paul de travailler abondamment parmi les Juifs, et de témoigner partout où il y avait des Juifs. Mais ceci n’était pas la marque de l’étendue caractéristique de sa mission. Il pouvait chercher à bâtir l’assemblée dans une séparation complète et céleste d’avec le monde ; mais il lui appartenait, plus qu’à tout homme d’accomplir la parole de son Maître : « Allez dans tout le monde, et prêchez l’évangile à toute la création » (Marc 16:15).
Quel appel aussi était ce récit de sa conversion adressé à la foule des Juifs en train d’écouter ! Nul ne pouvait nier les faits ; le souverain sacrificateur ne pouvait qu’en rendre témoignage, tous les anciens d’Israël à Jérusalem auraient bien aimé contredire s’ils l’avaient pu. Les lettres qu’il avait reçues pour ses frères Juifs ne pouvaient être niées, pas plus que sa persécution acharnée de la Voie chrétienne jusqu’à la mort ou à la prison. Pourquoi ses compagnons de voyage à Damas restaient-ils silencieux ? S’ils n’entendirent pas les paroles de Jésus, ils n’étaient quand même pas sourds au son surnaturel, et ils virent tout à fait la lumière qui les environnait tous, plus éclatante que la splendeur du soleil.
Mais tous les miracles possibles ne peuvent pas convertir le cœur à Dieu. C’est la voix de Christ qui vivifie les morts, et c’est maintenant l’heure de vivifier les âmes ; bientôt viendra une autre heure, quand la voix du Fils appellera hors des sépulcres « ceux qui auront pratiqué le bien, en résurrection de vie ; et ceux qui auront fait le mal, en résurrection de jugement », ce qui sera le dernier acte de Christ et qui terminera solennellement l’histoire de ce monde. Mais la grâce souveraine éveille maintenant les âmes qui entendent la parole du Seigneur ; et comme celle-ci fut manifestée de la manière la plus extraordinaire à Saul de Tarse, ainsi fut-il appelé à être par excellence ministre de la grâce souveraine de Dieu, et de la gloire céleste de Christ. « Et je dis : Que dois-je faire, Seigneur ? Et le Seigneur me dit : Lève-toi et va à Damas, et là on te parlera de toutes les choses qu’il t’est ordonné de faire » (Actes 22:10).
C’était là encore une rupture singulière d’avec tous les précédents apostoliques. Le Seigneur n’ordonna pas de retourner à Jérusalem. Saul devait entrer dans Damas et apprendre là ce qu’il lui était prescrit de faire ; et il devait l’apprendre non pas par le biais d’un apôtre déjà existant, encore moins par le collège apostolique, mais par l’intermédiaire d’un disciple sans position élevée. C’est ainsi que la grâce règne (Rom. 5:21) : avons-nous vraiment appris cette leçon ?
Nous avons déjà vu, en commentant le ch. 9, l’importance de l’évènement survenu ce jour-là : une nouvelle étape nette dans les voies de Dieu pour amener l’assemblée (déjà formée, il est vrai) à être manifestée par le ministère de celui qui fut alors converti d’une manière si extraordinaire que les théologiens traitent cela comme l’une des preuves solides et les plus frappantes de la vérité du christianisme.
Pourtant tout n’était pas encore fait en ce qui concerne Saul de Tarse ; la base était posée, mais pas plus. La cécité physique qui lui était survenue devait être ôtée ; et assurément beaucoup plus de lumière spirituelle devait encore briller dans son âme, mais le principe qui devait être pleinement développé en temps voulu était déjà contenu dans le caractère de la parole que le Seigneur lui adressa.
« Et comme je n’y voyais pas, à cause de la gloire de cette lumière, j’arrivai à Damas, ceux qui étaient avec moi me conduisant par la main. Et un certain Ananias, homme pieux selon la loi, et qui avait un [bon] témoignage de tous les Juifs qui demeuraient [là], venant vers moi et se tenant là, me dit : Saul, frère, recouvre la vue. Et sur l’heure, levant les yeux, moi je le vis. Et il dit : Le Dieu de nos pères t’a choisi d’avance pour connaître sa volonté, et pour voir le Juste, et entendre une voix de sa bouche ; car tu lui seras témoin, auprès de tous les hommes, des choses que tu as vues et entendues. Et maintenant que tardes-tu ? Lève-toi et sois baptisé, et aie tes péchés lavés, invoquant son nom » (Actes 22:11-16).
Comme Paul devait être plus que tout autre, un témoin de Christ envers les nations, Dieu prit spécialement soin d’ôter à toute personne vraiment droite toute raison de soupçonner une collusion avec quelque Juif. Extérieurement la vision de gloire devant de nombreux témoins ne laissait aucune place au doute. Ce qui se passa entre le Seigneur et Son serviteur fut nécessairement restreint à Saul seul dans le groupe. Mais la sagesse divine informa Ananias de ce qui s’était passé, indépendamment de Saul et de toute autre personne sur terre. Il ne nous est pas parlé ici de son jeûne de trois jours, mais c’était un fait patent qu’il avait dû être conduit à Damas par la main de ceux qui étaient avec lui. Cette cécité fournit l’occasion d’une nouvelle manifestation de puissance divine. Le canal en fut un simple disciple, qui était quand même un homme pieux selon la loi et qui avait un bon témoignage de tous les Juifs qui demeuraient là. Venu sans qu’on l’appelle, il se tint auprès de celui qui était aveugle, et dit : « Saul, frère, recouvre la vue » ; la parole fut accompagnée de puissance : Sur le champ Paul recouvra la vue et le regarda. En Actes 9 il nous est parlé de la vision qu’eut Saul pour préparer la visite d’Ananias, et le même chapitre nous dit qu’Ananias eut une vision par laquelle le Seigneur l’envoyait sans tarder vers Saul, sans qu’Ananias y soit favorable. Car on savait bien à Damas, comme à Jérusalem, quel persécuteur zélé de l’église avait été ce Juif instruit de Tarse, devenu maintenant un homme de prière.
Ici encore nous avons le beau fruit de la confiance en la parole du Seigneur. « Saul, frère » — combien cela a dû être rafraîchissant pour le cœur du zélateur converti ! La clé de ce qui est dit ici et de ce qui est omis, c’est le but de ce discours : l’apôtre raconte sa conversion aux Juifs. Seule l’expression « le Dieu de nos pères » apparaît ici. C’était Lui, comme Ananias l’avait dit, et non pas un autre, qui l’avait choisi pour connaître Sa volonté, et pour voir le Juste, et pour entendre une voix de Sa bouche. C’est bien plus que le simple fait d’avoir eu, sur le chemin en venant, une apparition du Seigneur, Jésus Lui-même.
En outre nous apprenons ici qu’Ananias dit à l’apôtre, avant son baptême, qu’il serait témoin, pour Christ auprès de tous les hommes, de ce qu’il avait vu et entendu. Cela aurait dû préparer les Juifs à la grande ampleur donnée au ministère de Paul. Auraient-ils voulu qu’il résistât au « Dieu de nos pères » et à Sa volonté connue ? C’était là deux témoins, par la bouche desquels toute parole doit être établie. En Actes 9, sa mission est tracée par le Seigneur à Ananias, mais l’historien ne mentionne pas là que cela ait été répété à l’apôtre. Nous l’apprenons ici, et l’apôtre le répète lui-même. Tout vient exactement en lieu et temps opportun.
En Actes 9, il nous est dit que, quand il recouvra la vue, il se leva et fut baptisé, et mangea et fut fortifié, et par-dessus tout, le fait majeur qu’il fut alors rempli du Saint Esprit. Il n’est assurément pas question dans ce cas de succession apostolique. Ananias n’était qu’un disciple. Dieu agissait de manière hors de l’ordinaire dans le cas de Paul. L’ordre juif était totalement mis de côté pour l’apôtre des nations ; mais nul, si ce n’est l’ennemi de la grâce et de la vérité, ne pouvait nier qu’il était apôtre, avec un appel au moins aussi élevé que celui des douze, et qu’il était appelé à un travail incomparablement plus étendu et plus profond.
Un autre point intéressant ici, ce sont les termes par lesquels Ananias l’appela à être baptisé, ou à se soumettre au baptême ; il serait bon d’en dire quelques mots vu que certains ont de sérieuses difficultés à ce sujet. La raison de s’écarter des versions autorisée et révisée anglaises, même si elle parait légère, est un essai d’exprimer la force de la Voix Moyenne, comme on l’appelle en grec. Ceci cependant est indépendant de la difficulté doctrinale (que certains éprouvent) à appeler l’apôtre à avoir ses péchés lavés par le baptême. Pourquoi ceci semble-t-il difficile à admettre ? C’est ce que le baptême signifie toujours, bien qu’en effet il signifie encore plus, y compris la mort au péché, comme l’apôtre lui-même le développe en Romains 6:3-4. Le baptême est le signe du salut, comme l’enseigne un autre apôtre, qui prend soin de nous faire savoir dans le même contexte que l’œuvre efficace repose sur la mort de Christ et Sa résurrection (1 Pierre 3:21-22). Sans la foi tout est, sans aucun doute, sans valeur devant Dieu ; mais le signe extérieur a son importance, malgré tout le prix de ce que la foi reçoit par la parole. Cela est si vrai que personne ne peut se tenir sur le terrain chrétien extérieurement, s’il n’a pas été baptisé d’eau au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Refuser le baptême c’est mépriser l’autorité du Seigneur, comme l’incrédulité qui mésestime la grâce. Celui qui croit et qui est baptisé sera sauvé, celui qui ne croit pas, même s’il est baptisé, sera damné (ou, condamné) (Marc 16:16).
La remarquable vision par laquelle Paul commença ne fut pas la seule ; il en est parlé d’une autre ici lors de son retour à Jérusalem. 2 Corinthiens 12:1-4 parle de ses visions en général. Mais maintenant il se met à nous raconter en détail ce qui arriva à Jérusalem.
« Or, quand je fus de retour à Jérusalem, comme je priais dans le temple, il m’arriva d’être en extase, et de le voir me disant : Hâte-toi et sors au plus tôt de Jérusalem ; parce qu’ils ne recevront pas ton témoignage à mon égard. Et moi je dis : Seigneur, ils savent que je mettais en prison et que je battais dans les synagogues ceux qui croient en toi ; et lorsque le sang d’Étienne, ton témoin, fut répandu, moi-même aussi j’étais présent et consentant, et je gardais les vêtements de ceux qui le tuaient. Et il me dit : Va, car je t’enverrai au loin vers les nations. Et ils l’écoutèrent jusqu’à ce mot, et ils élevèrent leur voix, disant : Ôte de la terre un pareil homme, car il n’aurait pas dû vivre » (Actes 22:17-22).
L’incident à Jérusalem est plein d’enseignement spirituel, parce qu’il fait connaître la parfaite liberté et intimité des relations du serviteur avec le Maître, selon que la Parole les présente. Il aurait été facile d’en supprimer le récit, s’il n’avait pas été d’une grande importance et d’une valeur générale. Sa communication publique a l’effet le plus désolant sur les Juifs qui l’écoutaient jusqu’alors. Elle excita leur indignation au plus haut degré. Néanmoins, comme nous le voyons, l’apôtre en fait clairement état pour justifier l’orientation de ses travaux sans limite d’apôtre auprès des nations. Nous pouvons être tout à fait sûr que, naturellement, il était très réticent à se charger, à la parole du Seigneur, d’une mission telle que les Juifs l’entendirent. Traditionnellement les Juifs étaient tout en matière de religion ; ce sentiment et sa base furent entièrement renversés à la croix de Christ. Combien était vrai ce que l’apôtre écrivit dans sa seconde épître aux Corinthiens : « Voici, toutes choses sont faites nouvelles ; et toutes sont du Dieu qui nous a réconciliés avec lui-même par Christ, et qui nous a donné le service de la réconciliation » ! (2 Cor. 5:17-18). La puissance d’un tel ministère est manifestée, non pas dans le fait de demeurer à Jérusalem, mais d’aller vers les nations où qu’elles soient ; car nous ne sommes pas Israélites, ni des brebis perdues de la maison d’Israël. Nous ne sommes pas le peuple, et nous serions plutôt comparés à des « chiens » selon la loi. Or maintenant tout est changé. C’est l’évangile, et toutes choses sont faites nouvelles. Comme la mission de notre apôtre est pour le ciel, ainsi la direction qui lui est donnée est vers les nations.
Il n’est pas étonnant qu’il ait été réticent, même en présence du Seigneur ; mais c’est ce que Paul dut apprendre dans son extase dans le temple de Jérusalem. « Hâte-toi », dit le Seigneur, « et sors au plus tôt de Jérusalem ; parce qu’ils ne recevront pas ton témoignage à Mon égard ». C’était très douloureux pour le cœur de l’apôtre ; d’autres avait éprouvé une douleur similaire avant même le christianisme. Moïse en fit l’expérience dans sa jeunesse, bien que l’entêtement des Juifs alors n’eût rien de comparable à celui manifesté à la croix. Dans la suite Jérémie et d’autres prophètes burent assez de cette coupe pour en ressentir l’amertume et la douleur. Mais Paul était aussi remarquable que Moïse dans son amour d’Israël, et il goûta l’acharnement des Juifs peut-être plus qu’aucun des prophètes Juifs. Dans les voies divines, il était justement d’autant plus apte à être envoyé comme ambassadeur de Christ auprès des nations. S’il avait moins aimé Israël, il n’aurait pas été aussi approprié à cette nouvelle mission céleste. En toute chose, il faut être au-dessus de la nature pour représenter la grâce correctement.
Combien peu ceux qui voyaient ou entendaient parler de l’évangélisation des nations par Paul appréciaient-ils les sentiments qui avaient été les siens quand il commença son travail ! « Et moi je dis : Seigneur, ils savent que je mettais en prison et que je battais dans les synagogues ceux qui croient en toi ». Son cœur languissait après Israël, son désir brûlant aurait été de travailler au milieu d’eux. Quand le Seigneur lui dit de quitter Jérusalem parce que les Juifs ne recevraient pas son témoignage concernant Christ, il va jusqu’à plaider qu’il était justement l’homme qu’il fallait pour aller à Jérusalem, qu’ils savaient combien il avait haï la Voie, comment il avait emprisonné et battu les croyants dans toutes les synagogues. Il fait même appel à la plus terrible histoire de son zèle persécuteur comme étant la raison suprême pour qu’il lui soit permis de prêcher aux Juifs, et comme une raison pour laquelle il serait sûrement mieux accueilli qu’aucun autre prédicateur de l’évangile. « Et lorsque le sang d’Étienne, ton témoin, fut répandu, moi-même aussi j’étais présent et consentant, et je gardais les vêtements de ceux qui le tuaient ». Il est évident que Paul utilisait tout cela comme des atouts considérables pour du travail parmi les Juifs. Mais celui qui avait fait les cœurs savait mieux, bien mieux que Paul, et Il lui dit : «Va, car je t’enverrai au loin vers les nations ».
La parole déterminante était ainsi prononcée : quels que soient les sentiments de Paul, il apprend maintenant la volonté du Seigneur concernant son travail. Maintenant ce n’est plus simplement : « Sors au plus tôt de Jérusalem » (Actes 22:18), mais « Je t’enverrai au loin vers les nations » (Actes 22:21). Aucun Israélite ne chercha plus ardemment à faire valoir l’évangile auprès des Juifs ; aucun serviteur ne plaida pour l’évangile avec plus de ferveur avec son Maître. La liberté avec laquelle il s’adresse à Lui est une leçon immuable pour nous de la liberté dans laquelle l’évangile nous introduit. « Là où est l’Esprit du Seigneur, il y a la liberté » (2 Cor. 3:17). Mais il nous faut aussi apprendre que l’évangile ne laisse aucune incertitude pour le chemin et le service. La vraie lumière brille. Christ est le chemin, ainsi que la vérité et la vie, et en vérité Il n’est pas plus le chemin vers le Père que, dans le cas de Paul, le chemin vers les nations. L’évangile est la lumière céleste brillant dans le cœur et sur le chemin ici-bas.
Auparavant dans ce livre nous avions en Pierre un bel exemple de conscience purifiée par le sang (Actes 3:13-14). Et cette purification était si complète qu’il pouvait ouvertement taxer les Juifs d’avoir renié le Saint et le Juste. N’avait-il pas été lui-même coupable de ce même péché d’une manière plus directe que quiconque ? Oui, mais ceci était maintenant totalement effacé par le sang qui purifie de tout péché ; et il était si conscient qu’il ne restait plus rien devant Dieu qu’il pouvait sans rougir accuser les Juifs du même péché, sans penser à lui-même sauf comme ayant été l’objet d’une miséricorde infinie.
Pareillement, dans le verset que nous avions en dernier devant nous, l’apôtre Paul est un autre exemple semblable, encore plus touchant si cela est possible, et non moins instructif. Il dit au Seigneur, dans son désir de leur prêcher l’évangile : « Seigneur, ils savent que je mettais en prison et que je battais dans les synagogues ceux qui croient en toi ; et lorsque le sang d’Étienne, ton témoin, fut répandu, moi-même aussi j’étais présent et consentant, et je gardais les vêtements de ceux qui le tuaient » (Actes 22:19-20). Aucune trace de culpabilité ne reste sur sa conscience. Pierre l’avait déjà prouvé en prêchant à d’autres, et pareillement, Paul affirme publiquement à ces mêmes personnes ce qu’il avait personnellement exposé au Seigneur comme base de son désir d’être envoyé pour témoigner à ses frères selon la chair. Mais le Seigneur savait tout parfaitement. Paul était Son vase d’élection choisi, non pas pour Jérusalem, mais loin de là pour les nations. Sa conscience était parfaitement purifiée ; mais la pensée du Seigneur seul est parfaitement juste et sage ; et cela fut vite prouvé ici. « Et ils l’écoutèrent jusqu’à ce mot, et ils élevèrent leur voix, disant : Ôte de la terre un pareil homme, car il n’aurait pas dû vivre » (Actes 22:22).
Bien qu’intimement familier avec les sentiments des Juifs, l’apôtre n’était guère préparé, à ce moment-là, à leur jalousie implacable à l’encontre des nations. Pourtant c’était ce dont lui-même n’était que trop conscient quand il était inconverti : le peuple en était maintenant là où il en était alors. Le changement en lui était si complet qu’il semble ne pas avoir compris leur condition. Christ était tout pour lui. Il est en effet étonnant de les voir abhorrer autant la grâce de Dieu qui s’élevait au-dessus de tout le péché de l’homme, Juif ou Gentil ; et c’est bien là la preuve la plus claire que l’homme est perdu. La haine de la grâce n’est en aucune manière adoucie par l’intelligence, le savoir ou la religiosité. Tout cela se trouvait réuni chez Saul de Tarse, et on pouvait le trouver plus ou moins chez certains des Juifs de Jérusalem. Mais le même orgueil naturel et le même abus des promesses de Dieu qui avaient conduit la nation à crucifier le Messie, les endurcissaient maintenant et les poussaient à rejeter et à haïr l’évangile, et par-dessus tout le fait qu’il soit envoyé aux nations autant qu’aux Juifs.
« Et comme ils poussaient des cris et jetaient leurs vêtements et lançaient de la poussière en l’air, le chiliarque donna l’ordre de le conduire à la forteresse, disant qu’on le mît à la question par le fouet, afin d’apprendre pour quel sujet ils criaient ainsi contre lui. Mais quand ils l’eurent fait étendre avec les courroies, Paul dit au centurion qui était près [de lui] : Vous est-il permis de fouetter un homme qui est Romain et qui n’est pas condamné ? Et quand le centurion entendit cela, il s’en alla faire son rapport au chiliarque, disant : Que vas-tu faire ? car cet homme est Romain. Et le chiliarque s’approchant dit à Paul : Dis-moi, es-tu Romain ? Et il dit : Oui. Et le chiliarque reprit : Moi, j’ai acquis cette bourgeoisie pour une grande somme. Et Paul dit : Mais moi, je l’ai par naissance. Aussitôt donc, ceux qui allaient le mettre à la question se retirèrent de lui ; et le chiliarque aussi eut peur, sachant qu’il était Romain, et parce qu’il l’avait fait lier » (Actes 22:23-29).
L’exaspération des Juifs est manifeste dans cette scène frappante. Ils étaient la proie d’un sentiment extrême au nom de leur religion selon qu’ils la considéraient. Seule la foi de Jésus nous permet de voir les choses à la lumière de Dieu. S’ils s’étaient mesurés eux-mêmes par cette norme, ils se seraient jeté eux-mêmes dans la poussière, et auraient reconnu qu’il en était fini d’eux comme peuple. Ce n’était pas seulement qu’ils avaient failli quant à la justice ; ils avaient rejeté Dieu descendu parmi eux dans Son amour infini. Par conséquent, seule la repentance la plus profonde leur convenait. Ils auraient alors vu que ce n’était pas à un peuple coupable de juger les voies de Dieu. Ils auraient appris combien la grâce était admirablement appropriée, maintenant qu’ils étaient ruinés dans la dernière épreuve que Dieu pouvait faire : l’Éternel rejeté autrefois par Son peuple, le Fils venu en amour rejeté, le Saint Esprit avec l’évangile, tous étaient rejetés. Il est vain de parler de loi, ou même de promesses devant la croix. Dieu est désormais libre de sauver les perdus qui croient en Jésus — quels qu’ils soient.
Certes les Juifs avaient des privilèges considérables et une alliance spéciale, mais ils avaient été les premiers pour mettre à mort Celui sur qui toutes les promesses étaient centrées, Celui qui était leur garant et leur couronne. Toute relation avec Dieu de l’homme sur la terre, et nous pouvons dire spécialement d’Israël, était rompue et finie, mais la grâce pouvait briller des cieux, et appeler au ciel tous ceux qui croient en Christ, et c’est exactement ce que l’évangile réalise effectivement maintenant. Il y a un nouveau chef [= tête] et un nouvel appel ; mais tout est en Christ en haut ; et par conséquent les distinctions terrestres, ainsi que les incapacités, ont également disparues. Si l’homme, Juif ou Gentil, est universellement perdu, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver tout ce qui est perdu. Ceci s’opère par l’évangile pour ceux qui croient ; et la mission de Paul si élevée et si vaste, était par-dessus tout pour les nations. C’était pour cette tâche céleste et sans discrimination qu’il était vraiment préparé quand il s’éveilla pour voir son zèle intensément juif jugé maintenant non seulement à la lumière de la croix, mais à la lumière de la gloire céleste de Christ. Il était l’apôtre de l’incirconcision. C’était donc une erreur qu’il se mette en avant spécialement devant les Juifs à Jérusalem, comme auparavant avec le Seigneur dans la vision.
Mais il y a un autre élément intéressant dans ce passage. Le commandant avait donné des ordres pour qu’on mît Paul à la question par le fouet afin de découvrir la cause de la clameur qui s’élevait contre lui. Paul a recours à un argument tout à fait naturel pour échapper à la douleur et à l’ignominie, car c’était une violation grave du droit que de lier pour être fouetté un Romain non condamné. Rien de plus calme aussi que sa manière de le signaler. Il n’y avait pas d’excitation, et aucune tentative d’affirmation de droits, qui n’étaient pas inconnus alors, mais qui ont pris une ampleur extrême chez les hommes de nos jours. Le centurion le rapporte au chiliarque qui s’enquiert et apprend que Paul était Romain de naissance, alors que lui avait acheté sa citoyenneté. Ceci met fin, bien sûr, au projet de torture, et le commandant eut peur de l’avoir attaché. Mais était-ce la hauteur de vérité chrétienne à laquelle l’apôtre se tenait habituellement ? Où en trouvons-nous quelque chose d’approchant dans ses épîtres ? Où voit-on mieux que dans ces épîtres briller la grâce céleste et endurante ? Notre unité présente avec Christ efface toutes nos conditions naturelles : Juif ou Grec, Scythe ou barbare, esclave ou libre, quelle importance ? Christ est tout, comme Il est en tous ceux qui sont Siens.
Il semblerait que ce qui a suscité l’inquiétude du commandant et du centurion, c’était d’avoir lié Paul avec des courroies. C’était une grande offense contre un citoyen romain. « Parce qu’il l’avait fait lier », je comprends que c’était avec des courroies, car selon le v. 30, il apparaît qu’il n’était pas complètement délié selon la manière ordinaire de lier :
« Mais le lendemain, voulant savoir exactement ce pour quoi il était accusé par les Juifs, il le fit délier, et ordonna que les principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin s’assemblassent ; et ayant fait descendre Paul, il le présenta devant eux » (Actes 22:30).
Quoi que les Juifs pussent faire ou désirer, la loi romaine était assez équitable pour insister sur le fait qu’un accusé doit avoir ses accusateurs en face, et qu’il lui soit permis de répondre pour lui-même à l’égard de ce qui lui était reproché. Mais en premier lieu, le commandant cherchait à savoir quel était le sujet d’accusation.
« Et Paul, ayant arrêté les yeux sur le conseil (*), dit : Hommes frères, je me suis conduit en toute bonne conscience devant Dieu jusqu’à ce jour… Mais le souverain sacrificateur Ananias commanda à ceux qui étaient près de lui de le frapper sur la bouche. Alors Paul lui dit : Dieu te frappera, paroi blanchie ! Es-tu assis là pour me juger selon la loi ; et, contrairement à la loi, tu ordonnes que je sois frappé ? Et ceux qui étaient présents dirent : Injuries-tu le souverain sacrificateur de Dieu ? Et Paul dit : Je ne savais pas, frères, que ce fût le souverain sacrificateur ; car il est écrit : «Tu ne diras pas du mal du chef de ton peuple » (Actes 23:1-5).
(*) Note Bibliquest : JND traduit « sanhédrin ».
On ne peut guère supposer que ce fût une assemblée régulière du sanhédrin ; elle fut réunie à la hâte pour faire face à une crise. Un commandant militaire n’avait aucune autorité pour réunir les chefs religieux des Juifs. Ceci permet d’expliquer ce qui normalement ne serait guère compréhensible. Paul paraît n’avoir pas su que le souverain sacrificateur était présent. S’il avait été vêtu de ses vêtements officiels, ceci ne serait pas compréhensible, surtout du fait qu’il nous est dit que Paul arrêta ses yeux sur le sanhédrin. S’il s’agissait d’une rencontre informelle, il est possible que ni le souverain sacrificateur ni les autres n’aient porté de vêtement distinctif.
Ananias est tout à fait distinct d’Anne, le souverain sacrificateur dont parle l’évangile ; il n’avait pas été nommé depuis suffisamment longtemps pour que Paul s’en souvienne. Il peut avoir paru relativement étranger à l’apôtre, spécialement dans ses capacités officielles. Mais, ce qui est plus important à remarquer, c’est que l’apôtre rend témoignage d’avoir vécu devant Dieu en toute bonne conscience jusqu’à ce jour : pas un mot de Christ ni de l’évangile. Ce qu’il dit était tout à fait vrai. Même au temps où il était inconverti, nous savons qu’il pouvait dire : « quant à la loi, pharisien … quant à la justice qui est par [la] loi, étant sans reproche » (Philippiens 3:5-6). Il pense à cela et en parle dans sa confrontation au conseil. Certainement ce n’était pas conforme à son nouvel appel et à ce qu’était sa vie désormais. Car Christ était tout pour lui. Il pensait aux Juifs, il déclarait quelque chose qui semble avoir été bien calculé pour répondre à leurs pensées. Mais cela échoua complètement, et le souverain sacrificateur Ananias commanda à ceux qui étaient près de lui de le frapper sur la bouche. C’était une insulte injurieuse, perpétrée par le juge, et en violation ouverte de la loi. Il n’est pas surprenant que les paroles de l’apôtre aient irrité le souverain sacrificateur ; néanmoins ce dernier était aussi loin qu’il est possible d’avoir la droiture d’un Gamaliel.
L’apôtre fut indigné par son mépris, et le blâma sévèrement : « Dieu te frappera, paroi blanchie ». C’était vrai à tous égards. Ananias n’était qu’un méchant hypocrite. L’allusion faite par notre Seigneur en Matthieu 23:27 aide à comprendre la parole de Paul ; et il paraît que Dieu frappa effectivement l’hypocrite peu de temps après.
En tant que souverain sacrificateur, il siégeait pour juger Paul selon la loi, et là contrairement à la loi il donna l’ordre de le frapper ; mais Paul, dans sa riposte rapide, s’est-il élevé à la hauteur de la grâce comme de la vérité ? L’apôtre avait tout à fait raison, mais il descend plutôt sur le terrain même sur lequel les autres se tenaient ; il avait parlé vivement bien qu’avec vérité, si bien que les spectateurs purent dire : « Injuries-tu le souverain sacrificateur de Dieu ? Et Paul dit : Je ne savais pas, frères, que ce fût le souverain sacrificateur ; car il est écrit : «Tu ne diras pas du mal du chef de ton peuple ».
L’apôtre s’empresse de reconnaître l’erreur, pour autant que c’en fût une, malgré l’indignité de conduite et de langage qui l’avait occasionnée. Ananias était, quoi qu’il en soit, souverain sacrificateur à ce moment-là. Paul le reconnaît. Il n’aurait pas dû parler ainsi de quelqu’un ayant cette position. La parole est claire : «Tu ne diras pas du mal du chef de ton peuple ». Même que ce fût dirigé par Dieu et prophétique, était-ce à l’image de Christ ? N’était-ce pas plutôt le ressentiment immédiat d’un homme juste face à une action injuste ? Il présente ses excuses sur le champ quand il apprend le statut officiel du juge, bien que celui-ci fût injuste. « Je ne savais pas »… Mais Dieu aime guider ceux qui restent directement dépendants de Lui, même quand ils ne connaissent rien des circonstances.
Tout du long, l’apôtre ne semble guère respirer son atmosphère spirituelle habituelle. Cela ressort encore plus clairement de ce qui suit.
« Et Paul, sachant qu’une partie [d’entre eux] étaient des sadducéens et l’autre des pharisiens, s’écria dans le sanhédrin : Hommes frères, je suis pharisien, fils de pharisiens ; je suis mis en jugement pour l’espérance et la résurrection des morts » (Actes 23:6).
Le fond des choses apparaît ici. L’apôtre se sert d’une brèche entre les deux grands partis des Juifs, pour se placer sur le terrain qui engagerait en sa faveur les plus orthodoxes et les plus pieux. « Je suis pharisien, fils de pharisien », s’écrie-t-il. À nouveau, ceci est-il à la hauteur de la vérité qu’il prêchait et aimait ? C’était vrai, incontestablement, mais était-ce Christ tout en tous ? N’était-ce pas plutôt un appel prudent assurant la division de la foule en face de lui pour reculer, quant à lui, sur un terrain bien plus bas qu’à son habitude ?
Néanmoins il y avait une vérité et une vérité importante devant tous ici. « Je suis mis en jugement pour l’espérance et la résurrection des morts ». Ceci cadre tout à fait avec le livre des Actes. Luc commence là où son évangile se termine, avec la résurrection et l’ascension, et d’un bout à l’autre il met en pleine lumière le témoignage au sujet du Seigneur ressuscité. L’apôtre insiste partout et régulièrement sur l’espérance et la résurrection des morts. Cela se rattachait à Christ, le Fils de l’homme ; mais ici il n’introduit pas directement la pleine vérité de Sa personne, pas plus qu’il ne met en avant à ce moment-là la résurrection « d’entre » les morts. La résurrection « des » morts est quand même une grande vérité nécessaire ; et les sadducéens alors au pouvoir n’en voulaient pas, contrairement aux Pharisiens qui y tenaient fermement à leur manière.
L’apôtre connaissait la résurrection dans une mesure incomparablement plus grande. Pour lui elle était inséparable de Christ glorifié, la Tête de l’église, Lequel était vraiment sa vie et son témoignage ; c’est pour ceci qu’il endurait régulièrement rejet et souffrances. Mais à Jérusalem l’apôtre ne se trouve pas avec la même puissance qu’ailleurs. L’esprit du lieu avait son influence ; dans toute cette affaire nous ne le trouvons aucunement selon cette lumière céleste qui habituellement brille tellement partout dans son sillage.
Le souverain sacrificateur Ananias était aussi un vrai représentant du peuple dans son ensemble, et ceux-ci ne valaient pas mieux qu’une paroi blanchie ; ils allaient aussi tomber à leur tour sous les coups de Dieu.
Comme nous l’avons vu, quand l’apôtre se rend compte qu’une partie étaient des sadducéens, et l’autre des pharisiens, il se tourne vers l’auditoire et s’écrie dans la salle : « Hommes frères, je suis pharisien, fils de pharisien ; je suis mis en jugement pour l’espérance et la résurrection des morts ».
« Et quand il eut dit cela, il s’éleva une dissension entre les pharisiens et les sadducéens ; et l’assemblée fut partagée ; car les sadducéens disent qu’il n’y a pas de résurrection, ni d’ange, ni d’esprit ; mais les pharisiens confessent l’un et l’autre. Et il s’éleva une grande clameur ; et quelques scribes du parti des pharisiens se levèrent et contestèrent, disant : Nous ne trouvons aucun mal en cet homme ; mais si un esprit lui a parlé, ou un ange... » (Actes 23:7-9).
Tout au long des Actes des Apôtres, après la résurrection de Christ et la descente de l’Esprit, nous avons vu les sadducéens être à la tête de l’opposition, tandis que c’était les pharisiens lorsque le Seigneur était sur la terre. Cela parait normal. Le Juste était intolérable pour les champions de la justice humaine dont les pensées étaient aux choses de la terre : pesés à la balance de Dieu, ils étaient toujours trouvés manquant de poids. Une fois ressuscité d’entre les morts, les sadducéens se mirent naturellement en action, d’autant plus qu’à l’époque ils étaient au pouvoir. Les souverains sacrificateurs semblent avoir été les uns après les autres de ce parti. La résurrection de Jésus était un coup mortel porté à leur système, comme à l’incrédulité de tous les temps. Car cette résurrection était l’intervention de Dieu en puissance tandis que le monde va son train, et elle était le gage que le Ressuscité reviendra et jugera le monde, car c’est Lui que Dieu a établi Juge des vivants et des morts (Actes 10:42). La résurrection est la seule condition finale de l’homme qui répond aux conseils de Dieu et qui manifestera Sa gloire.
Paul donc, se rendant compte qu’une partie de l’assistance étaient des sadducéens, et l’autre des pharisiens, se prévaut de la vérité soutenue par les pharisiens, — une vérité qui aurait dû élever chacun au-dessus des questions de personnes ou de préjugés. En tous cas, c’est ce que la grâce aime faire, tandis que la chair trouve un misérable plaisir aux luttes continuelles et à l’égoïsme. Il était aussi important ici d’insister sur la résurrection comme une vérité fondamentale du christianisme, la résurrection intervenant non pas simplement à la fin, mais avant la fin. L’apôtre ne se réfère pas ici à la résurrection comme spécifiquement d’entre les morts ; il se contente de parler de ce que tout Juif craignant Dieu reconnaissait — l’espérance et la résurrection des morts, qui n’était certainement pas en vue du jugement des méchants. La résurrection n’était pas contestée, mais professée dès le début. Les saints de l’Ancien Testament l’attendaient, non pas simplement les Israélites, mais aussi ceux qui, comme Job, n’en faisaient pas partie, comme on peut le voir en Job 19:25-27, à propos du Rédempteur qui sera debout sur la terre au dernier jour. Christ devient personnellement, comme tout croyant en Christ le sait, le sceau de la vérité de la résurrection, car dans Son cas il ne s’agit pas seulement de l’homme mort ressuscité, mais ressuscité d’entre les morts ; et c’est ce qui aura lieu pour ceux qui seront ressuscités à Sa venue.
Aucun pharisien ne doutait de la résurrection des morts. Paul n’était pas seulement pharisien, mais fils de pharisien, une expression plus forte que celle du Texte Reçu ou de la version Autorisée anglaise [« je suis un pharisien, le fils d’un pharisien »]. Il appartenait à une famille de pharisiens, qui rejetait la libre-pensée et s’en tenait à la foi commune du peuple de Dieu.
L’effet fut immédiat. Il s’éleva une dissension entre les pharisiens et les sadducéens, et l’assemblée fut partagée. Sans aucun doute l’apôtre n’a pas prêché l’évangile devant eux, ni n’y a rendu le témoignage vers lequel son cœur se tournait habituellement. Christ n’avait pas recouru à de tels procédés quand Il fut jugé. Mais si ce n’était pas à la hauteur de la grâce en Christ, c’était quand même juste en soi. Néanmoins ce ne fut pas un moyen de délivrance pour Paul, au contraire car ses adversaires étaient divisés, et le pouvoir était du côté de ceux qui ressentaient le coup porté à leur incrédulité. « Car les sadducéens disent qu’il n’y a pas de résurrection, ni d’ange, ni d’esprit ; mais les pharisiens confessent l’un et l’autre » (Actes 23:8).
Les sadducéens étaient les sceptiques de l’époque, du plus bas niveau ; ils étaient aveuglés par le matérialisme, l’erreur-poison qui prévaut maintenant partout dans la chrétienté. Combien il est solennel que la pire incrédulité du judaïsme aille maintenant pervertir une immense partie des baptisés de la chrétienté ! Qu’il s’agisse de catholiques ou de protestants, de haute église ou de basse église, ou de dissidents, il n’y a guère de différence. La grande expansion des sciences expérimentales dans le passé récent a nourri ce désordre bien au-delà de l’effet des sciences pures ou mixtes. Tout contribue à favoriser ce mal, y compris les découvertes qui ont apporté tant de commodités personnelles et de jouissances égoïstes. L’homme dans sa vie actuelle devient tout : Dieu est exclu, pour ne pas dire renié, parce qu’Il est invisible.
La résurrection des morts, et encore plus d’entre les morts, est la grande arme de la foi à la fois contre l’erreur dominante et en faveur des âmes en danger de destruction. Le Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts apporte la rémission des péchés par Son nom. C’est Lui à qui tous les prophètes (combien plus l’évangile) rendent témoignage, que quiconque croit en Lui recevra à la fois le pardon [= la rémission] dont il a besoin, et la vie en Christ sans laquelle il n’y a pas de vie pour Dieu (Actes 10:43). C’est cela seul qui était la vraie délivrance du sadducéisme de l’époque, et qui l’est dans le temps présent de ce qui y est apparenté.
« Et un grand tumulte s’étant élevé, le chiliarque, craignant que Paul ne fût mis en pièces par eux, commanda à la troupe de descendre et de l’enlever par la force du milieu d’eux et de le conduire à la forteresse. Et la nuit suivante, le Seigneur se tint près de lui et dit : Aie bon courage ; car comme tu as rendu témoignage des choses qui me regardent, à Jérusalem, ainsi il faut que tu rendes témoignage aussi à Rome » (Actes 23:10-11).
Le commandant en chef Gentil n’était pas habitué aux accès de violence qui éclataient parmi les Juifs quand un différent religieux surgissait et provoquait un soulèvement. À cette époque en effet, si l’indifférence religieuse prévalait extrêmement parmi les païens, ce n’était pas le cas parmi les Juifs, bien que leur condition morale fût extrêmement misérable. Le chiliarque donc, alarmé par l’agitation, fit enlever Paul du milieu d’hommes qui semblaient assez excités pour le mettre en pièces.
L’apôtre avait de quoi être très éprouvé dans ce moment-là. Il avait fait appel au sentiment orthodoxe contre l’incrédulité sadducéenne qui cherchait sa perte, mais il restait prisonnier, même s’il était gardé sain et sauf par les soldats romains. Ce n’était pas la position la plus heureuse pour celui pour qui Christ seul avait de la valeur. Ce qui suit est d’autant plus un effet de la grâce : « Et la nuit suivante, le Seigneur se tint près de lui et dit : Aie bon courage ; car comme tu as rendu témoignage des choses qui me regardent, à Jérusalem, ainsi il faut que tu rendes témoignage aussi à Rome ». En vérité le Seigneur est bon : pas un mot de reproche, rien que l’assurance de l’aider, et Il agit par une manifestation tellement remarquable au moment même où il aurait été naturel de se décourager. La visite de l’apôtre à Jérusalem n’avait abouti à rien du tout de ce qu’il avait désiré. Il aurait pu la considérer comme un pur échec. Le Seigneur ne remarque rien, que son fidèle témoignage ; et Il ajoute qu’il doit ainsi aussi témoigner à Rome.
C’était évidemment le cadre corrigé et correct de la sphère d’action attribuée à Paul : Jérusalem n’en faisait pas partie. C’est à Pierre que l’évangile de la circoncision avait été confié, comme celui de l’incirconcision l’avait été incontestablement à Paul ; et Rome, la métropole du monde de l’époque, relevait de ce dernier. C’était là que l’apôtre devait aller, non pas libre, mais dans les liens, comme prisonnier, et cela convenait au Seigneur, et faisait en même temps partie de Son gouvernement moral parce que Paul avait voulu aller à Jérusalem. Le plus grand représentant de l’évangile devait entrer à Rome enchaîné !
L’évangile a-t-il jamais été autrement à Rome ? Dieu avait certes déjà eu du travail accompli là. De nombreuses âmes, tant Juifs que Gentils, invoquaient déjà le nom du Seigneur avant l’arrivée de Paul, comme l’épître aux Romains le montre, mais il fallait que le grand témoin de l’évangile entre à Rome en tant que prisonnier. S’il a été libéré par la suite, il y retourna, à nouveau prisonnier, pour mourir pour Christ. C’était en effet un type solennel, et préfigurant ce que Rome manifesterait toujours à l’égard de l’évangile de Dieu.
« Et quand le jour fut venu, les Juifs s’unirent et s’obligèrent par malédiction, disant qu’ils ne mangeraient ni ne boiraient jusqu’à ce qu’ils eussent tué Paul. Et ils étaient plus de quarante qui avaient fait cette conjuration. Et ils vinrent aux principaux sacrificateurs et aux anciens, et dirent : Nous nous sommes obligés par un serment d’exécration (*) à ne goûter de rien jusqu’à ce que nous ayons tué Paul. Vous donc, maintenant, avec le sanhédrin, avertissez le chiliarque pour qu’il le fasse descendre vers vous, comme si vous vouliez vous informer plus exactement de ce qui le regarde ; et, avant qu’il approche, nous sommes prêts pour le tuer » (Actes 23:12-15).
(*) Littéralement : « Nous nous sommes maudits avec malédiction », ce qui peut être traduit correctement par « une grande malédiction » [ou (JND) : « un serment d’exécration »].
Il est douloureux de lire la sombre conspiration fomentée par les Juifs à ce moment-là. Ils n’étaient pas meilleurs que les païens, mais plutôt pires car ils avaient plus de connaissance. Il en est toujours ainsi, là où la lumière brille dans une certaine mesure, mais sans grâce ; il en résulte des ténèbres plus épaisses. La fourberie et la violence les caractérisaient, spécialement à l’égard de l’évangile, et Paul lui était identifié plus que tout autre. La parole de Dieu dans la loi, les psaumes et les prophètes ne se vérifiait que trop, dans leur cas. Leurs pieds étaient rapides pour verser le sang, et ils usaient frauduleusement de leur langue. Ils ne connaissaient pas la voie de la paix, mais haïssaient par-dessus tout celui qui la prêchait et la vivait. Hélas ! Il n’y avait pas de crainte de Dieu devant leurs yeux (Rom. 3:15, 13, 17, 18). Il est évident que les chefs religieux étaient autant impliqués que la populace assoiffée de sang ; celle-ci était la proie de chefs rusés qui enseignaient que la religion sanctifie le meurtre (Jean 16:2). Il est donc dit que c’étaient « les Juifs », non pas simplement « certains des Juifs » selon l’expression atténuée du Texte Reçu. C’est ainsi que, lorsque les conspirateurs firent part aux chefs religieux de leur complot pour tuer Paul sur le trajet vers le sanhédrin, ces derniers n’eurent pas un mot de remontrance ni d’horreur ! Les chefs des sacrificateurs et les anciens étaient donc d’autant plus coupables. Dr. Hackett et d’autres citent un passage de Philon qui illustre remarquablement qu’une telle conduite était un principe froidement établi sans le moindre sens de son atrocité. Or Philon était un Juif d’Alexandrie contemporain de ces événements.
Mais Dieu sait comment anéantir les efforts de méchanceté contre Ses serviteurs. Il avait déjà réconforté le cœur de Paul en secret, et maintenant Il opère providentiellement et de manière singulière par le moyen d’un parent de Paul qui se trouvait dans les parages.
« Mais le fils de la sœur de Paul, ayant ouï parler de ce guet-apens, s’en alla et entra dans la forteresse, et le rapporta à Paul. Et Paul, ayant appelé l’un des centurions, dit : Conduis ce jeune homme au commandant, car il a quelque chose à lui rapporter. Il le prit donc et le conduisit au commandant et dit : Le prisonnier Paul m’a appelé, et m’a prié de t’amener ce jeune homme qui a quelque chose à te dire. Et le commandant, l’ayant pris par la main et s’étant retiré à part, lui demanda : Qu’est-ce que tu as à me rapporter ? Et il dit : Les Juifs se sont entendus pour te prier que demain tu fasses descendre Paul devant le sanhédrin, comme s’ils voulaient s’enquérir plus exactement à son sujet. Toi donc n’y consens pas, car plus de quarante hommes d’entre eux lui dressent un guet-apens, lesquels se sont obligés par un serment d’exécration de ne manger ni ne boire jusqu’à ce qu’ils l’aient tué ; et ils sont maintenant prêts, attendant de toi la (*) promesse. Le chiliarque donc renvoya le jeune homme, lui ayant enjoint de ne divulguer à personne qu’il lui eût déclaré ces choses » (Actes 23:16-22).
(*) non pas « une » promesse, mais ce sur quoi ils comptaient.
Quelle qu’ait pu être la hâte de Lysias au début, il semble avoir pris tout à fait conscience de son devoir envers le prisonnier et contre ses ennemis implacables, et avoir finalement cherché à compenser en bonté le tort fait initialement.
Il est instructif aussi d’observer combien l’apôtre était loin du fanatisme dans ses manières d’agir. Car, bien que le Seigneur lui ait miraculeusement garanti d’être sauvegardé afin que le désir de son cœur de rendre témoignage de Christ à Rome lui soit accordé, il ne jugea pourtant pas indigne de faire connaître au chef militaire le complot contre sa vie. La confiance dans la parole de Dieu ne méprise pas les moyens légitimes ni n’en dispense. Il ne manque peut-être pas de gens qui se flattent de pouvoir être plus fidèles ou plus spirituels que Paul.
Le commandant fut prompt à réagir après avoir eu plein d’égards pour le jeune parent de Paul.
« Et ayant appelé deux des centurions, il dit : Préparez deux cents soldats pour aller à Césarée, et soixante-dix cavaliers, et deux cents porte-lances, dès la troisième heure de la nuit ; et procurez-vous des montures, afin qu’ayant mis Paul dessus ils le conduisent en sûreté auprès de Félix le gouverneur. Et il écrivit une lettre conçue en ces termes : Claude Lysias, au très excellent gouverneur Félix, salut ! Cet homme ayant été saisi par les Juifs et étant sur le point d’être tué par eux, je suis survenu avec la troupe et je l’ai délivré, ayant appris qu’il est Romain. Et voulant connaître le motif pour lequel ils l’accusaient, je l’ai fait descendre devant leur sanhédrin ; et j’ai trouvé qu’il était accusé touchant des questions de leur loi, mais qu’il n’était sous le coup d’aucune accusation qui méritât la mort ou les liens. Et ayant été averti des embûches que [les Juifs] allaient dresser contre cet homme, je te l’ai aussitôt envoyé, ayant donné l’ordre à ses accusateurs aussi de dire devant toi les choses qu’ils ont contre lui. Porte-toi bien » (Actes 23:23-30).
Comment l’évangéliste a-t-il eu connaissance de la lettre, on ne le sait pas ; mais elle porte toutes les marques d’authenticité, d’autant plus que nous voyons le commandant ne pas être scrupuleux quant à la vérité, mais chercher à vanter son zèle et ses services auprès du gouverneur. Dieu n’a pas de restriction quant aux moyens, et Il sait tout sans développer de moyens, et Il communique de temps à autre ce qu’il est bon que nous sachions selon qu’Il le juge approprié. En fait, ce n’est qu’après avoir fait lier Paul pour être fouetté que le commandant avait appris qu’il était Romain ; or c’était une grave infraction à la loi et contre un citoyen. Il est cependant tout à fait naturel qu’un païen comme lui fît ce qu’il pouvait pour cacher sa faute en vantant son zèle justement là où il avait failli. Il ne s’attendait guère à ce qu’une lettre censée être réservée à Félix allait figurer de manière indélébile dans l’Écriture Sainte, et que sa fausseté serait rendue évidente par l’histoire, — sans commentaire selon l’habitude de l’Écriture. Le prisonnier béni Paul n’avait pas non plus le moindre désir d’exposer le mensonge. Mais Dieu voulait nous apprendre par là ce qu’est l’homme et ce qu’est Dieu, quand on se confie à Ses soins en ayant horreur du mal et en s’attachant au bien.
L’immense garde fournie pour la sécurité du transfert de ce prisonnier reconnu non coupable, montrait ce que le commandant pensait de la perfidie et de la violence des Juifs, d’autant plus que ce transfert eut lieu la nuit même où le commandant fut informé du complot. Qu’il est triste de voir la vindicte et la tromperie des Juifs abhorrées et contrecarrées par des païens résolus à s’en tenir à la justice et à l’ordre terrestres ! En vérité les fondements étaient mis de côté : non pas que les Romains fussent bons, mais le peuple de Dieu, les Juifs, étaient tristement plus mauvais.
Félix, le procurateur de Judée n’ignorait pas non plus leur état moral, bien qu’il fût lui-même un homme anormalement minable, cruel, et dépravé. Non seulement il était marié à une femme juive, mais il semble avoir été co-gouverneur pendant des années avant d’être promu tout seul à cette dignité, malgré de sérieuses discordances entre Tacite et Josèphe sur ce point. Au cours de ses fonctions il avait amplement fait l’expérience des insurrections, des intrigues, des effusions de sang et des complots ; et en s’occupant de ces affaires, son origine servile n’avait fait que lui donner personnellement un ton plus hautain, et renforcer sa politique impitoyable : c’est ce qui arrive habituellement. Il comprenait aussi facilement qu’une base ténue suffisait aux Juifs pour poursuivre à mort l’objet de leur animosité implacable. Un gouverneur romain n’allait pas diminuer sa fermeté à maintenir la loi romaine en présence de Juifs qui se glorifiaient d’une révélation divine. La providence de Dieu utilisa tout cela en faveur de Son serviteur. L’idée qu’une si grande escorte avait pour but de donner un honneur spécial au ministre de Christ est une erreur grossière : c’est ignorer que la véritable gloire du chrétien est dans sa conformité à la croix de Christ.
« Les soldats donc, selon les ordres qui leur avaient été donnés, prirent Paul et le menèrent de nuit à Antipatris. Et le lendemain, ayant laissé les cavaliers s’en aller avec lui, ils retournèrent à la forteresse. Et ceux-là, étant arrivés à Césarée, remirent la lettre au gouverneur et lui présentèrent aussi Paul. Et quand il eut lu [la lettre] et qu’il eut demandé de quelle province il était, ayant appris qu’il était de Cilicie : Je t’entendrai à fond, dit-il, quand tes accusateurs aussi seront arrivés. Et il donna ordre qu’il fût gardé au prétoire d’Hérode » (Actes 23:31-35).
La description est vivante, comme à l’ordinaire dans les récits de Luc. Kefr-Saba était l’ancien nom de la ville d’où les soldats s’en retournèrent, une fois passés les risques d’embuscade et de poursuite. Quand Hérode reconstruisit cette ville, il appela la ville nouvelle Antipatris, en l’honneur de son père. Elle se trouvait à quelques quarante kilomètres de Césarée, mais considérablement plus de Jérusalem, même par la route directe qui passe à Gophna, découverte par le Dr Eli Smith qui y trouva de nombreuses marques d’usage romain. On estime la distance de Césarée à Jérusalem à environ 110 kilomètres par la route sinueuse passant à Bethhoron et Lydde. Nulle part ailleurs Hérode ne déploya de tels efforts pour rendre une ville magnifique. C’est maintenant une ruine totale. L’apôtre y resta prisonnier pendant des années avant d’être envoyé à Rome. Mais nous allons apprendre davantage sur ce sujet dans le récit qui suit.
L’inimitié religieuse est prompte et inlassable. Déçue d’avoir manqué sa proie par la violence illégitime, elle ne perd pas son temps et se lance dans des procédures judiciaires où l’on peut réussir par des abus sans scrupule, même si le juge n’est pas vénal, mais seulement disposé, selon la nature humaine, à prendre parti pour le côté populaire et contre l’homme juste et pieux.
« Or cinq jours après, le souverain sacrificateur Ananias descendit avec certains (*) anciens et un certain orateur nommé Tertulle, et ils portèrent plainte devant le gouverneur contre Paul. Et quand celui-ci eut été appelé, Tertulle se mit à l’accuser, disant : Puisque nous jouissons par ton moyen d’une grande tranquillité, et que par ta prévoyance des réformes sont prises en vue de cette nation, très-excellent Félix, nous l’acceptons, en tout et partout, avec une entière gratitude. Mais afin de ne pas t’arrêter davantage, je te prie de nous entendre brièvement selon ta clémence ; car nous avons trouvé que cet homme est une peste, et qu’il excite des insurrections parmi tous les Juifs dans toute la terre habitée, et qu’il est un meneur de la secte des Nazaréens ; il a même tenté de profaner le temple : aussi l’avons-nous saisi, [et nous avons voulu le juger selon notre loi ; mais Lysias, le commandant [ou : chiliarque], étant survenu, l’a emmené en l’arrachant d’entre nos mains avec une grande violence, donnant ordre que ses accusateurs vinssent auprès de toi] ; et par lui tu pourras toi-même, en l’interrogeant, arriver à la pleine connaissance de toutes ces choses dont nous l’accusons. Et les Juifs aussi se joignirent à lui pour insister contre Paul, affirmant que les choses étaient ainsi » (Actes 24:1-9).
(*) τινων d’après les manuscrits aleph,A,B,E, et al.
L’importance attachée au procès est évidente quand on voit le souverain sacrificateur se déplacer si loin et si rapidement, même si l’on accepte le témoignage des plus anciens manuscrits qui parlent seulement de certains anciens, au lieu de tout le sanhédrin comme dans le Texte Reçu. Mais les copies plus modernes de celui-ci présentent incontestablement un texte plus difficile à saisir. Si la différence de texte entre manuscrits anciens et modernes avait été inverse, les critiques auraient probablement considéré τινων comme une atténuation de των.
D’après son nom (un diminutif de Tertius comme beaucoup d’autres noms ainsi formés en latin), l’orateur semble avoir été l’un de ces jeunes Romains ou Italiens qu’on trouvait partout où il y avait une cour de justice dans les provinces ; selon toute probabilité, les Juifs l’employèrent à cause de ses connaissances en matière de procédures devant le gouverneur. Son exorde est autant bassement flatteuse que ses affirmations fausses et grossières. La flatterie envers Félix est en contraste flagrant avec la réprobation grave de l’historien Tacite à son encontre (Annales 12.54 ; Historia 5.9), mais il s’y trouvait quand même quelque base raisonnable car Félix avait vigoureusement terrassé les conspirateurs et les rebelles. On ne voit pas ce qu’étaient les prétendues améliorations ou bonnes mesures dont Tertulle fait état. Josèphe ne diffère pas des Romains dans le mauvais rapport qu’il fait sur Félix, et celui-ci n’échappa à la condamnation pour malversations en Syrie que par l’influence de son frère Pallas sur Néron.
Après avoir cherché si grossièrement à se concilier le gouverneur, Tertulle se met à calomnier Paul à partir du verset 5. Il qualifie d’abord l’apôtre de peste, une appellation vague mais très injurieuse ; mais ensuite il va plus loin en précisant péremptoirement qu’il excitait des séditions parmi tous les Juifs dans tout le monde ; les Juifs étaient effectivement et notoirement plus prompts que tous les autres peuples à de telles excitations malfaisantes à cause de leurs circonstances fâcheuses et du fait qu’ils étaient présents partout depuis leur dispersion. Il accuse ensuite Paul d’être un hérétique, ou plutôt un chef de secte, employant ici contre les chrétiens (c’est unique dans tout le Nouveau Testament) ce nom de mépris qu’ils appliquaient à leur Maître, « un meneur de la secte des Nazaréens ». Finalement il renouvelle l’ancienne accusation de profanation du temple — cette rumeur infondée qui avait originellement incité les Juifs à tuer Paul à Jérusalem.
Le passage entre crochets des versets 6 à 8, peut bien être remis en question. Il est omis par des témoins importants et par conséquent n’est pas accepté par les éditeurs Griesbach, Lachmann, Tischendorf, Tregelles, ni par Mill et Bengel avant eux. Alford est indécis. Sans doute les variations sont grandes dans les manuscrits qui ont le contenu de ces crochets. De Wette représente un groupe d’hommes en général assez hardis ; mais ici il est admis qu’on ne peut guère supposer que Tertulle ait aussi peu parlé, ni que Luc aurait omis s’il en avait dit plus ; il est clair que, s’arrêter à la saisie de Paul par les Juifs, sans expliquer comment il fut débarrassé d’eux pour se retrouver sous la garde de Lysias, avant d’être emmené à Césarée, rend le discours anormalement abrupt. Mais le doyen Alford voit dans le verset 22 un argument fort en faveur de l’authenticité des mots contestés, parce que παρ ου, si les mots doivent être insérés, se réfère naturellement à Lysias, et nous voyons Félix renvoyer l’audience finale et la décision jusqu’à l’arrivée de Lysias. Si les mots ne sont pas authentiques, παρ ου se réfèrerait plutôt à Paul, ce qui est improbable selon le doyen. D’autres au contraire considèrent cela comme tout à fait correct pour une première audience, et tout à fait indépendant de la torture, qui dans le cas d’un Romain était bien sûr illégale. On pourrait en dire davantage sur les preuves de l’incertitude qui pèse sur les mots entre crochets, mais il ne semble pas édifiant d’en dire plus, si l’on ne peut pas apporter suffisamment de preuve pour éclaircir la question dans un sens ou dans l’autre. Abréger est en tout cas une faute rare chez les copistes, plutôt enclins à s’aventurer à faire des insertions facilitant la compréhension quand le sens semblait obscur.
Il est triste de voir à quel point le parti juif, le souverain sacrificateur et les anciens, se rendit méprisable, même aux yeux des Romains, par leur méchanceté contre l’évangile (Actes 24:9). Ils étaient tous là, non seulement en train de donner leur assentiment à la vile servilité et au mensonge flagrant de Tertulle (en fait, c’est d’eux qu’il avait reçu ses instructions), mais les voilà maintenant en train de s’associer à son attaque en dépit de toute vérité et toute justice. Le Seigneur avait prévenu Ses disciples à cet égard. « Souvenez-vous de la parole que moi je vous ai dite : L’esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé » (Jean 15:20-21). Oui, c’est là qu’est le secret. Ceux qui disaient être Ses témoins et qui étaient responsables en conséquence, ne Le connaissaient pas, et l’avaient prouvé en rejetant Celui qui est l’image du Dieu invisible, le Témoin fidèle et véritable, Son Fils unique et bien-aimé. De là venait leur inimitié contre Son serviteur, qui faisait sentir à leur conscience la vérité qu’ils ne pouvaient renverser et qu’ils ne voulaient ni croire ni confesser. Une haine mortelle s’ensuivait : le chemin de Caïn contre Abel juste et agréé par Dieu ne s’arrête qu’à la mort. C’est pourquoi le Seigneur continuait en disant ces paroles de Jean 16:2-3 : « Ils vous excluront des synagogues ; même l’heure vient que quiconque vous tuera pensera rendre service à Dieu. Et ils feront ces choses, parce qu’ils n’ont connu ni le Père, ni moi ».
Il n’en a pas été autrement dans la chrétienté, et la source est la même. Les hommes sont revenus aux éléments juifs (qui ne valent pas mieux maintenant que les idoles des nations, comme l’apôtre nous le dit en Gal. 4:1-9), et ont perdu toute vraie connaissance du Père et du Fils, ainsi que de tous les privilèges et les bénédictions de l’évangile. Ceci a toujours conduit à de l’inimitié contre ceux qui demeurent dans la grâce et la vérité qui vinrent par Jésus Christ. Car l’homme est au fond le même partout et en tout temps. Mais qu’il n’arrive pas au chrétien de se glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde lui est crucifié, et lui au monde. Car ni la circoncision, ni l’incirconcision ne sont rien, mais une nouvelle création. Et à l’égard de tous ceux qui marcheront selon cette règle, paix et miséricorde sur eux et sur l’Israël de Dieu ! (Galates 6:14-16).
La défense de l’apôtre est autant caractérisée par la vérité franche et une dignité courtoise, que l’accusation l’avait été par la servilité envers le gouverneur et la malhonnêteté envers l’accusé. On remarque que les Juifs s’associent aux attaques de leur avocat vénal affirmant que ses mensonges étaient des faits (Actes 24:9), tandis que Paul répond sans hâte, attendant que le gouverneur lui en donne l’autorisation par un signe (Actes 24:10).
« Et Paul, après que le gouverneur lui eut fait signe de parler, répondit : Sachant que depuis plusieurs années tu es juge de cette nation, je fais mon apologie avec plus de courage : car tu peux connaître qu’il ne s’est pas passé plus de douze jours depuis que je suis monté pour adorer à Jérusalem. Et ils ne m’ont trouvé, ni dans le temple, disputant avec quelqu’un ou ameutant la foule, ni dans les synagogues, ni dans la ville ; et ils ne peuvent pas te prouver les choses dont ils m’accusent présentement. Mais je te confesse bien ceci, que, selon la Voie qu’ils appellent secte, ainsi je sers le Dieu des pères, croyant toutes les choses qui sont écrites dans la loi et dans les prophètes, ayant espérance en Dieu, — [espérance] que ceux-ci nourrissent aussi eux-mêmes, — qu’il y aura une résurrection, tant des justes que des injustes. À cause de cela, moi aussi je m’exerce à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes. Or, après plusieurs années, je suis venu pour faire des aumônes à ma nation et des offrandes. Sur ces entrefaites, ils me trouvèrent purifié dans le temple, sans attroupement et sans tumulte. Or c’étaient certains Juifs d’Asie, qui auraient dû être ici devant toi et m’accuser, s’ils avaient quelque chose contre moi ; ou bien, que ceux-ci eux-mêmes disent quelle injustice ils ont trouvée en moi, quand j’ai été devant le sanhédrin, si ce n’est ce seul cri que je fis entendre, étant au milieu d’eux : C’est pour la résurrection des morts que je suis aujourd’hui mis en jugement devant vous » (Actes 24:10-21).
Félix avait été longtemps en relations officielles avec les Juifs ; c’était un fait connu dont l’apôtre fait usage à juste raison. Leurs sentiments, leurs habitudes et leurs préjugés lui étaient donc nécessairement plus familiers qu’à un nouveau procurateur. C’est sur cette circonstance que l’apôtre fonde sa sérénité pour présenter sa plaidoirie. Celle-ci est dépourvue de toute flatterie.
Quant à lui-même, il s’était passé si peu de temps depuis son arrivée à Jérusalem que ses allées et venues étaient faciles à retracer. Il n’y était venu — seulement douze jours auparavant — que pour « adorer », ce qui est tout l’inverse d’une sédition ou d’un comportement de peste, et encore moins d’une profanation du temple. Au contraire il apportait « des aumônes à sa nation et des offrandes ». Ceci n’était-il pas tout à fait opposé à une émeute ou une profanation ? Il était libre de discourir s’il le jugeait à propos, mais quant aux faits « ils ne m’ont trouvé, ni dans le temple, disputant avec quelqu’un ou ameutant la foule », ce qui était courant chez ce peuple si zélé et si excitable, « ni dans les synagogues » qui étaient très nombreuses, « ni dans la ville ». Où y avait-il la moindre ressemblance avec un agitateur ? « Et ils ne peuvent pas soutenir les choses dont ils m’accusent présentement ». L’apôtre n’allègue rien de plus que ce défi précis, ou au mieux ce déni, vis-à-vis de la calomnie vague et générale. Les faits établis, dont la preuve était facile et abondante, réfutaient le discours de Tertulle.
Quant à ce qui avait été dit sur « la secte » (Actes 24:5), loin de le nier, il l’avoue ouvertement. « Mais je te confesse bien ceci, que, selon la voie qu’ils appellent secte, ainsi je sers le Dieu de mes pères ». Ceci était important pour le gouverneur. Si les Romains étaient tolérants envers les convictions religieuses des nations qu’ils gouvernaient, ils étaient sévères pour ne pas permettre les innovations, surtout celles tendant à dégénérer en discorde civile. L’apôtre préfère par conséquent, comme dans deux autres occasions pas tout à fait semblables, s’écarter ici de la phrase habituelle, et dire « Dieu des pères » (πατρωω θεω) plutôt que « Dieu de nos pères » (τωω πατερο ημον) comme Kühnöl et d’autres l’ont remarqué. Tandis que les païens, sans Dieu eux-mêmes, appelaient les chrétiens des « sans dieu » ou athées parce qu’ils n’avaient pas d’idoles, les Juifs appelaient l’église « une secte ». Pourtant c’était la seule institution sur la terre qui ne pouvait pas être une secte tant qu’elle était fidèle à Christ. L’apôtre va plus loin cependant et confesse sa foi dans toutes les choses selon la loi et dans toutes les choses écrites par les prophètes. Il n’hésite pas à déclarer hardiment sa foi dans tous les anciens oracles devant le souverain sacrificateur et les Sadducéens qui mésestimaient notoirement les prophètes et qui n’avaient pas de révérence réelle pour la loi. Si les pharisiens s’alliaient à eux en tant qu’« anciens » d’Israël, quelle position de se liguer avec des incrédules contre un vrai croyant !
L’apôtre ne laissait rien dans le vague ici, car il ajoute : « ayant espérance en Dieu, — espérance que ceux-ci nourrissent aussi eux-mêmes, — qu’il y aura une résurrection, tant des justes que des injustes ». Ceci n’aurait guère pu être dit sans la présence des pharisiens, car ceux-ci confessaient la résurrection des morts. Dans leur désir ardent d’abattre Paul et de le punir, ils avaient dû camoufler leur différence d’avec les sadducéens hétérodoxes. La tendance parmi les Juifs semble avoir été de considérer la résurrection comme le simple privilège des justes, ce qui dégénérait inévitablement en la récompense d’Israël dans le royaume du Messie. Mais l’apôtre, guidé par le Saint-Esprit, montre son caractère universel « tant pour les justes que les injustes ».
Cela se déduisait d’un livre aussi ancien que celui de Job ; ce livre est du plus profond intérêt à cet égard comme preuve de la foi des croyants des nations avant la loi. Il est certain qu’en Job 14:12, Job parle de la résurrection de l’homme (de l’homme en tant que tel) quand les cieux ne sont plus et que l’éternité commence, et il la distingue de la résurrection des justes comme lui-même, qui jouiront de leur espérance quand le proche-parent-Rédempteur se tiendra sur la terre (Job 19:25), ce qui est clairement pour le royaume. Naturellement on trouve plus fréquemment les expressions comme la résurrection des justes, la résurrection d’entre les morts, la meilleure résurrection, et d’autres expressions de ce genre, pour encourager et stimuler les saints dans leur souffrance présente ; mais Jean 5:28-29 et Apoc. 20:4-6, 12-13, donnent doctrinalement et prophétiquement les deux résurrections, séparées par un millier d’années, auxquelles Paul fait allusion ici comme la source de toute cette haine de la part de ses adversaires sadducéens.
Mais il n’y avait pas que cela, car Paul leur fait savoir en passant que l’espérance de la résurrection a eu pour lui-même la plus grande influence pratique. « À cause de cela, moi aussi je m’exerce à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes ». Sur ce point, il n’y avait pas que les Juifs pour être faibles, mais la plupart des chrétiens le sont également, et leur foi ne dépasse guère celle des païens profonds qui réfléchissent sur l’immortalité de l’âme. Sans doute l’âme issue du souffle de Dieu, l’homme intérieur, est immortelle ; mais ce n’est pas une sécurité contre le péché, et cela n’implique pas d’immunité contre le jugement. En effet c’est plutôt la raison pour laquelle l’homme pécheur est le seul des êtres sur la terre à avoir une responsabilité morale, à laquelle il ne peut se soustraire ; car, s’il refuse la vie éternelle dans le Fils, il doit être jugé par Lui à la fin, comme l’Écriture en rend abondamment témoignage. Bien sûr le croyant n’a pas besoin d’une mesure aussi terrible pour faire valoir les droits de Christ, mais, ce qui est bien mieux, il L’honore maintenant dans le temps qui suit la croix, il L’honore non pas par une contrainte effrayante et irrésistible, mais avec un esprit bien disposé, comme Celui qui est mort pour lui et qui est ressuscité afin qu’il ne vive plus pour lui-même mais pour Christ (2 Cor. 5:15).
Les gens peuvent raisonner, hélas ! comme beaucoup n’ont pas eu honte de le faire dans la chrétienté, sur le fait que la bénédiction de l’âme est plutôt de nature spirituelle, et que toute espérance associée à la résurrection du corps est extérieure. Mais c’est une séduction de l’ennemi qui les amène à préférer leurs propres pensées à la parole de Dieu ; car celle-ci insiste sur le fait qu’il y a la bénédiction la plus complète pour l’âme dès maintenant, y compris le salut de la manière la plus riche, mais que l’espérance qui nous est propre est la résurrection, ou le changement, à la venue de Christ. Alors seulement nous serons comme Lui, quand le corps d’abaissement sera rendu conforme au corps de Sa gloire (Phil. 3:21). C’est là l’espérance qui donne de la puissance dans l’Esprit pour mortifier nos membres sur la terre, au lieu de s’adonner au rêve commun du bien-être et de l’honneur présentement ici-bas, avant que l’âme aille au ciel pour sa gloire. L’Écriture ne parle jamais ainsi. Elle affirme que déloger pour être avec Christ est une bénédiction supérieure à celle de rester ici-bas (Phil. 1:23). Et pour notre changement éternel et glorieux, elle ne s’arrête jamais en deçà de la venue de Christ (c’est ce changement à Sa venue qui est la vraie espérance qui nous purifie tandis que nous sommes sur la terre).
L’apôtre déclare ensuite qu’après un intervalle de plusieurs années, il était arrivé pour apporter des aumônes à sa nation et des offrandes. Était-ce là l’action d’un homme séditieux, d’une peste ? « Quant à cela [cette affaire d’offrandes], ils me trouvèrent purifié dans le temple, sans attroupement et sans tumulte ». Était-ce là profaner le temple ? « Or certains Juifs d’Asie » — c’était eux les vrais coupables dans cette affaire. C’était de leur précipitation coupable que provenait la fausse accusation. Car les quatre hommes qui avaient fait le vœu n’étaient pas Grecs, mais Juifs ; et c’est à ceux-là seuls que Paul s’était associé dans le temple à la demande de Jacques. Pourquoi ces Juifs d’Asie n’étaient-ils pas là devant lui, comme le requérait la loi romaine ? Et l’apôtre ajoute tranquillement que c’était eux qui « auraient dû être ici devant toi et m’accuser, s’ils avaient quelque chose contre moi ; ou bien, que ceux-ci [c’est-à-dire les Juifs présents à ce moment-là] disent quelle injustice ils ont trouvée en moi, quand j’ai été devant le sanhédrin, si ce n’est ce seul cri que je fis entendre, étant au milieu d’eux : C’est pour la résurrection des morts que je suis aujourd’hui mis en jugement devant vous ».
L’émeute ne provenait que des Juifs eux-mêmes, c’était irréfutable ; elle avait été suscitée par une bévue de leurs frères d’Asie, et voilà qu’ils n’étaient pas là ce jour-là pour être déclarés coupables, comme Félix ne pouvait manquer de s’en rendre compte. Même si les témoins n’étaient pas présents, ceux qui étaient là étaient mis au défi de préciser le mal qu’avait pu faire l’apôtre, à moins que ce ne soit de mettre en avant la grande vérité de la résurrection, ce qui embarrassait vraiment les anciens des pharisiens, autant maintenant qu’auparavant, car ils considéraient assurément ce cri comme vrai et juste, et nullement comme une faute. « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » ; et ceux qui avaient tout d’abord ressenti de la sympathie pour la vérité en jeu, apportaient maintenant leur soutien à l’ennemi contre le grand représentant de l’évangile, alors même qu’ils étaient tous démontrés coupables de l’erreur la plus grossière, et d’une calomnie sans fondement. Pour les hommes engagés dans une campagne, spécialement une campagne religieuse, combien il est difficile de s’arrêter avant l’injustice flagrante lorsqu’ils sont embrigadés du mauvais côté. Quand les gens ont raison, ils peuvent se permettre d’agir en grâce. Les malfaiteurs et les hommes mauvais augmentent les troubles.
Pour prendre sa décision, le procurateur avait maintenant davantage d’information que lorsqu’il n’avait que sa grande expérience passée des Juifs. Il venait d’entendre la réponse limpide et absolument véridique de Paul au discours de Tertulle. Il aurait pu tout à fait juger l’affaire au fond, s’il avait voulu. Mais il était gouverneur autant que juge, et avait affaire à un peuple toujours indocile. La politique, non pas la justice, dictait sa voie, comme cela arrive trop souvent dans le monde, spécialement dans le paganisme des Romains, et encore plus quand on manque de scrupules comme Félix. Quel jour brillant ce sera quand le jugement retournera à la justice (Ps. 94:15). Même à l’heure actuelle où le christianisme a relevé les normes morales des hommes à certains égards, nous sommes loin de cet état où le Roi régnera en justice, et les princes domineront avec droiture (Ésaïe 32:1).
L’évangile ne propose pas, en effet, une pareille amélioration présente du monde. Il proclame la grâce aux impies au nom de Jésus, et cette grâce nous montre les cieux ouverts pour tous ceux qui croient, unis à Lui qui est glorifié en haut. Le chrétien est donc appelé à ne se glorifier en rien sinon en la croix de Christ, par laquelle il est crucifié au monde, et le monde lui est crucifié. Il n’y a donc pas de terrain commun possible entre le monde et le chrétien, s’il est conséquent. Car Celui que le chrétien confesse comme le Seigneur de gloire, seul juste, saint et véritable, le monde L’a condamné à la mort ignominieuse des coupables dans la souffrance. Le monde cesserait d’être le monde s’il Le confessait en action et en vérité. Mais il y a plus : le chrétien voit dans la croix non seulement le jugement à tort du Seul digne, mais aussi le jugement que Dieu porte sur lui-même comme étant totalement mauvais et seulement mauvais devant Lui ; et ce mal est tombé sur Christ pour être non seulement jugé mais effacé justement. Et le chrétien voit en outre le monde incrédule jugé avec son prince, même si la sentence inévitable et irréversible ne sera pas exécutée avant que le Seigneur Jésus apparaisse dans Sa gloire, et nous avec Lui dans la même gloire. Ainsi la séparation d’avec le monde est seule conforme à la vérité pour le chrétien, du fait que le monde demeure l’objet certain de la vengeance divine. « Ne savez-vous pas que l’amitié du monde est inimitié contre Dieu ?» (Jacques 4:4).
C’est ce qui rendit Félix injuste envers Paul, comme Pilate quand il décida de faire souffrir le Seigneur Jésus.
« Mais Félix, ayant plus exactement connaissance de ce qui regardait la Voie, les ajourna, disant : Quand le commandant [ou : chiliarque] Lysias sera descendu, je réglerai (*) votre affaire, — ordonnant au centurion que Paul fût gardé, et qu’il eût quelque liberté, et qu’on n’empêchât aucun des siens de le servir » (Actes 24:22-23).
(*) Note Bibliquest : JND traduit « je prendrai connaissance de » votre affaire.
La latitude accordée indiquait nettement la pensée du juge injuste, s’il avait choisi de juger selon ses convictions. Mais nous apprenons aussi comment Dieu prenait soin de Son serviteur, et tout en lui accordant de souffrir pour l’amour de Christ, Il adoucit sa captivité par le moyen du juge lui-même, sans que Son serviteur l’ait demandé. En vérité toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu, et Lui est honoré par leur foi.
« Or quelques jours après, Félix étant venu avec Drusille sa femme qui était Juive, manda Paul et l’entendit sur la foi en Jésus Christ. Et comme il discourait sur la justice et sur la tempérance et sur le jugement à venir, Félix tout effrayé répondit : Pour le présent va-t’en ; quand je trouverai un moment convenable, je te ferai appeler, — espérant en même temps que Paul lui donnerait quelque argent ; c’est pourquoi aussi il le faisait venir souvent et s’entretenait avec lui. Or, quand deux ans furent accomplis, Félix eut pour successeur Porcius Festus ; et, voulant gagner la faveur des Juifs, Félix laissa Paul prisonnier » (Actes 24:24-27).
L’essence de l’incrédulité c’est que, même si Dieu est reconnu en parole ou en théorie, Il est en fait totalement exclu. C’est ce qui ressort à l’évidence de l’incident suivant où Félix, avec la femme belle d’Azizus roi d’Émesène qu’il avait séduite et prise pour lui, reçut l’apôtre pour l’entendre sur la foi en Christ. Le Romain coupable n’était guère préparé aux nombreux côtés de la vérité, que le Saint Esprit envoyé du ciel dévoile pour s’occuper de celui qui écoute selon son état. Paul discourut, non pas sur les prophètes comme il le fit avec les Juifs, ni sur la résurrection comme il le fit avec les Athéniens, ni sur la croix comme il le fit à Corinthe, mais sur la justice, la tempérance et le jugement à venir. Une mauvaise femme, dit-on, est plus impudente qu’un homme mauvais. Certainement si Drusille en savait plus que Félix, elle semble avoir moins ressenti. L’Esprit inspiré rapporte la frayeur de l’homme, non pas celle de la femme. Mais cela n’allait pas plus loin qu’un effroi passager. Il n’y avait pas de repentance envers Dieu, sinon il ne se serait pas débarrassé de la parole de l’évangile, pénétrante mais salvatrice ; il ne se serait pas contenté d’attendre un « moment plus convenable », qui en réalité ne vient jamais.
Mais un motif plus vil surgit pour inciter ensuite à de fréquentes rencontres : l’amour de l’argent qui est une racine de toute sorte de maux (1 Tim. 6:10). Ce fut donc le sort de Paul de rester prisonnier pendant deux ans de séparation forcée d’avec ce travail d’amour, vaste, libre et actif, si précieux à son esprit, parce que Christ le remplissait surabondamment. Mais c’est aussi Christ qui le fortifiait pour accepter patiemment ses liens, tandis que Félix prouvait pleinement sa dépravation. En effet, Félix ne fut protégé du juste châtiment de ses nombreuses atrocités que par l’influence de son frère auprès de l’empereur.
Le nouveau gouverneur, Festus, donna une nouvelle opportunité aux Juifs. Moralement plus respectable que Félix, il ne connaissait pas Dieu et par conséquent n’était pas un homme de confiance pour l’homme. La foi lui était tout à fait incompréhensible, un enthousiasme. Mais il en apprit rapidement assez sur les Juifs pour se rendre coupable d’accepter de les satisfaire en sacrifiant Paul. La politique est un triste destructeur de conscience.
« Festus donc, étant arrivé dans la province, monta trois jours après de Césarée à Jérusalem. Et les principaux sacrificateurs et les principaux d’entre les Juifs portèrent plainte devant lui contre Paul ; et ils lui présentaient leur requête, lui demandant cette grâce qu’il le fît venir à Jérusalem, dressant des embûches pour le tuer en chemin. Festus donc répondit que Paul serait gardé à Césarée, et que lui-même allait bientôt [y] partir. Que les hommes influents parmi vous descendent donc avec moi, dit-il ; et s’il y a quelque crime en cet homme, qu’ils l’accusent » (Actes 25:1-5).
La providence de Dieu agit de nouveau. D’une part les Juifs cherchaient, sous prétexte d’une faveur, d’attirer l’apôtre dans un guet-apens sur la route de Jérusalem ; de l’autre le gouverneur tenait à la dignité de son office, et ne voulait pas la laisser rabaisser. Comme Paul avait déjà été envoyé à Césarée, il refusa de le renvoyer à Jérusalem. Il est possible qu’il ne sût pas grand-chose, ou même rien du tout, de leurs desseins meurtriers. Dans ce cas, c’était les soins secrets de Dieu pour quelqu’un qu’on attaquait injustement. Mais les rumeurs sur un tel complot pouvaient se répandre facilement. En ce temps-là le gouverneur n’était pas prêt à livrer un citoyen romain à la malveillance de ses ennemis, spécialement à des ennemis Juifs à propos d’une dispute religieuse. Le Seigneur en tout cas veillait sur Son serviteur. L’accusé était à Césarée, et aux yeux des Romains, c’est là que se trouvait le siège de l’autorité judiciaire suprême dans ce pays. Par sa décision, le gouverneur empêchait l’exécution du complot. Lui-même allait bientôt retourner à Césarée : si donc il était question de quelque tort, ils avaient l’occasion d’y descendre pour accuser le prisonnier.
« Et n’ayant pas séjourné parmi eux plus de huit ou dix jours, il descendit à Césarée ; et le lendemain, s’étant assis sur le tribunal, il donna l’ordre que Paul fût amené. Et lorsqu’il fut arrivé, les Juifs qui étaient descendus de Jérusalem se tinrent à l’entour, portant contre [Paul] de nombreuses et graves accusations qu’ils ne pouvaient prouver ; tandis que Paul se défendait, [en disant] : Je n’ai péché en rien, ni contre la loi des Juifs, ni contre le temple, ni contre César » (Actes 25:6-8).
Le cas était aussi simple que possible : Les accusations étaient dépourvues de preuve, et la défense était finalisée. Les Juifs étaient simplement des ennemis acharnés. L’apôtre n’avait commis aucune des nombreuses charges graves dont on l’accablait.
Mais Festus n’était guère meilleur que Félix. Le changement de juge ne fut que légèrement en faveur de la justice. Il y eut le même égoïsme qu’auparavant pour contrebalancer la justice. Impossible d’attendre de la crainte de Dieu de la part d’un païen, bien que certains fussent plus dépravés et injustes que d’autres.
« Mais Festus, voulant gagner la faveur des Juifs, répondit à Paul et dit : Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé quant à ces choses, devant moi ? » (Actes 25:9)
On ne peut que si peu compter sur l’homme. Festus avait justement refusé cette faveur aux Juifs à Jérusalem ; il ne pouvait guère ignorer la raison pour laquelle Paul avait été amené en hâte à Césarée. Le motif qui l’animait, c’était de s’attirer les bonnes grâces des Juifs.
« Et Paul dit : Je suis ici devant le tribunal de César, où je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, comme tu le sais toi-même très bien » (Actes 25:10).
L’apôtre devait avoir des raisons pour parler si nettement.
« Si donc je leur ai fait tort, ou que j’aie fait quelque chose qui soit digne de mort, je ne refuse pas de mourir ; mais si rien n’est vrai de ce dont ils m’accusent, personne ne peut me livrer à eux : j’en appelle à César » (Actes 25:11).
Il est clair que toute la justice dans cette affaire était du côté de Paul. Il revendique donc son titre de citoyen romain contre ceux qui voulaient violer la loi romaine. Il ne soulevait aucune question de changement de la loi, il ne demandait rien pour lui-même, il n’employait aucun avocat. La loi avait déjà jugé, et il plaidait devant celui qui avait la charge de l’appliquer.
Du coup, la difficulté disparaissait. Le gouverneur était lié par l’appel.
« Alors Festus, ayant conféré avec le conseil, répondit : Tu en as appelé à César, tu iras à César » (Actes 25:12).
Le roi, ou empereur, devait entendre le cas, autant que les magistrats subalternes, et ceci non pas en s’aplatissant devant les princes de ce monde, ni en cherchant accès auprès d’eux, mais comme souffrant avec Christ et pour Son nom (Matt 10:18).
Paul avait eu l’intention de visiter Rome après être allé à Jérusalem (Actes 19:21), et Dieu en permit la réalisation, car c’était Son dessein (Actes 23:11). Mais quelle différence entre le chemin sous Sa main et ce à quoi l’apôtre s’attendait ! Il lui fallait aller à Rome en tant que prisonnier. C’était la conséquence de son appel à César — un appel qui n’était nullement garanti a priori, vu les abus possibles. Si la culpabilité était manifeste, il était refusé, et pareillement si le cas était trop futile pour être digne de l’attention de l’empereur. Paul, dont l’innocence était indubitable, et dont la gravité extrême du cas provenait de la mauvaise volonté juive, fit appel quand il vit le procurateur badiner avec la justice pour plaire aux Juifs. Cela résolut le problème pour le moment.
Mais l’Esprit de Dieu voyait que l’homme avait besoin d’un autre témoignage, et l’occasion en fut fournie peu après par la visite de personnes distinguées venues rendre visite au gouverneur romain.
« Or, quelques jours s’étant écoulés le roi Agrippa et Bérénice vinrent à Césarée pour saluer (ou, ayant salué) Festus. Et comme ils séjournaient là plusieurs jours, Festus exposa au roi l’affaire de Paul, disant : Un certain homme a été laissé [ici] prisonnier par Félix, au sujet duquel, lorsque j’étais à Jérusalem, les principaux sacrificateurs et les anciens des Juifs ont porté plainte, sollicitant une sentence contre lui : mais je leur ai répondu que ce n’est pas la coutume des Romains de livrer quelqu’un avant que l’accusé ait ses accusateurs devant lui et qu’il ait l’occasion de se défendre de ce dont il est accusé. Quand donc ils furent venus ici, sans aucun délai, le jour suivant, m’étant assis sur le tribunal, j’ordonnai que cet homme fût amené ; au sujet duquel les accusateurs, se tenant là, n’avancèrent aucune charge relativement aux choses que moi je supposais ; mais ils avaient contre lui quelques questions touchant leur religion (*) et touchant un certain Jésus mort, que Paul affirmait être vivant. Et comme moi j’étais dans l’embarras pour procéder à une information sur ces choses, je demandai [à cet homme] s’il voulait aller à Jérusalem pour y être jugé quant à ces choses. Mais Paul, en ayant appelé, [demandant] à être réservé au jugement d’Auguste, je donnai ordre qu’il fût gardé jusqu’à ce que je l’envoyasse à César. Et Agrippa [dit] à Festus : Je voudrais bien moi-même aussi entendre cet homme. Demain, dit-il, tu l’entendras » (Actes 25:13-22).
(*) Note Bibliquest : JND traduit « culte religieux ».
Le personnage royal introduit ici était le fils d’Hérode Agrippa I, celui dont Actes 12 décrit le sort terrible. Trop jeune pour régner à la mort de son père, Claude lui attribua Chalcis, la principauté de son oncle, avec certains privilèges à Jérusalem ; et le même empereur y ajouta peu après l’ancienne tétrarchie de Philippe et d’autres choses encore, avec le titre de roi. Bérénice était sa sœur aînée, Drusille la plus jeune, et chacune d’elles était en ce jour-là célèbre, ou plutôt infâme, pour des raisons graves. Tout comme Félix et Drusille avaient reçu un avertissement très solennel de la part du prisonnier, c’était maintenant au tour d’Agrippa et de Bérénice avec Festus d’entendre un appel qui ne pouvait qu’émouvoir. La vérité placée devant la conscience implique une responsabilité que l’éternité, pour ne pas parler du tribunal de Christ, manifestera pleinement. Certes l’homme forcé malgré lui de sentir sa puissance peut demander : Qu’est-ce que la vérité ? et sortir endurci et méchant de la présence de Celui qui seul peut donner la réponse adéquate (Jean 18:38). Mais la sagesse est justifiée par tous ses enfants ; c’est ce qu’apprit celle qui avait été jusqu’alors une enfant de folie : Jésus lui fut fait, par Dieu, sagesse et tout ce qui lui manquait (Luc 7:35-50). Pourquoi n’en était-il pas ainsi avec ces hautes personnalités ?
Le motif du gouverneur d’amener Paul devant Agrippa semble avoir été ses doutes quant au rapport à faire à l’empereur. Festus était simplement un homme du monde. Il n’avait aucune notion de grâce ni de vérité. Les réalités invisibles et éternelles n’étaient pour lui que des idées issues de l’imagination. Les choses présentes, changeantes et si éphémères, étaient sa vie et son tout. Dieu n’était dans aucune de ses pensées ; à l’exception du Seigneur Jésus, Dieu demeurait inconnu.
Il y avait un autre obstacle sur son chemin : sa bonne opinion de lui-même, et ses efforts pour réclamer des autres le plus haut niveau d’honnêteté, d’honneur, d’énergie et de prudence. Cela transparaît dans son discours, comme cela imprégnait la lettre d’autosatisfaction de Claudius-Lysias en Actes 23:25-30. Qu’est-ce que l’homme, dont le souffle est dans ses narines ? Un regard sur soi dans la présence de Dieu nous jette dans la poussière et dans la cendre, comme dans le cas de Job quand il était approuvé par Dieu et que ses trois amis ne l’étaient pas. « Comment pouvez-vous croire », dit notre Seigneur (Jean 5:44), « vous qui recevez de la gloire l’un de l’autre et qui ne cherchez pas la gloire qui [vient] de Dieu seul ? » Quand il n’y a pas de jugement de soi, le Sauveur n’est qu’« un certain Jésus », comme tout autre fils d’homme. Celui qui parle ainsi est un pécheur qui mûrit pour le jugement.
Nous ne savons pas ce que Festus pensait des rêveries mythologiques des Grecs et des Romains, et de leur paganisme. Le scepticisme est toujours un facteur dissolvant fatal de la société et du corps politique ; or comme il est une réaction contre l’idolâtrie, il était généralisé parmi les classes éduquées. Il est clair qu’avec le mépris habituel chez ce genre de personnes, ils n’imaginaient jamais la vérité en dehors d’eux-mêmes. À tout cela se rajoutait cette étrange histoire de Jésus mort et ressuscité, la grande pierre d’achoppement de l’incrédulité, et ceci avait surgi au milieu d’un monde affairé et insouciant, au sein d’une race méprisée et assujettie. Cela n’est mentionné qu’incidemment (v. 19) comme un phénomène psychologique chez Paul, et comme la source singulière de l’animosité des Juifs, une race toujours turbulente.
Incapable de donner à l’empereur aucun compte-rendu raisonnable sur le prisonnier qui avait interjeté appel, Festus présente le cas à Agrippa, dont on disait qu’il était très versé dans toutes les questions juives, et à certains égards d’autant plus zélé religieusement qu’il n’était pas de lignée israélite ; en outre Agrippa était notoirement dévoué aux intérêts romains. C’est en effet de cette manière qu’il continua à se comporter tout au long de la grande guerre qui détruisit l’administration politique Juive, leur pays et leur nation, et son long règne se poursuivit jusqu’à la première année de Trajan. Entendre plaider l’affaire pouvait satisfaire la curiosité d’Hérode Agrippa et peut-être aussi soulager Festus de sa perplexité.
L’explication donnée au roi était habile. C’était vrai que ce problème lui avait laissé par Félix. Paul était prisonnier quand Festus arriva dans cette province ; on ne pouvait donc pas s’attendre à ce qu’il connût tout depuis le début. Ensuite il était certain que les chefs des Juifs étaient gravement déchaînés contre ce prisonnier, ce qui avait forcément du poids sur un gouverneur dépourvu, ou presque, d’expérience locale. L’autosatisfaction romaine éclate dans l’assertion d’une politique d’équité inflexible et impartiale : c’était un principe excellent, mais qui n’était pas du tout la règle dans les provinces, pas plus qu’à Rome ; mais il était pratique de le proclamer par un gouverneur comme frein à une injustice flagrante, dont Félix et Festus se rendaient certainement compte dans la procédure en cours. Encore une fois, qui pourrait lui reprocher un manque de zèle pour la cause publique ? Les Juifs avaient été assez prompts pour descendre de Jérusalem pour accuser Paul à Césarée, et le gouverneur n’avait pas perdu un jour pour siéger en juge pour traiter le cas, pour autant qu’il y eut réellement matière à juger selon la loi romaine. Mais il n’y avait rien de tangible devant la cour ; aucune infraction à la paix publique ni au bien public, ni aucun tort privé à caractère de violence ou de corruption. Il était absurde de présenter devant un tribunal romain des sujets comme ceux dont s’occupaient les accusateurs de Paul. Il n’y avait pas de faits, seulement des questions de nature visionnaire.
Il est improbable que même un procurateur romain de Judée eût été malpoli au point de parler des vues controversées comme d’une « superstition », spécialement dans une conversation avec le roi Agrippa ; Paul ne qualifia pas non plus les Athéniens de « superstitieux » quand il leur présenta Jésus et la résurrection. Il semble donc préférable de parler de « questions touchant leur religion » ; ce dernier terme est préférable à celui de « superstition », et en tout cas neutre, selon le sens du mot « religion » chez les auteurs de l’époque dont il reste quelque chose aujourd’hui. On a aussi suggéré de traduire par « leur système cultuel » dans un sens similaire.
Mais quand on connaît la vérité infinie du Fils venu apporter Dieu dans le monde et abolir le péché, combien est choquante l’incrédulité ténébreuse qui saute légèrement par-dessus des faits transcendants en parlant d’« un certain Jésus mort, que Paul affirmait être vivant ». Or c’est là la base de la justification de la gloire morale de Dieu, de la manifestation de Son amour, et de la preuve de Son jugement prochain. Sans cette base, le péché règne par la mort, et la destruction attend les pécheurs, sans exception ni espoir, — il n’y a pas non plus possibilité d’un royaume de justice et de paix, seulement l’enfer rempli des méchants et des maudits. Jésus ressuscité d’entre les morts pour toujours a tout changé.
Nous n’avons pas non plus besoin d’attendre pour voir les résultats glorieux. Le chrétien voit et marche par la foi, non par la vue. Nous nous reposons, non seulement sur un Dieu qui ne peut mentir, mais sur le fait déjà accompli que Jésus est mort comme propitiation pour nos péchés, qu’Il est ressuscité d’entre les morts, et qu’Il s’est assis à la droite de Dieu en haut. Nous nous reposons sur l’accomplissement de la volonté de Dieu dans le sacrifice de Christ s’offrant Lui-même une fois pour toute pour nos péchés ; et maintenant Il siège véritablement comme homme sur le trône du Père, de même qu’Il est descendu d’auprès de Dieu pour devenir homme et apporter une nouvelle gloire éternelle à Dieu par Sa mort. C’est pourquoi Il nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption, et nous qui croyons nous sommes de Dieu en Lui (1 Cor. 1:30), comme autrefois nous étions seulement en Adam, héritiers du péché et de la ruine. Quand le Seigneur reviendra, les résultats apparaîtront devant l’univers, et la création, toute la création, qui gémit maintenant dans la servitude et la corruption, sera délivrée (Rom. 8) : car Il est le second homme et le dernier Adam, et nous règnerons avec Lui en gloire.
Mais la sagesse du monde est folie, car elle ne tient pas compte de la grâce et de la vérité qui sont venues par Jésus Christ, Lui qui est venu chez soi, et les Siens ne L’ont pas reçu. « Il était dans le monde, et le monde fut fait par lui ; et le monde ne l’a pas connu » (Jean 1:10). C’est ce qu’on voyait chez Festus maintenant, et ensuite chez Agrippa : un même aveuglement d’incrédulité, qu’on retrouvait aussi chez d’autres princes de l’époque : car s’ils L’avaient connu, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire (1 Cor. 2:8). La chrétienté est en train de retourner aux ténèbres du paganisme. Jamais parmi les baptisés le naturalisme n’a autant gouverné les pensées des hommes ; jamais auparavant les chrétiens de nom n’ont manifesté une telle incrédulité vis-à-vis de la résurrection du Seigneur Jésus, ou même vis-à-vis de la création. Si Jésus qui a été mort est vivant, c’est qu’Il a les clés de la mort et du hadès ; où est alors la philosophie ? Où est la loi de la nature ? Qu’est-ce qu’une loi naturelle a à faire avec la création ? Encore moins peut-elle s’appliquer à la grâce régnant par la justice en vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur (Rom. 5:21).
Mais revenons à notre passage ; quand Festus mentionne le refus de Paul d’aller à Jérusalem et son appel à César, Agrippa exprime le désir de l’entendre, et une audience est fixée pour le lendemain. Cela conduit à un témoignage plus complet comme nous allons le voir, devant un roi et non pas seulement un gouverneur.
L’audience proposée pour la comparution de l’apôtre devant Agrippa fut complètement différente de celle devant Félix et Drusille. Cette dernière audience était privée, et l’apôtre s’en servit avec un amour divin et un courage saint pour débarrasser ce couple de leur vaine apparence, et pour faire qu’ils se voient eux-mêmes comme Dieu les voit, selon qu’Il jugera bientôt par le Seigneur Jésus. Si les hommes n’étaient pas insensés sous l’effet des ruses et de la puissance de Satan, ils sentiraient toute la grâce que Dieu montre en leur envoyant quelqu’un de fidèle et capable, de bonne volonté et aimant, pour leur dire la vérité infaillible, afin qu’en croyant, ils soient sauvés. Mais s’ils s’accrochent à leurs péchés, cela ne peut pas arriver. La vraie repentance est le compagnon inséparable d’une vraie foi. L’ennemi trouve des excuses plausibles pour retenir les âmes loin des deux. La conscience peut trembler : mais il n’y a pas de vraie repentance tant qu’on ne s’est pas jugé soi-même devant Dieu, et seule la foi produit cela.
Ici l’audience était davantage publique que celles devant Félix ou Festus. Et l’appel à l’empereur, bien qu’il soulageât Festus quant au fond, l’embarrassait par l’absence d’explication rationnelle et tangible de l’affaire à présenter à Néron. C’est pourquoi, quand Agrippa émit le désir d’entendre personnellement l’accusé, Festus fut heureux de saisir l’occasion, et il en fixa la date au lendemain. La bonne connaissance d’Agrippa des affaires juives était une trop bonne aubaine pour la laisser passer, d’autant plus que cela satisfaisait le désir d’un hôte de marque.
« Le lendemain donc, Agrippa et Bérénice étant venus en grande pompe, et étant entrés dans la salle d’audience avec les chiliarques et les principaux de la ville, Paul, sur l’ordre de Festus, fut amené. Et Festus dit : Roi Agrippa, et vous tous qui êtes ici présents avec nous, vous voyez cet homme au sujet duquel toute la multitude des Juifs m’a sollicité, tant à Jérusalem qu’ici, s’écriant qu’il ne devait plus vivre. Mais moi, ayant trouvé qu’il n’avait rien fait qui fût digne de mort, et cet homme lui-même en ayant appelé à Auguste, j’ai résolu de l’envoyer. Mais je n’ai rien de certain à écrire à l’empereur à son sujet, c’est pourquoi je l’ai amené devant vous, et principalement devant toi, roi Agrippa, en sorte qu’après avoir procédé à un examen, j’aie quelque chose à écrire ; car il me semble déraisonnable d’envoyer un prisonnier sans indiquer en même temps les choses qui sont mises à sa charge » (Actes 25:23-27).
Comme d’habitude, notre évangéliste présente la scène de manière vivante ; c’est probablement la raison pour laquelle la tradition a affirmé à tort qu’il était peintre, alors que l’Écriture dit positivement qu’il était médecin, ce dont on a des preuves abondantes à la fois dans son évangile et dans les Actes. Le roi et la reine sont devant nous en grand apparat ; les chefs militaires ajoutent au spectacle, ainsi que les civils les plus distingués ; le gouverneur donne un ordre et le prisonnier est introduit dans la salle d’audience. Festus ouvre les débats. On ne peut admettre que le Romain poli ait voulu insinuer une insulte au sujet de Bérénice quand il dit : « Roi Agrippa, et tous les hommes qui êtes ici présents avec nous ». Sans doute le mot utilisé pour « hommes » n’est pas le mot général ανθροποι, mais le mot précis ανδρες, exprimant les hommes distincts des femmes (γυναικες). Cependant, il est vrai que ανδρες est utilisé régulièrement dans les introduction de discours comme étant plus respectueux, même en présence de femmes (voir Actes 1:16 ; 2:14 ; 3:12 ; 13:16 ; 15:7 ; 17:22) et c’est dans ce sens seulement qu’il est employé ici. Par courtoisie, la distinction est ignorée temporairement. La pensée n’est pas de laisser entendre que la présence de la reine ne fût pas convenable.
Festus va directement au cœur du sujet : « Vous voyez cet homme au sujet duquel toute la multitude des Juifs m’a sollicité, tant à Jérusalem qu’ici, s’écriant qu’il ne devait plus vivre ». On connaissait bien l’antipathie générale et véhémente des Juifs à l’encontre du plus noble de leur race, du serviteur le plus honoré du Seigneur. Ils criaient dans la ville sainte et ailleurs qu’il ne devait plus vivre. Lui, le gouverneur, trouvait que Paul n’avait rien fait qui méritât la mort, mais il n’explique pas pourquoi il avait lui-même occasionné l’appel à l’empereur par sa proposition au prisonnier d’aller à Jérusalem pour y être jugé. Paul savait bien que la religion du monde est ce qu’il y a de moins juste et de plus cruel, aussi avait-il refusé que le tribunal de César soit dessaisi, et il avait fait appel à Auguste. Festus était d’accord sur cet appel, comme nous le savons, et il répète : « J’ai résolu de l’envoyer ».
Mais voilà qu’une autre difficulté surgissait : qu’allait-il écrire et envoyer avec le demandeur. « Mais je n’ai rien de certain à écrire à l’empereur à son sujet ». C’était son motif principal pour tenir l’audience devant Agrippa, qui était versé dans les coutumes juives et leurs doctrines et leurs préjugés. « C’est pourquoi je l’ai amené devant vous, et principalement devant toi, roi Agrippa, en sorte qu’après avoir procédé à un examen, j’aie quelque chose à écrire ». Le gouverneur considérait naturellement, et il le dit, qu’il était absurde d’envoyer un prisonnier sans signifier l’accusation portée à sa charge. Nous verrons cependant que l’audience eut pour résultat un nouveau et vrai témoignage à Christ plutôt qu’une solution à la perplexité du gouverneur.
Luc nous expose la scène d’une manière très vivante. Le roi, dont le gouverneur cherchait l’avis, et qui était lui-même désireux d’écouter, donne une permission polie, et le prisonnier commence sa défense, la main étendue. Les orateurs utilisaient sans doute ce même geste pour inviter leurs compatriotes à écouter, les rhétoriciens pareillement dans leurs écoles ; mais le cœur de Paul s’extériorisait ainsi dans son désir à l’égard des âmes qui allaient entendre un message de Dieu qui, quelle qu’en soit la forme, est le tournant vers le salut ou vers la perdition pour tous ceux qui sont en contact avec lui. Sans doute l’âme est d’un prix inestimable pour quiconque, au vu d’un tel résultat éternel. Pourtant ce n’était pas peu de chose pour l’apôtre d’affronter les grands de la terre, grossis de tout leur train, sans l’avoir cherché, mais à leur demande.
« Et Agrippa dit à Paul : Il t’est permis de parler pour toi. Alors Paul, ayant étendu la main, prononça son apologie : Je m’estime heureux, roi Agrippa, de ce que, au sujet de toutes les choses dont je suis accusé par les Juifs, je dois faire mon apologie aujourd’hui devant toi, surtout parce que tu es au fait de toutes les coutumes et questions qui [existent] parmi les Juifs ; c’est pourquoi je te prie de m’écouter avec patience. Ma manière de vivre donc dès ma jeunesse, telle qu’elle a été dès le commencement au milieu de ma nation et à Jérusalem, tous les Juifs la connaissent, m’ayant connu depuis le commencement, s’ils veulent en rendre témoignage, [et sachant] que, selon la secte la plus stricte de notre culte, j’ai vécu pharisien. Et maintenant je comparais en jugement pour l’espérance de la promesse faite par Dieu à nos pères, à laquelle nos douze tribus, en servant [Dieu] sans relâche nuit et jour, espèrent parvenir ; et c’est pour cette espérance, ô roi, que je suis accusé par les Juifs. Pourquoi, parmi vous, juge-t-on incroyable que Dieu ressuscite des morts ? » (Actes 26:1-8).
Le geste de l’apôtre, ici, est peut être une question secondaire, mais il importe de ne pas le confondre avec ce qu’il fit dans la synagogue d’Antioche de Pisidie (Actes 13:16), ou ce que fit Alexandre dans l’assemblée en tumulte à Éphèse (Actes 19:33). Il s’agissait de « faire signe de la main », ce qui a un caractère et un but tout à fait différent de celui d’« étendre la main », et en plus une main enchaînée comme ici. Quel témoignage de l’inimitié du monde contre la grâce infinie de Dieu en Christ ! Car, même sans parler des œuvres d’amour de Son serviteur, en quoi ce dernier avait-il mal agi ? Il participait aux souffrances de Christ.
On observera la grâce de l’apôtre qui passe sous silence les diverses calomnies des Juifs avancées par leur orateur vénal et par les hommes sans scrupules qui appuyaient ses accusations. Il exprime sa satisfaction d’avoir à parler devant quelqu’un, comme le roi, d’exceptionnellement compétent dans toutes les voies et controverses des Juifs, et il ne manque pas non plus de faire précéder ses remerciements par une allusion à de telles accusations venant de Juifs, non pas des Juifs.
[Note Bibliquest : la traduction de deux pages du commentaire sont ici omises, car elles portent seulement sur une question de présence ou non d’un article et de l’influence sur le sens, en comparaison avec d’autres textes du Nouveau Testament]
On peut noter que l’apôtre demande à Agrippa d’écouter patiemment malgré sa compétence, et dans les versets 4 et 5 il s’étend sur sa vie antérieure bien connue et caractérisée par une foi et une discipline pharisaïque stricte, « au milieu de ma nation à Jérusalem », car tout Juif au courant depuis l’origine pouvait le certifier s’il le voulait.
Mais la question pour laquelle on le jugeait, insiste-t-il, était l’espérance de la promesse faite par Dieu à nos pères (verset 6) à laquelle nos douze tribus, en servant [Dieu] sans relâche jour et nuit, espèrent parvenir (verset 7). Combien il était étrange et scandaleux que, parmi tous les hommes, ce soit les Juifs qui portent accusation contre lui pour cette espérance ! Certainement, son témoignage à Jésus ressuscité n’avait pas affaibli la foi dans la promesse du Messie ou dans la résurrection des morts. Pourtant dans le service de Dieu public et fervent de toute la nation, nuit et jour, celle-ci rendait témoignage de leur espérance d’arriver à la réalisation de cette promesse. Pourquoi jugeait-on incroyable que Dieu ressuscitât des morts ? Le prisonnier croyait avec assurance ce que le service de la nation élue confessait nuit et jour. Les Juifs contredisaient-ils leur propre foi tant vantée ?
Laissant cet argument, l’apôtre revient au récit de sa propre vie, dont il avait dévié un moment.
« Pour moi donc, j’ai pensé en moi-même qu’il fallait faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen : ce que j’ai fait aussi dans Jérusalem ; et j’ai enfermé dans les prisons plusieurs des saints, après en avoir reçu le pouvoir des principaux sacrificateurs ; et quand on les faisait mourir, je leur criais après ; et souvent, dans toutes les synagogues, en les punissant, je les contraignais de blasphémer ; et transporté de fureur contre eux, je les persécutais même jusque dans les villes étrangères » (Actes 26:9-11).
Les épîtres font allusion à plusieurs reprises à la vie de Paul avant sa conversion. Il écrivait ainsi aux Galates : « Car vous avez ouï dire [quelle a été] autrefois ma conduite dans le judaïsme, comment je persécutais outre mesure l’assemblée de Dieu et la dévastais, et comment j’avançais dans le judaïsme plus que plusieurs de ceux de mon âge dans ma nation, étant le plus ardent zélateur des traditions de mes pères » (Gal. 1:13-14). Aux Philippiens il dit : « quant à la loi, pharisien ; quant au zèle, persécutant l’assemblée ; quant à la justice qui est par [la] loi, étant sans reproche » (Phil. 3:5-6). Finalement à Timothée il dit : « moi qui auparavant étais un blasphémateur, et un persécuteur, et un outrageux ; mais miséricorde m’a été faite, parce que j’ai agi dans l’ignorance, dans l’incrédulité » (1 Tim. 1:13).
Il nous fait voir ici à quel point la conscience n’est pas un guide sûr pour l’homme naturel, quels que soient ses appuis religieux. Il considérait que c’était son devoir de s’opposer au nom de Jésus et de persécuter avec zèle tous ceux qui L’invoquaient. Dieu n’accepte pas de tels discours. Il a envoyé Son Fils avec des preuves suffisantes de Sa qualité de Messie pour tous ceux qui voulaient bien comparer Sa parole écrite avec les faits relatifs à Jésus le Nazaréen : la prophétie accomplie, les miracles opérés non seulement par Lui mais par Ses serviteurs, et des miracles à caractère tout à fait particulier, en parfait accord avec un enseignement absolument sans pareil ; et la puissance morale d’une vie sainte s’achevant dans la mort la plus ignominieuse sur la croix, — une mort qu’Il a toujours tenue comme étant le péché de l’homme, mais aussi la grâce de Dieu en rançon pour les pécheurs, tous les sacrifices depuis Abel annonçant cette réalité qui allait venir. Paul avait donc agi par ignorance dans l’incrédulité, comme d’autres qui refusent toute révélation, ou qui font mauvais usage d’une partie de la révélation pour en rejeter une autre plus complète et plus glorieuse.
Quand on est dans un tel état d’incrédulité, plus le zèle religieux est grand, plus il entraîne les fanatiques loin du témoignage de Dieu dans le temps présent. C’est pour cela qu’à Jérusalem, Paul s’était lancé de tout son cœur dans l’opposition à la foi de Jésus comme le Christ, car il estimait que Jérusalem était outragée par ce que Jésus revendiquait. Ici, devant Agrippa, il n’hésite pas à confesser qu’à sa propre honte il avait enfermé en prison « beaucoup de [ou : plusieurs] saints ». Vis-à-vis des Juifs il avait employé l’expression plus vague « cette Voie » (Actes 22:4), tandis que Luc, dans son récit historique, parlait des « disciples du Seigneur » (Actes 9:1). Combien peu pensait-il cela quand il recevait l’autorité requise de la part des sacrificateurs en chef ! Et il ne se bornait pas à emprisonner. Quand il s’agissait de les mettre à mort, il avait donné un vote favorable ! C’était notoire dans le cas d’Étienne, comme ce livre le relate. N’avait-il pas visité toutes les synagogues, punissant souvent les âmes et les forçant à blasphémer si possible ? Et dans son immense folie, ne les avait-il pas poursuivis même dans des villes étrangères ?
Mais un changement puissant allait bientôt intervenir. Il n’y avait pas le moindre signe de fléchissement ici ou là, ni aucun mouvement de pitié pour les victimes, ni aucune trace de jugement de soi-même ou d’hésitation dans la voie qu’il suivait. Jusque là il était la confirmation visible des paroles du Seigneur : « Ils vous excluront des synagogues ; même l’heure vient que quiconque vous tuera pensera rendre service à Dieu. Et ils feront ces choses, parce qu’ils n’ont connu ni le Père, ni moi » (Jean 16:2-3). Ce dernier point était la révélation nouvelle du Messie, venu et rejeté et dont le rejet mettait en lumière le Père et le Fils entièrement inconnus de ceux qui, dans leur zèle pour la loi, éclataient de haine pour persécuter ce qui les dépassait et qui condamnait leur incrédulité.
« Et comme j’allais aussi à Damas pour cela, avec pouvoir et commission de la part des principaux sacrificateurs, en chemin, en plein midi, je vis, ô roi, une lumière plus éclatante que la splendeur du soleil, laquelle resplendit du ciel autour de moi et de ceux qui étaient en chemin avec moi. Et comme nous étions tous tombés à terre, j’entendis une voix qui me parlait et qui disait en langue hébraïque : Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ? Il t’est dur de regimber contre les aiguillons. Et moi je dis : Qui es-tu, Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus que tu persécutes » (Actes 26:12-15).
Jamais il n’y avait eu une démonstration aussi éclatante de la grâce souveraine. Je ne parle pas du côté miraculeux, mais le Seigneur offrait maintenant un cas typique à résoudre, à la lettre pour les Juifs bientôt, en esprit pour le chrétien maintenant : Qu’est-ce qui peut prouver davantage que Christ est tout pour celui qui croit ? À un homme aveuglé jusque là par son zèle légal contre la grâce de Dieu en Christ, ce même Christ se révélait Lui-même, balayant dans le néant tout ce dont un Juif se glorifiait et sur quoi il se reposait, et s’identifiant Lui-même dans la gloire de Dieu avec Celui qui était mort entre deux brigands crucifiés, comme propitiation pour nos péchés, et non pas pour les nôtres seulement mais aussi pour le monde entier.
Sur la terre le Messie doit être établi Roi de Dieu sur Sa sainte montagne de Sion (Ps. 2:6). C’est le décret. Le jugement réduira certainement au silence tous les opposants, qu’ils soient rois ou nations, chefs ou peuples. Leur rage sera aussi vaine que tout ce qu’ils pourront imaginer pour s’opposer. L’exécution du jugement montrera tout clairement à tous. Alors le Messie demandera et recevra les nations en héritage, et les bouts de la terre comme possession. Il les paîtra avec une verge de fer, et les brisera en morceaux comme un vase de potier. La grâce ne sera plus prêchée comme maintenant, mais le royaume établi par la puissance divine sera vu et senti indubitablement ; et les rois de la terre seront intelligents, et les juges recevront instruction, servant l’Éternel avec crainte et se réjouissant avec tremblement (Psaume 2).
Christ est maintenant assis sur le trône du Père, et a un nouvel objet pour son amour (c’est l’église qui est Son corps) et Il a un nouveau témoignage répandu ici-bas par le Saint Esprit et convenant à Sa gloire céleste. Ce mystère est grand, il ne peut en être autrement, car nous parlons de Christ et de l’assemblée ; parallèlement à cela l’évangile de la grâce de Dieu est communiqué à toute créature sous le ciel, tandis que toutes les distinctions de Juifs et de païens disparaissant.
Paul a été appelé à être serviteur de l’assemblée et de l’évangile, comme il le dit lui-même en Colossiens 1:23-25. La manière particulière de sa conversion était, dans la sagesse et la bonté de Dieu, exactement appropriée à ce ministère. Car elle n’était pas seulement une manifestation évidente de la grâce dans son caractère le plus profond, mais elle venait de la gloire céleste entièrement au-dessus des distinctions auxquelles ont donne tant d’importance sur la terre. Cela peut aider à montrer l’immense importance de ce que l’apôtre relate sur ce jour-là, — pour la troisième fois dans le court livre des Actes.
Il est impossible de douter que ce soit une Personne divine qui ait parlé depuis la lumière plus éclatante que celle du soleil à midi,. Si tous étaient prostrés et n’entendirent qu’un son, Paul ne put se tromper sur la voix de Sa bouche, qui lui disait en langue hébraïque : « Saul ! Saul ! Pourquoi me persécutes-tu ? » Combien ce fut accablant, et pourtant béni d’entendre la réponse à sa question pleine d’étonnement : « Je suis Jésus que tu persécutes » ! Ainsi dès le début même, il entendit la vérité que les saints sont un avec Lui. Les persécuter, c’est persécuter Jésus.
Sans nul doute l’apôtre béni eut de nombreuses révélations du Seigneur et de Sa part dans la suite ; et la portée du mystère ainsi que ses conséquences, lui furent révélées par l’Esprit. Il est cependant fort intéressant d’apprendre que le germe de tout fut planté en lui dès l’instant où la grâce opéra dans son âme et l’amena dans la merveilleuse lumière de Dieu, comme nous le voyons ici. Il obéit à la vérité immédiatement. Il est dur de regimber contre les aiguillons, mais le Seigneur avait attiré son cœur dans l’amour de la vérité, quel qu’en fût le coût.
Il ne fut pas désobéissant à la vision céleste, qui désormais laissa son empreinte sur sa vie, sa foi et son témoignage. « Et aussitôt il prêcha Jésus dans les synagogues, disant que lui est le Fils de Dieu » (Actes 9:20). Il était le Messie, mais bien plus Il est éternellement le Fils, maintenant exalté et donné pour être chef à l’assemblée dans les lieux célestes ; Il est Seigneur universel à la gloire de Dieu le Père en vertu du Nom duquel tout genou se ploiera ; Il est notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ. Désormais Saul pouvait dire, et disait : « Pour moi, vivre c’est Christ » (Phil. 1:21).
Les paroles décisives : « Je suis Jésus », furent exprimées à quelqu’un qui ne pouvait douter que Celui qui parlait était le Seigneur ; et en outre, il lui fut dit : « Je suis Jésus que tu persécutes », — ce qui était le germe de ce mystère (combien grand) que l’auditeur étonné devait développer plus que tous les autres, y compris les apôtres. Ce qui suit est du plus profond intérêt.
« Mais lève-toi et tiens-toi sur tes pieds : car je te suis apparu afin de te désigner pour serviteur et témoin, et des choses que tu as vues et de celles pour [la révélation] desquelles je t’apparaîtrai, en te retirant du milieu du peuple et des nations vers lesquelles moi je t’envoie pour ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en moi. Ainsi, ô roi Agrippa, je n’ai pas été désobéissant à la vision céleste ; mais j’ai annoncé premièrement à ceux de Damas, et à Jérusalem, et à tout le pays de la Judée, et aux nations, de se repentir et de se tourner vers Dieu, en faisant des œuvres convenables à la repentance. À cause de cela les Juifs, m’ayant pris dans le temple, cherchaient à me tuer. Ayant donc reçu le secours qui vient de Dieu, me voici debout jusqu’à ce jour, rendant témoignage aux petits et aux grands, ne disant rien d’autre que ce que les prophètes et Moïse ont annoncé devoir arriver, [savoir] qu’il fallait que le Christ fût soumis aux souffrances, et que, le premier, par [la] résurrection des morts, il devait annoncer la lumière et au peuple et aux nations » (Actes 26:16-23).
Une telle vision avec un tel but grava sur Paul le titre d’apôtre dans son caractère le plus élevé. Cela venait du ciel dans la puissance de la vie de résurrection, et la gloire de Son ascension ; et ceci non seulement par un acte déterminant, mais avec la garantie de tout ce qu’il devrait faire connaître personnellement dans le futur. Sur la base de ce seul récit, nous ne saurions pas qu’il fut aveugle trois jours et qu’Ananias fut envoyé directement par le Seigneur pour le guérir et le baptiser. Nous n’avons pas non plus les détails de son témoignage à Damas et à Jérusalem, ni son voyage en Arabie. Chaque fait est présenté à la place qu’il fallait ; tout y est dit non seulement fidèlement, mais selon un dessein saint et divin, comme c’est toujours le cas dans l’Écriture. Le Seigneur conduisit Luc et Paul selon Sa volonté à dire ce qui convenait. Ici l’apôtre résume ce qui était important pour son auditoire, et pour tous ceux qui liraient et pèseraient ses paroles ensuite.
Ce n’était pas seulement pour le convertir et le sauver que le Seigneur avait parlé à Saul de Tarse. Il devait se lever et se tenir sur ses pieds, car le Seigneur lui était apparu pour le nommer serviteur (υπηρετην) et témoin, à la fois des choses qu’il avait vues alors et de celles pour la révélation desquelles Il lui apparaîtrait. Une œuvre était placée devant lui, une œuvre d’une amplitude immense et d’un caractère sans précédent. Les révélations du Seigneur alors et par la suite furent de toute importance. Il devait être aussi un serviteur typique, malgré l’unicité de son appel, car aucun de ceux qui suivraient dans la foi et les traces de Paul ne bénéficierait d’une telle apparition.
Le verset 17 n’est bien rendu ni par la version autorisée anglaise ni par la version révisée. Bien que le mot puisse signifier « en te délivrant », comme c’est souvent son sens, sa signification plus simple de « retirer » convient bien mieux au contexte et à la vérité voulue et vérifiée dans la carrière de l’apôtre. Il est admis de toute part que le fait que le Seigneur retire Saul du milieu du peuple (des Juifs) est le sens qui convient, mais De Wette et Meyer allèguent que cela ne s’accorde pas avec les nations. Cela semble tout à fait une erreur. La séparation de tous les deux caractérise tout à fait bien sa position, et il n’est pas besoin d’étendre « vers lesquelles je t’envoie » au-delà des nations. Il devait être l’apôtre des nations ou de l’incirconcision, et comme tel magnifier sa fonction en Romains 11:13-14. Le « Je » est emphatique, et l’adverbe « maintenant » est ajouté seulement par des témoignages de qualité inférieure.
La difficulté que ces érudits ressentent est due à leur ignorance de la position chrétienne, et même du christianisme selon l’Écriture. Car le Juif croyant en Christ n’est pas rabaissé à quelqu’un des nations, ni le croyant des nations élevé au niveau d’un Juif ; mais le Saint Esprit unit les deux à Christ dans la gloire céleste, tandis qu’en même temps l’évangile de la grâce est répandu sans discrimination, mais en pratique aux nations puisque la nation autrefois favorisée est livrée à un aveuglement temporaire par le juste jugement de Dieu. Il n’y eut jamais un représentant plus frappant des deux (Juifs et nations) que l’apôtre, serviteur de l’église et serviteur de l’évangile (Col. 1:23-25). Stier n’a remarqué que la moitié de la beauté du contraste ; car si Pierre se déclare « un témoin des souffrances de Christ et ayant part à la gloire qui va être révélée », Paul était un témoin de la gloire de Christ et il a participé à Ses souffrances ; et c’est lui que nous sommes appelés à imiter, bien que nous ne voyons Christ glorifié que par la foi. Partager Ses souffrances est la gloire morale du chrétien et du croyant.
Le verset 18 donne ensuite une description vivante de l’œuvre de Paul parmi les nations : « ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en Moi ». Sans doute qu’en réalité les Juifs avaient autant besoin de ces opérations de la grâce que les nations ; mais pour ces dernières, la nécessité en était bien plus évidente, car ils étaient dégradés dans l’immoralité éhontée et par les superstitions grossières qui les obscurcissaient et les démoralisaient davantage que s’ils n’avaient pas eu de religion du tout. Si, comme les Juifs le disent, il était réservé au Messie d’ouvrir les yeux des aveugles littéralement, nous voyons ici comment Il envoya Son apôtre faire le travail, non pas physiquement seulement mais moralement. Et ceci fut manifesté par ceux des nations qui, entendant l’appel du Seigneur, se tournèrent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu (ceci définit encore davantage la source du changement) ; à tout ceci s’ajoutaient les grands privilèges caractéristiques de l’évangile, la réception de la rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés par la foi en Christ. Car il y avait maintenant une sanctification nouvelle, plus profonde et plus complète, non pas charnelle ni simplement par ordonnances comme celle d’Israël, mais vivante et véritable par la foi en Christ ; elle était le résultat permanent d’une séparation accomplie pour Dieu dès le point de départ chrétien.
L’effet de cette annonce de l’effet de la grâce souveraine, non seulement pour Paul lui-même mais dans sa mission, fut immédiat et immense. « Ainsi, ô roi Agrippa, je n’ai pas été désobéissant à la vision céleste ; mais j’ai annoncé premièrement à ceux de Damas, et à Jérusalem, et à tout le pays de la Judée, et aux nations, de se repentir et de se tourner vers Dieu, en faisant des œuvres convenables à la repentance » (Actes 26:19-20). Indiscutablement, méconnaître une telle vision et un tel appel aurait été non seulement de la rébellion, mais aussi de la folie et de la destruction ; mais l’apôtre donne comme justification (que seule une folie opiniâtre pouvait éluder ou esquiver) sa vie de souffrances et de labeurs sans égal passée à rendre témoignage de la vérité de cette vision — une vérité de la plus haute importance pour tout homme. De là, son zèle brûlant pour annoncer à tous, au près et au loin, qu’ils devaient se repentir et se tourner vers Dieu, en faisant des œuvres convenables à de la repentance. Car comme la base de l’Évangile réside dans une Personne révélée et des faits accomplis (non pas seulement une promesse comme autrefois), aucun appel à croire ne peut être agréable au cœur de l’homme du fait que la conscience est mauvaise et la volonté étrangère à Dieu, et même inimitié contre Lui ; seule la grâce peut effectuer quoi que ce soit de vital ou d’acceptable.
Il y a des doctrines infiniment plus profondes ailleurs, et incomparablement plus proches du cœur de l’homme, sans parler du fait qu’elles sont essentielles pour l’avancement de la gloire de Dieu. Mais toutes ces doctrines découlent de Christ et de Son œuvre, et un enfant né de nouveau peut se reposer en confiance sur les unes et les autres et être amené à l’émerveillement, à l’amour et à la louange, ainsi qu’à une vie de dévouement et d’abnégation. Ceci, cependant, ne peut jamais être dissocié de la repentance et du fait de se tourner vers Dieu. Aussi sûrement qu’il y a la foi des élus de Dieu (Tite 1:1), il y a une repentance opérée divinement qui, par la confiance que Christ inspire, gagne l’âme vers Dieu dans le dégoût de soi et la recherche sincère de Sa volonté, faisant des œuvres convenables à la repentance.
Ce serait incroyable si ce n’était pas absolument certain, qu’une foi et une vie ainsi formées sont abominables aux yeux des Juifs. « À cause de cela les Juifs, m’ayant pris dans le temple, cherchaient à me tuer » (Actes 26:21). Mais aucune de ces choses ne fit dévier ni n’affecta l’apôtre béni, sauf qu’il en fut peiné. « Ayant donc reçu le secours qui vient de Dieu, me voici debout jusqu’à ce jour, rendant témoignage aux petits et aux grands, ne disant rien d’autre que ce que les prophètes et Moïse ont annoncé devoir arriver, [savoir] qu’il fallait que le Christ fût soumis aux souffrances, et que, le premier, par [la] résurrection des morts, il devait annoncer la lumière et au peuple et aux nations » (Actes 26:22-23).
Pour les Juifs ce n’était pas une erreur d’attendre un royaume glorieux du Messie, dont Israël serait le centre sur la terre ; mais la loi et les prophètes étaient clairs que le Messie devait souffrir et mourir en sacrifice, et qu’Il devait être rejeté par l’homme, et même par Israël, et qu’étant ressuscité d’entre les morts Il devait apporter la bénédiction de la grâce et de la miséricorde pour la foi, avant que la gloire soit révélée publiquement. Car il n’est pas besoin de raisonnement pour prouver que les souffrances et la mort ne peuvent pas se situer après la gloire ; « mais auparavant il faut qu’il souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté par cette génération » (Luc 17:25). « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât dans sa gloire ? Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les écritures, les choses qui le regardent » (Luc 24:26-27).
Paul avait bien placé la vérité devant le roi. Les prophètes et Moïse avaient annoncé ce qui était maintenant accompli dans le Christ que Paul prêchait. Si leur témoignage était divin, Celui qui avait souffert et était ressuscité d’entre les morts est leur sûr accomplissement, même si beaucoup reste à être accompli. À la question de savoir si le Christ devait souffrir et si, étant le premier ressuscité d’entre les morts, Il devait proclamer la lumière à la fois au peuple et aux nations, — on ne peut que répondre franchement et affirmativement. Le Messie qui devait souffrir, mourir, ressusciter et ainsi répandre la lumière universellement sur les hommes, c’est ce qu’on trouve dans toute sa force dans la loi et les prophètes. Cela seul donne un sens aux sacrifices, et explique la purification des souillés. Sans doute il y a le royaume à venir, et le jugement du monde et des morts, mais la base même de tout le reste repose sur le Messie mort et ressuscité, objet de la foi à salut à quiconque croit, Juif ou Gentil. Ici cependant, l’apôtre ne va pas plus loin que ces faits actuels.
« Et comme il parlait ainsi pour sa défense, Festus dit à haute voix : Tu es hors de sens, Paul ; ton grand savoir te met hors de sens. Mais Paul dit : Je ne suis point hors de sens, très-excellent Festus, mais je prononce des paroles de vérité et de sens rassis : car le roi a la connaissance de ces choses, et je parle hardiment devant lui, car je suis persuadé qu’il n’ignore rien de ces choses : car ceci n’a point été fait en secret. Ô roi Agrippa ! crois-tu aux prophètes ? Je sais que tu [y] crois. Et Agrippa [dit] à Paul : Tu me persuades avec peu [de peine] (1*) d’être chrétien. Mais Paul [dit] : Plût à Dieu que à la fois avec peu et avec de grandes [peines] (2*) non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’entendent aujourd’hui, vous devinssiez tels que je suis, hormis ces liens. Et (3*) le roi se leva, et le gouverneur et Bérénice, et ceux qui étaient assis avec eux ; et quand ils se furent retirés, ils conférèrent entre eux, disant : Cet homme ne fait rien qui soit digne de mort ou de liens. Et Agrippa dit à Festus : Cet homme aurait pu être relâché, s’il n’en avait appelé à César » (Actes 26:24-32).
(1*) Note Bibliquest : JND traduit : « tu me persuaderas bientôt » en indiquant en note que le sens littéral est « tu me persuades en peu [de temps] ».
(2*) Note Bibliquest : JND traduit : « Plût à Dieu que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’entendent aujourd’hui, vous devinssiez de toutes manières tels que je suis, hormis ces liens », en indiquant en note que le sens littéral de « de toutes manières » est « en peu et en beaucoup ».
(3*) Le Texte Reçu ajoute « quand il eut dit ces choses », avec beaucoup de manuscrits, mais en opposition aux manuscrits les plus anciens et les meilleurs. Le texte ancien [retenu ici] donne l’impression d’une fin abrupte de la part d’Agrippa ; le rajout du Texte Reçu supprime cette impression.
Festus, ignorant de Dieu et de Sa parole, fut déconcerté au plus haut point par l’affirmation de la résurrection du Messie, et il oublia la gravité de l’affaire et de sa fonction en traitant l’apôtre de fou, bien qu’il atténuât le terme en l’imputant à son grand savoir. Paul demeura calme dans le sentiment de la présence de Dieu et de la vérité qui seule donne la vraie liberté, et c’est lui qui montre la seule élévation morale qu’on pût détecter dans cette foule splendide, et c’est donc avec une réelle politesse qu’il réfute l’accusation absurde avec des mots empreints de la vérité dont il témoignait, et de la sobriété avec laquelle il exposait tout devant l’auditoire.
L’amour donne un œil simple. Avec ce discernement perçant qui le caractérisait, l’apôtre se détourne du païen plongé dans les ténèbres, qui ne voyait rien au-delà de la vie présente et ramenait celle-ci seulement à une question de pouvoir, de plaisir et de célébrité, — une totale dégradation de l’âme immortelle (la seule cohérence qu’il avait, c’était d’exclure la lumière de la vérité et les avertissements d’une conscience qui n’était pas totalement ignorante du péché). L’apôtre se détourne donc du païen pour se tourner vers le roi Juif qui, tout immoral qu’il était, savait tout à fait ce qui le condamnait, et connaissait les glorieuses visions dont le Messie est le centre dans l’Écriture sainte. « Car le roi », dit-il, « a la connaissance de ces choses, et je parle hardiment devant lui, car je suis persuadé qu’il n’ignore rien de ces choses : car ceci n’a point été fait en secret ». Il était de notoriété publique que personne plus qu’Hérode Agrippa junior n’était autant intéressé, et familier avec tout ce qui touchait les Juifs. Mais la simple connaissance des faits ne profite guère, à moins que le Saint Esprit ne fasse sentir la parole de Dieu à la conscience exercée, — à moins que l’âme se courbe devant Dieu avec le sentiment accablant de son péché et de sa ruine, s’accrochant pourtant à l’espérance de Sa miséricorde ! À celui qui reconnaissait le caractère divin de l’Écriture, l’apôtre pouvait parler avec un degré de liberté autre qu’avec celui qui refusait et méprisait l’Écriture.
C’est pourquoi il se mit de manière tout à fait inattendue à faire appel à la conscience du roi : « Ô roi Agrippa ! Crois-tu aux prophètes ? Je sais que tu y crois ». Surpris dans son imperturbable autosatisfaction, et s’efforçant de cacher sa confusion par une plaisanterie par ce qui n’est pas une réponse, le roi réplique : « Tu me persuaderas bientôt d’être chrétien ».
Il est clair qu’Agrippa n’avait pas de réponse à ce qui avait été montré à partir de l’Écriture et par les faits de l’Évangile. Il est également clair que la conclusion était irrésistible, et qu’il s’efforça de l’éluder. La vérité n’est pas une question de raisonnement, mais de foi dans le témoignage de Dieu : seulement il ne peut y avoir de racine que si la conscience reconnaît le péché et regarde à la grâce de Dieu malgré ce péché. Christ et son œuvre sur la croix donnent confiance à l’âme troublée, parce que Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour la double bénédiction que nous vivions par Christ, et que Celui-ci meure comme propitiation pour nous, — le pécheur a autant besoin de l’une que de l’autre de ces bénédictions qui découlent de Dieu lui-même. La foi dans le témoignage de Dieu rendu à Son amour qui a donné Son Fils, reçoit ces bénédictions infinies en Christ. Mais ce n’est pas seulement une découverte de nos pensées ; si c’était le cas, cela ne servirait à rien. C’est seulement pour le petit enfant, pour le cœur brisé, pour le pécheur qui a conscience de sa ruine, que la vérité vient de Dieu. Car Il appelle les âmes à Sa connaissance, il ne forme pas des théologiens. C’est le salut révélé en Christ, non pas une science religieuse que le monde se construit pour lui-même à partir de ce salut.
L’apôtre relève donc la parole du roi dite pour échapper à d’autres discussions, et la relève avec un amour et une dignité qui convenaient au Saint Esprit qui habitait en lui. C’est l’expression simple mais profonde d’un cœur suprêmement heureux dans le Sauveur, et dans l’assurance de la grâce qui pouvait s’étendre non seulement à Agrippa, mais à tous ceux qui composaient l’auditoire ce jour-là. Quelle miséricorde envers l’homme ! Quelle bonté de Dieu ! Quelle puissance et quelle plénitude inépuisables dans le nom de Jésus ! Même sous sa forme très générale, un souhait aussi ardent de bénédiction représentait beaucoup. Mais plus nous considérons clairement ses paroles, plus l’émerveillement grandit. « Plût à Dieu que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’entendent aujourd’hui, vous devinssiez de toutes manières tels que je suis, hormis ces liens ».
Cette largeur de cœur convient admirablement à Paul qui faisait connaître la justice de Dieu envers tous et sur tous ceux qui croient (Rom. 3:22). Cette propension à prendre beaucoup de peine est en harmonie avec celui qui était débiteur à la fois aux Grecs et aux barbares (Rom. 1:14), aux sages et aux insensés, qui travaillait nuit et jour pour n’être à charge à personne et prêchait l’évangile à tous. Mais le bonheur parfait de son âme déborde quand il demande qu’il plaise à Dieu qu’ils puissent être tous tel qu’il était. Quoi ! L’homme qui avait été battu et laissé pour mort, et qui était en prison depuis des années, reconnu innocent par les gouverneurs successifs, et pourtant enchaîné nuit et jour à un soldat pour plaire à un peuple que ces gouverneurs méprisaient et haïssaient. Oui, c’est bien là l’homme qui fait des souhaits pour eux tous, afin que de toutes manières, ils soient non seulement pardonnés et sauvés (c’était déjà un très bon souhait !), mais bien plus, beaucoup plus, qu’ils deviennent comme lui, rempli de la joie consciente d’être béni avec Christ et jouissant de la faveur présente et sans nuages de Dieu. En vérité, le christianisme normal n’est rien moins que cela. Cependant il ajoute : « hormis ces liens » : cela il ne pouvait le souhaiter à personne, et il ne le souhaitait pas. C’était vraiment une âme qui se tenait dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle (Jude 21).
Y eut-il quelque réponse de la part d’un cœur ou d’une conscience touchée ? Nous ne le savons pas, mais nous savons seulement que la cour se retira tout de suite, reconnaissant pourtant que le prisonnier ne méritait ni la mort ni les liens. Agrippa, le plus compétent pour parler, déclara spécialement qu’il aurait pu être libéré s’il n’y avait eu son appel à César. Combien le roi connaissait peu le propos de Dieu et Ses voies ! Paul qui avait souffert avec Christ, serait appelé en son temps à souffrir pour Lui. Au moment voulu, son vœu serait accompli d’être rendu conforme à la mort de Christ (Philippiens 3:9-11).
Là-dessus suit le voyage de l’apôtre à Rome, un récit plein d’intérêt à tous égards. Tout croyant y trouvera rafraîchissements et encouragements en se penchant sur les détails et en voyant le prisonnier parfaitement maître de la situation à bord du navire dans la tempête, et lors du naufrage, autant qu’il l’était précédemment en présence de juges et d’un roi qui attestaient de son innocence. Et quel lecteur (peu importe la version qu’il lit), même s’il est croyant, pourrait s’attendre à trouver dans ce récit autant d’informations sur la réalité d’un navire marchand d’autrefois, et même peut-être davantage que l’on en trouve dans tout ce qui reste des auteurs grecs et romains ? Tous les érudits devraient en tout cas le savoir. C’est ce que le doyen Howson reconnaît dans le dictionnaire biblique de Smith ; or la qualité de son jugement est notoire.
« Or après qu’il eut été décidé que nous ferions voile pour l’Italie, ils remirent Paul et quelques autres prisonniers à un centurion nommé Jules, de la cohorte Auguste. Et étant montés sur un navire d’Adramytte devant faire voile pour les lieux [qui sont situés] le long de la côte d’Asie, nous partîmes, Aristarque, Macédonien de Thessalonique, étant avec nous. Et le jour suivant nous arrivâmes à Sidon ; et Jules, traitant Paul avec humanité, lui permit d’aller vers ses amis pour jouir de leurs soins. Et étant partis de là, nous voguâmes à l’abri de Chypre, parce que les vents étaient contraires ; et après avoir traversé la mer qui baigne la Cilicie et la Pamphylie, nous arrivâmes à Myra [une ville] en Lycie ; et là, le centurion ayant trouvé un navire d’Alexandrie qui allait en Italie, nous y fit monter. Et naviguant pesamment durant plusieurs jours, et étant arrivés avec peine à la hauteur de Cnide, le vent ne nous permettant pas d’avancer, nous côtoyâmes la Crète, vis-à-vis de Salmone ; et l’ayant longée avec peine, nous arrivâmes en un lieu qui est appelé Beaux-Ports, près duquel était la ville de Lasée. Et comme il s’était écoulé assez de temps, et que la navigation était déjà périlleuse, parce que le jeûne aussi était déjà passé, Paul les avertissait, disant : Hommes, je vois que la navigation sera accompagnée de revers et de beaucoup de dommage, non seulement quant au chargement et au navire, mais même quant à nos vies. Mais le centurion se fiait plus au pilote et au patron du navire qu’à ce que Paul disait. Et comme le port n’était pas commode pour hiverner, la plupart furent d’avis de partir de là, afin d’atteindre, s’il était possible, Phénice, port de Crète regardant vers le nord-est et le sud-est, afin d’y passer l’hiver. Et comme le vent du midi soufflait doucement, pensant qu’ils étaient venus à bout de leur dessein, ils levèrent l’ancre et côtoyèrent de près [l’île de] Crète » (Actes 27:1-13).
Nous voyons d’abord que Luc accompagne l’apôtre dans ce voyage, ainsi qu’Aristarque. Toutes les versions anglaises protestantes depuis Tyndale écrivent « un Aristarque » (Actes 27:2), ce qui, dans ce cas, est tout à fait injustifié. On a déjà trouvé Aristarque à plusieurs reprises dans ce livre comme compagnon de l’apôtre (voir Actes 19:29 ; 20:4 ; il est nommé ensuite en Colossiens 4:10 ; Philémon 24). Ni Luc ni Aristarque ne semblent avoir été prisonniers à ce moment-là. Tous deux accompagnaient celui qui était ainsi traité. L’amour les conduisait à s’associer à lui en face de la honte et du danger. Ils ne rejetaient pas loin leur confiance qui a une grande récompense (Héb. 10:35).
Sur le centurion Jules, on ne sait certainement rien de plus que ce qui est mentionné ici ; nous pouvons voir au moins son amabilité, et le respect moral inspiré par l’apôtre du début à la fin ; on peut peut-être dire que ce respect a été un moment mis en veilleuse, mais cela n’a fait que l’accroître toujours plus par la suite, comme nous allons le voir. Il semble qu’il n’y avait pas de cohorte Auguste spéciale, et le texte ne dit pas qu’il commandât une cohorte portant ce nom. On sait que l’empereur Néron avait en ce temps-là une garde personnelle organisée, constituée de vétérans spécialement appelés pour le service. Jules peut en avoir été un officier. On les appelait les Augustins (Tacite, Annales 14.15). Il ne nous est pas dit pourquoi il était en Palestine : étant là, on peut bien comprendre que les prisonniers et les soldats aient été mis sous ses ordres pendant son retour à Rome.
Il est étonnant qu’on ait émis des doutes sur le mot « Asie » au verset 2. Il ne s’agit ni du continent, ni de l’Asie Mineure, mais de la province romaine, qui n’était que la côte ouest de l’Asie mineure comme d’habitude dans ce livre.
« Ses amis » au v. 3 sont les croyants de Sidon, une façon de parler qu’on retrouve dans la 3ème épître de Jean, verset 15. Les temps mauvais les manifestaient : les faux frères se détournaient, ayant honte de la croix. Ce que furent les « soins » dont il est question n’est pas précisé, peut-être à dessein, de manière à inclure n’importe quelle situation ultérieure.
La route à l’abri de Chypre passait dans ce cas par le nord de l’île, les vents étant contraires. De là ils longèrent le sud de la Cilicie et de la Pamphylie. Sinon la route directe serait passée par le sud de Chypre. Mais il semble que le bateau ait dû accoster en des lieux qui les appelaient au nord (Actes 27:2). Myra se trouvait droit au nord d’Alexandrie ; si bien que le bateau venant de là rencontra celui qui venait d’Adramytte (*) dans ce port de Mysie. Les deux navires suivaient leur route normale selon les vents qui soufflaient alors. Il ne nous est pas dit vers où se dirigeait le premier. Mais le centurion profita de celui qui venait d’Alexandrie avec une cargaison pour l’Italie, et y transféra toute sa compagnie (Actes 27:6).
(*) C’est une étrange mégarde de Grotius, suivie par plusieurs commentateurs, qui estiment qu’il s’agit ici d’Hadrumetum sur la côte d’Afrique. Même jusqu’à ce jour, Adramyti a gardé son ancien nom, bien que ce port ait perdu son importance d’autrefois et soit réduit à un pauvre village de pécheurs.
De grandes difficultés suivent rapidement ; mais les disciples n’ont pas à s’agiter quand bien même le Seigneur ne semble pas faire attention. Au v. 7 pesamment traduit la pensée de « avec difficulté ». Le vent soufflant à peu près du nord-ouest, comme M. Smith le montre dans son livre intéressant « Voyage et Naufrage de St Paul », le voyage était rendu lent et il fut difficile d’éloigner le navire de Myra et de Cnide, même avec l’avantage d’un temps meilleur le long de la côte et d’un courant d’ouest. Le vent ne leur permettait pas de continuer (ce n’est pas de faire escale qu’il s’agit), si bien que leur route les conduisit à l’abri de la Crête, et cette fois ils longèrent la rive sud après avoir passé son point est, Salmone (appelé Sammonium par Pline l’Ancien, et Σαμωνιον par Strabo). On peut mentionner que Beaux-Ports porte encore aujourd’hui le même nom altéré — Kalolimounias, huit kilomètres à l’ouest du Cap Léonda, dans les environs immédiats duquel, à l’intérieur, se trouvent les ruines de Lasée, récemment identifiées par des anglais.
Le retard insurmontable dû aux vents contraires et à d’autres circonstances les amenèrent à la saison où l’on court de grands périls dans cette mer (Actes 27:9) ; l’apôtre donna des conseils dont la valeur incontestable apparut peu après sous l’effet des circonstances, mais trop tard. Néanmoins il ne semble pas prétendre que ses avertissements fussent des prévisions d’origine divine : les termes employés au verset 10 expriment plutôt simplement son jugement propre, contrairement à la révélation prophétique annoncée aux versets 21 à 26. Le « Je vois » du v. 10, qui avertit de dangers en général, diffère grandement du « Je crois Dieu » du v. 25 qui assure avec précision la perte du navire, mais non pas de la vie des passagers ni de l’équipage, ce qu’il n’était pas en mesure de garantir au moment où il s’exprima la première fois.
Mais l’équipage et le patron s’opposèrent aux avertissements de l’apôtre ; on comprend facilement pourquoi le centurion tint davantage compte de l’avis des hommes habitués à la mer (v. 11) ; quant à ceux-ci, ils n’étaient sans doute guère disposés à faire quelque cas que ce soit de l’avis d’un terrien. Là encore, malgré tout ce que son nom promettait, Beaux-Ports n’était sans doute pas approprié pour hiverner vu que la baie est presque à moitié ouverte ; et comme tous purent le constater, la majorité conseilla de reprendre la mer depuis là, comme d’autres lieux auparavant (Actes 27:12). Cela ne veut pas dire qu’ils pensaient continuer le voyage jusqu’en Italie par un tel temps et à une telle saison, mais ils espéraient atteindre le port de Phénice (maintenant identifié à Lutro) (*) qui est incontestablement meilleur, tout en étant bien conscients du risque qu’ils prenaient en essayant de l’atteindre.
(*) Le nom de ce port au sud de la Crète ne doit pas être confondu avec la Phénicie (Actes 11:19, 15:3, 21:2), le pays cananéen de Tyr et de Sidon : l’un tire son nom des palmiers qui y prospéraient, l’autre de la teinture célèbre, ou coquillage, qui produisait toutes les nuances de teintes du rouge au violet, généralement appelées pourpre.
Il y a quelque intérêt à savoir que des gens compétents déclarent que Beaux-Ports était un port meilleur que ce que son exposition semble indiquer à première vue. M. Smith, qui a étudié toute la question sur place avec minutie et professionnalisme a déclaré que ce lieu est « tellement bien protégé par des îles et des récifs que, sans cependant égaler Lutro, ce doit être un très bon port d’hivernage ; par ailleurs, compte tenu de la soudaineté, de la fréquence et de la violence des coups de vent survenant du nord, et vu la certitude que, si un tel coup de vent survient quand on passe de Beaux-Ports à Lutro, le navire est irrémédiablement chassé en pleine mer, il s’ensuit que la prudence du conseil donné par le pilote et le patron était extrêmement douteuse » (Voyage…, par Smith, p. 88, 2ème éd.). Tout cela nous apprend que la direction divine dans les choses ordinaires de la vie est quelque chose qui existe ; certes ce n’est pas au niveau de l’inspiration, mais c’est supérieur à l’expérience et à la sagesse humaine. Sommes-nous incrédules au point d’en nier la réalité sauf chez un apôtre ? Si c’est le cas, nous devons en effet être bien aveugles devant tout ce qui se passe chaque jour parmi les enfants de Dieu.
La grande valeur qu’il y a à coller au texte est remarquablement démontrée par les nombreuses fautes de traduction de ce chapitre, qui ont introduit de la confusion et des difficultés insurmontables pour en faire l’exposé. Un exemple frappant se situe à la fin du verset 12, où la version autorisée anglaise représente ce port de Crète, Phénice ou Lutro, comme orienté « vers le sud-ouest et le nord-ouest ». Or ce que la phrase dit, c’est que le port regarde en descendant vers le sud-ouest et le nord-ouest ; mais regarder un vent en descendant, c’est regarder dans la direction où il souffle, et non vers là d’où il vient. Le sens de la phrase est donc que le port de Phénice regarde vers le nord-est et le sud-est, ce qui est juste le contraire de ce qui a été compris. Selon Mr. Smith ceci est exactement la position de Lutro, qui regarde, ou est ouvert vers l’est, mais, comme il y a devant ce port une île qui l’abrite, ce port a deux entrées, l’une donnant vers le nord-est, et l’autre donnant au sud-est.
Hackett qui juge hasardeux de renoncer à l’interprétation commune [c’est-à-dire selon la version autorisée anglaise], estime qu’il y a objecte deux incohérences dans l’opinion de M. Smith. Tout d’abord, selon lui, cette opinion attribue des sens opposés au même terme, c’est-à-dire le sud-ouest en tant que nom d’un vent, et nord-est en tant que nom d’un secteur du ciel. Ensuite cet opinion détruit la force de βλεποντα, qui implique que le vent et le port se font face l’un à l’autre. Mais le raisonnement est erroné parce qu’il a mal compris les faits. Le port en question regarde selon le vent dans tous les cas, si bien que la force de « regarder » reste intacte ; et les vents en question sont préservés dans leur force exacte et ne sont pas confondus avec quoi que ce soit d’autre. Seulement « regardant en descendant le vent du sud-ouest et en descendant le vent du nord-ouest » signifie en fait regardant vers le nord-est et le sud-est. La version autorisée confond κατα avec προς ou εις. La direction vers la source du vent est exprimée par ce dernier mot ; tandis que la terminologie des marins « en descendant le vent » indique d’où il souffle. C’est pourquoi Phénice regardait vers le nord-est et le sud-est. L’orientation du port [« le port regarde vers »] signifie la direction vers laquelle ces vents soufflent, et non pas celle d’où ils soufflent. Le port regardait en descendant le vent de sud-ouest et en descendant le vent de nord-ouest, c’est-à-dire dans ces deux directions ; et donc vers les secteurs du ciel du nord-est et du sud-est. Les vents ne sont là que pour marquer définitivement la direction. La terminologie des marins abonde dans ce chapitre. Joséphe utilise une expression semblable dans Antiq. Jud. 15.9,6.
Or les apparences sont souvent trompeuses, et c’était le cas ici. Car comme un vent du sud soufflait doucement, ils pensèrent être venus à bout de leur dessein, et levant l’ancre ils côtoyèrent de près l’île de Crète. La Vulgate a ici induit en erreur Wiclif, Tyndale, et Cranmer pour introduire un port imaginaire d’Assos (le vrai lieu se trouvait fort loin en Mysie, comparez Actes 20:13, 14), au lieu de « près » de l’île de Crète (fin du v. 13).
Le résultat justifia les conseils de l’apôtre malgré un bon départ. Les marins auraient dû se rappeler combien une douce brise du sud est susceptible de se transformer en un violent vent du nord, spécialement dans ces mers-là. C’est ce qui arriva.
« Mais un peu après, un vent orageux, appelé Euraquilo, descendit violemment de l’île. Et le navire étant emporté et ne pouvant tenir contre le vent, nous le laissâmes aller à la dérive et fûmes emportés. Et courant sous une petite île appelée Clauda, nous nous rendîmes à grand-peine maîtres de la chaloupe ; et l’ayant retirée à bord, ils employèrent des mesures de sûreté en liant le navire avec un câble passé dessous ; et craignant de tomber sur les Syrtes (*), ils descendirent les agrès [supérieurs], et étaient ainsi emportés. Et comme nous étions violemment battus par la tempête, le jour suivant ils jetèrent une partie de la charge. Et le troisième jour ils jetèrent de leurs propres mains les agrès [ou : le mobilier] du navire. Et comme durant plusieurs jours il ne parut ni soleil ni étoiles, et qu’une grande tempête nous pressait, dès lors toute espérance de pouvoir nous sauver nous fut ôtée. Et après qu’on eut été longtemps sans manger, alors Paul, se tenant au milieu d’eux, dit : Ô hommes, vous auriez dû m’écouter et ne pas partir de Crète, et éviter ces avaries et ce dommage. Et maintenant je vous exhorte à avoir bon courage ; car on ne fera la perte de la vie d’aucun de vous, mais seulement du navire. Car un ange du Dieu à qui je suis et que je sers, est venu à moi cette nuit, disant : Ne crains point, Paul : il faut que tu comparaisses devant César ; et voici, Dieu t’a donné tous ceux qui naviguent avec toi. C’est pourquoi, ô hommes, ayez bon courage ; car je crois Dieu, [et je sais] que la chose arrivera comme il m’a été dit. Mais il faut que nous soyons jetés sur quelque île » (Actes 27:14-26).
(*) JN Darby traduit « les bancs de sable de la Syrte » et la version autorisée anglaise traduit « les bancs de sable ».
Note Bibliquest : Dans ce qui suit, plusieurs passages ont été omis dans la présente traduction (…). Ces passages discutent de détails très techniques de traduction relativement aux événements rencontrés et à la technique des marins.
L’ouragan qui saisit le navire descendit de la Crète, ce qui semble être le vrai sens, et non pas « s’éleva contre lui », c’est-à-dire contre le bateau, comme dans la version autorisée anglaise (Actes 27:14). C’est confirmé par Luc 8:23… Le vent soufflait en descendant depuis la Crète, non pas contre la Crète, ce qu’il ne pouvait pas faire, et en outre il aurait fallu un accusatif et non pas un génitif… Les rafales de tornade descendant des hauteurs de Crète sont une description bien plus pittoresque que de dire qu’elles frappaient le navire, ce qui était une évidence dans cette mer…
On peut remarquer que l’Euroclydon (selon la plupart des manuscrits, sauf les plus anciens) n’est pas une appellation connue, et il n’y a pas non plus de source satisfaisante pour étayer ce mot. Le terme plus ancien Euraquilon doit être préféré, étant attesté par les meilleurs manuscrits et versions. Les objections étymologiques de J. Bryant sont mal fondées. Un vent du nord-est explique totalement le trajet du navire….
La petite île devant laquelle ils passèrent est maintenant appelée Gozzo. On dit Chlavda localement, selon la prononciation romaïque de Clauda ; si bien que l’identification est certaine. C’est à l’abri de cette île qu’ils firent monter à bord la chaloupe, quoi qu’avec difficulté (v. 16)… Les « mesures de sûreté » qu’ils prirent étaient destinées à contrecarrer la violence de la tempête, plutôt qu’à secourir les passagers comme certains l’ont pensé… Cela se faisait en passant un gros câble quatre ou cinq fois autour de la coque du navire. C’était habituel autrefois, mais cela a été pratiqué plus récemment, y compris sur des navires britanniques tant de la marine marchande que militaire…
Ce qui est traduit dans la version autorisée par « les sables mouvants » doit être traduit par « les Syrtes ». On parle de deux Syrtes. Il s’agissait ici de la plus grande, celle de l’est, maintenant le golfe de Sidra, que l’amiral Smith a été le premier à découvrir correctement, comme on le voit dans ses mémoires de la Méditerranée : un sujet de grandes frayeurs chez les marins d’autrefois.
Dans ce même verset 17 on trouve une grave erreur dans les anciennes versions, que même Meyer et d’autres modernes ont perpétué. S’ils avaient « abaissé les voiles », le navire aurait été inévitablement poussé directement vers les Syrtes. « Il n’est pas facile (dit M. Smith) d’imaginer une traduction plus erronée que celle de la version autorisée : ‘Craignant qu’ils ne tombent dans les sables mouvants, ils abaissèrent les voiles, et furent ainsi emportés’. Cela revient à dire que, craignant un certain danger, ils se privèrent eux-mêmes du seul moyen possible de l’éviter ». Comme les manuscrits faisant autorité le disent et comme le bon sens le pressent, certaines voiles sont absolument nécessaires pour garder le bateau stable et empêcher un tangage et un roulis allant jusqu’à le déformer et le mettre en pièces. D’où les mesures nécessaires d’installer des voiles de tempête, et de poursuivre la route du navire en recevant le vent par tribord. « Abaissant le gréement » est la bonne traduction. Kypke, qui était un homme réaliste et un bon érudit, est étonnamment vague dans ses annotations ici. Pour lui il s’agit de « descendre l’ancre » ! … Il est singulier que Kühnöl, De Wette, et Meyer suivent dans ce sillage, si peu compatible avec le contexte.
Au verset 18, nous voyons les marins réduits à la ressource très fréquemment adoptée de se débarrasser de la cargaison…. Au verset 19 ils vont plus loin, et « avec leurs propres mains » les marins jetèrent loin — ce qu’ils n’auraient pas fait sauf en cas de danger imminent — les meubles du navire, le gréement de rechange, etc. L’impossibilité de voir le soleil ou les étoiles aggravait le danger, de même que la violence d’une tempête si prolongée.
Mais laissons maintenant les détails du voyage, si intéressants soient-ils en ce qu’ils fournissent à tout bout de champ des preuves décisives de la fiabilité absolue de la parole divine, et de son incomparable supériorité par rapport à toutes les versions et tous les commentaires des érudits et des hommes pieux. Tournons-nous donc vers le serviteur dévoué du Seigneur, qui se met en avant à l’heure du danger et des ténèbres, quand le besoin se fait sentir. S’il rappelle sobrement leur négligence de ses conseils précédents, ce n’est ni pour les peiner ni pour se glorifier. Demeurant dans l’amour, il demeure en Dieu et Dieu en lui, comme tout chrétien le devrait ; et ainsi il est capable d’utiliser sagement ce que la grâce donnait.
Il confesse ouvertement le secret de la faveur d’en haut, une faveur qui s’étendait jusqu’à eux, car le vrai Dieu ne méprise personne, mais Il aime parfaitement ceux qu’Il adopte comme des fils pour Lui-même par Jésus notre Seigneur. Il ne néglige pas non plus ceux qui sont de Sa race, comme le même apôtre l’avait prêché aux Athéniens, malgré leur idolâtrie. Il est très important de nous rappeler aussi cela, car les évangéliques sont enclins à ne penser qu’aux relations de grâce. Elles sont de toute importance, et trop faiblement maintenues par les saints en général. Nous ne pouvons guère exagérer ce que la grâce souveraine nous a donné dans le Christ. Mais il est bon de ne pas négliger ce que l’Écriture révèle de la place de l’homme en tant qu’homme dans les pensées et les compassions divines, malgré son état de pécheur. Il faut d’autant plus se le rappeler en ces jours où l’incrédulité rêve de développement et d’évolution, séduisant et trompant par là même de vrais croyants. À l’encontre de ceux qui ne connaissent pas Dieu ni Son Fils, Satan se sert constamment de l’ignorance ou de la négligence des fidèles vis-à-vis de la vérité.
L’homme a une relation avec Dieu qu’il est seul à posséder parmi les êtres terrestres. D’autres créatures d’ici-bas commencèrent à vivre quand elles eurent un organisme. Il n’en fut pas ainsi de l’homme qui ne commença à vivre que lorsque l’Éternel Dieu eut soufflé dans ses narines le souffle de vie, l’origine de son âme immortelle et de sa responsabilité directe envers Dieu. C’est pourquoi tandis que la mort intervient pour lui à cause du péché, lui seul ressuscitera et aura des comptes à rendre à Dieu.
Sans doute Dieu avait un autre qu’Adam dans Ses conseils, — le Second Homme et le Dernier Adam, infiniment plus élevé que l’homme — le Fils de Dieu, nullement inférieur au Père, destiné à devenir en temps voulu la nouvelle Tête [chef] de la bénédiction divine à la gloire de Dieu, et à faire infiniment plus que réparer, dans l’obéissance jusqu’à la mort, ce que l’ancien chef de race avait perdu par la désobéissance, afin que la miséricorde puisse se réjouir par delà le jugement (cf. Jacques 2:13), et que la grâce envers le pécheur manifeste la justice de Dieu en vertu du sang de Jésus.
Il y a trois considérations importantes à garder intactes et à ne pas confondre :
· Premièrement, la nature morale de Dieu demeure dans sa pureté invisible et son honneur. Il aime le bien et hait le mal. Sa volonté seule a le droit de guider et gouverner. La créature est responsable de Lui obéir.
· Deuxièmement, la race étant déchue et pécheresse (car Adam innocent n’a pas eu d’enfant), seule la grâce en Christ produit ce qui sied à la nature de Dieu selon Sa parole et par Son Esprit, car la grâce seule a procuré une rédemption adéquate et éternelle par le sang de Christ, et a donné cette vie en Lui qui est toujours sainte, dépendante, obéissante comme Il était Lui-même en toute perfection.
· Mais troisièmement, vis-à-vis de tout cela, Dieu ne renonce pas à Sa place de « fidèle Créateur ». Il est le Conservateur de tous les hommes, spécialement de ceux qui croient (1 Tim. 4:10). Pas un seul passereau ne tombe en terre, sans notre Père, et les cheveux même de notre tête sont tous comptés. Certainement il n’y a aucune raison de craindre ceux qui tuent le corps, mais sont incapables de tuer l’âme. Il ne faut craindre que Celui qui peut tuer à la fois le corps et l’âme dans la géhenne. Et non seulement les autres ne sont pas à craindre, mais comme enfants et serviteurs de Dieu, nous sommes en position de faire des supplications, des prières, des intercessions, des actions de grâces pour tous les hommes (et nous devons avoir à cœur de le faire), pour les rois et tous ceux qui sont haut placés, autant que pour les misérables, pour ceux qui souffrent, pour ceux qui sont dégradés et que leurs semblables évitent et méprisent. La grâce non seulement élève au-dessus de toute la gloire présente du monde en nous unissant à Christ à la droite de Dieu, mais elle verse en nos cœurs l’amour de Dieu par le Saint Esprit qui nous a été donné (Rom. 5:5).
Nous voyons ici tous ces éléments réunis au complet, en activité et en harmonie. Avoir Christ devant le cœur délivre de la simple théorie stérile, et de la partialité. Non seulement l’humilité se joint ici à la dignité, mais aussi à la foi et à l’amour avec la confession inébranlable de Celui à qui il (Paul) était et qu’il servait. Son but n’était pas de chercher à plaire aux hommes ni à les gagner. Il demeure l’esclave du Seigneur. Il témoigne d’une révélation divine reçue juste à ce moment-là. Il rend témoignage à la compassion de Dieu envers eux tous, jointe à une faveur spéciale de Sa part envers Son serviteur, et tout ceci au milieu de ce monde affairé, aveugle, égoïste et impie.
Il faut remarquer deux choses dans le message divin à l’apôtre, alors qu’il était prisonnier aux mains des nations à cause de la malveillance des Juifs. Premièrement, il peut parler de tous ses compagnons de voyage comme lui étant donnés par Dieu, non pas bien sûr pour la vie éternelle, mais pour leur sécurité présente. Deuxièmement, il prédit qu’ils doivent être jetés sur une île, sans prétendre en savoir plus. Dieu n’avait pas révélé le nom de l’île, et il suit fidèlement ce qu’Il a dit. La révélation lui avait été donnée pour exalter Dieu, non pas l’homme.
« Et quand la quatorzième nuit fut venue, comme nous étions portés çà et là sur la mer Adriatique, les matelots, au milieu de la nuit, pensèrent que quelque terre les approchait ; et ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses ; puis ayant passé un peu plus loin, et ayant encore jeté la sonde, ils trouvèrent quinze brasses. Et craignant que nous ne donnassions au milieu des écueils, ils jetèrent quatre ancres de la poupe et souhaitèrent que le jour vînt. Et comme les matelots cherchaient à s’enfuir du navire, ayant descendu la chaloupe en mer sous prétexte d’aller jeter au loin les ancres de la proue, Paul dit au centurion et aux soldats : Si ceux-ci ne demeurent pas dans le navire, vous ne pouvez être sauvés. Alors les soldats coupèrent les cordes de la chaloupe et la laissèrent tomber. Et en attendant que le jour vînt, Paul les exhortait tous à prendre de la nourriture, disant : C’est aujourd’hui le quatorzième jour que vous passez à jeun, dans l’attente, sans avoir rien pris ; c’est pourquoi je vous exhorte à prendre de la nourriture, car cela est nécessaire pour votre conservation ; car pas un cheveu de la tête d’aucun de vous ne périra. Et quand il eut dit ces choses, ayant pris du pain il rendit grâces à Dieu devant tous, et, l’ayant rompu, il se mit à manger. Et ayant tous pris courage, eux aussi prirent de la nourriture. Or nous étions en tout dans le navire deux cent soixante-seize personnes. Et quand ils eurent assez mangé, ils allégèrent le navire en jetant le froment dans la mer. Et le jour étant venu, ils ne reconnaissaient pas le pays ; mais ils apercevaient une baie ayant une plage, sur laquelle ils résolurent, s’ils le pouvaient, de faire échouer le navire. Et ils abandonnèrent les ancres dans la mer, coupant [les câbles], lâchant en même temps les attaches des gouvernails ; et ayant mis au vent la voile de misaine, ils cinglèrent vers la plage. Et étant tombés en un lieu baigné des deux côtés par la mer, ils échouèrent le navire ; et la proue se trouvant engagée demeurait immobile, mais la poupe se rompait par la violence des vagues. Et l’avis des soldats fut de tuer les prisonniers, de peur que quelqu’un d’eux ne se sauvât à la nage et ne s’enfuît. Mais le centurion, voulant sauver Paul, les empêcha [d’exécuter] leur dessein, et il ordonna que ceux qui savaient nager se jetassent dehors les premiers et gagnassent la terre ; et le reste, les uns sur des planches, et les autres sur quelques [débris] du navire. Et ainsi il arriva que tous parvinrent à terre sains et saufs » (Actes 27:27-44).
La quinzaine de jours d’errance dans une telle tempête arrivait à sa fin, et nous en avons une description aussi précise que celle du voyage et des efforts précédents. La sonde indiquait qu’on s’approchait de la terre, et d’un grand danger imminent, et la nuit renforçait ce sentiment. La mention de l’Adriatique ne constitue pas une difficulté réelle (Actes 27:27), parce qu’on appliquait souvent ce nom plus largement que juste la mer entre la Grèce et l’Italie, comme cela a été montré chez Ptolémée et chez Pausanias. L’usage moderne confine l’Adriatique au golfe seulement. Il n’y a pas lieu, par conséquent, de concevoir une autre Mélita (c’est-à-dire Mélida) au lieu de Malte, comme c’est généralement compris. Les récifs (caractéristiques de la pointe de Koura, près de la baie de St Paul, comme M. Smith le montre d’après la vue du cap par Smyth) donnèrent probablement occasion à la supposition des marins, confirmée par les sondages répétés (Actes 27:28). L’ancrage à la poupe (27:29) est le plus sûr moyen dans de telles circonstances; les anciens navires avaient de nombreuses ancres. Il est montré par les instructions de navigation que le sol est exceptionnellement bon là, de sorte qu’il n’y a pas de danger tant que les câbles tiennent.
Le dessein indigne des marins échoua grâce à Paul. Il ne s’agissait pas de simplement jeter les ancres, ce qui ne nécessitait pas l’utilisation de la chaloupe. Sous prétexte de jeter les ancres loin de la proue, ce qui était une mesure banale, ils voulaient déserter le navire (Actes 27:30) ; mais l’avertissement de Paul au centurion et aux soldats suffit : « Si ceux-ci ne demeurent pas dans le navire, vous ne pouvez être sauvés » (Actes 27:31). Avec une promptitude de militaires, ils coupèrent les cordes et laissèrent tomber la chaloupe (v. 32). Dieu avait donné Sa parole qu’ils seraient tous sauvés, mais il fallait que ce soit à Sa façon ; Celui qui a promis la fin insiste sur Ses moyens à Lui. Nous n’avons qu’à nous soumettre et obéir.
Ce n’était pas le seul point sur lequel l’apôtre fut vigilant ; il chercha et réussit à les réconforter tous, et à les animer de courage et de confiance en Dieu à la veille du péril extrême qui apparaissait. Il les pria tous de s’alimenter après leur long jeûne, les assurant absolument qu’ils seraient préservés (Actes 27:33-34), et il montra l’exemple après avoir rendu grâces à Dieu devant tous (Actes 27:35). Le commentaire d’Olshausen selon lequel il s’agissait pour les chrétiens de célébrer la Cène ou une agape, n’a pas de fondement. Car bien que les termes soient justement ceux employés pour cela, il sont aussi employés pour un repas ordinaire en Luc 24:30, et ailleurs. On attache trop souvent une grande superstition à ces termes. Le caractère de la Cène vient de son objet, qui était tout à fait hors de propos ici. Simplement, la nourriture la plus ordinaire doit être sanctifiée par la parole de Dieu et par la prière, et l’apôtre ici agit selon ses propres instructions à Timothée (1 Tim. 4:5-6). Il n’est pas étonnant que tous aient été réconfortés et se soient mis à manger (27:36) après un long temps de découragement et de dégoût en ayant la mort en face ! Leur nombre (deux cent soixante-seize ; v. 37) est soigneusement compté, puis ils allégèrent le navire (une nouvelle expression de marins) en jetant le froment par-dessus bord (27:38). Ce fut leur dernier repas avant le naufrage, et les derniers versets le décrivent minutieusement.
On s’est étonné qu’aucun marin ne connût ce pays (Actes 27:39), mais il nous est dit par ceux qui sont compétents pour juger, que ce lieu, éloigné du port bien connu de Valette, ne possède aucun aspect particulier permettant de le reconnaître.
La version autorisée ici (Actes 27:40) est loin d’être correcte. Ils n’ont pas relevé les ancres, ils les ont jetées loin et les ont abandonnées dans la mer. L’abandon des attaches de gouvernails situées à l’arrière à chaque bord, était nécessaire, car quand un navire était ancré par l’arrière (la poupe), le gouvernail devait être levé hors de l’eau et fixé par des amarres ; celles-ci ont été à nouveau détachées lorsque le navire a repris sa route. En outre ce n’était pas la voile principale, mais la voile de misaine (*) qu’ils mirent au vent. Peut-être que le terme français [artimon pour traduire αρτεμον] induit en erreur ici, mais le poids des preuves tirées de la pratique et des circonstances, selon la thèse de Smith (iii), semble déterminant. Dans ce sens, αρτεμον n’apparaît chez aucun auteur grec ancien. On voit une voile d’artimon sur une vieille peinture à Pompéi. Luc seul en fait mention ici. Il est remarquable que le patron du navire et le pilote disparaissent du tableau dans ces temps de danger, quand il s’agit de prendre des mesures sages. En réalité c’est l’apôtre qui gère la crise. Les marins sont uniquement présentés comme réfléchissant à une trahison qui ratera finalement. Le centurion prend des mesures, dans un cas avec les soldats, dans un autre cas en les empêchant de commettre un acte cruel pour se mettre à l’abri contre un risque du côté des prisonniers.
(*) note Bibliquest : La voile de misaine est une voile de l’avant du bateau ; la voile d’artimon (traduction JND en français) est une voile de l’arrière du bateau. WK et JND en anglais traduisent par l’anglais « foresail », qui est la voile de misaine. WK pense que la ressemblance des termes français « artimon » et grec « αρτεμον » = « artemon » induit en erreur, et effectivement JND a de cette manière traduit en français le contraire de l’anglais.
Car maintenant le moment suprême est arrivé. Le navire doit être échoué, car il n’était plus possible de le sauver, ni sa cargaison non plus. Cinglant vers la plage, ils tombèrent dans un endroit où deux mers se rencontrent, apparemment par le moyen de l’île maintenant appelé Salmonette dans la baie de St Paul ; et là ils firent échouer le navire (Actes 27:41). Il y a peu d’endroits, sauf ici, où l’affaire pouvait se passer tel que décrit ici, avec une grande épaisseur de boue où la proue s’enfonça et resta coincée, tandis que la poupe (l’arrière) commençait à se désintégrer sous l’effet de la force des vagues à laquelle elle était exposée.
Les soldats conseillaient de tuer les prisonniers (Actes 27:42). Ils étaient responsables, sous peine de châtiments très sévères, de ne pas les laisser partir, comme ce livre le montre plusieurs fois. Mais le centurion, intervint en vue de sauver Paul à tout prix, non pas tant par pitié pour les autres prisonniers que par considération pour Paul (27:43). ‘Ayant le désir’ est ce qu’implique le mot traduit par ‘voulant’. Son ordre fut que ceux qui savaient nager se jettent à la mer et gagnent la terre, et les autres le firent soit sur des planches, soit sur quelques [débris] du navire en train de se briser. Ils parvinrent tous à terre, sains et saufs, selon le verset 44. La promesse s’était accomplie à la gloire de Dieu, — un Dieu vivant et un fidèle Créateur.
Ils apprirent plus tard que le pays où ils avaient échoués s’appelait Malte. Il n’y a pas là matière à controverse. On l’a pourtant contesté même de nos jours. Le premier qui ait argumenté en faveur de l’ilot du Golfe de Venise, appelé Meleda, semble être Constantin Porphyrogenitus, qui hasarda cette idée dans son ouvrage sur l’Administration de l’Empire ; il était un des historiens de Byzance et était quelqu’un de poids dans ce qu’il connaissait personnellement. Mais lui, avec d’autres qui adoptèrent ses vues sur le naufrage de l’apôtre, n’avaient pas bien considéré le récit révélé, pas plus que ce qui, de ces deux endroits, cadrait le mieux avec le récit inspiré. La direction du vent est en faveur de Malte, vu qu’il les avait emportés depuis la Crète et l’île Clauda vers les Syrtes redoutées. Ce vent n’aurait pas pu les pousser vers le nord du golfe. Et il n’y a pas non plus de raison de réduire l’Adriatique à ce golfe ; car il est bien connu que, d’après l’ancien usage, et selon des écrivains soigneux tels que Claude Ptolemy, le célèbre géographe, l’Adriatique comprenait la haute mer où le navire dériva vers Malte, et même beaucoup plus loin. De plus, il n’y a rien dans les caractéristiques locales, les sondages, les ancrages, les récifs, les baies pourvues d’une plage, avec deux mers, — rien qui puisse s’appliquer à Meleda comme à Malte. Et l’argument fondé sur « les barbares » est tout à fait dénué de valeur, car les Romains comme les Grecs appliquaient ce terme non pas à ceux qui étaient des sauvages, mais à ceux qui parlaient une langue qui leur était étrangère. Par ailleurs, même si le mot signifiait « sauvages », je ne connais aucune preuve selon laquelle ce terme eût été alors davantage applicable aux habitants de Meleda qu’à ceux de Malte, et il est difficile de supposer que cette île insignifiante ait eu des résidents comme Publius, son père, et ceux qui honorèrent Paul et ses compagnons avec beaucoup d’honneurs et beaucoup de bonté, pour ne rien dire de l’humanité générale envers les soldats et l’équipage du navire. Malte, de par sa position et sa valeur depuis autrefois jusqu’à aujourd’hui, a toujours été une île importante, mais jamais Meleda.
Scaliger et Bochart avec leur discernement habituel et leur grande érudition, n’hésitèrent pas à réfuter l’erreur médiévale, et justifièrent la revendication de la baie de St Paul à Malte comme la véritable scène du naufrage et du sauvetage. Le raisonnement de Bryant, et plus tard encore les arguments de S. T. Coleridge en faveur de Meleda à l’encontre de Malte, n’ont pas de fond réel.
« Et ayant été sauvés, alors nous apprîmes que l’île s’appelait Malte. Et les barbares [ou indigènes] usèrent d’une humanité peu ordinaire envers nous, car ayant allumé un feu, ils nous reçurent tous, à cause de la pluie qui tombait et à cause du froid. Et Paul ayant ramassé une quantité de branches sèches et les ayant mises sur le feu, une vipère sortit de la chaleur et s’attacha à sa main. Et quand les barbares virent la bête suspendue à sa main, ils se dirent l’un à l’autre : Assurément, cet homme est un meurtrier, puisque, après avoir été sauvé de la mer, Némésis [la justice] n’a pas permis qu’il vécût. Lui donc, ayant secoué la bête dans le feu, n’en souffrit aucun mal ; et ils s’attendaient à ce qu’il enflerait ou tomberait mort subitement. Mais quand ils eurent longtemps attendu et qu’ils eurent vu qu’il ne lui arrivait rien d’extraordinaire, changeant de sentiment, ils dirent que c’était un dieu » (Actes 28:1-6).
M. Smith a bien expliqué qu’il est facile de comprendre pourquoi l’équipage et les officiers n’arrivèrent pas à reconnaître la localité, même si, en tant que menant un navire d’Alexandrie, ils avaient été très familiers d’une manière générale avec le grand port de l’île. Ils avaient dérivé dans l’obscurité, et il n’y a pas de repère précis sur la côte voisine pour faciliter l’identification ; et si même il y avait des particularités, ils ne les découvrirent qu’une fois le navire sur le point de s’échouer. Mais les barbares, c’est-à-dire des gens de langue étrangère (*), se comportèrent avec une philanthropie inhabituelle qui fait honte à ce qu’on a vu trop souvent sur les côtes britanniques, et d’autres hélas ! malgré la christianisation. Ils n’ont pas simplement allumé un feu, mais un feu si grand que le terme employé est celui utilisé généralement pour les bûchers funéraires (πιρα), et c’est bien ce qu’il fallait en effet pour répondre à l’urgente nécessité d’une telle foule transie et trempée par les fortes averses de pluie.
(*) Leur langue était alors fondamentalement le punique, originaire de Phénicie, la grande source des entreprises de l’orient et de la marine marchande. C’était aussi la langue de Carthage. Mais Malte a connu des changements radicaux, tout spécialement dans la race de sa population, et par conséquent, dans leur langue, en sorte que celle-ci est maintenant, et depuis longtemps, un patois arabe, quoiqu’ils se flattent beaucoup de descendre des Phéniciens.
Cela fut l’occasion de l’incident relaté de manière pittoresque dans les versets 3-6. L’apôtre, avec son ardeur habituelle et son amour plein d’humilité, ramassa une brassée de branches alentour et la déposa sur le tas en feu, quand une vipère, qui dormait sans doute dans le bois à l’abandon, fut réveillée et irritée par la chaleur et s’attacha à la main de Paul. C’était commandé par Dieu pour montrer la vérité de la promesse du Seigneur Jésus (Marc 16:18), et en signe pour les païens compatissants, d’autant plus qu’ils se trompèrent tout d’abord sur sa signification en commençant par mettre Dieu de coté, comme le fait l’incrédulité généralement. Car quand ils virent la créature nuisible accrochée à sa main, ils furent certains qu’il s’agissait d’un meurtrier, sauvé de la mer seulement pour retomber sous un juste châtiment. Mais quand il eut secoué le serpent dans le feu sans souffrir aucunement, et qu’ils eurent attendu en vain une violente inflammation ou une mort subite, tout changea et ils le prirent pour un dieu. Telle est la valeur des opinions humaines en dehors de la sphère propre à l’homme. Ils ne pouvaient guère imaginer qu’il était un homme de Dieu, un prisonnier aux mains des païens à cause de la haine mortelle du peuple de Dieu, les Juifs, et ceci en réalité à cause de la bonne nouvelle du Christ qu’il prêchait aux nations. Mais les énigmes morales dans ce monde sont plus surprenantes que les plus grandes difficultés intellectuelles. Nous pouvons être sûrs d’une chose, que dans ce domaine l’homme naturel s’égare systématiquement.
Mais ce ne fut pas tout. Une caractéristique des signes du christianisme est d’être bienfaisants ; ce sont des échantillons de cette puissance qui, dans le siècle à venir bannira le méchant et chassera les terribles effets du péché, quand l’humanité dans son ensemble, et Israël par dessus tout, chantera : « Mon âme, bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits. C’est lui qui pardonne toutes tes iniquités, qui guérit toutes tes infirmités » (Psaume 103:2-3). Ce jour ne s’est pas encore levé sur Israël et les nations, mais à l’occasion de l’inauguration de l’Évangile et en l’honneur de Celui qui a été crucifié par les hommes, et est maintenant exalté par Dieu dans le ciel, il y eut, partout où cela semblait opportun, des manifestations des miracles du siècle à venir, non seulement à l’encontre d’un ennemi vaincu, mais en miséricorde pour sa pauvre victime, l’homme souffrant. Un autre signe accompagnant ceux qui croyaient fut bientôt ajouté : « Ils imposeront les mains aux infirmes, et ceux-ci se porteront bien » (Marc 16:18).
« Or aux environs de ce lieu-là se trouvaient des possessions du chef (1*) de l’île, nommé Publius, qui nous reçut, et nous logea durant trois jours avec beaucoup de bonté. Et il arriva que le père de Publius était [là] couché, souffrant de fièvre (2*) et de dysenterie ; et Paul, étant entré auprès de lui, pria et lui imposa les mains et le guérit. Mais ceci étant arrivé, les autres malades aussi qui se trouvaient dans l’île vinrent et furent guéris. Et ceux-ci nous firent aussi de grands honneurs, et à notre départ nous fournirent ce qui nous était nécessaire » (Actes 28:7-10).
(1*) Il y a une bonne raison d’après plusieurs inscriptions anciennes de considérer « le premier » ou « le chef » comme un titre et non comme une vague distinction.
(2*) En grec, « fièvre » est au pluriel, car il s’agit d’une maladie avec des accès de fièvre répétés. Aucun écrivain de l’Ancien ou du Nouveau Testament n’abonde en vocabulaire aussi technique du point de vue médical que Luc ; et personne n’a démontré ce fait de façon aussi détaillée que le Dr. W.K. Hobart dans son « Langage Médical de Saint Luc », un volume intéressant des Presses de l’Université de Dublin.
Ici nous avons la puissance de guérison en grâce associée au nom du Seigneur, mais sans prétention de la part de l’apôtre. Il pria et imposa les mains au malade. La guérison de quelqu’un de si important attira l’attention. Beaucoup d’autres sur l’île vinrent avec leurs maladies et furent aussi guéris, car la grâce ne fait pas acception de personne. Ni Paul ni Luc ne refusèrent leurs attentions et leurs cadeaux bienveillants, bien qu’assurément ils n’aient cherché aucune rétribution. En effet, même si le chrétien apprécie, comme notre Père, même un verre d’eau froide donné au nom d’un disciple, il est de toute importance que le chrétien rende un témoignage simple et vrai que l’évangile, la grâce et la vérité de Christ, donne ce qu’il a ; il ne s’agit jamais de gagner ce que le moi recherche dans ce monde. Dieu est Lui-même un Donateur, le Donateur du meilleur et, en fait, le Donateur de tout bien, et Il aime que les Siens gardent le caractère de famille dans ce domaine comme dans tous les autres (2 Cor. 9:7 ; 1 Tim. 6:17 ; Jacques 1:17). Il est d’ailleurs très éloigné des voies de Christ de se complaire dans un cœur étroit, dur et insensible, en face de l’affabilité, spécialement de l’affabilité à cause de Sa parole et de Son œuvre. Seul le Saint Esprit gardant Christ devant les yeux de la foi, peut nous rendre capables de discerner le chemin au milieu des difficultés et des dangers de tous côtés.
« Et trois mois après, nous partîmes sur un navire d’Alexandrie qui avait hiverné dans l’île, et qui avait pour enseigne les Dioscures (*). Et ayant relâché à Syracuse, nous y demeurâmes trois jours. De là nous fîmes un circuit, et nous arrivâmes à Rhegium ; et un jour après, le vent du midi s’étant levé, nous arrivâmes le deuxième jour à Pouzzoles, où, ayant trouvé des frères, nous fûmes priés de demeurer avec eux sept jours ; et ainsi nous allâmes à Rome. Et de là, les frères, ayant appris les choses qui nous étaient arrivées, vinrent au-devant de nous jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois-Tavernes ; et Paul, les voyant, rendit grâces à Dieu et prit courage » (Actes 28:11-15).
(*) Il s’agit de Castor et Pollux, les patrons des marins chez les païens, comme le savent bien ceux qui ont lu les poètes grecs et latins.
Nous avons vu comment le Seigneur, par Sa puissance en grâce, attirait les cœurs vers la vérité qui est pour le ciel et pour l’éternité, mais qui ici-bas n’est reçue que par la foi, et produit des fruits bons et saints, des fruits de piété à Sa louange, une consolation d’amour parmi les Siens, et un témoignage puissant à Son nom parmi ceux qui ne sont pas à Lui, — en vue de les appeler et de les gagner des ténèbres à Sa merveilleuse lumière.
Au début du printemps, ils réembarquèrent sur un navire d’Alexandrie qui avait échappé à la tempête qui avait détruit leur précédent navire dont le capitaine et l’équipage n’avaient pas tenu compte de l’avertissement de l’apôtre. Il ne nous est pas parlé de prédication, bien que nous soyons sûrs que la grâce de Christ et l’amour des âmes ne sommeillaient pas dans le cœur de Ses serviteurs. Nous voyons la place donnée à cette grâce et à cet amour, spécialement chez Paul, au travers de leur expérience passée, et cette place augmentait de plus en plus selon que Dieu jugeait bon d’utiliser toutes les occasions où la sagesse et la puissance de l’homme étaient vaines.
Ils arrivèrent bientôt à Syracuse, la ville célèbre de Sicile, mais après un séjour de trois jours, ils gagnèrent la côte et arrivèrent à Rhegium et le lendemain à Pouzzoles. Rhegium se trouve à l’extrémité sud-ouest de l’Italie ; c’est le port de Bruttium sur la mer. Pouzzoles, dans la baie de Naples, était célèbre pour ses trente-trois puits de minéraux (qui, de fait, lui avaient donné son nom), ainsi que pour sa terre appréciée encore aujourd’hui pour ses utilisations.
Ils trouvèrent là des frères qui supplièrent l’apôtre et les autres de rester avec eux sept jours ; c’était la durée naturelle autrefois pour une visite parmi les chrétiens qui appréciaient par-dessus tout la joie de la communion le jour du Seigneur et à Sa cène, avec les multiples opportunités d’édification, de prière et de présentation de la Parole que cela offrait. « Et ainsi nous allâmes à Rome ». Quel contraste avec les grands de la terre, vainqueurs ou vaincus, qui avaient si souvent pris la même route ! « À lui soit le nom de victorieux » était leur chant, ou : « À Celui qui a foulé aux pieds tous nos ennemis en les abattant ». Les serviteurs de Christ marchaient dans les traces de Christ, bien qu’il revînt à Lui seul de souffrir pour les péchés.
Mais avant d’atteindre la métropole du monde, un nouveau témoignage d’amour accueillit l’apôtre et son groupe. Quel rafraîchissement pour son esprit ! Quand ils apprirent son arrivée en Italie, « les frères vinrent » de Rome « au-devant de nous jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois-Tavernes ». Le premier endroit était à moins de soixante kilomètres, le second à moins de quarante cinq kilomètres de la grande cité. Aucun de ces deux endroits ne jouissait d’une bonne réputation, même aux yeux des païens. Un poète classique a laissé un récit vivant de son passage au forum d’Appius, de ses tavernes médiocres, mais aux prix exorbitants remplis de mariniers querelleurs. Quelle différence avec la rencontre de l’apôtre des nations avec ces saints de Rome auxquels il avait écrit peu avant d’être fait prisonnier ! Il approchait les frères qu’il avait ardemment désiré de voir afin de leur faire part de quelques dons spirituels pour leur affermissement ou, comme il le dit humblement et admirablement, afin d’être consolés ensemble au milieu d’eux, chacun par la foi qui est dans l’autre, à la fois leur foi et sa foi (Rom. 1:11-12).
Deux groupes étaient venus à sa rencontre pour l’accueillir : c’est ce qui ressort clairement de la mention de ces lieux séparés par quelques kilomètres, mais assez éloignés de Rome à une époque où les voyages étaient loin d’être aussi faciles que de nos jours. Aucun de tous ces frères n’était troublé par la mauvaise qualité de l’eau, ni ne se plaignait des moustiques, ni des crapauds ni des amusements des esclaves et des bateliers paresseux ; pas d’exaltation dans le groupe au milieu de grands amis et de la bonne chère, et encore moins des bataille de plaisanteries avec les bouffons accompagnant les repas. Mais l’apôtre qui était débiteur des Juifs et des Grecs, et qui priait pour des fruits à la gloire de Dieu par Christ le Seigneur, rendit grâces à Dieu et prit courage quand il vit ceux que l’amour dans la vérité avait fait venir de Rome pour l’accueillir. Voilà donc ces hommes délivrés du faux brillant du monde et du profit égoïste tiré de leur tyran écrasant, la Bête à plusieurs têtes : quelle joie pour eux de reconnaître par grâce dans le prisonnier Paul, le serviteur très honoré du Seigneur, l’auteur inspiré de la lettre qu’ils avaient reçue, et qui ne cède en rien aux autres épîtres quant à la profondeur et l’étendue des sujets traités et quant à la consolidation des fondements de la relation du croyant avec Dieu, et de la marche et du service qui se rattachent à cette marche aujourd’hui !
On remarquera qu’il n’y a pas la moindre trace de Pierre, ni maintenant ni plus tard, ni dans cette épître aux Romains qui, plus que toutes les autres dans le Nouveau Testament, est pleine de notes personnelles dans son dernier chapitre. Ce serait tout à fait inexplicable si le grand apôtre de la circoncision eût été alors à Rome avec quelque responsabilité que ce soit, encore plus s’il y avait occupé la position que lui attribuent certains de ceux qui débitent la tradition ! Et si Pierre n’a pas fondé l’église à Rome, certainement aucun autre apôtre n’y a participé. En effet, au début et juste avant la fin de son épître aux Romains, Paul nous donne deux déclarations inconciliables avec cette ancienne fable. En Romains 1:13 il considère à l’évidence la capitale du monde comme relevant de son domaine, autant que les terres païennes situées à l’est de Rome, tandis que l’épître elle-même, du premier chapitre jusqu’au dernier, donne la preuve abondante qu’un grand nombre de saints s’y trouvait déjà, tant Juifs que païens. Puis de nouveau, à l’avant-dernier chapitre, il définit ce qu’était le but régulier et constant de son ministère : travailler là où le nom de Christ n’était pas encore connu, et éviter de construire sur le fondement d’autrui. Car, comme on l’a déjà remarqué, il manquait à Rome ce qu’un apôtre était le mieux placé pour apporter (Romains 1:11), ce qu’il est inconcevable d’affirmer si Pierre ou quelque autre apôtre avait visité la ville avant que Paul leur eût écrit ou y fût allé. Nous pouvons donc absolument rejeter ce qu’Eusèbe affirme dans le texte arménien du Chronicon, repris tel quel par Jérôme pour l’essentiel (Catal. 1), et par des tas de Romanistes (catholiques) à leur suite, selon lesquels Pierre aurait visité Rome déjà en l’an 42 (!) et y serait resté vingt ans ! (Jérôme et d’autres disent même vingt-cinq ans) : c’est autant impossible à soutenir en face de ce que l’Écriture nous dit de Pierre que de ce que nous y apprenons de Paul.
Pourtant, nous voyons Paul avoir besoin de prendre courage en s’approchant de la ville qu’il avait si ardemment désiré de visiter dans le Seigneur. Il semble aussi profondément conscient de sa faiblesse et de sa crainte et de son tremblement que lorsqu’il prêchait à Corinthe des années auparavant. Son expérience des soins pleins de grâce du Seigneur lors de son dernier voyage périlleux et lors du naufrage, ainsi que les preuves de Sa puissance qui l’avaient accompagné et les résultats produits sur tous ceux de Malte, — tout cela n’empêchait pas ces exercices en arrivant à Rome. En effet, c’est dans la faiblesse que le Seigneur démontre la suffisance de Sa grâce, comme Il l’avait enseigné aux Corinthiens après les expériences aussi vivantes de Sa puissance en délivrance à Éphèse (2 Cor. 1 et 12). Mais ici, le Seigneur n’opère pas par une vision comme celle qui avait soutenu Paul quand il était en danger de céder à la dépression (Actes 23:11), mais Il opère par la foi et l’affection des frères de Rome. Il semble que le retard à Pouzzoles dû au désir des frères qu’il reste une semaine parmi eux, ait permis que la nouvelle de son arrivée en Italie atteigne les saints à Rome et qu’ils puissent venir à sa rencontre. Il est clair que les autorités qui le retenaient prisonnier, ne firent pas de difficultés, tellement il inspirait de respect moral parmi les officiels romains, et surtout chez le centurion qui avait été témoin de ses actes et de ses paroles tout au long du voyage d’est en ouest.
Combien sont douces et merveilleuses les voies de la grâce qui nous font connaître de source incontestable que les saints qu’il allait aider si puissamment furent utilisés par le Seigneur pour encourager l’apôtre lui-même sur la route : c’est le meilleur commentaire de ce qu’il leur avait écrit auparavant, à savoir qu’il désirait qu’ils se consolent ensemble parmi eux, chacun par la foi qui était dans l’autre, à la fois sa foi et la leur ! (Rom. 1:12).
Combien est d’ordre pratique la vérité que le corps du Christ est un, et qu’il a plusieurs membres placés chacun dans le corps comme il plaît à Dieu ! « Or, si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Mais maintenant les membres sont plusieurs, mais le corps, un. L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ou bien encore la tête, aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous ; mais bien plutôt les membres du corps qui paraissent être les plus faibles, sont nécessaires ; et les membres du corps que nous estimons être les moins honorables, nous les environnons d’un honneur plus grand ; et nos membres qui ne sont pas décents sont les plus parés, tandis que nos membres décents n’en ont pas besoin. Mais Dieu a composé le corps en donnant un plus grand honneur à ce qui en manquait, afin qu’il n’y ait point de division dans le corps, mais que les membres aient un égal soin les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est glorifié, tous les membres se réjouissent avec lui » (1 Cor. 12:19-26). Telle est l’église, appelée à être sur la terre la réponse à Christ dans le ciel. Oh ! combien le déclin fut rapide, combien l’écart fut grand, et combien la ruine fut universelle ! Le sentons-nous, jugeons-nous nous-mêmes, et recherchons-nous Sa volonté ?
Ainsi, l’apôtre arrive dans la métropole du monde en tant que prisonnier. Telle était la volonté de Dieu. Il y avait alors des saints là, comme on le sait d’après l’épître qu’il leur écrivit de Corinthe (Romains 16: 3). Beaucoup d’assemblées ont été fondées par les apôtres, mais non pas celle de Rome. C’est ainsi que Dieu anticipa, en le condamnant, l’orgueil de l’homme qui allait plus tard se complaire dans cette tradition aussi peu fondée que la plupart des autres traditions. La capitale des nations relevait du domaine de Paul, et non pas de Pierre (Gal. 2:8), et elle ne pouvait, en restant vraie, se vanter d’avoir un apôtre comme fondateur. Mais plus encore : le plus grand témoin de l’évangile y vint comme prisonnier. Et l’évangile devait y subir un sort bien plus terrible, dans la torture et sur les bûchers, quand la Babylone païenne allait devenir le mystère d’iniquité, la Babylone papale. Pourtant, la Parole de Dieu n’était pas liée, pas plus que les décrets plus cruels ne la consumèrent plus tard, même quand un prêtre pseudo-chrétien s’assit sur le trône des Césars, et que des hommes se déguisèrent en disciples de l’Agneau, alors qu’ils n’étaient que des loups ravisseurs, en réalité des païens dans le cœur et dans l’incrédulité.
« Et lorsque nous fûmes arrivés à Rome, [le centurion livra les prisonniers au préfet du prétoire, et] (*) il fut permis à Paul de demeurer chez lui avec un soldat qui le gardait. Or il arriva, trois jours après, que [Paul] convoqua ceux qui étaient les principaux des Juifs ; et quand ils furent assemblés, il leur dit : [Hommes] frères, quoique je n’aie rien fait contre le peuple ou contre les coutumes des pères, fait prisonnier à Jérusalem, j’ai été livré entre les mains des Romains qui, après m’avoir interrogé, voulaient me relâcher, parce qu’il n’y avait en moi aucun crime digne de mort. Mais les Juifs s’y opposant, j’ai été contraint d’en appeler à César, non que j’aie quelque accusation à porter contre ma nation. C’est donc là le sujet pour lequel je vous ai appelés, afin de vous voir et de vous parler, car c’est pour l’espérance d’Israël que je suis chargé de cette chaîne. Mais ils lui dirent : Pour nous, nous n’avons pas reçu de lettre de Judée à ton sujet ; et aucun des frères qui sont arrivés n’a rapporté ou dit quelque mal de toi ; mais nous demandons [ou pensons bien] à entendre de toi quel est ton sentiment ; car, quant à cette secte, il nous est connu que partout on la contredit » (Actes 28:16-22).
(*) Les plus anciens manuscrits ne reconnaissent pas la phrase entre crochets.
Deux choses apparaissent chez l’apôtre : son entière supériorité vis-à-vis de la rancune qui l’avait poursuivi jusque-là de la part des Juifs, et son zèle infatigable à chercher à leur faire entendre la vérité, au lieu de se juger indignes de la vie éternelle. Il n’y avait non plus aucune activité par en dessous. Il invita les principaux des Juifs, non pas des gens peu informés, et il leur expliqua que, sans faire de tort aux Juifs ni à leurs coutumes ancestrales, il était prisonnier des Romains depuis Jérusalem ; et que les Romains voulaient l’acquitter après avoir effectué leur examen, mais que les Juifs s’y étaient opposés, et que c’était là la raison de son appel à l’empereur. Mais il souligne que l’offense réelle était qu’il tenait pour l’espérance d’Israël. Il aurait pu exposer leur conspiration pour l’assassiner quand il était entre les mains des Romains ; si ce fait avait été publié à Rome, cela lui aurait servi complètement, et aurait anéanti les Juifs. Mais pas un mot ne lui échappe, hormis un amour généreux, disant qu’il n’avait pas d’accusation à porter contre ceux qui avaient cherché sa mort avec tant d’acharnement. C’était vraiment pour l’espérance d’Israël qu’il portait ces chaînes — pour le Messie chargé de bénédictions de toutes natures pour Israël, des bénédictions qui ne passeraient pas. Et si les Juifs faisaient la sourde oreille, ces grâces assurées (devant lesquelles Israël fondra un jour en un vrai repentir) trouveraient des objets appropriés, et si ce n’était pas dans le pays favorisé, ce serait dans le désert aride où des parias avérés vivent maintenant à la gloire de Dieu comme objets de la grâce de Jésus.
Cependant l’apôtre ne parle pas encore de cette grâce pour les nations qui avait suscité la haine des Juifs ailleurs, mais il parle simplement du fait que c’était pour le Christ, l’espérance d’Israël, qu’il était prisonnier.
Le fait est que les Juifs, après avoir échoué avec les gouverneurs successifs, et même avec le roi Agrippa, avaient été assez perspicaces pour comprendre la folie de poursuivre leurs plaintes contre Paul jusqu’à César. Ils n’avaient pas de sujet d’accusation à caractère vraiment criminel. Un empereur romain allait-il se soucier d’une accusation religieuse ? Les Juifs donc répondirent qu’aucune lettre ni aucun visiteur n’avait fait parvenir de plainte officielle devant eux contre Paul, mais qu’ils souhaitaient entendre ce qu’il avait à dire de la secte contre laquelle on parlait si universellement et qu’on qualifiait de chrétiens. C’était justement ce que le cœur de l’apôtre désirait.
« Et lui ayant assigné un jour, plusieurs vinrent auprès de lui dans son logis ; et il leur exposait [la vérité], en rendant témoignage du royaume de Dieu, depuis le matin jusqu’au soir, cherchant à les persuader au sujet de Jésus, et par la loi de Moïse et par les prophètes. Et les uns furent persuadés par les choses qu’il disait ; et les autres ne croyaient pas. Et n’étant pas d’accord entre eux, ils se retirèrent, après que Paul leur eut dit une seule parole : L’Esprit Saint a bien parlé à nos pères par Ésaïe le prophète, disant : ‘Va vers ce peuple et dis : En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez point, et en voyant vous verrez et vous n’apercevrez point ; car le cœur de ce peuple s’est épaissi et ils ont ouï dur de leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, de peur qu’ils ne voient des yeux, et qu’ils n’entendent des oreilles et qu’ils ne comprennent du cœur, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse’. Sachez donc que ce salut de Dieu a été envoyé aux nations ; et eux écouteront » (Actes 28:23-28).
Le verset 29 du Texte Reçu : « Quand il eut dit ces choses, les Juifs se retirèrent, ayant entre eux une grande discussion », qu’on retrouve dans la version autorisée anglaise, ne figure pas dans les manuscrits grecs anciens. Bannir une innovation est le contraire d’innover.
Ainsi Dieu donna à Son serviteur une porte ouverte vers les personnes qu’il aimait tant et dont les frères avaient causé son emprisonnement par malveillance ; cette porte était d’autant plus ouverte qu’il n’y avait personne pour déposer une accusation précise. C’était un moment extrêmement solennel pour l’esprit de l’apôtre, une longue journée pendant laquelle, là à Rome, il exposa la vérité du royaume de Dieu et de la Personne de Jésus d’après la loi et les prophètes, avec le résultat que certains furent persuadés des choses qui étaient dites, tandis que d’autres restèrent incrédules, une expression plus forte que simplement « ne croyaient pas ». La Parole de Dieu vient les mettre à l’épreuve à la lumière de Jésus : elle le fait et elle est faite pour cela.
Mais si, étant en désaccord entre eux, ils prirent congé, Paul réitéra la sentence si longtemps suspendue, déjà prononcée par le Juge Lui-même en Jean 12:37-41 plus de sept siècles après qu’Ésaïe fut inspiré de la prononcer après sa vision dans le temple, l’année de la mort du roi Ozias (Ésaïe 6). Quel témoignage de la patience divine ainsi que de la certitude du jugement sur Son propre peuple ! À l’origine, c’est l’Éternel, le Dieu d’Israël, qui envoya Son prophète avec ce message. Puis l’Éternel-Jésus vers la fin du rejet de Son témoignage d’amour et de lumière au milieu d’eux, les quitta et se cacha (Jean 12:36), après avoir donné tant de signes qui manifestaient le Père et le Fils à l’œuvre en grâce. Pourtant, ils ne crurent pas en Lui, selon Ésaïe 53, et même ils ne pouvaient pas croire, car la sentence judiciaire prenait effet : c’était le fruit d’avoir méprisé toutes les paroles et preuves de Dieu lui-même, le Fils, sur la terre.
« Ésaïe dit ces choses parce qu’il vit Sa gloire [celle de Christ] et qu’il parla de Lui » (Jean 12:41). Tel est le commentaire de l’évangéliste inspiré. Cette parole est à nouveau citée par Paul, en y ajoutant seulement cette référence emphatique : « l’Esprit Saint a bien parlé ». Celui qui autrefois avait donné au prophète de voir, entendre et écrire, était maintenant descendu du ciel pour glorifier Christ, et Il est déclaré être Celui qui alors parla ainsi. L’Esprit était rejeté par les Juifs en tant que témoin du Fils de l’homme glorifié, tout comme le Fils sur la terre avait été rejeté, et comme l’Éternel l’avait été autrefois. Sur le terrain de la responsabilité, tout était fini avec le peuple élu qui, après avoir failli à l’égard de la justice, abhorrait la grâce souveraine de l’Évangile. Mais la miséricorde qu’ils méprisèrent sera leur seule ressource dans ce jour final, lorsque le dernier empire des nations, allié avec l’Antéchrist sur la terre d’Israël, se lèvera pour s’opposer au Seigneur revenant et apparaissant en gloire. Ce sont là la Bête et le faux prophète de l’Apocalypse.
Entre temps, les Juifs sont finalement retranchés, et avant que l’apostasie soit venue et «l’homme de péché» révélé, l’Évangile poursuit sa course de miséricorde céleste pour les nations. « Eux écouteront », dit le messager (Paul) depuis ses liens à Rome. C’est ce qui a eu lieu et ce qui a encore lieu, bien que les ombres s’épaississent à mesure qu’on s’approche de la fin de cette ère. Alors une chrétienté ingrate rejettera la foi, et retournera de plus en plus au naturalisme, dans l’amour non seulement des choses présentes, mais aussi de l’idolâtrie, l’homme étant mis à la place du vrai Dieu, de sorte que la colère viendra à son point culminant sur tous, Juifs et nations, eux qui auront rejeté la grâce et se seront prosternés devant la créature dressée pour la destruction par Satan dans le mépris et la négation du Père et du Fils.
Mais entre-temps, « ce salut de Dieu a été envoyé aux nations ». Car la grâce de Dieu s’abaisse vers les plus bas quand la lumière de la connaissance de Sa gloire brille, comme c’est le cas actuellement dans l’Évangile, dans la face de Jésus qui est à Sa droite. Ainsi, Israël est rejeté, les nations entendent et l’apôtre est prisonnier. C’est ainsi que l’histoire se termine.
Mais l’apôtre, prisonnier à Rome, envoie de là aux Juifs le message le plus profond qu’ils aient jamais reçu de Dieu, en même temps que Paul envoya les paroles les plus complètes sur le corps et sa Tête aux saints à Éphèse et à Colosses, — sur l’expérience chrétienne aux Philippiens, — personnellement à Philémon : voilà le courant si fertilisant qui coulait à travers lui dans sa captivité.
« Et [Paul] demeura deux ans entiers dans un logement qu’il avait loué pour lui, et il recevait tous ceux qui venaient vers lui, prêchant le royaume de Dieu et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus Christ, avec toute hardiesse, sans empêchement » (Actes 28:30-31).
Telle est la fin simple, solennelle et digne de l’histoire inspirée de l’église. Certains la trouvent abrupte parce qu’elle ne nous parle pas de l’emprisonnement ultérieur de l’apôtre et de sa mort. C’est le même esprit d’incrédulité qui se plaint que deux évangiles ne parlent pas de la scène de l’ascension, comme si Dieu ne savait pas la meilleure manière de révéler Sa propre vérité. Paul est prisonnier, mais pas au point que cela empêche l’avancement de la vérité même à Rome. Pour en savoir plus sur l’apôtre, il faut lire attentivement la Parole ; mais même ainsi, on ne trouve rien pour encourager la curiosité, la superstition, ou le culte du héros, mais on trouve tout pour que Dieu soit glorifié en toutes choses par Jésus-Christ.