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L’Assemblée du Dieu vivant — 1 Tim. 3:15
André GIBERT, 1948 [ajouts bibliquest entre crochets]
● [Comment la Parole de Dieu présente l’Église (ou Assemblée) de Dieu
● Ce que les hommes en ont fait
● Comment répondre, de nos jours, à l’enseignement de Dieu concernant cette Assemblée.]
TABLE DES MATIÈRES ABRÉGÉE :
1 Introduction : « Qui n’assemble pas avec Moi, disperse » Matt. 12:30
2 Première partie : Principes du rassemblement chrétien
2.1 L’Église selon la pensée de Dieu
2.2 Ce que les hommes ont fait de l’Église
2.3 Que faire dans l’état présent des choses ?
3 Deuxième partie : Pratique du rassemblement selon Dieu [se garder de ce qui n’est que formalisme]
3.1 La question du nom [frères, saints, assemblée de frères, etc.]
TABLE DES MATIÈRES DÉTAILLÉE :
1 Introduction : « Qui n’assemble pas avec Moi, disperse » Matt. 12:30
2 Première partie : Principes du rassemblement chrétien
2.1 L’Église selon la pensée de Dieu
2.1.1 Son prix [Matt. 16 Mon assemblée – Éph. 5 Épouse – Matt. 13 Perle de grand prix]
2.1.2 Le propos de Dieu à son égard [Éph.1 associée à Christ dominateur sur toutes choses]
2.1.3 Sa place distincte [pas du monde Jean 17:14 et nombreux passages des Actes]
2.1.5 Comparaisons exprimant cette unité sous divers aspects
2.1.6 Pourquoi l’Église ici-bas ?
2.1.6.1 [Manifester cette unité – d’essence divine, effet de la grâce et de la puissance de Dieu]
2.1.6.4 [Sainte sacrificature]
2.1.7 Excellence de ces prérogatives [fonctions et devoirs = privilèges]
2.1.9 Responsabilité [glorifier Christ]
2.2 Ce que les hommes ont fait de l’Église
2.2.1 Les débuts [Actes 4 jusqu’aux « temps fâcheux » de 2 Tim.3]
2.3 Que faire dans l’état présent des choses ?
2.3.1 Les différentes catégories de groupements chrétiens
2.3.1.1 1° Églises d’affirmation catholique [prétention à l’unité, à être L’Église]
2.3.1.3 3° Hors du camp (Hébreux 13:13) [vers Christ]
2.3.2 Une chimère : le retour de la chrétienté à son état du temps des apôtres [illusion]
2.4.1 [Ne pas perdre de vue l’unité du corps]
2.4.3 [Besoin de cœurs dévoués aux intérêts du Seigneur, et aimant ceux qui sont à Lui]
3 Deuxième partie : Pratique du rassemblement selon Dieu [se garder de ce qui n’est que formalisme]
3.1 La question du nom [frères, saints, assemblée de frères, etc.]
3.2.3 Les « charges » [locales : anciens, surveillants, serviteurs ou diacres]
3.2.5 Le ministère des femmes [Priscilla, filles de Philippe, Phoebé, 1 Cor. 14:34, 1 Tim. 2]
3.3.1 Réunions convoquées et réunions d’assemblée
3.3.2 L’Assemblée s’adressant à Dieu
3.3.3 L’Assemblée recevant de Dieu
3.4.2 L’Assemblée exerçant l’autorité au nom du Seigneur
3.4.2.4 Valeur universelle des décisions d’assemblée
Les pages qui suivent ont pour objet de replacer devant les chrétiens l’enseignement de la Parole de Dieu concernant ce que l’apôtre inspiré appelle « l’assemblée du Dieu vivant » (1 Timothée 3:15) (*).
(*) Les deux termes d’église et d’assemblée sont équivalents. Ils seront employés indifféremment dans ces pages. Celui d’assemblée a l’avantage que sa forme même rappelle sans cesse sa signification, plus facilement perdue de vue avec le mot église. D’autre part, ce dernier peut prêter à équivoque, en ce qu’il est revendiqué par des dénominations religieuses particulières ; il est vrai que maintenant d’autres se disent, aussi abusivement, « les assemblées de Dieu ».
Cet enseignement, longtemps méconnu, a été remis en lumière lors du grand Réveil que l’Esprit de Dieu opérait dans toute la chrétienté au début du 19° siècle. Des croyants de différents pays furent amenés à cette époque à se réunir simplement au nom du Seigneur Jésus, sans autre autorité que la Bible. De ces rassemblements beaucoup se sont perpétués, d’autres analogues se sont formés. Le présent petit ouvrage a été rédigé surtout à leur intention. Mais le sujet en est apparu si actuel, il est d’une importance si capitale, qu’il a paru propre à intéresser, moyennant de minimes retouches, bien des âmes qui cherchent où et comment se rencontrer en dehors de tout formalisme religieux, comme frères et soeurs dans la foi chrétienne.
L’état du monde christianisé n’est plus exactement le même, en effet, qu’en ce temps où des serviteurs de Dieu qualifiés faisaient renaître les vérités méconnues dont nous parlons. Elles ont été, depuis, trop souvent diluées avec artifice dans une multitude d’erreurs pernicieuses et il n’est pas toujours aisé de démêler ce qui est fondé sur la Parole de Dieu et ce que ne peut recevoir quiconque veut lui obéir. En vain sommes-nous mis en garde contre les « nouveautés », celles-ci ont souvent beau visage, et elles nous assaillent de tant de côtés, dans les conversations, les lectures, les prédications, que les croyants ne mettront jamais trop de diligence à s’instruire et à s’exhorter mutuellement en vue de garder « le bon dépôt par l’Esprit Saint qui habite en nous » (2 Timothée 1:14). La vérité demeure, immuable. Encore faut-il que nous nous appliquions à la rechercher, et que nous nous y tenions, nos cœurs étreints par l’amour du Christ.
D’autre part, bien souvent on insiste sur la seule « pratique » d’une marche dont on oublie d’assurer le terrain. Le danger est grand de nous rabattre sur une observation à peu près satisfaisante d’habitudes considérées comme orthodoxes uniquement parce qu’elles étaient celles de nos prédécesseurs, et de nous contenter, sans l’avouer, d’une sorte de code. L’important est non de copier d’anciens conducteurs, mais de revenir à la source où ils ont puisé. C’est « leur foi » que nous avons à imiter, en considérant « l’issue de leur conduite » (Hébreux 13:7). Leur conduite découlait de leur foi. Pourrions-nous toujours justifier par la Parole — dans son Esprit et pas simplement dans sa lettre — des manières de faire qui autrement, si bonnes fussent-elles, n’auraient d’autorité que la tradition et conduiraient à la routine ?
Que cette Parole et cet Esprit nous instruisent eux-mêmes dans la recherche présente de la pensée de Dieu touchant le rassemblement des croyants.
Les instructions et les exhortations du Nouveau Testament considèrent rarement le chrétien à l’état isolé, mais comme faisant partie d’un ensemble, celui des « saints » (*). Cette qualité de « saints » n’est pas, du reste, le résultat de mérites quelconques en eux ; ils sont saints par l’appel de Dieu, et en vertu de l’œuvre parfaite de Christ. Ils sont tous des « frères saints, participants à l’appel céleste » (Hébreux 3:1). La portée de ces enseignements est le plus généralement collective. Même quand Paul ordonne à quiconque prononce le nom du Seigneur de se retirer de l’iniquité, ou qu’il stimule Timothée en lui répétant : « Mais toi... », il dirige la pensée du fidèle vers une compagnie avec laquelle ce fidèle peut et doit servir le Seigneur : les termes de l’injonction de 1 Timothée 6:11 : « fuis... poursuis... » se retrouvent en 2 Timothée 2:22, mais accompagnés, pour un temps de ruine plus accentuée, de cette précieuse indication : « avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ».
(*) Romains 1:7 ; 1 Corinthiens 1:2 ; 14:33 ; 16:1 ; Jude 3, etc.
Aussi est-il de toute importance de savoir pourquoi, où, comment, avec qui, nous avons à nous rassembler selon Dieu.
Trop souvent on suit simplement à cet égard les habitudes de sa famille, de son milieu ou de son pays. Le monde christianisé se compose de très nombreux groupements qui tous se qualifient de chrétiens, et dont certains portent expressément, officiellement même, le nom d’églises (ou assemblées), avec une appellation caractéristique : églises catholiques diverses, églises anglicane, réformée, luthérienne, presbytérienne, méthodiste, évangélique libre, baptiste, etc. La liste de toutes les dénominations serait longue.
Beaucoup d’esprits sincères, émus de cette dispersion, travaillent actuellement de divers côtés en vue de faire ce que l’on appelle l’unité de l’Église. Cela consiste à réunir des membres d’« églises » différentes pour se mettre d’accord sur un certain nombre de points communs. Malheureusement ces points se trouvent n’être pas toujours les points essentiels, c’est-à-dire les vrais points de doctrine. Les promoteurs les plus convaincus de ce mouvement oecuménique (autrement dit universel) s’entendraient-ils même entièrement sur la définition du « chrétien » ? Comment alors définir cette « Église universelle » dont se réclament pourtant nombre de liturgies ? Que dire des divergences d’opinion sur l’inspiration des Écritures, sur la divinité de Jésus, sur la réalité de sa résurrection ? Aura-t-on même une conception de Dieu valable pour tous ? Alors, que reste-t-il ?
Certes, nous voulons nous réjouir de tout ce qui tend à rapprocher pacifiquement les hommes. Nous reconnaissons qu’il est humainement très estimable de proclamer un commun attachement aux enseignements du Christ dans l’espoir d’améliorer le monde, à le supposer améliorable. Nous sommes plus heureux encore à la pensée que beaucoup de ceux qui travaillent à cette oeuvre avec une bonne volonté incontestable sont de vrais et chers enfants de Dieu. Mais en de telles matières la bonne volonté ne suffit pas. Le moins que l’on puisse dire de ces généreux efforts est que, appliqués à élaborer des compromis qui réservent les convictions profondes de ceux qui en ont, et à édifier une Église tout en laissant subsister des églises disparates, ils ne se référent point franchement aux enseignements de la Parole de Dieu sur la véritable unité chrétienne et le rassemblement selon Lui.
C’est à cette Parole qu’il faut nous adresser.
Une première et essentielle constatation à faire est que jamais elle n’envisage des « églises » différentes entre lesquelles les croyants se trouveraient répartis et qu’il faudrait unir. Elle parle d’eux, comme faisant partie d’une seule et même Église, dont il peut y avoir un grand nombre de manifestations locales sans doute, mais dont chacune de ces assemblées locales n’est qu’une expression. Elle ne reconnaît point d’autre Église que celle-là. C’est l’authentique Église universelle.
De graves confusions proviennent de ce qu’on mélange sans cesse deux points de vue très différents : d’une part l’Église telle qu’elle est aux yeux de Dieu, d’autre part la forme que sur la terre les hommes ont donnée à cette Église. Le dessein et la pensée de Dieu d’un côté ; de l’autre la responsabilité de l’homme et les résultats de son travail propre. Mais pour savoir comment nous conduire au sein de l’Église telle qu’elle existe sur la terre il faut avoir d’abord une idée juste de ce qu’elle est aux yeux de Dieu.
Nous ne saurions trop nous recueillir, avant toute chose, devant ce que la Parole nous dit du prix que l’Église a pour Christ, a pour Dieu.
Christ l’appelle mon Assemblée (Matthieu 16:18), et cela seul montre la présomption des hommes lorsqu’ils veulent bâtir leur Église à eux. Elle est l’Église de Christ. Il la bâtit. Il a des droits sur elle, elle est à Lui. Le passage bien connu d’Éphésiens 5:25 nous définit ces droits, qui sont ceux de l’amour ; il nous dit à quel prix Il l’a acquise : « Christ a aimé l’Assemblée et s’est livré lui-même pour elle ». Le marchand de la parabole a vendu tout ce qu’il avait pour acheter la perle de très grand prix (Matth. 13:46), mais Christ a payé bien davantage : Il a donné sa vie pour l’Assemblée.
La Parole emploie cependant moins l’appellation d’Assemblée de Christ que celle d’Assemblée de Dieu, et cela rehausserait encore, s’il était possible, la place que lui assignent les pensées et les affections divines, car « le chef du Christ, c’est Dieu » (1 Corinthiens 11:3). Paul recommandait aux anciens d’Éphèse de « paître l’assemblée de Dieu », et il ajoute aussitôt : « laquelle Il a acquise par le sang de son propre Fils » (Actes 20:28).
Que chacun de nous pèse de telles expressions. Le sujet de l’Église n’est pas laissé à notre propre appréciation, ce n’est pas un sujet de controverses sans portée. Voilà à quelle valeur l’Église est estimée par Christ, par Dieu. Et nous ne mettrions pas tous nos soins à nous enquérir de ce qu’elle est, de la façon dont nous avons à nous conduire à son égard, du rôle et de la place que la Parole lui assigne ici-bas, de son espérance, de son avenir ? Des hommes la façonneraient à leur gré ?
Il est grave de « mépriser l’Assemblée de Dieu » (1 Cor. 11:22). Toute légèreté, toute indifférence là-dessus prouverait que nous ne sommes pas intéressés à ce que Dieu aime, à ce que Christ aime (Apocalypse 3:9). Le sang du Fils de Dieu, le sacrifice de Christ, l’amour de Christ ne nous toucheraient-ils point ? Ou nous contenterions-nous égoïstement de nous savoir sauvés, sans que ce qui est cher au cœur de notre Sauveur ait de valeur pour nous ?
Ne craignons pas d’élargir un tel sujet. On ne peut avoir une vue juste de tout ce qui se rapporte à l’Église si l’on ne prête pas attention à ce que l’Écriture révèle du dessein de Dieu envers elle, pour Sa gloire à Lui.
L’Église est, de toute éternité, destinée à partager la gloire de Christ, cet Homme qu’est devenu le Fils de Dieu afin de mourir pour nous et qui, ressuscité d’entre les morts, est maintenant assis à la droite de Dieu dans le ciel. Bientôt, selon « le mystère de sa volonté », Dieu réunira « en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre, en lui... » (Éph. 1:9, 10). L’Église sera associée à ce dominateur. Il lui est donné « pour être chef sur toutes choses », et pour qu’elle lui soit unie comme son corps même, « la plénitude de Celui qui remplit tout en tous » (id., 22, 23). Adam n’était pas complet sans Ève. Le glorieux Ressuscité ne le serait pas sans l’Église. C’est pour cet avenir qu’elle est formée.
De là vient la place distincte qui est assignée ici-bas à l’Église. Le croyant n’est pas du monde parce que Christ n’en est pas (Jean 17:14) ; elle non plus par conséquent.
Cette mise à part est clairement effectuée, en pratique, dans les Actes au chapitre 2:47 et en 5:14, vis-à-vis de Jérusalem ; puis, en 18:7 et 19:9, à l’égard des Juifs en général ; quant à la séparation d’avec les païens, elle allait d’elle-même (Galates 1:4 ; 1 Cor. 12:2 ; etc.). On trouve en 1 Corinthiens 10:32 la distinction aussi nette que possible : « Ne devenez une cause d’achoppement ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’assemblée de Dieu ». Les juifs étaient le peuple terrestre de Dieu, en voie de ne plus être reconnu comme tel pour un temps, les Grecs représentaient le reste des hommes ; l’« assemblée de Dieu » comprend, elle, des gens qui ne sont plus ni Juifs, ni Grecs, mais « un dans le Christ Jésus » (Galates 3:28).
L’Église est formée en effet de ceux qui possèdent la vie nouvelle en Christ, la vie de Dieu, et de ceux-là seuls. « Nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit hommes libres ; et nous avons tous été abreuvés pour l’unité d’un seul Esprit » (1 Corinthiens 12:13). Ces « nous » sont évidemment, avec l’apôtre, ceux auxquels s’adresse son épître, savoir les « sanctifiés dans le Christ Jésus, saints appelés » (1 Corinthiens 1:2). Ils appartiennent à Christ, Il est « leur Seigneur et le nôtre ». Il les a acquis pour Dieu par son sang, et son Esprit habite en eux. Ils sont « de Christ » (Galates 3:29). Ils sont tous acceptés de Dieu au même titre, comme des enfants. Leur position devant Lui est celle même de Christ ; mais comment Dieu accepterait-Il quelqu’un en dehors de Christ ?
Tous les croyants sans exception font à jamais partie de l’Église, leur position à cet égard est aussi ferme que leur salut. Mais quand des non-croyants se réclament de l’Église chrétienne, ou qu’une « église » s’appelant chrétienne range parmi ses membres et associe à sa vie des inconvertis notoires, c’est là assurément une responsabilité très grave. Or ce ne sont pas des rites ou des formes extérieures, comme le baptême, qui sauvent, mais la foi personnelle en Jésus Christ (Romains 10:9). Le Saint Esprit met son sceau sur cette foi et la manifeste.
L’Église est formée de tous les croyants, disons-nous. Aussi pouvons-nous l’envisager dans sa plénitude, comprenant l’ensemble de tous les croyants depuis l’envoi du Saint Esprit lors de la Pentecôte jusqu’à la venue du Seigneur ; c’est cet ensemble complet que Christ se présentera à Lui-même comme l’Assemblée glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable (Éphésiens 5:27). Mais jusqu’à ce moment-là les enseignements que donne la Parole concernent l’Église sur la terre, formée de chrétiens qui vivent leur existence d’ici-bas, mais dont Christ s’occupe (Éphésiens 5:26) : l’Église ainsi considérée est évidemment l’ensemble des croyants existant sur la terre au même moment. Ils ne sauraient tous se connaître, mais Dieu, Lui, connaît tous ses enfants, ils sont tous au même degré parties constituantes de son Assemblée. L’unité de celle-ci vient de ce qu’ils ont tous la même vie, celle d’un Christ ressuscité.
Le Nouveau Testament emploie différentes figures pour nous présenter l’Assemblée. Elles traduisent toutes, mais en se plaçant à des points de vue différents, l’unité de tous les « nés de nouveau » (Jean 3:7 ; 1:13).
Une avec l’Époux dont elle procède comme Ève d’Adam, « os de ses os et chair de sa chair », elle est l’objet de sa tendre affection. Nulle relation n’est plus intime ni plus douce. Le couple terrestre n’en offre qu’une pâle image ; on est mari et femme sur la terre seulement (Matthieu 22:30), mais l’Église sera Épouse éternelle de Christ dans le monde nouveau, comme le montrent avec tant de relief les derniers chapitres de l’Apocalypse. Les soins actuels de Christ pour l’Assemblée sont ceux de l’Époux qui attend le moment de venir chercher son Épouse, avec une sainte affection à laquelle Il veut qu’elle réponde. « Que celui qui entend dise : Viens » (Apocalypse 22:17).
Mais les maris sont exhortés à aimer leurs femmes parce qu’elles sont « leur propre corps », comme l’Église est le Corps de Christ. Cette expression, employée de façon si saisissante au chapitre 1 de l’épître aux Ephésiens (v. 23), puis au chapitre 4 (v. 12), et au chapitre 5, l’est aussi en 1 Cor. 12:12, 27, et, quoique moins significativement, en Romains 12:5. On sait que ce terme est particulier à l’enseignement de Paul ; cet apôtre avait été spécialement choisi pour mettre en lumière ce point, tant il est important. Rien, en effet, ne peut approcher de la force d’un tel mot : le corps de Christ. Il y a là plus qu’une relation, si étroite soit-elle, mais bien une unité vitale, assurée par un même Esprit qui lie Tête et Corps. « Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés pour une seule espérance de votre appel » (Éph. 4:4). Cela suppose la vie : ceux qui font partie du corps ont la vie de Dieu, la vie de Jésus dans les siens, et ils ont pour espérance le moment où ce qui est encore mortel en eux sera absorbé par la vie. Déjà lorsque Christ glorifié « saisit » Paul, Il met cette unité en évidence : « Je suis Jésus que tu persécutes » en persécutant les miens. « Vous êtes le corps de Christ, et ses membres chacun en particulier » (1 Corinthiens 12:27). Il n’est pas parlé de membres de l’Assemblée, encore moins de membres d’une Assemblée particulière, mais des membres du corps de Christ. « Ce mystère est grand... »
Le même Esprit qui assure et entretient l’unité vitale de Christ glorifié et de son corps encore sur la terre, en chacun de ses membres comme dans l’ensemble, habite effectivement sur la terre. Chaque croyant est « le temple du Saint Esprit », qui est en lui et qu’il a de Dieu (1 Corinthiens 6:19). Et l’Église entière est « le temple de Dieu » (1 Cor. 3:16). Elle est « une habitation de Dieu par l’Esprit » (Éph. 2:22). Elle est la Maison de Dieu (1 Tim. 3:15). Bâtie sur un fondement solide, le Roc de la Personne glorieuse confessée par Pierre comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, et bâtie par Lui-même, elle est formée de pierres vivantes, à commencer par Pierre, mais avec lui tous les croyants (1 Pierre 2:5). Pas plus lorsqu’il est question de la Maison de Dieu que lorsqu’il est question du Corps de Christ, la réalité de la vie divine chez ceux qui font partie de l’Assemblée de Dieu ne peut être mise en doute ni oubliée.
L’édifice parle de quelque chose de stable, et la solidité de l’Église est telle que « les portes du hadès » — la plus forte puissance ici-bas, celle de la mort —, « ne prévaudront pas contre elle » (Matthieu 16:18). Christ bâtit : rien n’est à craindre.
Mais c’est la maison de Dieu, le temple saint dans le Seigneur. Tout doit donc y répondre au caractère divin ; le nom de Dieu y est connu, honoré, loué, et Dieu veille à ce que la façon de vivre de ceux qui sont là soit en rapport avec la sainteté de ce nom. C’est le lieu du service divin, une sainte sacrificature.
Épouse, corps, maison, l’Église est tout cela dès l’instant qu’elle existe. Mais, de même que le chrétien pris individuellement est dès ici-bas tout à la fois « accompli en Christ », donc propre pour la gloire, et formé progressivement au cours de sa carrière en vue de sa manifestation au jour de Christ, de même l’Église, ensemble des croyants, est déjà vue en Christ dans sa perfection, et en même temps formée peu à peu, par tout le travail de l’Esprit Saint durant le temps de la grâce, en vue du ciel. Christ purifie l’Assemblée par le lavage d’eau par la Parole ; le corps de Christ croît, par les grâces spirituelles qui viennent du Chef, et, « bien ajusté et lié ensemble par chaque jointure du fournissement » produit, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure, son « accroissement... pour l’édification de lui-même en amour » (Éph. 4) ; et enfin « l’édifice, bien ajusté ensemble, croît pour être un temple saint dans le Seigneur » (2:21). L’achèvement sera vu dans le ciel, mais il est là pour ainsi dire en puissance ; ainsi un bon ouvrier voit déjà dans sa pensée son travail tel qu’il demeurera, et voit en même temps tout ce qui sera nécessaire pour l’amener à ce terme.
Quand l’Église prendra effectivement place dans les lieux célestes avec Christ, chacun de ceux qui la composent ayant revêtu un corps semblable à Christ, elle, apparaîtra comme son Épouse unie à Lui, comme son Corps, plénitude de Celui qui remplit tout en tous (Éph. 1:23). Et l’édifice alors, l’habitation de Dieu par l’Esprit, devient la « sainte cité », la nouvelle Jérusalem, à laquelle s’attache ce titre « de l’Épouse, la femme de l’Agneau ». Ainsi seront manifestées ses perfections éternelles, fruit du travail et de l’amour de Christ, aux yeux de la terre milléniale, puis des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (Apocalypse 21:2-6, 9-27).
En attendant, au milieu du monde actuel, qui a rejeté et rejette Christ, elle ne peut être qu’une étrangère. La nouvelle création à laquelle elle appartient est une anomalie dans l’ancienne. L’Église n’est pas, contrairement à ce que certains semblent estimer, une partie — la plus noble, pensent-ils — de ce monde ; elle en a été tirée, et elle se trouve normalement opposée à lui par son caractère céleste, comme l’était Christ quand Il cheminait ici-bas.
Elle n’est pas, en définitive, l’Église des hommes, elle est l’Assemblée de Dieu.
Nous sommes amenés à nous demander pourquoi elle est ainsi laissée ici-bas, et quelles fonctions elle est appelée à y exercer.
On pourrait dire d’un mot que l’Assemblée est placée sur la terre pour glorifier Dieu en glorifiant Christ. Telle est la vocation individuelle du chrétien, temple du Saint Esprit, telle est celle de l’Église, habitation de Dieu par l’Esprit. Elle est là « afin que la sagesse si diverse de Dieu soit... donnée à connaître aux principautés et aux autorités dans les lieux célestes, par l’assemblée » (Éph. 3:10). Elle anticipe l’éternité. « Or, à Celui qui peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons, selon la puissance qui opère en nous, à Lui gloire dans l’Assemblée dans le christ Jésus, pour toutes les générations du siècle des siècles ! Amen » (v. 20).
Les attributions de l’Assemblée en vue de répondre à ce grand objet sont multiples.
I. D’abord, manifester cette unité d’essence divine, sans équivalent dans les choses humaines. L’existence même de l’Église doit ainsi montrer la grâce et la puissance de Dieu.
Le Seigneur Jésus avait en vue un tel témoignage lorsque, dans sa prière de Jean 17, Il demandait « que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi ; afin qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que toi tu m’as envoyé » (v. 21). Telle est la haute efficacité que le Seigneur attachait à la manifestation par les siens de cette unité de la famille du Père : le monde croirait. Quand Il la manifestera Lui-même en gloire, le monde la connaîtra, elle sera rendue évidente (v. 23) même pour les ennemis ; mais en attendant qu’Il nous « consomme en un », Il nous met au milieu du monde pour que celui-ci voie la vie nouvelle dans sa preuve la plus évidente, savoir l’unité de la famille de Dieu, qu’il en recherche la source, et qu’il croie. Il n’y a pas de plus puissante évangélisation.
Mais ce n’est pas seulement l’unité de la famille qui est appelée à paraître, mais bien l’unité du corps ; elle se montre quand les croyants gardent « l’unité de l’Esprit » (Éph. 4:3) par le lien de la paix. Tel est le rôle que tous ils ont à tenir, parce que tous ont été appelés du même appel, font partie du même corps, sont animés du même Esprit.
Ce témoignage rendu dans l’amour (Éph. 4:2) ne peut l’être aussi que dans la séparation du mal. Cette sainteté pratique est requise de tout ce qui porte le nom de Dieu : « Soyez saints, car moi je suis saint » (1 Pierre 1:16). Elle est figurée, à propos de l’Assemblée, par la « pâte sans levain » de 1 Cor. 5:7
II. Témoin de la puissance de la grâce de Dieu pour unir dans la sainteté, l’Assemblée est ici-bas le dépositaire de la vérité : « l’Assemblée du Dieu vivant « est » la colonne et le soutien de la vérité » (1 Tim. 3:15). Elle est établie telle. Elle n’est pas la source de la vérité, la vérité ne procède pas de l’Église : la Parole de Dieu est la vérité, Jésus est la vérité, le Saint Esprit est la vérité (Jean 17:17 ; 14:6 ; 1 Jean 5:6) ; mais non l’Assemblée. Elle l’a reçue ; il lui appartient de la rendre publique et de la maintenir intacte. Dieu habite dans l’Assemblée qui est sa maison, mais la vérité doit être vue en elle, portée par elle comme par une colonne, sans qu’elle la laisse affaiblir, altérer ou oublier.
III. La maison de Dieu est une maison de prières. Ainsi en était-il pour le peuple terrestre, ainsi pour l’Assemblée de Dieu. Matthieu 18:19 l’établit, en donnant aux deux ou trois assemblés au nom de Jésus l’assurance d’être exaucés parce que Lui-même est là au milieu d’eux.
IV. L’Assemblée, sainte sacrificature, a le service de la louange. Elle adore son Seigneur comme il convient à l’Épouse du Roi de gloire (Ps. 45), mais Lui-même, ressuscité, chante au milieu d’elle les louanges du Père (Hébreux 2:12). Par Lui elle loue Dieu le Père. Elle rend culte. « À Lui gloire dans l’Assemblée dans le Christ Jésus » (Éphésiens 3:21). Les relations individuelles de l’âme avec Dieu pour le célébrer et lui rendre grâces, si précieuses soient-elles, s’effacent, en s’y fondant, devant ce service collectif sans prix.
Au centre de ce culte se place le souvenir de la mort du Seigneur. C’est dans l’Assemblée qu’est dressée la Table du Seigneur, où elle célèbre la Cène (1 Cor. 10:16-21 ; 11:20-34). Elle parle de son œuvre, proclame la valeur de celle-ci pour sauver et pour rassembler. Elle le fait dans le souvenir, rendu visible dans un mémorial ordonné par Lui-même, du Seigneur donnant sa vie. « Faites ceci en mémoire de moi... » Et cela encore est un témoignage : la mort du Seigneur est annoncée.
V. Tournée vers le passé pour commémorer le sacrifice unique, elle se tourne vers l’avenir pour attendre le Seigneur. À elle il appartient de dire avec amour : « Viens, Seigneur Jésus », par l’Esprit qui est au milieu d’elle et avec elle (Apoc. 22:20).
Voilà quelques-unes des précieuses fonctions pour l’accomplissement desquelles l’Assemblée est ici-bas. Il y en a d’autres sans doute. Il faudrait parler de tout ce que les âmes y peuvent trouver d’encouragement et de réconfort, dans une communion fraternelle qui a sa source dans l’amour du Seigneur pour les siens. Elle est le refuge de quiconque, lassé de ce monde, vient chercher la paix auprès du Sauveur. Elle reconnaît, approuve, soutient les ouvriers que le Seigneur envoie. Toutes les épîtres de Paul nous montrent à quel point ce puissant serviteur de Dieu, qui ne dépendait de personne, comptait sur le soutien spirituel de l’Assemblée en tous lieux, et combien il était reconnaissant pour les soins matériels dont on l’entourait. Avec quels accents il se réjouit de la part que les Philippiens prenaient à l’Évangile, ou reconnaît comment la conduite des Thessaloniciens renforçait en tous lieux sa propre prédication !
Mais quand nous parlons de fonctions, et de devoirs qui en découlent, c’est privilèges qu’il faudrait dire. Les saints de l’Ancien Testament ne les connaissaient pas, parce qu’il fallait pour que ce trésor s’ouvrît que Christ eût été glorifié après être mort et ressuscité. Ils n’avaient en partage ni le seul corps ni le seul Esprit ni la seule espérance de l’appel. Maintenant, « béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éph. 1:3).
L’Église est établie afin que, jouissant de ces bénédictions célestes, elle en apporte ici-bas le rayonnement et le parfum, dans un témoignage collectif qui honore son Chef connu et aimé, auteur du salut et seul centre de rassemblement de tous.
Pour exercer réellement ces prérogatives et rendre ce témoignage, l’Église ici-bas est pourvue de toutes ressources, comme le croyant n’est pas laissé à lui-même, par la grâce de Dieu.
C’est « toute la grâce variée de Dieu ». Reconnaître effectivement l’autorité du Seigneur, laisser agir librement le Saint Esprit, dont la mission est de glorifier Jésus exalté (Jean 16:14), obéir à la Parole, voilà qui devait suffire en tout temps.
Christ glorifié « donne » en grâce tout ce qui est nécessaire, tous les ministères voulus pour recruter et pour nourrir l’Assemblée (Éphésiens 4:7-16) ; l’Esprit distribue avec sagesse la diversité des services (1 Corinthiens 12). Il en aura été ainsi pendant toute l’histoire de l’Église. Christ montrera, à sa gloire, combien Il aura été fidèle en s’occupant de celle qu’Il a aimée.
En face de l’action divine se développent, hélas, toutes les offensives de Satan et du monde pour disperser, détruire et corrompre. C’est pour le chrétien une lutte constante. L’Assemblée dispose, pour se préserver, d’une arme particulière : une autorité est placée en elle, du fait de la présence du Seigneur au milieu d’elle.
C’est ce que nous trouvons dès Matthieu 18:17-20, en vue d’assurer l’ordre et la paix parmi des frères — les enfants de Dieu. La présence du Seigneur au milieu des siens est affirmée là en rapport avec la prière des deux ou trois, mais cette prière elle-même est en rapport avec le pouvoir de « lier et délier » en matière de relations fraternelles. Le but est évidemment que « des frères habitent unis ensemble », ce qui est « bon et agréable » (Psaume 133:1), une source de bénédiction et un témoignage rendu à l’unité de la famille de Dieu.
Le pouvoir conféré à l’Assemblée est présenté de façon plus ample et plus solennelle en 1 Cor. 5. Il s’agit d’ôter le vieux levain, le levain du péché, pour être une nouvelle pâte. Autrement dit l’Assemblée, tenue de se purifier du mal, doit exercer une discipline allant jusqu’à l’exclusion du « méchant ». Mais comme en Matthieu 18 l’autorité mise dans l’Assemblée se lie de la façon la plus exclusive à la présence du Seigneur (v. 4), et à la puissance de son nom. Elle est exercée de la part du Seigneur, au nom du Seigneur, non point à la manière d’un tribunal humain, mais en vue du bien de tous et particulièrement du défaillant (2 Cor. 2:5-9).
La grandeur de ces privilèges, la réalité de ces ressources, dépassant ce que les témoins plus anciens possédaient, font peser sur l’Église une responsabilité plus grande qu’aucune autre.
Elle n’a pas pu répondre à ce qui lui était demandé. Elle n’a pas su employer ces ressources. Elle a prouvé une fois de plus que l’homme n’est pas capable de garder intact ce que Dieu lui confie. Le dépôt que l’Église avait en mains était plus précieux qu’aucun autre, et elle l’a laissé glisser à terre. Il s’agissait du nom de Christ glorifié. Et sans doute il en a été ainsi pour qu’à la fin toute gloire soit rendue à Dieu qui, malgré notre infidélité, accomplira ses desseins par Christ : c’est en Lui seul que Dieu aura trouvé son « bon plaisir dans les hommes » (Luc 2:14). Mais tant que l’histoire de l’Église sur la terre n’est pas terminée, quiconque a les vrais intérêts de Christ à cœur doit rechercher où est, pour lui, le chemin de la fidélité.
La formation de l’Église a commencé le jour de la Pentecôte, quand le Saint Esprit est descendu sur la terre et a rempli les apôtres. Pierre, le premier, a reçu la puissance pour annoncer l’Évangile en proclamant la résurrection et la gloire de Jésus. Mais l’Église n’apparaît dans son originalité qu’à la suite des révélations faites à Paul, à mesure que, les Juifs « rejetant pour leur part le conseil de Dieu », rejetant la parole de Dieu et se jugeant eux-mêmes par là « indignes de la vie éternelle » (Actes 13:46 ; voir aussi Luc 7:30), la bonne nouvelle se répand parmi les nations, et que les disciples sont mis à part. Le mystère d’un seul corps embrassant tous ceux qui étaient loin comme ceux qui étaient près, gentils et Juifs, tous possédant accès auprès du Père par un seul Esprit, n’avait pas été donné à connaître dans l’Ancien Testament. Quelques allusions prophétiques, quelques types, muets jusqu’à Christ, cachaient dans l’Écriture elle-même le secret qu’il était réservé à Paul de révéler (Éph. 3:2-9).
Notre propos n’est pas de retracer, après d’autres, l’histoire de l’Église sur la terre. Ce qu’en rapporte la Parole est suffisant, du reste, pour introduire et faire prévoir son déroulement. Le livre des Actes, et les épîtres tant de Paul que de Pierre, de Jacques, de Jean, de Jude, non seulement annoncent le déclin, mais le montrent largement commencé.
Tous les caractères des maux qui ont grandi ensuite et que nous trouvons aujourd’hui sont visibles dès lors. Dans les tout premiers jours, l’assemblée de Jérusalem avait reflété la pensée de Christ : ceux qui avaient cru montraient l’unité de l’Esprit, ils persévéraient ensemble dans la doctrine et la communion des apôtres, la fraction du pain et les prières (Actes 2:42). L’amour dans l’Esprit opérait puissamment parmi eux et les faisait mettre tout en commun. Ils n’étaient qu’un cœur et qu’une âme. Mais ces heureux débuts furent bientôt troublés. Sans doute la cupidité et le mensonge, les négligences à l’égard des veuves et les murmures qui s’ensuivent, sont-ils réprimés, car l’Esprit Saint agissait avec puissance, mais ils le sont pour un temps seulement, comme l’épître de Jacques suffirait à le montrer. Puis la difficulté qu’éprouvaient les croyants juifs à admettre les nations sur le même pied qu’eux est près d’entraîner un schisme. De faux frères se glissent dans les assemblées (épîtres aux Galates, de Jude, de Jean). Les mauvais docteurs, judaïsants, gnostiques ou rationalistes, font leurs ravages. Des chrétiens se détournent de la croix pour suivre leurs intérêts (épîtres aux Philippiens, à Timothée). Paul prisonnier est abandonné de presque tous. Cet apôtre peut annoncer les temps fâcheux des derniers jours, mais ils se montraient déjà. Jean déclare que l’esprit de l’antichrist est déjà là et que c’est la dernière heure.
Depuis lors dix-neuf siècles ont, hélas, vérifié de toutes les façons possibles le fait constant que l’homme gâte tout ce que Dieu lui confie.
Certes, Dieu a maintenu témoins après témoins, Il a permis d’heureux retours, magnifié partout sa grâce, Il s’est montré fidèle. Il agit toujours, la Parole est intacte et continue à se répandre, l’Évangile est annoncé et des âmes sont converties.
Mais les enfants de Dieu ont été dispersés par les loups redoutables que des bergers négligents ou vénaux ont laissé entrer. Du milieu même de ces bergers se sont levés des hommes aux doctrines perverses entraînant des disciples après eux (Actes 20:29-30). L’autorité du Maître a été foulée aux pieds. On l’a renié. Et, « ayant des oreilles qui leur démangent », non seulement ils ne reconnaissent plus la voix du bon Berger, mais ils s’amassent « des docteurs selon leurs propres convoitises » (2 Timothée 4:3).
L’apparence de la chrétienté peut — et aujourd’hui plus qu’autrefois à certains égards — faire illusion, mais la « grande maison » a largement laissé le monde entrer et s’installer en maître. Les matériaux des hommes (1 Cor. 3:12-15) ont été mélangés de toutes parts aux « pierres vivantes », et les corrupteurs du temple de Dieu ont foisonné. On appelle du nom de chrétiens quantité de gens qui ne manifestent aucune étincelle de vie. Croyants et non-croyants associés sont organisés selon les principes de groupements humains. L’ivraie s’est toujours plus étroitement mêlée au froment (Matthieu 13:24-30).
Tout cela avait été annoncé à l’avance et il n’y a pas lieu de nous en étonner. Les sept épîtres de l’Apocalypse (chap. 2 et 3) à elles seules nous tracent un tableau prophétique auquel la réalité ne répond que trop fidèlement. Mais faut-il en prendre son parti ? À Dieu ne plaise. Jusqu’au bout l’appel du Seigneur veut réveiller des « vainqueurs ». Et cela parce que Lui est victorieux et qu’Il se gardera des témoins jusqu’à la fin. Les agissements humains auraient depuis longtemps totalement et irrémédiablement ruiné l’œuvre de Dieu, si précisément elle n’était l’œuvre de Dieu.
Quelle que soit, en effet, la confusion actuelle, une certitude nous réconforte : Dieu a sur la terre, aujourd’hui comme autrefois, un grand nombre d’enfants à Lui, des rachetés de Christ, et aujourd’hui comme autrefois ils constituent tous ensemble ce qui est et demeure l’Assemblée de Dieu. Il y a un corps de Christ sur la terre, l’ensemble de ceux qui, nés de nouveau, lui sont liés vitalement par le Saint Esprit.
Rien n’a changé, ni dans la façon dont on devient un enfant de Dieu — « savoir ... ceux qui croient en son nom » (Jean 1:12) — ni dans la façon dont Christ nourrit et chérit l’assemblée qui est son corps. Ne laissons pas s’obscurcir cette pensée que, exactement comme au temps des apôtres, l’Assemblée de Dieu est toujours formée de tous les vrais croyants, qu’ils s’appellent catholiques, protestants ou autrement. Ils sont plus nombreux que nous ne pouvons en connaître, ou même que nous ne le pensons, et pour Christ et devant Dieu leur unité est aussi réelle que jamais. Ne les séparons pas dans nos cœurs, et n’employons pas le nom d’Église sans évoquer tous les rachetés de Christ.
Mais où voir ici-bas cette Assemblée de Dieu ? Il est évident que si nous en cherchons une expression totale nous ne la trouvons pas. Elle est perdue depuis longtemps. Très rapidement, dès le début, il n’a plus été possible de faire le recensement exact de ceux qui faisaient réellement partie de l’Assemblée de Dieu : c’est précisément ce que dit Paul en 2 Timothée 2:19 : « Le Seigneur connaît ceux qui sont siens ». D’une part des millions ont reçu le baptême qui n’ont jamais manifesté la vie, et de l’autre les vrais croyants se répartissent en quantité de formations diverses.
La prétention à s’appeler chrétiens ne manque pas, ni celle à être l’Église ou une Église chrétienne tout en traitant comme chrétiens des inconvertis. Il y a là la profanation la plus odieuse pour Dieu. On ne prend pas son nom en vain. Et du moment qu’on déclare former l’Église de Christ ou lui appartenir, Dieu attache à cette profession, sans rémission possible, toute la responsabilité qu’elle comporte. Laodicée elle-même, alors que Jésus va la vomir, est appelée Église (Apocalypse 3). C’est comme si, au monde qui se dit chrétien, à ses organisations qui se proclament églises chrétiennes, le Seigneur disait : Je te considérerai donc comme mon église, mais voyons ce que cela implique. « Je connais tes œuvres », qu’est-ce qui les a inspirées ? Où sont la foi, l’amour, l’espérance ? Qu’as-tu fait de ma Parole ? Qu’as-tu fait de mon nom dont tu te réclames ? Qu’as-tu fait de ma grâce ? Qu’as-tu fait de mon souvenir ? Qu’as-tu recherché ici-bas ?
Sa patience attend encore. Comment ne pas être touché en voyant avec quelle longanimité il avertit Sardes, et parle à Laodicée : « Je te conseille... Je reprends et je châtie tous ceux que j’aime » (Apocalypse 3:19) ? Il continue à envisager cette chrétienté comme elle demande à l’être sans qu’elle se rende compte combien cela est solennel, c’est-à-dire comme la porteuse de la profession chrétienne. Mais Lui est le témoin fidèle et véritable. Bientôt Il va la vomir de sa bouche. Il s’est occupé d’elle, du reste, tout au long de son histoire, châtiant, reprenant, louant ce qui était bien, encourageant les fidèles, mais dénonçant ce qu’Il ne pouvait approuver. Le gouvernement divin n’a jamais cessé : le jugement commence par la maison de Dieu. Mais bientôt ce jugement sera complet et définitif. Le Seigneur cessera d’appeler « assemblée » celle qui L’a abandonné et mis dehors. Quand Il aura pris auprès de Lui les siens, que l’Époux aura ravi l’Épouse dans le ciel où se célébreront ensuite les noces, il ne sera plus question sur la terre que de « la grande prostituée », usurpatrice de ce beau nom d’Épouse. Jusque-là Il supporte des choses proprement effroyables, mais puisque cette grâce même aura été méprisée, il en résultera un jugement plus sévère. Le maître, dans la parabole des talents, ne conteste pas le titre d’esclave au méchant esclave, mais Il lui applique toute la rigueur du traitement dû à « l’esclave inutile » (Matthieu 25:30).
Ainsi, d’une part, la véritable Assemblée de Dieu, l’œuvre de ses mains, n’est plus humainement discernable dans son ensemble, et de l’autre l’Église professante, oeuvre des hommes, n’est toujours pas dépossédée de son titre.
Ne nous laissons pas troubler par cette apparente contradiction. Encore et toujours les deux faces du « sceau » de 2 Tim. 2 nous rassurent et nous enseignent à l’égard de l’un et de l’autre de ces points. Quant au premier : « Le Seigneur connaît ceux qui sont siens » ; la foi remet à Dieu le soin de son oeuvre. Quant au second : « Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur » ; la même foi obéit et se sépare du mal. Oui, « le solide fondement de Dieu demeure ».
Se retirer pour rester seul ? Non point (Prov. 18:1), mais pour se joindre à ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur, c’est-à-dire sans alliance avec ce qui déshonore ce Nom. Quiconque aime le Seigneur trouvera un chemin préparé par Lui pour rencontrer d’autres croyants animés du même désir. Cela aussi est l’œuvre de Dieu. En tout temps — Élie en fit autrefois l’expérience quand il se croyait seul — Dieu sait se réserver un résidu. À ceux qui le composent Il demande (et par conséquent Il les met à même de le faire) de goûter ensemble les privilèges, d’assumer ensemble les précieuses fonctions qui sont propres à l’Assemblée de Dieu. La grande promesse demeure, malgré toute l’infidélité des hommes, que là où deux ou trois sont réunis en son nom, le Seigneur est là au milieu d’eux. Le rassemblement peut se réduire littéralement à ce petit nombre, qui sera loin de comporter l’intégralité de l’Église sur la terre, mais qui en sera une expression, approuvée de Celui qui est toujours avec le « peuple affligé et abaissé » qui se confie au nom de l’Éternel (Sophonie 3:12).
Il était nécessaire de bien établir ces vues générales avant de regarder d’un peu plus près l’état présent des choses.
Les groupements de la chrétienté actuelle ont pu être répartis en trois catégories.
Les deux premières comprennent tout ce qui se dénomme officiellement « églises ». Ce sont des sociétés organisées, avec des lois et des règlements, chacune avec son clergé distinct des simples fidèles. Il en est effectivement de deux sortes.
L’Église romaine affirme être l’Église, la seule, et elle monopolise le titre de catholique, c’est-à-dire universelle. Mais à des degrés divers la même revendication est celle des grandes Églises orientales qui ne reconnaissent pas le pape romain. En dehors sont les hérétiques : tout au plus admet-on que s’ils sont de bonne foi ils participent à l’âme de l’Église, mais on leur refuse de faire partie de son corps. Ces églises d’affirmation catholique entendent former, seules, toute l’Église chrétienne, et les égarés doivent revenir à elles. Elles affirment en effet, et ceci est capital, qu’il est nécessaire à chaque individu d’avoir recours à elles pour obtenir le salut ; l’administration de leurs sacrements dispense la grâce divine et il faut pour cela un clergé investi d’un pouvoir surnaturel, qui aurait été transmis depuis les apôtres par ordination. Il n’est pas question d’exposer ici leurs doctrines, encore moins de soulever des controverses. Nous n’aurions pas beaucoup de peine à constater que cette unité si hautement affirmée recouvre en réalité une multiplicité extrême d’interprétations et de formes. Mais, par-dessus tout, relevons que l’enseignement de l’Écriture ne considère nullement l’Église comme un organisme assurant le salut, mais comme un organisme formé par des sauvés, ce qui est foncièrement différent.
Les autres Églises sont des organisations religieuses qui se sont séparées des précédentes surtout depuis la Réformation, pour constituer des Églises indépendantes, expressément partielles, distinctes au sein de la chrétienté. Qu’elles soient nationales ou non ne change rien à leur principe. Elles reconnaissent, pour la plupart, ce que l’on appelle « l’Église invisible », bâtie par Christ et dont Dieu seul connaît tous les membres, mais elles se considèrent comme des sociétés nécessaires, établies au mieux selon les époques et les pays pour grouper des adeptes aussi nombreux que possible, les enseigner et les amener à célébrer des offices religieux. Leur base de rassemblement est telle ou telle confession de foi particulière. Les fidèles sont inscrits sur des registres. On peut dire que ces Églises consacrent le morcellement. Chacune vit à part, tout en reconnaissant des vrais chrétiens en dehors d’elle. Quelle que soit la marche individuelle de leurs prêtres, de leurs pasteurs ou des fidèles, marche souvent intègre, le principe ecclésiastique, celui du « système », nie en fait l’unité de tous les chrétiens.
Les deux catégories que nous venons d’évoquer, l’une prétendant à l’unité, l’autre la brisant, mêlent dans leurs rangs des chrétiens véritables et des professants. Le baptême a valeur d’introduction dans la chrétienté et la « première communion » introduit effectivement dans une Église déterminée.
La troisième catégorie est formée par les rassemblements, beaucoup moins nombreux, de chrétiens sortis des deux premières pour se réunir selon les enseignements de la Parole, sans clergé ni règlements particuliers, mais au nom du Seigneur Jésus. Il est probable qu’il y en a eu de tout temps, mais lorsque, au début du 19° siècle, l’Esprit de Dieu a soufflé pour réveiller l’Église, au sentiment de la venue prochaine de l’Époux, nombre d’âmes ont été amenées à se poser la question : Où est l’Église dans la confusion présente ? et ont été conduites à sortir vers Christ hors de tout camp ecclésiastique.
Malheureusement là aussi l’ennemi a été actif, et il a réussi à semer tant de trouble et amener tant de divisions que bien des âmes sincères se demandent : Que faire ? Où est le sentier ?
Et pourtant, soyons-en sûrs, il y a toujours un sentier, celui que l’œil n’a pas vu et qui n’est pas monté au cœur de l’homme, mais que Dieu prépare pour ceux qui l’aiment (1 Corinthiens 2:9).
Que faire ? Il ne saurait être question de rebâtir l’Église du début des Actes. La chose est impossible. C’est un fait général, dans toute l’Écriture, que Dieu ne restaure pas intégralement ce que l’homme a ruiné. Il donne quelque chose de meilleur pour remplacer l’état de choses qui est mis de côté après avoir été supporté avec la plus longue patience.
Dieu supporte encore la chrétienté, et nous avons à aller avec les ressources et les directions qu’il fournit, non à rêver d’une restauration qui contredirait l’enseignement même des apôtres, comme cela a été rappelé plus haut. Du reste, il nous manquerait les éléments capitaux d’alors : les apôtres, et les signes qui accompagnaient leur prédication (Hébreux 2:4 ; 2 Corinthiens 12:12). Les apôtres ont posé le fondement, ils ont accompli leur tâche, ils n’ont pas été remplacés, et il n’en a jamais été question. C’était à l’Église à être fidèle. Il est ainsi des choses qui ne reviendront pas. Quand nous disons que nous nous réunissons comme les premiers chrétiens, cela ne peut pas être entièrement juste.
Mais ce que les croyants d’aujourd’hui ont à faire tout comme les premiers chrétiens, c’est d’obéir à la Parole, celle même que les apôtres disparus depuis longtemps ont laissée après l’avoir transmise fidèlement selon l’inspiration qu’ils avaient reçue. Le fondement qu’ils ont posé est immuable, et il faut nous placer sur ce fondement, savoir Christ Lui-même, le Christ des évangiles et des épîtres, et non sur le fondement de pensées humaines, de doctrines théologiques ou de systèmes philosophiques. « Car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui est posé, lequel est Jésus Christ » (1 Cor. 3:11).
Dieu n’a point cessé de travailler, Christ continue à bâtir, et la maison spirituelle de 1 Pierre 2:5 continue à s’édifier dans sa perfection. Et à mesure, la maison visible sur la terre est toujours confiée à la responsabilité de l’homme (1 Cor. 3:12). Que nous le voulions ou non, chrétiens, « nous édifions dessus ». Prenons garde « comment nous édifions ». Avec quels matériaux, quelles directions, quelles forces ? Qu’est-ce qui, de notre travail, supportera l’épreuve du feu ?
Nous découragerions-nous devant ce qui est demandé de nous ? Mais souvenons-nous que nous avons toujours à notre disposition les trois grandes ressources permanentes :
● la Personne de Jésus, centre de rassemblement,
● la Parole de Dieu,
● le Saint Esprit, Esprit de puissance, d’amour et de conseil (2 Tim. 1:7).
On a souvent rappelé que le prophète Aggée est venu encourager les fidèles à rebâtir la maison de l’Éternel (non point certes identique au temple de Salomon, mais avec l’autel dressé sur le même emplacement) en leur disant : « ... Soyez forts... car Je suis avec vous ... La Parole... et mon Esprit demeurent au milieu de vous » (Aggée 2:4, 5). Combien plus demeurent-ils avec les chrétiens qui veulent obéir ! Ces divines présences sont là comme au premier jour, et ne manqueront pas tant que l’Église sera sur la terre. « Soyez forts, et bâtissez ».
En ce qui concerne le rassemblement, nous sommes exhortés à ne point l’abandonner, « et cela d’autant plus que vous voyez le jour approcher » (Hébreux 10:25).
Nous ne saurions prétendre refaire l’Église, ou être l’Église. Mais il nous appartient d’être convaincus de ce que dans tous les temps le Seigneur a demandé à l’Église, savoir les fonctions dont il a été question plus haut, et des privilèges qu’Il lui confère. Bien qu’elle n’ait pas rempli fidèlement la mission qui lui était confiée, elle n’a pas été relevée de cette mission : glorifier Christ, témoigner de l’unité que Christ a faite, attendre le Seigneur.
Pour qu’une réunion de deux ou trois au nom du Seigneur porte bien les traits de l’Assemblée de Dieu, il faut que chacun de ces deux ou trois soit individuellement pénétré de ce que le Seigneur demande à cet effet. Si elle ne les porte pas, pourquoi se réunir ? Mais si elle les porte, alors cette Assemblée de Dieu qui est devenue invisible en sa totalité par la faute des hommes, sera rendue visible là où ces deux ou trois sont réunis. L’important n’est pas le nombre de gens réunis, mais les caractères de leur rassemblement. Ce n’est pas une question de quantité, mais d’esprit.
À quels caractères donc un rassemblement peut-il et doit-il être reconnu comme assemblée de Dieu ?
Il semble qu’on puisse résumer ainsi ceux qui sont indispensables :
1° ce rassemblement est composé de croyants (2 Cor. 6:14-18)
2° se réunit au nom du Seigneur Jésus (Matt. 18)
3° reconnaît la seule autorité du Seigneur Jésus (Apoc. 1)
4° ne reconnaît d’autre direction que celle du Saint Esprit (1 Cor. 12:13)
5° est soumis à l’enseignement de la Parole, pleinement reçu
6° ne tolère pas que le nom du Seigneur soit associé sciemment au mal (1 Cor. 5:5-9 ; 2 Tim. 2)
De tels caractères ne seront maintenus que si les cœurs sont remplis de cet « amour qui procède d’un cœur pur et d’une bonne conscience et d’une foi sincère » (1 Timothée 1:5). Ils ne sauraient être seulement extérieurs.
Ils impliquent une prise de position qui ne peut manquer d’être mal comprise et mal jugée même par d’autres chrétiens. Elle n’a de valeur que si elle est dictée par l’obéissance, dans l’humilité, et dans un profond amour pour l’Église entière.
Cette position se trouve nécessairement en dehors des deux premières catégories ecclésiastiques que nous avons considérées puisque l’une prétend à tort monopoliser l’Église et que l’autre la fractionne délibérément. Or il s’agit à la fois d’exprimer l’unité de l’Église entière, et de se séparer de ce qui, pourtant, renferme encore des membres du corps de Christ.
Le principe d’un tel rassemblement étant, selon la Parole, celui de l’unité du corps, le symbole de cette unité est donné à la Table du Seigneur (1 Cor. 10:16, 17). On y participe à un seul pain, « le corps du Christ », exprimant par là que tous les croyants, quoique plusieurs, sont un seul pain, un seul corps. Que tous soient effectivement présents ou non n’enlève rien au privilège de ceux qui sont là de penser à tous. La Table du Seigneur n’appartient point à ceux qui l’entourent réellement, mais elle est dressée pour tous, si vraiment c’est le Seigneur qui l’a dressée. Sinon, devenue la table d’une confession particulière, ou même d’une secte, elle serait négatrice de l’unité du corps. Tous devraient être là, et ceux qui s’y trouvent devraient ressentir douloureusement le vide des places de ceux qui ne s’y trouvent pas. Quand nous parlons d’un converti qui « demande à prendre sa place », l’expression est très juste, alors qu’on n’est pas fondé à dire que l’on fait partie de telle ou telle assemblée en entendant par là un groupe indépendant des autres assemblées locales. Nous ne mettons pas en doute que beaucoup de chrétiens jouissent de la Cène comme mémorial de la mort du Seigneur en quelque confession qu’elle soit célébrée, mais « la Table du Seigneur » ne peut être dressée que sur la base de l’unité du corps de Christ, dont tous les enfants de Dieu sont membres au même titre.
Il suit de là aussi que les rassemblements formés en des lieux divers où la Table est dressée sur ce principe sont solidaires, parce que placés dans la même « communion » du corps et du sang de Christ. Chacun est l’expression de l’Assemblée locale elle-même incluse dans la grande unité de l’Assemblée universelle. L’apôtre s’adressait à l’Assemblée à Corinthe, à Éphèse, en parlant comme à l’Assemblée de Dieu tout entière.
L’Assemblée est tenue de préserver la Table du Seigneur de la souillure. Elle a pour cela l’autorité du Seigneur. Elle l’exerce parce qu’Il est là. Et s’Il n’était pas là elle ne serait pas l’Assemblée.
Alors, dira-t-on, vous prétendez être un rassemblement de gens parfaits dans la pratique ? Non, certes, hélas. Mais selon l’enseignement de 1 Cor. 11:28-34, ceux qui s’approchent de la Table du Seigneur sont tenus de se juger eux-mêmes, et l’Assemblée a la responsabilité d’« ôter le vieux levain » lorsque, quelqu’un ayant négligé ce jugement individuel, un état de péché est manifesté et subsiste malgré les avertissements et la discipline fraternelle. Il ne s’agit pas d’exercer un droit quelconque à juger (quelle tristesse ce serait !), mais de rendre au Seigneur ce qui lui est dû, dans le souci de l’honneur de son nom, et celui du bien de son Assemblée.
D’autre part, le même principe de l’unité du corps qui implique que ce que l’Assemblée fait dans une localité est valable partout, empêche que l’on puisse reconnaître des rassemblements où cette discipline n’est pas observée et où un mal moral ou doctrinal est toléré expressément. Là est la source des « divisions » qui se sont produites parmi ceux qui s’étaient initialement groupés en dehors des systèmes religieux. « Un peu de levain fait lever la pâte tout entière » (Galates 5:9). Sans doute nous manquons vite de patience et de support, nous risquons sans cesse de substituer nos vues personnelles à la pensée du Seigneur, et de laisser agir notre propre volonté ; mais Lui ne saurait supporter que l’on associe au mal son nom, attaché à Sa Table.
1° si nous ne voulons pas être une secte, nous devons ne jamais perdre de vue l’unité du corps de Christ, proclamée à la Table du Seigneur, et, tout en portant le deuil de l’état actuel de la chrétienté (à laquelle nous appartenons, ne l’oublions pas), nous avons à saisir avec reconnaissance les prérogatives qui restent jusqu’au bout attachées à l’Église selon Dieu ;
2° si nous ne voulons pas être « coupables à l’égard du corps et du sang du Seigneur », nous devons veiller, dans le jugement individuel et collectif, afin que la communion avec Lui et entre nous soit maintenue avec vérité. C’est cela « garder l’unité de l’Esprit ».
Qui est suffisant pour ces choses ? Le secret est dans des cœurs dévoués aux intérêts du Seigneur, aimant ceux qui sont à Lui ; il est dans l’humilité d’esprit et la fidélité dans tous les domaines.
Ne nous étonnons pas que tout soit en déclin dans la chrétienté, dont nous faisons partie. Le Seigneur Jésus aura été le seul Témoin fidèle et véritable (Apocalypse 3:14). Ne prétendons pas être cette assemblée de Philadelphie à qui Il rend témoignage qu’elle a gardé la Parole et n’a pas renié son nom (Apocalypse 3:8). Mais demandons qu’il nous soit accordé l’état d’esprit et de cœur de celui à qui, si peu qu’il ait de force, le Seigneur peut parler ainsi.
Se réunir autrement que selon l’Écriture ne peut être qu’une forme religieuse. Ne disons pas qu’une âme sincère, quoique mal éclairée, n’y trouvera rien, et que Dieu ne puisse la tenir pour agréable (Actes 10:35). Mais elle restera étrangère au témoignage rendu à l’unité du corps de Christ et elle ignorera la bénédiction « commandée là », comme elle l’était à Sion pour le peuple terrestre (Ps. 133), la rosée descendant de l’Hermon, l’huile précieuse descendant de la tête du vrai Aaron. Elle ne connaîtra pas la libre action du Saint Esprit qui lie « les frères habitant unis ensemble » à Christ ressuscité.
Mais se rassembler en dehors des multiples organisations humaines de la chrétienté, ne sera-ce pas ajouter encore au morcellement de celle-ci ? C’est là un grief sans cesse élevé contre ceux qui se sont estimés contraints, par obéissance au Seigneur, de sortir vers Lui « hors du camp », pour se grouper autour de Lui seul.
Il ne nous est pas possible d’empêcher cette accusation. Mais nous devons prendre garde de ne pas la mériter, et pour cela bannir de nos cœurs tout esprit sectaire. Le Seigneur nous appelle, non à être une fraction de l’Église qui aurait la prétention de faire mieux que les autres, mais à marcher là où devrait marcher l’Église tout entière, et comme si, tout entière, elle était là autour de Christ.
Aussi, pour commencer par un point trop souvent traité à la légère, devons-nous répudier toute appellation par laquelle nous consacrerions une division de plus de l’Église. Quand d’autres chrétiens se disent catholiques, protestants, calvinistes, luthériens, méthodistes, baptistes, etc., ils sont logiques, ils portent le nom de leur église. Mais nous ne connaissons d’Église que la seule Assemblée de Dieu. Nous ne pouvons porter de nom que ne puissent porter tous les enfants de Dieu. Que le monde, religieux ou non, appelle de tels croyants comme il l’entend, c’est son affaire, et les sobriquets n’ont jamais manqué dans l’histoire du peuple de Dieu. Mais reconnaître une appellation distincte serait nier le principe de l’unité qui est celui du rassemblement chrétien. Quand l’apôtre reprochait aux Corinthiens de se dire l’un de Paul, l’autre d’Apollos, l’autre de Céphas, l’autre de Christ, il protestait, disant : « Le Christ est-il divisé ? » (1 Cor. 1:12).
Le Nouveau Testament parle de « chrétiens » (Actes 11:26 ; 26:28 ; 1 Pierre 4:16). Encore ce nom était-il donné par ceux du dehors, peut-être en dérision. Plût à Dieu que notre témoignage soit tel que tout naturellement on nous qualifie de ce nom, le nom de ceux qui suivent Christ !
Il est parlé à maintes reprises de « disciples » dans les Actes. Soyons de fidèles disciples de la Parole, obéissant de cœur à la forme de doctrine dans laquelle nous avons été instruits (Rom. 6:17), la « doctrine du Christ » (2 Jean 9).
Les épîtres parlent de « saints ». Nous oserions à peine employer ce nom que l’apôtre inspiré applique cependant aux chrétiens de Corinthe et des autres assemblées locales, les « assemblées des saints » (1 Cor. 14:33 ; Rom. 1:7 ; 1 Cor. 1:2 ; 2 Cor. 1:1 ; Éph. 1:1 ; Phil. 1:1, etc.). Il arrive que certains abusent de ce terme sans discernement suffisant ; en particulier, quand il est usité devant des inconvertis, il peut prêter à confusion ou même donner prétexte à « scandale ». Souvenons-nous comment notre Maître a agi en Matthieu 17:27. Tels pourtant sont, par grâce, tous les rachetés de Christ, saints par l’appel de Dieu et en vertu de l’œuvre de Christ : aussi sommes-nous exhortés à vivre « comme il convient à des saints » (Éph. 5:3).
Mais, tout au long de l’histoire rapportée par les Actes des Apôtres, et sans cesse dans les épîtres, c’est le nom de « frères » qui revient. Christ n’a pas honte d’appeler tels ceux que Lui-même sanctifie : ils sont des « frères saints, participants à l’appel céleste » (Héb. 2:11 ; 3:1). Ce nom de frères convient dans la famille de Dieu, son emploi doit être courant entre enfants de Dieu. Nous n’avons pas à en chercher d’autre. Encore moins à en revendiquer l’usage exclusif : ce faisant nous n’oublierons pas le grand nombre de ceux qui, enfants de Dieu au même titre que nous, nous sont inconnus parce que disséminés dans le monde christianisé, et nous éprouverons dans nos cœurs le sentiment douloureux mais nécessaire de la famille incomplètement rassemblée.
Mettre en pratique les enseignements de la Parole de Dieu quant au rassemblement des croyants, ce n’est nullement constituer un nouveau groupe, dénommé « les frères » ou « l’assemblée des frères », mais se rencontrer comme « des frères » que la grâce rassemble, en un temps où les enfants de Dieu sont dispersés.
L’absence de tout « clergé » et de ministres officiellement consacrés est sans doute ce qui frappe le plus dans les rassemblements constitués en dehors des diverses organisations ecclésiastiques. Elle étonne, et même trouble souvent des âmes sincères mais habituées à leurs formes religieuses. Car enfin, n’est-il pas parlé dans le Nouveau Testament de surveillants, d’anciens, de serviteurs, et de pasteurs, d’évangélistes, de docteurs, comme d’apôtres et de prophètes ?
Cela est hors de doute. Mais avant d’aller plus loin, constatons que nulle part dans ce Nouveau Testament nous ne voyons ces hommes, ou telle catégorie d’entre eux, constituer un corps distinct du reste des fidèles pour exercer des fonctions sacerdotales, célébrer le culte, accomplir seuls certaines cérémonies. Au contraire, tous les chrétiens y sont considérés au même titre comme des sacrificateurs. L’apôtre Pierre ne fait aucune distinction entre eux lorsqu’il écrit : « Vous-mêmes aussi, comme des pierres vivantes, êtes édifiés une maison spirituelle, une sainte sacrificature, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 Pierre 2:5). La notion même de clergé est étrangère à l’enseignement chrétien. Nulle part non plus l’Écriture ne présente ou ne prévoit dans le christianisme une succession de prêtres ou de ministres assurée par une consécration ou une ordination quelconques, choses que les diverses « Églises » retiennent, bien que beaucoup, particulièrement les églises dissidentes, repoussent l’idée d’un clergé à la manière catholique. S’il s’agit des apôtres, il est clair que c’est le Seigneur qui les a désignés et qu’ils n’en ont point établi après eux. Si un autre « a pris la charge » de Judas, ce ne sont point les onze qui l’ont choisi (Actes 1:24). Quant à Paul, il insiste partout sur le fait qu’il a reçu son apostolat de Dieu et non des hommes, et il ne s’est point donné de successeur. Le principe est le même pour tous les ministères ou services. On cherchera en vain autre chose dans le Nouveau Testament.
Nous y voyons bien que, avant que la Parole fût complète, l’Église étant en formation, les apôtres à Jérusalem ont jugé bon de faire désigner par l’assemblée et d’établir des serviteurs (Actes 6:1-3) et de choisir eux-mêmes des anciens dans les assemblées des nations (Actes 14:23) à l’image de ce qui existait depuis toujours en Israël (Voir Actes 11:30 ; Jacques 5:14-16). L’apôtre Paul, en vertu de son autorité apostolique, a donné qualité à Tite pour le faire en Crète (Tite 1:5), et peut-être, quoique non expressément, à Timothée à Éphèse (1 Tim. 3). Nous lisons bien aussi, en Actes 13:1-4, que les prophètes et docteurs de l’assemblée à Antioche ont imposé les mains à Paul et à Barnabas, mais non point pour leur confier eux-mêmes un service, puisque c’était l’Esprit Saint qui les appelait ; de sorte qu’ils témoignaient seulement de leur communion et de leur pleine approbation. Relevons aussi que Timothée, objet de prophéties particulières (1 Timothée 1:18), avait reçu un don de grâce « avec l’imposition des mains du corps des anciens » (1 Timothée 4:14) et « par l’imposition » des mains de l’apôtre Paul (2 Timothée 1:6) : les anciens reconnaissent ce que l’apôtre était seul compétent pour conférer et qu’il ne confère que sur l’injonction formelle du Saint Esprit exprimée par prophétie. Ce sont là des faits incontestables ; mais en vain voudrait-on en tirer règle ou indication permanente en faveur d’une investiture officielle. Non seulement les apôtres n’ont pas eu de successeurs, et la Parole est absolument muette sur la transmission éventuelle de l’autorité apostolique, mais elle l’est tout autant sur la nomination d’hommes à quelque fonction officielle que ce soit. Nul aujourd’hui ne peut se prévaloir d’une autorité donnée de Dieu pour cela.
La Parole insiste, au contraire, sur l’action du Saint Esprit pour distribuer dons et services (Actes 13:2 ; 1 Cor. 12). Or c’est précisément cette action qui n’est pas reconnue dans l’ensemble du monde chrétien. Comment la laisserait-on libre et souveraine quand, dans bien des cas, on n’admet même pas la présence du Saint Esprit comme Personne ici-bas ? Nécessairement les règlements d’une organisation humaine prétendent alors se substituer à lui, et il faut une investiture pour exercer une fonction dans l’Église. Même lorsqu’on déclare ne consacrer à de telles fonctions que des hommes appelés par Dieu, cette consécration est le fait d’une autorité officielle et exclusive dont nous ne trouvons pas trace dans la Parole de Dieu. Or celle-ci ne manque pas de directions précises sur l’ordre et l’édification dans l’Assemblée. Seulement elle dit : « Le seul et même Esprit opère toutes ces choses, distribuant à chacun en particulier comme il lui plaît ». Il n’appartient ni à l’assemblée, ni encore moins à un clergé issu d’elle, de les « distribuer ».
Nous avons grandement besoin d’être gardés, non seulement des formes, mais de cet esprit clérical qui, supprimant l’exercice de conscience collectif, remet à quelques-uns la charge exclusive de la marche d’une assemblée. Nous en serons délivrés en croyant simplement à la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée. Il y agit par « les dons de grâce ».
(*) Traduction la plus exacte du grec charismata (au singulier charisma), [de charis, grâce], que l’on francise d’ailleurs souvent en « charisme ». L’Écriture identifie souvent le « don » et celui qui le possède (Éphésiens 4:8, 11).
L’Assemblée ne saurait, en effet, vivre sans l’exercice de ce que la Parole appelle les « dons de grâce ». Le « don » est proprement une faculté, ou une capacité, donnée de Dieu à une personne déterminée pour agir à l’égard des hommes. Christ ne laisse pas l’Église en manquer. Il a donné, donne et donnera à cet égard, par le Saint Esprit, tout ce qui est nécessaire pour la nourrir, l’administrer et l’édifier tant qu’elle sera sur la terre.
Il est plusieurs sortes de dons. Les divers passages qui en parlent en donnent des énumérations différentes, chacune avec une intention particulière, mais dont aucune n’est limitative.
Il y a, pour l’ensemble de l’Église, les dons « en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du service, pour l’édification du corps de Christ » (Éph. 4:11, 12). Lui-même, glorifié comme la Tête de ce corps, « a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs ». On voit qu’il s’agit là, essentiellement, du « service de la Parole », et c’est cela que l’on entend lorsqu’on emploie de façon absolue le terme de « ministère ». Celui des apôtres se continue, leur message ayant pris place dans les écrits inspirés, complétant la Parole de Dieu (Colossiens 1:25). Les prophètes, suivant les temps, appliquent la Parole aux besoins que Dieu leur fait discerner dans l’Église avec la réponse qu’Il veut y donner ; ils mettent pour ainsi dire les âmes en contact avec Dieu lui-même (Voir 1 Corinthiens 14). Les évangélistes travaillent dans le monde pour en tirer ceux que Dieu amène dans l’Assemblée. Les pasteurs ont le soin de donner la nourriture spirituelle convenable, et veillent sur le troupeau que le monde et Satan menacent sans cesse. Les docteurs ont à exposer sainement et clairement la vérité.
Le chapitre 12 de la première épître aux Corinthiens, qui insiste surtout sur la souveraineté du Saint Esprit dans la distribution des dons, nous dit que « Dieu a placé... dans l’assemblée : — d’abord des apôtres, en second lieu des prophètes, en troisième lieu des docteurs, ensuite des miracles, puis des dons de grâce de guérisons, des aides, des gouvernements, diverses sortes de langues ». Si les dons que prisaient tant les Corinthiens, miracles, langues, lesquels étaient des « signes » pour les incrédules (Voir 1 Corinthiens 14:22), ne se manifestent plus pareillement parmi nous, les autres subsistent. Il n’est pas question ici d’évangélistes parce que ce chapitre nous occupe de « manifestations spirituelles » au sein d’une assemblée locale, dans sa vie propre, dirigée par l’Esprit.
En Romains 12, on trouve non seulement le service de la Parole, mais l’ensemble des « services » chrétiens, qui nous sont présentés tous comme des « dons de grâce ». Ils vont de la prophétie, laquelle est le propre de quelques-uns seuls, à l’exercice de la miséricorde qu’assurément aucun des fidèles, frère ou sœur, n’est dispensé de pratiquer. Chacun a reçu. Chacun est exhorté à donner. Mais en même temps chacun est rappelé à la « mesure de foi que Dieu a départie à chacun », pour ne pas la dépasser, de sorte que le corps entier fonctionne harmonieusement.
En 1 Pierre 4:10, 11, la diversité des dons de « la grâce variée de Dieu » se répartit, dit l’apôtre, entre « chacun de vous », appelés à en être les « bons dispensateurs ». De sorte que « si quelqu’un parle, qu’il le fasse comme oracle de Dieu ; si quelqu’un sert, qu’il serve comme par la force que Dieu fournit ». L’amour fervent auquel tous les fidèles sont conviés fait qu’ils emploient « les uns pour les autres » les dons de grâce dont chacun d’eux, frère ou sœur, a reçu quelqu’un.
Il ne faut pas que ces enseignements de la Parole restent pour nous des considérations théoriques. Leur portée pratique est extrême.
Il y a une grande diversité de « dons ». Nous sommes portés à n’appeler de ce nom que ceux qui ont quelque relief, en particulier le ministère de la Parole, et à les apprécier dans la mesure où ils s’exercent de façon brillante ou captivante. Aux yeux de Dieu il n’est pas de telles distinctions. Au contraire, les dons les plus « voyants » correspondent à ce qui, étant le moins important et le moins précieux en soi, a dû recevoir extérieurement un honneur plus grand (1 Cor. 12:23, 24). Le ministre de la Parole n’est qu’un canal, celui qui exerce la miséricorde est un foyer d’amour. Le plus humble service dans l’Assemblée a souvent beaucoup plus de valeur que tel autre très en vue.
Ces « dons de grâce » pour « l’œuvre du service » à tous les degrés confèrent, non une autorité officielle, mais une responsabilité à ceux qui en sont investis. Serviteur, c’est ce que Christ a été. Quelqu’un voudrait-il être plus que son Maître ? « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » Même « celui qui préside », ou qui « est à la tête », n’est point un chef au sens où l’entendent les hommes, il est tel que ses frères, mais placé à un poste de responsabilité particulière. Le danger, pour qui a reçu un don propre à le mettre en vue, spécialement celui de présenter la Parole, est de s’ériger en chef et de détourner les âmes de Christ, en les attachant, sciemment ou non, à lui-même. Inversement le danger n’est pas moins grand pour les autres de se reposer passivement sur quelques-uns que Dieu a donnés et de s’endormir dans la routine, en provoquant ainsi, sans s’en douter peut-être, la naissance et l’existence d’un clergé.
Chacun a un « don de grâce ». Chacun doit savoir ce qu’il a reçu du Seigneur et Lui obéir, dans la dépendance du Saint Esprit. Pour que le corps s’accroisse et fonctionne, il faut que chaque membre accomplisse sa fonction, ni trop ni trop peu, comme le montre 1 Cor. 12. Nous sommes membres les uns des autres, et c’est pour le bien commun, non pour notre satisfaction personnelle, que nous avons à « désirer avec ardeur les dons de grâce plus grands ». Mais devant nous est ouvert « un chemin bien plus excellent », celui de l’amour.
On est heureux à la pensée que c’est le Seigneur qui donne, en vue des besoins de l’Assemblée qu’Il aime. Il n’aura pas cessé de la pourvoir des dons nécessaires. Mais comment sont-ils exercés, et comment leur exercice est-il reçu par ceux qui en sont l’objet ? Dans l’état présent des choses, bien des dons sont perdus, car inutilisés, bien qu’ils existent. C’est ce côté de l’emploi des dons que nous présente Romains 12. Agissons selon qu’il nous a été donné. S’il n’en est pas ainsi, quelle perte pour tous ! L’état actuel de l’Église traduit non point l’absence des dons, mais leur non-emploi, ou leur mauvais emploi. Timothée est exhorté à « ranimer le don de grâce », qui est en lui, Archippe à prendre garde au service qu’il a reçu du Seigneur. Le Seigneur peut nous dire à tous : Qu’avez-vous fait de ce que je vous ai donné ?
Loin de nous aussi la pensée que tous les dons actuellement suscités par Dieu se trouvent parmi les frères avec qui nous nous rassemblons. Et n’ayons pas la prétention de les connaître tous. Mais que, parmi nous, il n’y ait pas d’autre action que celle du Saint Esprit s’exerçant par les « dons », et que chacun agisse dans la dépendance, selon qu’il a reçu du Seigneur lui-même.
Le Nouveau Testament parle, en outre, à diverses reprises, de frères appelés à s’occuper de l’assemblée locale comme « anciens » ou « surveillants », et comme « serviteurs » ou « diacres » (Actes 11:30 ; 14:23 ; 20:17, 28 ; Phil. 1:1 ; 1 Timothée 3 ; Tite 1 ; 1 Pierre 5:1 ; Jacques 5:14 et aussi Hébreux 13:17). Ces « charges », comme on les appelle, ne sont nullement incompatibles avec l’exercice d’un don pour la présentation de la Parole, comme le montrent les cas d’Étienne et de Philippe, mais elles ne lui sont pas davantage liées. L’ordre doit être maintenu dans l’Assemblée, les déréglés doivent être avertis, les âmes soignées et encouragées. Il est nécessaire aussi que des hommes et des femmes (Phoebé était servante de l’assemblée à Cenchrée) dévoués s’occupent des choses matérielles, dont chacune, même la plus humble, a son importance ; les serviteurs institués en Actes 6 s’occupaient des pauvres et distribuaient la nourriture. Que des fidèles aspirent à de telles fonctions, c’est là « désirer une œuvre bonne ».
Les qualités requises pour l’une et l’autre charge sont énumérées par l’apôtre Paul dans le chap. 3 de la première épître à Timothée et dans l’épître à Tite (1:7). Elles exigent des chrétiens fondés, expérimentés, pieux. C’est faute de ces qualités que de nos jours se sentira si péniblement, dans la vie des assemblées locales, le manque de surveillants et de serviteurs. Là où ils existent, sachons les reconnaître, et leur porter honneur (1 Thess. 5:12).
Mais encore une fois, la Parole ne donne aucune direction quant à une investiture, officielle et réglementée, dans ces charges. « L’Esprit Saint vous a établis... pour paître l’Assemblée de Dieu », dit Paul aux anciens d’Éphèse. Historiquement, les anciens (presbuteroi = prêtres) ou surveillants (episkopoi = évêques) (*) et les serviteurs (diakonoi = diacres) se sont peu à peu mis à part des fidèles pour former le clergé. Ils se sont considérés (et ont été considérés) dans les églises catholiques comme seuls investis des « dons » et chargés de tout ministère, enseignement, culte, service divin. Ils se sont enfin recrutés eux-mêmes, leur corps spécial se donnant comme seul qualifié pour reconnaître de nouveaux prêtres, selon un pouvoir qui leur viendrait des apôtres et qui se serait transmis sans interruption. Il n’est que de lire le Nouveau Testament pour constater qu’aucune de ces trois prétentions ne se justifie dans l’Écriture, et qu’elles s’opposent à la souveraineté du Saint Esprit dans l’Assemblée. Ailleurs, dans la plupart des dénominations protestantes, les « anciens » ne constituent pas à proprement parler un clergé de la sorte, mais ils forment néanmoins une catégorie officielle et sont élus par l’ensemble des fidèles, ce qui n’est pas davantage conforme à l’Écriture : si, lors de la désignation des sept diacres en Actes 6:1-6, l’ensemble des disciples « jette les yeux » sur eux et les présente aux apôtres, ceux-ci les établissent selon leur irremplaçable autorité. En fait, il n’existe aujourd’hui sur la terre aucune autorité compétente pour établir des anciens ou des serviteurs.
(*) Tite 1:5-7 montre qu’il s’agit de la même charge, vue sous deux aspects différents.
Mais il serait aussi funeste de prétendre qu’ils n’ont plus lieu d’être, et ce serait douter de l’amour du Seigneur pour son Assemblée que de penser qu’Il a retiré ce qui est indispensable à la bénédiction des assemblées locales. Ils sont nécessaires au même titre que les dons. Et, comme l’exercice du ministère par les « dons », l’administration de ces « charges » demande, avec ces capacités et ces qualités morales que la Parole définit en 1 Tim. 3:8-13 comme en Actes 6:3, et qui se résument dans la piété, une sagesse, un amour des saints et un amour du Seigneur tout particuliers. C’est l’accomplissement d’un saint devoir, dans l’obéissance, non point l’occupation d’une place éminente ou de domination (1 Pierre 5:1-4).
Qu’il nous soit permis d’insister sur le point qui vient d’être abordé. L’absence de clergé et de ministère officiel ne signifie nullement une sorte de démocratie religieuse où chacun a tous les droits. Personne n’a de droits sur ses frères, mais chacun a les devoirs que le Seigneur lui assigne. Il s’agit de laisser au Saint Esprit sa libre action pour que chaque rouage de l’organisme fonctionne pour le bien de l’ensemble et selon la volonté de Dieu. Les « systèmes » religieux ne conçoivent pas de rassemblement sans des directeurs désignés, un ordre établi, une liturgie scrupuleusement suivie, parce que la présence effective du Saint Esprit dans l’assemblée n’y est pas comprise. Des hommes, même les mieux intentionnés, seraient-ils plus sages et plus puissants que le Saint Esprit ? Mais prenons garde, sous prétexte que nous sommes affranchis d’une domination humaine, de ne pas agir dans l’indépendance à l’égard de Celui qui prend de ce qui est à Christ pour nous l’annoncer (Jean 16:14 ; 14:26), et met les cœurs et les consciences dans la présence de Christ. Sans Lui, l’Assemblée ne saurait exister. Quand Il est attristé ou éteint, elle perd son caractère. Comme on l’a souvent répété, l’Assemblée serait-elle le seul lieu où la chair puisse se manifester sans être réprimée ?
Un « don » n’a pas, pour être exercé, à attendre d’être sanctionné par l’Église ; c’est à elle à en reconnaître l’exercice, discernant s’il est de Dieu d’après la manière dont il concourt à l’édification (*). Un évangéliste peut être nécessaire ici, un, deux pasteurs là, un docteur ailleurs : Dieu les suscitera selon les besoins que seul Il connaît. Et le don est entièrement libre vis-à-vis des hommes.
(*) 1 Corinthiens 14:29 ; 1 Thessaloniciens 5:19-21 ; 1 Jean 2:20 ; 4:1.
Mais hélas, la chair est toujours portée à user de la liberté pour se faire valoir. Des hommes peuvent prétendre exercer un don sans le posséder, employer à contre-temps celui qu’ils possèdent, ou agir dans une plus grande mesure qu’ils n’ont reçu. Qui dira le préjudice que nos constants manquements à cet égard infligent à l’Assemblée de Dieu ? Occupés de nous-mêmes plus que de Christ et des siens, tantôt nous refusons de mettre en valeur le don que nous avons reçu, et c’est ainsi que bien des frères qui auraient pu édifier l’assemblée n’y ont jamais ouvert la bouche ; tantôt, pour nous en tenir au ministère de la Parole, une profusion de discours hors de propos remplace la vraie parole propre à édifier. Il faut l’écrire avec beaucoup de tristesse, les choses se passent parfois comme si la caractéristique des réunions sans président officiel était que tout le monde a le droit d’agir. Rien n’est plus contraire à la Parole et ne dénote une méconnaissance plus complète de l’Église, des droits de Christ et de la place du Saint Esprit. Au minimum, la connaissance du saint Livre, la capacité de la communiquer à d’autres, le sobre bon sens, sont-ils indispensables : ils sont pour ainsi dire l’évidence du don, de même qu’on n’aurait pas l’idée de faire un messager d’un impotent ou une vigie d’un aveugle. Ensuite, celui qui a la responsabilité d’un don ne saurait l’exercer utilement sans la diligence, l’amour de Christ et de l’Église, la dépendance. Mais ce n’est point la facilité de parole, ni l’instruction ou la science humaine, qui confèrent un don, et quiconque peut s’exprimer clairement, sinon éloquemment, n’est pas pour autant qualifié par le Seigneur, encore que tout croyant qui a reçu de telles facultés doive se demander pourquoi il les a reçues, et s’il fait bien de les employer pour le monde et non pour le Seigneur. Les facultés de l’homme n’ont point de part à la vérité de Dieu, sinon que le Saint Esprit peut se servir d’elles, et qu’Il les emploie chez ceux qu’Il appelle, ce qui est tout différent. Si ceux qui sont toujours portés à se mettre en avant ont à prendre garde de ne pas « renverser la clôture » à laquelle le Dieu de mesure a limité leur don (Eccl. 10:8), il est bon aussi d’exhorter les « timides » à ne pas se laisser arrêter quand ils se sentent appelés par le Seigneur à un service. Qu’ils s’y engagent avec cette « hardiesse dans la foi qui est dans le Christ Jésus » (1 Tim. 3:13), venue de Dieu, dont le livre des Actes parle à maintes reprises. Qu’ils recherchent la communion des saints, non les approbations flatteuses, parfois suspectes et toujours à craindre, mais la « critique saine », toujours reconnaissable parce qu’inspirée par l’obéissance à la Parole et par l’amour.
Le Nouveau Testament nous le montre extrêmement précieux à sa place — que ce soit pour l’enseignement dans la famille, en entretiens privés, comme nous voyons Priscilla aux côtés d’Aquilas pour instruire Apollos, ou les quatre filles de Philippe prophétisant — ou que ce soit dans tous ces « services », tels celui de Phoebé, « servante de l’assemblée qui est à Cenchrée », où la femme est difficilement remplaçable : hospitalité, soins aux malades, etc. Mais s’il s’agit du service public de la Parole dans l’assemblée, l’enseignement scripturaire est si formel qu’il suffit de le transcrire : « Il est honteux pour une femme de parler dans l’assemblée... Que vos femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis de parler... Je ne permets pas à la femme d’enseigner... mais elle doit demeurer dans le silence » (1 Cor. 14:34, 35 ; 1 Tim. 2:11-14). Ce n’est pas une question de capacité, de connaissance, ni de dévouement : il s’agit simplement d’honorer le Seigneur dans l’Assemblée en y respectant l’ordre voulu par Dieu.
Ainsi, l’égalité de tous les enfants de Dieu comme sacrificateurs ne signifie point uniformité. Le « sacerdoce universel » ne signifie pas ministère universel et interchangeable. Il y a diversité de dons, mais un seul Esprit.
Une même précieuse exhortation domine toute la vie pratique de l’Assemblée : « Que toutes choses parmi vous se fassent dans l’amour » (1 Corinthiens 16:14). Cet amour, inséparable de la vérité (2 Jean 3), serre son « lien », celui de la « perfection », autour des croyants, et cela, particulièrement, dans les occasions où l’assemblée est réunie. Là, en effet, il est enjoint « que tout se fasse pour l’édification » ; or c’est l’amour qui édifie (1 Corinthiens 14:26). Là, d’autre part, puisque Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix, il faut « que toutes choses se fassent avec bienséance et avec ordre » (1 Corinthiens 14:40).
L’assemblée se réunit au nom du Seigneur. Il est la source de la bénédiction. S’Il n’est pas là, à quoi bon se rassembler ? Mais du moment que l’on se réunit en son nom, Il sera là, fidèle à sa promesse.
Nous sommes exhortés à ne pas abandonner un tel « rassemblement de nous-mêmes » (Héb. 10:25). Ce n’est pas une loi imposée, mais le rappel d’une condition indispensable à la vie du corps. Déserter ce rassemblement « comme quelques-uns ont l’habitude de faire », c’est se priver soi-même, et priver les autres, dont nous sommes solidaires, de ce qui importe à la croissance commune.
Mais prenons garde de ne pas nous frustrer, même réunis, de la bénédiction que le Seigneur veut nous donner, en le frustrant Lui-même de ce qui lui est dû. L’apôtre déplorait que les Corinthiens se réunissent non pour leur profit, mais à leur détriment (1 Corinthiens 11:17). Il est triste de penser que nous pouvons nous rassembler à notre préjudice, jusqu’à « être jugés » (1 Corinthiens 11:34), tant il est vrai que « les mouches mortes font fermenter l’huile du parfumeur » (Ecclésiaste 10:1).
Comme chez ces Corinthiens, la première cause d’une telle perte est dans les « divisions » (1 Corinthiens 11:18, 19) : des dissentiments tolérés et entretenus, des jalousies, des rancunes plus ou moins ouvertes, que de choses entravent ainsi l’action de l’Esprit dans le rassemblement et empêchent la liberté devant le Seigneur ! Souvenons-nous de l’exhortation toujours actuelle de Jésus lui-même en Matthieu 5:23, 24, et réconcilions-nous avec notre frère avant de venir devant l’autel et de nous y trouver avec lui.
Une autre cause de grave dommage est la méconnaissance, dans le rassemblement, de la dignité du Seigneur. Il est là, et c’est toujours une terre sainte où nous devons ôter les sandales de nos pieds. Ainsi les Corinthiens célébraient-ils « indignement » la cène, c’est pourquoi plusieurs étaient malades parmi eux et quelques-uns s’étaient endormis.
Enfin il y a le manque de discernement à l’égard des « manifestations spirituelles » dans l’assemblée (1 Corinthiens 12-14), manifestations diverses comme le sont les réunions elles-mêmes.
L’assemblée peut être réunie sur l’initiative d’un frère, ou de plusieurs, que le Seigneur appelle à lui dispenser un enseignement, par discours, ou études, ou entretiens (Actes 11:26), mais qui peuvent avoir à lui apporter de sa part un message d’avertissement, de consolation ou autre (Actes 15:30), ou qui ont à cœur de rendre compte de l’œuvre du Seigneur, comme on le voit en Actes 14:26 : Paul et Barnabas retournant à Antioche, « d’où ils avaient été recommandés à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils avaient accomplie », réunirent l’assemblée pour raconter « toutes les choses que Dieu avait faites avec eux » ; une telle communion dans le service est précieuse, et trop rare.
Il semble que l’on se méprenne parfois sur le caractère de telles réunions convoquées, et qu’on hésite à les dire « au nom du Seigneur », ou effectuées autour de Lui. Nous limiterions ainsi, par routine ou du fait de vues particulières et étroites, les occasions dans lesquelles l’assemblée peut se trouver groupée au nom de Jésus et compter sur sa présence. Sans doute, le serviteur de Dieu qui convoque une réunion, ou la laisse convoquer sous sa responsabilité, le fait pour y exercer le ministère qui lui est confié ; il est à souhaiter qu’il pèse toujours cette responsabilité devant le Seigneur ; il doit avoir le sentiment qu’une telle convocation est bien de Sa part ; c’est dire tout ce que comporte de sérieux le service de tout frère qui visite les assemblées locales. Mais le principe demeure que c’est le Seigneur qui travaille par le moyen des « dons » qui s’emploient de la sorte, sous la direction du Saint Esprit.
Dans une réunion de ce genre, l’assemblée est reconnaissante à Celui qui veut l’édifier par le moyen de tel serviteur. C’est à Lui qu’elle s’attend. Chacun doit avoir à cœur de demander à l’avance, et de demander en silence tout au long de la réunion, que rien ne soit donné qui ne vienne de Lui. Celui qui parle n’est qu’un canal, et l’on intercède pour qu’il reste relié à la source afin de fournir une eau pure. Un contrôle constant doit avoir lieu, grâce à cette « onction du Saint » que tout croyant possède, pour que tout ce qui est dit soit bien conforme à la Parole, et que l’assemblée, « colonne et soutien de la vérité », reçoive avec joie la nourriture convenable, mais ne risque pas d’accueillir et de couvrir un enseignement frelaté (Actes 17:11 ; 1 Thessaloniciens 5:19-21 ; 2 Jean 9, 10).
Il s’agit là, bien entendu, du travail d’édification dans l’assemblée. Il est clair qu’on ne pourrait appeler réunion de l’assemblée une réunion d’évangélisation tenue parmi le monde, où est au contraire le terrain normal de l’évangéliste. Sans doute la parole d’évangélisation peut avoir sa place dans toute réunion même « d’assemblée », surtout de nos jours où, comme dans ceux de Timothée, il faut « prêcher en temps et hors de temps » et faire l’œuvre d’un évangéliste, même avec d’autres dons ou d’autres fonctions. Mais l’assemblée ne se réunit pas dans le dessein spécial d’évangéliser. Quand Corneille dit à Pierre (Actes 10:33) : « Nous sommes tous présents devant Dieu, pour entendre tout ce qui t’a été ordonné de Dieu », l’Esprit Saint était à l’œuvre avec puissance, certes ; toutefois il ne pouvait s’agir encore d’assemblée puisque, en dehors de Pierre et des frères qui l’accompagnaient, les auditeurs n’avaient pas encore reçu l’Esprit Saint.
À la différence des réunions ainsi convoquées par des ministres de la Parole, le Nouveau Testament nous parle explicitement de « réunions de l’assemblée » normales, régulières, dans lesquelles s’exprime de façon habituelle la vie d’une assemblée locale. Elles sont un fait collectif, d’un bout à l’autre. Tous sont appelés, non pas simplement à y assister, mais à y participer. « Quand... vous vous réunissez ensemble », ou : « quand vous vous réunissez en assemblée », ou encore : « si donc l’assemblée tout entière se réunit ensemble », dit l’apôtre aux Corinthiens (1 Cor. 11:18, 20 ; 14:23, 26). Il n’est pas question alors de l’exercice particulier d’un « don », bien que les dons y aient leur place.
Ce sont les réunions fondamentales de l’assemblée. Celle-ci vient chercher la présence du Seigneur pour exercer les fonctions collectives qui lui sont dévolues. Elle regarde à Lui seul, avec foi, sans savoir à l’avance qui l’Esprit Saint conduira à « agir ». Non point qu’il y ait à attendre un jaillissement d’impulsions soudaines et incohérentes, qui manifesterait seulement une activité insensée de la chair (1 Corinthiens 14:23), mais bien au contraire, ce déroulement paisible et équilibré, sans effort apparent, qui caractérise le fonctionnement d’un corps en bonne santé, animé de l’intérieur par la puissance invisible d’un seul esprit.
Dans l’exercice de ces fonctions collectives, entre les précieuses prérogatives de l’Assemblée de Dieu que nous avons considérées précédemment, la prière en commun et l’adoration en commun représentent les activités dans lesquelles l’assemblée s’adresse à Dieu, parle à Dieu.
Pour parler à Dieu, qu’on Lui demande (service de la prière) ou qu’on Lui offre (service de la louange), tous les frères sont au même rang, ont un même titre, celui de sacrificateurs, et leur sacrificature est liée, pour l’intercession comme pour l’adoration, à celle de Christ glorifié. Chacun peut prier, indiquer un cantique que tous chantent, rendre grâces au nom de tous, pourvu que ce soit dans la dépendance de l’Esprit qui agit dans l’assemblée.
Celui qui ouvre la bouche est alors la bouche de l’assemblée.
Prières et actions de grâces de l’assemblée ont assurément place dans toutes ses réunions. Toutefois, l’ordre même qui convient à la maison de Dieu implique que certaines réunions soient plus spécialement consacrées les unes à la prière, les autres à l’adoration.
C’est la prière en commun qui, en Matthieu 18, est associée à la promesse de la présence de Jésus, et cela lui donne son prix. Aussi ne conçoit-on pas plus une assemblée locale sans réunion de prières, qu’un croyant qui ne prierait pas individuellement. Ce serait refuser de venir à la source. Et l’on ne redira jamais assez combien il est désastreux que les réunions de prières ne soient pas plus suivies, au point qu’en bien des endroits la majorité des frères et des sœurs paraissent s’en désintéresser et en abandonnent la pratique à quelques-uns.
Il n’est que trop vrai aussi, hélas, qu’il arrive à ceux qui y prennent part d’en fausser le caractère, au risque d’en détourner les âmes au lieu de les attirer. Nous perdons plus que nous ne le pensons, lorsque nous ramenons la prière collective à des redites vagues, où abondent des formules usées jusqu’à l’insipidité — ou que nous nous plaisons à y inclure des exposés de doctrine, rappelant à Dieu les vérités de la Parole, comme si nous prétendions les Lui apprendre. Des discours interminables et lassants, mêmes s’ils sont sincères, empêchent de jeunes frères ou des frères timides de prier, soit qu’on ne leur en laisse plus le temps, soit que cette abondance, dont ils s’estiment incapables, les décourage. Prions plus longuement dans notre particulier, et plus succinctement dans l’assemblée. Tout a été dit sur ce sujet, mais il semble que nous l’oubliions, retombés dans l’ornière, toutes les fois que nous nous agenouillons en assemblée. Comme on se trouve rafraîchi par l’expression précise, brève mais fervente, de besoins réels pesant vraiment sur tous les cœurs !
En réalité, la réunion de prières ne s’improvise pas. Elle suppose des cœurs préparés, des sujets de demandes considérés à l’avance, concertés si possible. Il faut dire davantage : elle suppose une vie habituellement passée avec le Seigneur, l’amour pour Lui et les siens, et ce discernement qu’un « exercice » continuel donne seul (Héb. 5:14). Elle implique d’autre part l’accord entre frères (Matt. 18:19) : ne devrait-elle pas être, précisément, l’occasion de régler tout ce qui peut manquer de ce côté ?
Par-dessus tout, elle veut la liberté d’action du Saint Esprit. « Priant par le Saint Esprit » (Jude 20 ; voir aussi Éphésiens 6:18). Non seulement Il nous est en aide dans notre infirmité, mais Il nous enseigne à demander ce qui convient, et donne la hardiesse pour le faire au nom du Seigneur Jésus.
L’indifférence aux réunions de prières et leur déformation sont donc parmi les signes les plus apparents d’un déclin. Des réunions de prières pauvres, ou artificiellement gonflées de longues oraisons, sont-elles autre chose que la preuve d’un manque de vie spirituelle ? Mais il ne servirait de rien de s’arrêter complaisamment à des lamentations sur ce qui ne va pas. Mieux vaut nous exhorter mutuellement à retrouver le remède, si simple, et si efficace : « Approchons-nous donc avec confiance du trône de la grâce, afin que nous recevions miséricorde et que nous trouvions grâce pour avoir du secours au moment opportun » (Hébreux 4:16). Qui de nous ne peut rendre grâces à Dieu d’avoir trouvé, en des moments difficiles, le plus puissant encouragement dans une réunion de prières, humble et peut-être méprisable aux yeux des hommes, et marquée aux yeux de Dieu de toute notre infirmité, mais où sa grâce nous a fait goûter sa paix ? (Philippiens 4:7) Il est fidèle.
La maison de Dieu, si elle est une « maison de prières », est aussi une maison de « sacrifices spirituels ». Adorer est sans contredit la plus haute fonction de l’Assemblée. C’est le culte au sens bien défini du terme. De même que tous les enfants de Dieu sont sacrificateurs pour intercéder, ils le sont pour offrir l’encens et présenter l’holocauste, comme ces adorateurs en Esprit et en vérité que s’est cherchés le Père (Jean 4:24). La louange est offerte à Dieu par Jésus Christ, lequel purifie nos saintes offrandes (Voir Exode 28:38). Les thèmes en sont les merveilleux sujets que le Saint Esprit propose aux croyants : l’amour de Dieu, la Personne de Christ dans sa divinité et son humanité, ses souffrances, ses gloires infinies... De ce culte, a-t-on dit, Dieu est l’objet, Jésus Christ la substance, et le Saint Esprit la puissance.
Chacun de nous est bien appelé à bénir Dieu « en tout temps » comme le psalmiste (Ps. 34:1). Mais il y a une louange collective, dont Christ ressuscité est le centre et le promoteur (Héb. 2:12). Lui-même prend place « au milieu de l’assemblée » pour chanter les louanges de « son Dieu » dont Il annonce le nom à ses frères. L’Assemblée est le lieu de la « sainte sacrificature », et la solennité de ces « sacrifices de louanges » en égale le paisible bonheur. Il n’y a pas d’autre endroit où les offrir avec plus de ferveur et de réalité.
Quant au moment où l’assemblée doit se réunir en vue du culte, nous n’avons pas de commandement formel, pas plus que pour d’autres réunions. Mais dans le Nouveau Testament la mise à part du jour du Seigneur s’impose à tout esprit dont l’entendement a été renouvelé, et à toute conscience sensible à ce que le Seigneur attend. Ce jour, le premier de la semaine, est celui de la résurrection, au soir duquel Il vint et se trouva au milieu des siens réunis. Des passages comme Actes 20:7 ; 1 Cor. 16:2, indiquent que les chrétiens du temps de l’apôtre Paul mettaient à part ce jour-là pour se réunir et en particulier pour rompre le pain. Tout concourt à donner du dimanche une idée qui n’a rien de commun avec le sabbat, sinon que le jour du Seigneur doit être honoré (Ésaïe 58:13).
Le culte intelligent se déploie dans la liberté de l’Esprit. Toute action de la chair y détonne plus qu’ailleurs, soit organisation préalable, soit direction humaine, soit impulsions sans contrôle. L’Esprit crée un courant sensible pour tout fidèle, courant que traduisent des hymnes, des cantiques, des actions de grâces, des lectures de la Parole, le tout donné dans une vivante harmonie, et d’un niveau plus ou moins élevé selon l’état spirituel de l’ensemble. C’est un concert aux notes multiples, mais qui concourent à une expression d’unité, sous son invisible, mais toujours présent directeur.
Nul ne devrait rester inerte au culte. Chacun doit avoir quelque chose à apporter, à moins que son cœur n’ait été occupé que des choses du monde, et alors l’indigence de sa « corbeille » (Voir Deutéronome 26:1-11) l’amène à se juger salutairement. Dans un culte vrai les silences ne sont point des intervalles vides, où l’on s’impatiente, mais, telle la maison remplie de l’odeur du parfum que Marie versait aux pieds du Seigneur sans dire un mot, l’atmosphère en est chargée d’une adoration muette. Ils ne constituent pas des pauses destinées à reprendre haleine entre des manifestations verbales ; ce sont plutôt celles-ci qui le rompent, pour exprimer ce que l’Esprit vient former dans les cœurs à la gloire de Dieu le Père et de Dieu le Fils. Si la Parole est présentée, c’est pour exciter à la louange et donner l’orientation de l’Esprit à cette louange. Il n’y aura que profit à mettre de côté toute routine, et toute confiance en l’homme. « Nous qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le christ Jésus, et qui n’avons pas confiance en la chair », dit l’apôtre (Philippiens 3:3). Ce n’est pas ici le lieu où les dons, même les plus qualifiés pour le ministère de la Parole, ont à s’employer, sinon pour « servir » comme Lévites et aider l’assemblée à adorer. C’est l’assemblée qui parle par tel ou tel de ses membres, lequel détruit le courant de l’Esprit s’il exprime autre chose que ce qu’elle est en mesure de ressentir, même s’il s’agit de vérités élevées. Rejeter sur quelques-uns, encore davantage sur un seul, la redoutable charge de « conduire » le culte, ou bien prétendre le conduire, c’est certainement priver l’assemblée de sa bénédiction. Nul non plus n’est « consacré » pour rendre grâces en vue de la distribution de la cène : il est naturel que ce service incombe plus particulièrement à un frère âgé, mais sans que cela crée une habitude, encore moins une règle.
Un culte peut avoir lieu sans la célébration de la cène. Mais on ne concevrait pas la cène sans culte. Elle s’accompagne de louanges et d’actions de grâces, elle se célèbre dans l’adoration. Elle peut se placer au point culminant du culte, mais il serait plus normal encore qu’elle en provoque elle-même l’exaltation, et qu’il se continue par delà sa célébration, nourri d’une ferveur nouvelle et empreint de la plus haute solennité. Au culte se rattachent, en effet, tous les résultats de la mort de Christ, et il y a place pour la joie de la Pentecôte et même de la fête des Tabernacles, mais la Cène parle de la mort de Christ, dont la Pâque était un type ; et rien n’est plus solennel. Assemblés le premier jour de la semaine « pour rompre le pain » comme jadis les saints de la Troade (voir Actes 20:7), nous commémorons à la Table du Seigneur la manifestation la plus haute de l’amour divin. Si nous le ressentions davantage, nous aurions peur de prononcer trop de paroles, et les actions de grâces seraient plus brèves. C’est la Cène elle-même qui parle.
Là, en effet, est le mémorial de la mort de Christ, et nous employons le langage inégalable et irremplaçable des signes institués par Lui. Par eux non seulement Il nous rappelle sa mort, mais Il se rappelle lui-même à nous comme Celui qui est mort, a « été mort » (Apoc. 1:18) ; et nous, nous faisons ceci en mémoire de Lui...
Là est le témoignage le plus puissant rendu à Christ dans ce monde par ceux qui n’en sont plus et qui attendent leur Maître : nous annonçons « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne ». Aussi ce repas ne saurait-il être célébré trop « dignement », chacun « s’éprouvant soi-même », se jugeant soi-même (et pas seulement ses actes), et l’assemblée s’assurant, pour entourer le Seigneur, à sa Table, d’une pleine liberté dans l’Esprit.
C’est la Table du Seigneur. Non la nôtre. Il est regrettable que tous les siens ne s’unissent pas pour répondre à son invitation. Aucun de ceux qui Lui appartiennent n’a de raison valable pour se tenir loin : si quelque chose dans la vie d’un croyant le retient, peut-il supporter que ce « quelque chose » l’emporte sur la plus pure des joies, et peut-il refuser de le rejeter pour obéir à son Sauveur ? « Que chacun s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe » — non point : qu’il s’abstienne.
Là, en même temps, se goûte la communion dans l’expression du « seul corps » selon 1 Cor 10:15-17. Nous pensons à tous les enfants de Dieu, lavés dans ce sang, membres de ce corps. Présents ou absents, connus et inconnus, nous les voyons un en Lui. Mais le fait même que nous ne pouvons être là que selon l’unité du corps nous fait une obligation de garder l’unité de l’Esprit (Éph. 4:3). Combien, dans cette lumière, nous apparaissent mesquins tant de différends qu’on néglige de juger, et qui troublent la communion ! Combien, d’autre part, le sentiment de la présence sainte contraindra-t-il l’assemblée à se purifier du « vieux levain », en allant jusqu’à « ôter le méchant » du milieu d’elle après avoir épuisé tous les moyens de le ramener ! Cette purification pratique, individuelle et collective, est indispensable à l’exercice de la « sainte sacrificature ». La cuve d’airain est là ; Aaron et ses fils s’y lavaient « lorsqu’ils entraient dans la tente d’assignation, et qu’ils s’approchaient de l’autel » (Voir Exode 40:31, 32).
À l’Assemblée réunie comme telle, le Seigneur donne. Il opère pour l’édification, des siens par les « dons » qualifiés pour cela. Ils sont appelés à être non plus la bouche de l’assemblée, au même titre que d’autres, pour parler à Dieu, mais celle de Dieu pour parler à l’assemblée (1 Pierre 4:11). Une telle action a sa place dans toutes les réunions : aussi bien à la réunion de prières qu’à celle de culte, l’Esprit se sert de la Parole pour réveiller les cœurs, aiguillonner les consciences, amener les âmes au diapason voulu, et pour cela Il peut appeler quelqu’un à exercer le service d’un « prophète ».
Mais cette action est appelée à caractériser spécialement les réunions que nous avons l’habitude de mettre à part sous le nom de « réunions d’édification », telles que les présente 1 Cor. 14. Il est bon cependant de remarquer que, d’après l’enseignement même de ce chapitre, les prières, les hymnes, les actions de grâces, interviennent dans de telles réunions et concourent à l’édification, au même titre que l’activité des « dons ». Au reste, il y aurait certainement danger à vouloir trop systématiser les différentes sortes de réunions ; ce serait prétendre borner l’action de l’Esprit.
Le fait est que nous connaissons trop peu ces réunions de l’assemblée s’attendant au Seigneur pour recevoir de Lui. C’est à la fois la source et la conséquence d’une grande faiblesse spirituelle.
Parfois elles n’existent pas du tout. Il est des assemblées qui n’ont, en dehors du culte, d’autres réunions que celles tenues occasionnellement par des « frères de passage ». Elles se privent de nourriture, jusqu’à défaillir d’inanition ; que dire d’un corps qui ne se nourrit pas ?
Plus souvent ces réunions se trouvent en fait remplacées dans la vie de l’assemblée locale par quelque chose de tout différent, savoir la réunion dont tel ou tel prend la charge. On s’attend à quelqu’un. Sous des formes plus ou moins accusées, c’est ainsi que, dans la plupart des cas, se présente la réunion dite d’édification. De telles réunions relèveraient plutôt de la catégorie des réunions convoquées, seulement elles le sont de façon habituelle et fixe. Elles peuvent être fort utiles. L’assemblée risque cependant non seulement d’être nourrie de façon trop uniforme, ce qui finit par être insuffisant même si l’enseignement est de qualité, mais de tomber dans une redoutable apathie et de s’en remettre, sans s’en douter, à un homme plus qu’au Seigneur ; bref, de préparer un clergé. Elle ne fonctionne pas comme corps, et un corps qui ne fonctionne pas s’atrophie. L’activité des frères qualifiés ne serait pas amoindrie si elle s’exerçait au cours de réunions où la pleine liberté serait laissée à l’Esprit ; bien au contraire, elle serait certainement plus fructueuse, sans risquer de comprimer jusqu’à l’étouffement les autres moyens d’édification.
Qu’il y ait des dons marqués ou non, il suffit de se réunir en comptant sur le Seigneur, et l’on sera comblé... Il donnera ce qu’il faut pour consoler, pour exhorter, pour « édifier ». Les dons déjà reconnus s’emploieront à bon escient, sans se trouver obligés de discourir lorsqu’ils n’ont rien à donner. D’autres seront manifestés si cela est nécessaire. Le Seigneur suscitera à son gré ces « prophètes » parlant de sa part de façon intelligible et substantielle pour l’édification. Deux, trois peuvent être appelés à parler dans la même réunion : quelle bénédiction quand plusieurs présentent, à la suite, des aspects différents d’un même sujet ! On l’a dit bien des fois, cinq paroles, tels les cinq pains d’orge rassasiant une multitude, auront souvent plus d’effet que certains longs discours. Et que de dons qui restent inutilisés, tenus en arrière soit par une fausse humilité chez leurs détenteurs soit par la trop débordante activité d’autres frères doués !
L’écueil est évidemment que la liberté de l’Esprit ne devienne occasion pour la chair, et que tout se passe comme si chacun avait le droit de parler. Ainsi en est-il malheureusement quelquefois. Ce sujet a été abordé plus haut en parlant du ministère. Quelqu’un qui, dans l’assemblée, se complaît en ce qu’il dit, est sans profit pour ses auditeurs ; il disserte hors de temps et hors de place. À chacun de comprendre si vraiment il reçoit du Seigneur, par l’Esprit, ce qu’il présente, ou si ce sont ses propres pensées qu’il met en avant ; aussi bien, les esprits des prophètes sont assujettis aux prophètes (1 Corinthiens 14:32). Mais la sensibilité spirituelle de l’assemblée doit toujours être en éveil. Si celle-ci est dans un état normal, celui qui parle sans édifier en sera averti, et, s’il s’obstine, on lui enjoindra le silence, pour le bien de l’ensemble. La liberté chrétienne ne saurait entraîner que l’on garde par devers soi la critique saine, et opportune ; il est nécessaire de l’exprimer quand quelqu’un parle habituellement sans édifier. Sans doute il faut du support, les choses doivent se dire dans l’amour fraternel et la douceur, après avoir beaucoup prié au sujet de ce qui fait ainsi souffrir le troupeau, et que le Seigneur peut écarter sans qu’on soit contraint d’intervenir ; mais tout doit se faire pour le bien commun, à la gloire de Dieu. Trop souvent les critiques s’expriment inconsidérément, au dehors, dans les familles, sans plus de charité que de discernement, et c’est là une source de trouble.
Il suffira de souligner encore que, là comme au culte, le silence ne s’accompagne pas toujours d’inactivité, et que le Saint Esprit peut agir puissamment au cours de silences ; mais quand ils sont oppressants, manifestement vides, cela doit réveiller nos consciences, nous faire crier au Seigneur, afin qu’Il nous ouvre sa Parole.
Le tout est de ressentir Sa présence. C’est Lui qui rassemble. Peu importe que l’on parle ou non, si les âmes se sentent ensemble avec Lui. Il n’y aura ni précipitation ni retard. On n’éprouvera pas le besoin d’une intervention humaine pour organiser quoi que ce soit d’avance ou pour maintenir un ordre quelconque. Notons ici soigneusement l’enseignement de 1 Cor. 14. Il nous a été donné parce qu’il y avait à Corinthe beaucoup de désordre par abus des dons de grâce : leurs détenteurs les utilisaient non pour l’édification de l’assemblée, mais pour leur propre satisfaction. Or il n’y a pas, dans ce chapitre, un mot sur une organisation destinée à prévenir ce désordre, ni sur la nécessité d’un président visible. Tout est remis à l’Esprit, dans la dépendance duquel tous doivent être tenus. Les Corinthiens sortaient du paganisme où les manifestations spirituelles étaient exubérantes, ils étaient avides de dons brillants : le Dieu d’ordre et de paix leur enjoint seulement « que tout se fasse pour l’édification ». Ils agissaient comme de petits enfants : « Soyez des hommes faits » dans vos entendements, leur dit-Il (1 Corinthiens 14:26, 20). L’intelligence — l’entendement renouvelé — doit accompagner la « manifestation spirituelle ». L’apôtre insiste sur ce point.
Et nous aussi, qui si souvent usons avec puérilité des précieuses ressources assurées à l’Assemblée de Dieu, nous aussi soyons des « hommes faits » !
Que Dieu nous donne, toutes les fois que nous nous rassemblons, de retenir énergiquement par la foi les deux grands privilèges qui se placent à la base du rassemblement selon Lui : la présence personnelle du Seigneur Jésus, et l’opération de l’Esprit Saint dans l’Assemblée. Tous les détails pratiques des réunions, qu’il n’était pas question d’aborder dans ces pages, se trouvent réglés d’avance, si ces deux faits décident tout pour nous (*).
(*) Par exemple l’exactitude : qui voudrait être en retard quand le Seigneur est là ! Ou encore le costume : sommes-nous là pour les hommes ou pour le Seigneur ? Encore la disposition du local : logerions-nous le Seigneur moins décemment que nous-mêmes, ou, à l’inverse, sa présence admet-elle une décoration ou un luxe qui ne donnent satisfaction qu’à la chair ? Ainsi pour tous les détails.
La vie de l’assemblée ne se restreint pas aux réunions, bien que ce soit là, et par-dessus tout à la Table du Seigneur, qu’elle se manifeste. Mais en réalité son fonctionnement embrasse toute la vie chrétienne de tous les croyants. Que l’on s’en rende compte ou non, tous les détails de la vie spirituelle de chacun d’entre eux retentissent sur l’ensemble du corps, et inversement. L’extrême dispersion des enfants de Dieu à l’heure présente et la confusion générale entre monde et chrétienté nous sont rendues plus pénibles et plus humiliantes par cette seule pensée. Il est devenu presque impossible, depuis longtemps, de réaliser cette solidarité vitale avec tous autrement qu’en pensée, par la prière, et lorsque nous proclamons le « seul corps » en prenant la Cène. Certes, nous sommes heureux de goûter l’amour chrétien avec tous ceux que nous pouvons rencontrer et identifier comme des chrétiens authentiques. Encore la pratique des rapports fraternels, si bénie et si réjouissante qu’elle pourrait être, se trouve-t-elle, hélas, limitée par l’impossibilité de suivre le même chemin que d’autres lorsque ce chemin s’écarte de la vérité ; allons du moins aussi loin que nous pouvons marcher ensemble « dans le même sentier ».
Si nous avions à cœur les intérêts de Christ dans l’Assemblée, et si la sollicitude pour « toutes les assemblées » nous préoccupait comme elle assiégeait tous les jours l’apôtre Paul (2 Cor. 11:28), nous aurions plus souvent à la bouche les exclamations affligées du prophète : « Comment l’or est-il devenu obscur, et l’or fin a-t-il été changé ! Comment les pierres du lieu saint sont-elles répandues au coin de toutes les rues ! » (Lamentations de Jérémie 4:1). Mais en même temps nous éprouverions une plus ardente reconnaissance envers Dieu dont les bontés font que « nous ne sommes pas consumés » (Lamentations 3:22), et envers Celui qui a doté le faible témoignage de Philadelphie des promesses les plus fermes. Ne cessons pas de Lui demander la grâce de figurer dans les rangs de ces témoins.
Ceux que la grâce de Dieu a voulu réunir, en témoignage à la valeur permanente du nom de Jésus pour rassembler, ont à veiller pour que les droits du Seigneur soient maintenus dans cette sphère comme ils devraient l’être partout dans l’Église. On pourrait dire qu’ils ont à se conduire comme s’ils étaient l’Église entière.
Cela demande l’activité continuelle de l’amour dans la vérité. Quel témoignage serait rendu, et combien les âmes sincères seraient affermies, si tous les rapports entre nous étaient marqués de cette double influence ! « Poursuivez la paix avec tous, et la sainteté... veillant de peur que quelqu’un ne manque de la grâce de Dieu » (Hébreux 12:14, 15). Que de fois la Parole nous invite à nous exhorter mutuellement, comme à nous supporter et à nous secourir, et à nous consoler l’un l’autre ! Tout l’enseignement pratique du Nouveau Testament est là, étroitement lié à la doctrine qui nous est donnée elle-même pour que « nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ ». C’est précisément en rapport avec l’assemblée que nous trouvons les exhortations pratiques des épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens qui, plus que d’autres, embrassent toute la vie des croyants ici-bas. Cette vie n’est jamais vue sous l’angle individuel seul. De là l’extrême importance de tout ce que le Seigneur a placé « dans le corps » pour l’édification : afin que, « étant vrais dans l’amour, nous croissions en toutes choses jusqu’à lui qui est le chef, le Christ ; duquel tout le corps, bien ajusté et lié ensemble par chaque jointure du fournissement, produit, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure, l’accroissement du corps pour l’édification de lui-même en amour » (Éph. 4:15, 16). Chacune des parties du corps (et chacun de nous en est une) « opère-t-elle » comme elle le doit, et laissons-nous chaque jointure fonctionner librement pour les ajuster, les lier, et fournir partout de la part du Seigneur la substance nourricière ?
L’assemblée comme telle a droit de regard sur les rapports entre individus : Matthieu 18 nous l’indique comme la plus haute instance sur la terre à laquelle un frère offensé par un autre puisse recourir. Elle ne saurait se désintéresser de la bonne harmonie entre membres du corps de Christ. L’apôtre désirait, au sujet des Philippiens, apprendre qu’ils tenaient ferme dans un même esprit, « combattant ensemble d’une même âme » ; il aurait eu sa « joie accomplie » de les voir avec un même sentiment, une même pensée, un même amour ; et pour supplier Évodie et Syntyche d’avoir une même pensée dans le Seigneur, il use de la lettre qu’il écrit à l’assemblée entière.
Plus encore, l’assemblée a à connaître de la vie pratique de chacun de ceux qui participent au témoignage collectif. Elle constitue le milieu dans lequel ils doivent croître et fructifier, en paix, dans la joie d’une communion fraternelle. Mais celle-ci est, nous le savons, chose bien fragile, et sans cesse il faut travailler à la rétablir. Confiance fraternelle et contrôle mutuel, sous l’autorité du Seigneur et la soumission à la Parole, vont de pair.
Sans doute, l’assemblée n’a aucune action propre dans l’introduction de quelqu’un dans le corps de Christ, contrairement à ce que prétendent certaines Églises : on devient membre de ce corps par la nouvelle naissance, oeuvre de Dieu par son Esprit et sa Parole.
Elle n’a pas non plus à intervenir, à proprement parler, dans l’entrée dans la profession chrétienne, la grande maison, laquelle se fait par le baptême, quel que soit le mode ou l’époque de son administration. Nous ne trouvons nulle part dans l’Écriture le baptême octroyé par l’Église ou au nom de l’Église, mais par des serviteurs du Seigneur « pour le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».
Mais l’assemblée a le privilège de reconnaître et de recevoir ceux que « le Christ [...] a reçus, à la gloire de Dieu » (Romains 15:7). Elle les accueille à la Table du Seigneur, où s’exprime, on ne saurait trop le redire, l’unité du Corps.
Seulement, comme nous l’avons déjà vu mais il faut y revenir, elle a la responsabilité de préserver la sainteté de cette Table, et la pureté de la Maison de Dieu. Cela pour la gloire du Seigneur comme pour le bien spirituel des siens. Il y a un ordre à maintenir, et ce soin appartient à l’Assemblée. Elle a des décisions à prendre, selon le principe énoncé par le Seigneur Jésus : « En vérité, je vous dis : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Matt. 18:18).
Cette gestion spirituelle incombe à l’assemblée locale entière, ou, dans l’état présent des choses, au groupe de témoins du Seigneur répondant aux normes d’une assemblée de Dieu. Ceux que « l’Esprit Saint [...] a établis surveillants », et d’une manière plus générale tous ceux qui ont à cœur les intérêts de Christ dans l’Assemblée s’en occuperont sans doute avec une application spéciale ; et selon l’ordre invariable établi dans l’Écriture, les frères ont un rôle d’administration que les sœurs n’ont pas à revendiquer ; mais les décisions ne peuvent être prises que par l’assemblée entière, frères et sœurs, celles-ci ayant, le cas échéant, fait connaître leur pensée dans le particulier. Il ne s’agit pas, dans tout ceci, de questions de procédure, ou de formules : le fait capital est que la conscience de l’assemblée soit continuellement éprouvée devant le Seigneur, pour que tout soit fait selon Lui, pour Lui, en son nom, dans la pleine liberté de l’Esprit.
Le soin de la gloire du Seigneur doit seul présider à la réception de quelqu’un à la Table du Seigneur. On le reconnaît comme enfant de Dieu, ce que démontrent non seulement ses paroles — il confesse de sa bouche « Jésus comme Seigneur », croyant dans son cœur que « Dieu L’a ressuscité d’entre les morts » (Rom. 10:9) — , mais aussi sa conduite. On n’exigera nullement une perfection chimérique, mais une marche séparée du mal, dans le jugement de soi-même : pratiquement, une conduite honorable reconnue, et l’absence de tous liens avec des doctrines qui porteraient atteinte à la Personne de Christ (2 Jean 9, 10). Ce n’est pas une question de connaissances plus ou moins approfondies, il n’y a pas d’examen à faire subir, mais l’assemblée doit avoir la certitude que le nouveau venu est sain dans la foi et qu’il conforme sa vie à cette foi. Il est à peine besoin de dire que, plus les fausses doctrines se sont multipliées dans la chrétienté, plus il a fallu de vigilance pour recevoir à la Table du Seigneur. Que ceux qui pensent rabaisser leurs frères en les qualifiant d’« étroits » veuillent bien considérer que, pour la plupart de ceux-ci, c’est avec un grand serrement de cœur, mais avec la conviction absolue de défendre les droits de leur Maître, qu’ils maintiennent la muraille et n’ouvrent pas davantage la porte. Hélas, ils ne les ont pas assez gardées !
La « discipline » de l’assemblée à l’égard de « ceux ‘de dedans’ », comme dit l’apôtre, est aussi indispensable (1 Cor. 5:12). Elle consiste à conseiller, avertir, réprimander si c’est nécessaire, avant d’en arriver, triste obligation, à « juger » (id.). Un croyant qui ne pratique pas l’indispensable jugement de lui-même et s’écarte peu à peu du chemin, court à une chute grave, qui entachera non seulement son propre témoignage mais celui de l’assemblée. C’est là que l’amour fraternel doit se donner carrière pour « ramener », couvrant « une multitude de péchés » (*). Un esprit humble, attristé par les manquements d’autrui, pratiquant ce lavage des pieds dont Jésus nous a laissé l’exemple, fera plus, bien souvent, que de sévères remontrances. Que Dieu nous multiplie des « pasteurs » et des « surveillants » ayant à la fois la sagesse et l’énergie pour exercer une discipline familiale, intransigeante à l’égard de la faute mais tendre et miséricordieuse envers le défaillant. Mais l’assemblée, et pas seulement tel ou tel frère individuellement, a le devoir de s’occuper de ceux qui « marchent dans le désordre » : elle ne peut le faire sainement si elle n’en mène pas deuil (1 Cor. 5), humiliée, prenant comme sien le péché d’un des siens, au lieu de se dresser en justicière. Et si la discipline n’a pas d’effet, si le caractère de « méchant » se manifeste, alors, cessant d’exercer la discipline qui lui incombe, elle doit mettre dehors, où « Dieu juge » (1 Cor. 5:13), celui qui ne s’est pas laissé ramener ; « ôtant le méchant » du milieu d’elle-même, elle se purifie, dans l’humiliation et la douleur. Vis-à-vis de celui dont elle se sépare, elle opère en vue de sa restauration ; vis-à-vis d’elle-même, elle se juge devant le Seigneur. « ... Nous avons agi méchamment », disait Néhémie (Néh. 9:33).
(*) Jacques 5:19, 20 ; 1 Pierre 4:8 ; Galates 6:1 ; 2 Thessaloniciens 3:14, 15, etc.
Les décisions d’assemblée, prises sous le regard du Seigneur, sont marquées de son autorité, de sorte que ce qui est fait dans une assemblée locale a valeur pour l’Assemblée entière, soit, pour toutes les assemblées locales. De là, entre autres, l’usage des lettres de recommandation par lesquelles une assemblée locale est assurée qu’un nouveau venu, inconnu d’elle, est bien « en communion » dans une autre assemblée, de même qu’un chrétien « en communion » est assuré d’être reçu où qu’il se présente (Rom. 16:1 ; 2 Cor. 3:1).
Rien de plus simple, en vérité, que le principe du fonctionnement d’une assemblée fondée sur l’unité du corps de Christ. Son application, par contre, est devenue des plus délicates dans la confusion ecclésiastique actuelle.
Ici s’ouvre de nouveau un sujet propre à labourer toute âme qui aime le Seigneur : c’est celui de la multiplicité des Tables dressées en dehors des organisations de la chrétienté. Sans même parler de certaines « dénominations religieuses » qui sont des produits évidents de l’activité humaine, — subtiles contrefaçons du travail de Dieu — , où trouver la Table du Seigneur ? Où sera-t-on certain de se rassembler en toute bonne conscience, dans l’obéissance à la Parole ?
D’abord, ne nous étonnons pas que l’ennemi se soit acharné contre le témoignage suscité par Dieu au temps de la fin, et qu’il ait réussi, mettant à profit le manque de vigilance, à diviser ceux qui étaient sortis hors du camp. Nous avons tous notre part de culpabilité dans cet humiliant état de choses. Nous devons le reconnaître au lieu de prétendre, avec orgueil et découragement à la fois : « ils ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, ... et nous sommes restés nous seuls... ».
Ensuite demandons au Seigneur le discernement et le zèle voulus pour rechercher les « sept mille » qu’Il s’est réservés (1 Rois 19:18), car Il « connaît ceux qui sont siens » — tout en nous retirant de l’iniquité, car il ne peut y avoir communion entre les ténèbres et la lumière. Encore une fois, soyons assurés que « le solide fondement de Dieu demeure », mais qu’il porte toujours le même double sceau (2 Tim. 2).
L’œil spirituel discernera si une « table » peut être ou non tenue pour celle du Seigneur, en examinant les principes qui y sont retenus et en s’enquérant de la façon dont elle a été dressée. Il est du devoir de chacun d’être au clair là-dessus, comme le devoir de toute assemblée est de savoir quelle conduite tenir envers qui se présente pour prendre part à la Cène.
Prenons le cas où il existe dans une même localité deux tables indépendantes l’une de l’autre. Reconnaître l’une et l’autre, au même titre, comme la Table du Seigneur, ce serait refuser délibérément de garder l’unité de l’Esprit, et équivaudrait à nier l’unité du corps. Il est donc indispensable de s’informer exactement. Une telle dualité peut être la conséquence de fausses doctrines dont les croyants fidèles ont eu à se purifier. Il peut s’agir, au contraire, d’un schisme sans autre raison que des dissentiments particuliers à propos de cas de discipline. De nouveaux arrivants ont pu à tort dresser « leur table » sans tenir compte de celle qui existait. On ne saurait rester neutre ou indifférent. Ce serait tantôt montrer une coupable insensibilité à la sainteté du nom du Seigneur, tantôt s’associer à une action sectaire.
D’autre part, la Table du Seigneur ne saurait exister dans un endroit et rester indépendante de celles qui sont dressées en d’autres sur le même terrain. On ne saurait, par exemple, recevoir quelqu’un qui est exclu ailleurs ou refuser quelqu’un qui y est reçu, sans nier par là l’unité du corps.
Une table où les principes du monde, l’autorité et les règlements des hommes se mêlent manifestement à l’action du Saint Esprit, ou encore une table où il est admis que l’on tolère en pleine connaissance de cause le mal non jugé, ne peut être la Table du Seigneur.
Est-ce là faire de l’infaillibilité la condition du rassemblement ? Il est clair que non : pourrait-il même être question de se rassembler si tel était le cas ? Il peut y avoir, il y a hélas des défaillances, des infirmités, des manquements, qui seront pardonnés lorsqu’ils auront été jugés et confessés par l’assemblée elle-même. Refuser de reconnaître une assemblée parce qu’elle a pu manquer en pratique est contraire à la lettre comme à l’esprit des enseignements de la Parole. Si ces manquements ne sont pas jugés, ils pourront amener le Seigneur à intervenir soit pour purifier l’assemblée par de douloureuses épreuves, soit pour « ôter la lampe de son lieu ». Nous risquerions parfois de nous substituer à Lui dans le rôle de « Celui qui marche au milieu des sept lampes d’or » (Apoc. 2).
Si donc une décision d’assemblée paraît injustifiée — elle peut l’être — ou si au contraire une assemblée n’a pas pris une décision qui aurait semblé justifiée, il ne faut pas oublier pour autant que : « Tout ce que vous — l’assemblée — lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ». Aussi est-il douloureux que l’on voie si souvent critiquer, non sans légèreté ou présomption, une décision ou un manque de décision d’assemblée. Mais la seigneurie de Christ, elle, est intangible. Et son amour ne change pas. C’est à Lui qu’il faut regarder si quelque chose paraît ne pas avoir été fait selon Lui, pour qu’Il intervienne ; c’est à Lui qu’il faut être soumis, avec la confiance absolue qu’Il sauvegardera la gloire de son nom. Lui-même saura placer devant des frères d’autres assemblées, ou même devant d’autres assemblées, le devoir de faire éventuellement des « représentations » devenues nécessaires. Mais il faut que celles-ci soient faites de Sa part, ce que montrera la façon dont elles seront présentées : est-ce dans l’amour vrai, avec le souci du maintien ou du rétablissement d’une communion dont la perte serait ressentie comme une affliction profonde ? La patience de la charité saura attendre que le Seigneur produise en évidence ce qui est à juger, et amène l’assemblée à le juger.
Mais le cas est tout autre quand une assemblée accepte par principe, et non par suite d’un égarement occasionnel, de tolérer le mal — moral ou doctrinal, le second plus néfaste — en laissant à chacun sa responsabilité sans considérer la sienne comme engagée, ou en ne se tenant nullement engagée par l’action d’une autre assemblée. Dans de tels cas, la notion même de l’unité du corps est détruite, les droits du Seigneur sont méprisés, et, comme il a été dit plus haut, une telle assemblée ne pourrait plus être reconnue comme une assemblée de Dieu.
Ce n’est pas sans tristesse qu’il faut en arriver à d’aussi desséchants sujets, alors que s’entretenir de l’Assemblée de Dieu devrait être tout amour, douceur, joie. Il faut lutter pour les vérités qui la concernent alors qu’on aspirerait seulement à trouver en elle un asile inviolable de paix au milieu de ce monde en fièvre. Mais le cœur se sent consolé et réconforté à la pensée que, comme le soleil au-dessus des pires brumes, le propos divin à l’égard de l’Assemblée demeure immuable et glorieux. L’amour qui surpasse toute connaissance dicte toutes les voies de Christ envers elle. Il la nourrit et la chérit ; bientôt Il la prendra auprès de Lui. Saisissons ces réalités vivifiantes : Christ dans la gloire, l’Esprit Saint ici-bas, l’Église une, l’espérance de l’appel. Car nous ne nous mouvons pas au sein de vérités froides, pas plus que de règles impassibles, tels des rouages inanimés destinés à agiter stérilement une matière inerte, mais nous sommes placés en pleine vie, et c’est la vie divine. La source de cette vie est en Christ seul, la Tête glorifiée du corps encore sur la terre, mais destiné lui aussi à la gloire du ciel. Plus occupés de Lui, et plus conscients de l’immensité des bénédictions spirituelles dont nous sommes bénis « en Lui », nous nous trouverions sans effort rassemblés parce que liés à Lui, tous, comme ces parcelles de limaille qu’une même force projette vers une pointe aimantée. Bientôt, endormis en Lui ou vivants, tous les saints répondront sans réserve à cette attraction toute-puissante, et Christ se présentera son Église, sans tache ni ride ni rien de semblable, dans sa beauté, dans son unité. Que cette espérance fasse de nous des vainqueurs.
« Or, à celui qui peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons, selon la puissance qui opère en nous, à Lui gloire dans l’assemblée dans le christ Jésus, pour toutes les générations du siècle des siècles ! Amen. » (Éph. 3:20, 21).