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L’HOMME DE DOULEURS — Psaume 102

 

Philippe Laügt

ME 1990 p. 309-315

Table des matières :

1     Titre du Psaume : l’Affligé

2     102:1-9

3     102:10-22

4     102:23-28

 

1                        Titre du Psaume : l’Affligé

Il vaut la peine d’examiner les titres des psaumes. La plupart indiquent seulement le nom de leur auteur. Mais plusieurs donnent aussi soit des indications d’ordre musical soit des précisions sur les circonstances qui ont entouré leur rédaction. L’en-tête du Ps. 102, dont nous voulons nous occuper un peu, est plus explicite encore. Il donne, en quelques mots, le thème qui est développé ensuite : « Prière de l’affligé quand il est accablé et répand sa plainte devant l’Éternel ».

Par ailleurs, le Saint Esprit cite cette prière au début de l’épître aux Hébreux (1:10-12) en y ajoutant ces trois mots : Et toi, Seigneur, qui tournent nos pensées vers Christ. À qui d’autre d’ailleurs qu’à lui pourraient s’appliquer les versets 25 à 27 de ce psaume ? Il y reçoit de Dieu une réponse admirable à l’heure de sa plus profonde humiliation.

Mais nous apprenons aussi en parcourant ce psaume ce qui occupe le cœur du Messie au moment où il va être retranché et n’aura rien (Dan. 9:26). Du fait même de sa perfection, il est l’Affligé par excellence, celui que l’homme méprise, que la nation abhorre, mais aussi celui contre lequel Dieu lui-même bande son arc et qu’il place comme un but pour la flèche. Il a pris notre place et c’est comme notre substitut qu’il va rencontrer la justice inflexible du Dieu saint (Lam. 3:12).

Dans ses compassions, Christ nous est aussi présenté dans ce psaume, comme s’identifiant avec le Résidu dans la souffrance.

 

2                        102:1-9

L’accent est mis d’abord sur la solitude de cet affligé. Il est entièrement seul au milieu d’une génération « tortue et perverse ». Même ses disciples qui n’ont pas pu veiller une heure avec lui vont s’enfuir (Marc 14:50 ; Ps. 69:20). Dieu recueille précieusement sa plainte répandue devant lui seul ; quel exemple pour nous ! Il offre des prières et des supplications à celui qui peut le sauver hors de la mort, et il sera exaucé à cause de sa piété (Héb. 5:7). Mais la face de Dieu, qui est un rassasiement de joie pour lui, va lui être cachée. Fait péché pour nous, il s’écriera : « Mon Dieu, mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Ps. 22:1).

Nous ne connaîtrons jamais pareille affliction (Ps. 22:4-5). Mais dans la détresse, souvenons-nous de celui qui seul peut vraiment sympathiser (És. 63:9) et aussi nous enseigner à attendre, comme lui, avec patience, le temps assigné pour la délivrance.

Quel réconfort les âmes pieuses trouveront dans ces paroles du Seigneur, durant la grande tribulation ! Elles seront chargées outre mesure, exposées à un feu ardent, mises à mort tout le jour comme des brebis de tuerie. Alors elles se souviendront de Celui qui, par amour, s’est soumis à la souffrance la plus intense qui soit. Ses jours, dit-il, s’évanouissent comme la fumée, pour en montrer la brièveté.

Ses os sont brûlés comme un foyer sous l’effet de la colère consumante d’un Dieu saint. Son cœur si sensible est frappé, desséché comme l’herbe quand elle est exposée à un soleil ardent (Ps. 102:4). Dans son dévouement complet, il avait souvent oublié de manger son pain (Marc 6:31) mais ici s’il jeûne, c’est plutôt sous l’effet de la douleur et ses os s’attachent à sa chair (Ps. 102:5). Suivent des comparaisons avec le pélican du désert et le hibou des lieux désolés qui mettent en évidence sa solitude morale. L’un et l’autre sont des oiseaux impurs, connus dit-on pour être particulièrement plaintifs (Lév. 11:16-17). Dans le jugement qui frappera Babylone, Edom et Ninive, leur présence dans les ruines sera synonyme de malédiction (És. 13:21 ; 34:11 ; Soph. 2:14). Le Seigneur a pris volontairement une telle place (Gal. 3:13). De nuit, son sommeil s’enfuit, il n’y a pas de repos pour lui (Ps. 22:2). Il veille « comme un passereau solitaire sur un toit » (Ps. 102:7). Spectacle insolite, cet oiseau étant connu pour son instinct grégaire ! Mais l’Homme parfait est devenu un étranger pour ses frères, un inconnu aux fils de sa mère (Ps. 69:8 ; Jean 7:5). Il n’y a personne qui le reconnaisse, personne qui s’enquière de son âme (Ps. 142:4) personne qui ait compassion de lui (Ps. 69:20) personne qui le secoure alors que la détresse est proche (Ps. 22:11). Tout le jour, ceux qui sont à tort ses ennemis, l’outragent. Son nom même sert de malédiction. Ils disent en quelque sorte : « Sois traité comme lui » (Ps. 102:8 ; Ps. 35:19 ; Ps. 69:9). Et le tableau se complète encore quand il ajoute : « J’ai mangé la cendre comme du pain, et j’ai mêlé de pleurs mon breuvage ». Ce sont là les signes évidents du deuil (Ps. 102:9).

 

3                        102:10-22

Jésus a toujours été en communion étroite avec son Dieu et Père, mais il doit maintenant rencontrer sa « colère », son « indignation ». Ce sont des mots très forts en hébreu. La question solennelle du péché n’est pas ouvertement évoquée dans ce psaume, mais Christ est venu prendre ici-bas, comme le dernier Adam, la place de l’homme coupable. Alors la colère divine s’est détournée de ceux qui la méritaient pour tomber sur lui (És. 12:1). Il peut dire : « Tu m’as élevé haut et tu m’as jeté en bas » (Ps. 102:10 ; Ps. 89:38-45). Christ doit être aussi le Roi. En lui s’accompliront toutes les promesses faites à Israël. Mais la loi a été violée, les droits et la gloire de Dieu devaient être revendiqués. Là encore sa mort était nécessaire. Toutes choses sont réconciliées avec Dieu par le sang de sa croix (Col. 1:20).

Puis il compare ses jours — les jours de sa chair — à l’ombre qui s’allonge (Ps. 102:11). Mais il s’appuie fermement sur la fidélité de l’Éternel, ce nom que Dieu prend dans sa grâce pour entrer en relation avec l’homme. « Tu demeures à toujours et ta mémoire est de génération en génération » (Ps. 90:2 ; Ps. 102:12). Il est le Même dans sa miséricorde, dans son amour, malgré notre infidélité.

Jérusalem, la ville où il sera crucifié, occupe les pensées du Seigneur. S’adressant à Dieu, il affirme : « Tu te lèveras, tu auras compassion de Sion, car c’est le temps d’user de grâce envers elle » (Ps. 102:13). Les épreuves du peuple de Dieu s’achèvent au temps assigné, ses épreuves sont toujours limitées (Apoc. 2:10). Mais il faut d’abord que les péchés soient confessés et qu’ils soient expiés devant Dieu. D’où l’œuvre de Christ, qui, à cause de la joie qui était devant lui, « a enduré la croix, ayant méprisé la honte » (Héb. 12:2). L’un des motifs de cette joie c’était bien la certitude qu’ainsi Sion serait finalement restaurée ! « Il nous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple », déclarera Caïphe. C’était une parole prophétique que Dieu mettait dans la bouche de ce souverain sacrificateur incrédule (Jean 11:50, 51).

Il est sans doute d’abord question ici du retour de Babylone. Mais ce ne sera qu’un accomplissement partiel de la prophétie. Le temps d’user de grâce envers les fidèles cachés est encore à venir. Dieu les amènera à la pleine connaissance de ses pensées (És. 52:1-6 ; 64:9-12). Dans l’humiliation, ils seront remplis d’une profonde repentance, seule disposition convenable en tout temps pour nous approcher de Dieu (Zach. 12:10-14).

Sur le pied de la grâce seule, Sion sera relevée de sa poussière, la ville sera reconstruite sur un monceau de ruines (Jér. 30:18-19 ; Ps. 51:18). Après l’apparition majestueuse du Seigneur à Sion, centre de la bénédiction milléniale, les nations apporteront leur adoration à Dieu (Ps. 102:15 ; És. 11:9, 10).

 

Dans cette attente, les serviteurs de l’Éternel sont appelés à partager ses pensées remplies d’amour (Osée 11:8). Comme lui, ils prennent plaisir aux pierres encore éparses d’une Jérusalem dévastée par l’ennemi et ils prient sans relâche pour sa paix (Ps. 122:6). Sommes-nous animés de la même sollicitude à l’égard de l’Assemblée, malgré sa ruine ? Celle que le Seigneur aime et pour laquelle il s’est livré est-elle élevée au-dessus de la première de nos joies ? (Ps. 137:6 ; 2 Cor. 11:28). Les desseins de Dieu paraissent-ils parfois n’avoir aucun espoir de se réaliser ? N’abandonnons jamais notre confiance, humilions-nous sous sa puissante main, prions comme ces fidèles en nous appuyant résolument sur la fidélité de Dieu à ses promesses. Il est attentif aux supplications des siens, « pour l’amour du Seigneur », il fera luire sa face sur son sanctuaire désolé, la réponse est assurée (Dan. 9:17 ; És. 62:6-7).

Au Ps. 80:14, 15 le psalmiste demandait : « Regarde des cieux, et vois et visite ce cep, et la plante que ta droite a plantée ». Le v. 19 du Ps. 102 apporte en quelque sorte la réponse : « Il a regardé des hauts lieux de sa sainteté ; des cieux l’Éternel a considéré la terre ». Dans Sa grande miséricorde, le salut offert à Israël l’est aussi à tous les hommes tombés dans la désobéissance. Il aura égard à la prière du désolé, il écoutera le gémissement du prisonnier pourtant justement captif de l’ennemi (Ps. 79:11 ; És. 49:24). Il déliera ceux qui sont voués à la mort (Ps. 102:17, 20). Nous sommes nombreux à avoir connu par pure grâce une telle délivrance. Mais à la croix, durant les trois heures de ténèbres, Christ a aussi été le substitut devant la justice divine de ceux qui dans la repentance et dans la foi feront partie tout à l’heure du résidu d’Israël. Christ a payé pour eux le prix inestimable de leur rachat et ils sont aussi, comme ceux des nations qui croient en lui, au bénéfice de son œuvre.

Un peuple sera ainsi créé, un peuple qui naîtra de nouveau, ceux que l’Écriture appelle ici la génération à venir (Ps. 102:18 ; Éz. 36:26). Ils loueront Jah ; son nom sera annoncé dans Sion, sa louange dans Jérusalem (És. 43:21 ; Ps. 22:30, 31). Elle s’entendra aussi au ciel, autour du trône ; elle sera universelle.

 

4                        102:23-28

Mais si les versets 12 à 22 nous entretiennent des conséquences glorieuses pour Israël et pour les nations de l’abaissement suprême de Christ, le propos du Saint Esprit est de nous occuper avant tout de Lui. Va-t-il être l’objet de cette miséricorde dont Dieu use si richement à l’égard du pauvre ? Quelle douloureuse stupéfaction de l’entendre dire à l’heure de la croix : « Il a abattu ma force dans le chemin, il a abrégé mes jours », et d’écouter sa prière : « Mon Dieu, ne m’enlève pas à la moitié de mes jours ! » (Ps. 102:23, 24). Crucifié en infirmité, il va être retranché de la terre des vivants à cause des transgressions du peuple, fait péché pour nous (És. 53:8). Il y a un contraste absolu entre le début de ce verset 24, où Jésus est placé dans la poussière de la mort, et la fin de ce même verset où Dieu s’approche et donne à sa supplication une réponse immédiate et glorieuse : « Tes années sont de génération en génération ». Quel profond, quel inscrutable mystère, inaccessible à la raison humaine ! Celui qui est mort sur la croix, celui que Dieu a abandonné, est Dieu lui-même, le « Je suis celui qui suis » du livre de l’Exode ! Dieu met en relief sa grandeur : « Tu as jadis fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains » (Ps. 102:25 ; Michée 5:2). Les choses créées racontent la gloire de ce puissant Créateur. Il doit régner tout à l’heure là où il a été rejeté. Puis cette création passera. Celui qui présentement soutient toutes choses par la parole de sa puissance « les changera comme un habit et ils seront changés ». Mais lui ne change pas (Ps. 102:26). « Mais toi tu es le Même (v. 27). Il est immuable. Ses années si brèves ici-bas ne finiront pas. Il n’y a pour lui « ni commencement de jours, ni fin de vie ».

Selon le désir de son cœur (Jean 17:24) il ne sera pas seul dans la gloire. Tout ce qui lui appartient après son œuvre, tout ce qu’il a acquis en tant qu’homme glorifié, il le partage avec les siens. Quant au Résidu en particulier, Ses bénédictions seront les leurs sur la terre milléniale. Et pour l’éternité dans ce nouveau ciel et cette nouvelle terre où la justice habitera, « les fils de tes serviteurs demeureront et leur semence sera établie devant toi » (v. 28). Ainsi s’achève ce psaume qui embrasse une période de temps d’une étendue remarquable sans nous permettre d’en discerner les « limites »... au bout des collines éternelles. Et pourtant, il s’agit de Celui qui, comme homme, entré volontairement dans les limites du temps, demande à Dieu de ne pas abréger ses jours ! Nous réalisons avec ravissement que tout dans sa personne adorable est amour, grandeur et beauté.