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Le LIVRE du PROPHÈTE NAHUM
par Henri Rossier
Table des matières :
2 CHAPITRE 1°: Colère de Dieu contre l’Assyrien. Délivrance de Juda. Le règne de paix commence.
Nahum diffère de Jonas et de Michée (2 Rois 14: 25 ; Jér. 26: 18), en ce qu’il n’est pas mentionné autre part que dans le livre de sa propre prophétie. Tout ce que nous savons de lui, c’est qu’il était originaire d’Elkosh. Le témoignage de Jérôme qui s’appuie sur une similitude de nom pour placer cette localité en Galilée, reste tout à fait isolé et n’a pas été vérifié par d’autres. Une tradition faisait mourir Jonas en Assyrie et y plaçait aussi Elkosh, lieu de naissance de Nahum, mais comme toute tradition semblable, elle mérite à peine une mention. Si Elkosh était situé en Galilée, la parole des pharisiens à Nicodème «qu’un prophète n’est pas suscité de Galilée» (Jean 7: 52) serait doublement erronée, car Jonas était de Gath-Hépher, bourg de Zabulon qui faisait partie de la Galilée. Bien plus, Ésaïe avait prédit que de là devait être suscité le Christ, le grand prophète, auquel les Juifs incrédules refusaient même ce titre (És. 9: 1, 2).
Quant à la date de la prophétie de Nahum, son livre nous en fournit l’époque, si ce n’est l’année exacte. Lorsqu’il prophétisait, la destruction de No-Amon (Thèbes, capitale de la Haute-Égypte) était un fait accompli (3: 8). Cet événement eut, dans l’antiquité, un retentissement considérable, car il consommait la perte, déjà commencée, de la plus importante cité d’Égypte et faisait présager, à bref délai, la chute définitive de ce royaume. Le sac de Thèbes eut lieu, selon l’histoire, en 663 A.C., sous le règne de Manassé, roi de Juda (698-643).
Il est donc évident que Nahum, le mentionnant comme un événement passé, n’a pu prophétiser avant cette époque, comme on l’a prétendu longtemps. Des découvertes assyriennes plus récentes ont confirmé la date biblique. Assurbanipal, avant-dernier roi d’Assyrie, conquérant de l’Égypte et destructeur de Thèbes, mentionne, en même temps que cette expédition, la soumission de «Manassé, roi de Juda» et d’autres rois tributaires. Nous savons, d’autre part, que Manassé, après un début de règne abominable, fut fait prisonnier et emmené à Babylone qui était, en ce temps-là, un fief de l’Assyrie, puis, qu’il fut rétabli sur son trône à Jérusalem, après s’être humilié devant Dieu (2 Chron. 33: 1-20). Quoique nous ne connaissions pas la date exacte de cette restauration, nous pouvons dire que la reconnaissance de la souveraineté assyrienne par Manassé eut lieu moins de 20 ans avant sa mort, car Assurbanipal, monté sur le trône d’Assyrie en 667, saccagea Thèbes en 663 et Manassé mourut en 643.
Donc, vers l’an 660, Nahum mentionne la chute de Thèbes comme un événement passé et bien connu. La ville de Ninive fut détruite, s’il faut en croire certains historiens, en 625, selon d’autres en 608 ou 606, sous le règne de Jéhoïakim (610-599), c’est-à-dire environ cinquante ans après la prophétie de Nahum.
L’incertitude qui règne sur la date de la chute de Ninive, le plus considérable événement de toute l’histoire ancienne de l’Orient, nous montre le peu de confiance que méritent les études historiques de l’antiquité, quelque consciencieuses qu’elles soient, lorsqu’elles ne trouvent pas à s’appuyer sur la parole de Dieu. D’autre part, nous avons appris par expérience à ne pas accorder une grande valeur aux affirmations des critiques qui prétendent juger de l’âge d’une prophétie d’après son style ou d’après des passages que, selon leur idée, un prophète aurait copiés d’un autre. Qu’il s’agisse des livres de Moïse, des prophètes ou des évangiles, toute affirmation que leurs auteurs ont copié d’autres auteurs ne repose sur aucune base solide ; aussi voyons-nous à ce sujet tous les critiques se contredire sans cesse et n’arriver jamais à s’entendre. De fait, leur travail trahit involontairement son origine qui est, à la considérer de près, la négation de l’inspiration textuelle et de l’autorité divine des saintes Écritures. Quant au chrétien, il sait que c’est Dieu qui a parlé dans la Bible ; aussi, qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament, il n’éprouve aucune difficulté à constater d’un livre à l’autre, selon le but que l’Esprit Saint s’est proposé, des répétitions parfois très étendues, parfois, comme dans les Psaumes, la répétition d’un même passage par le même écrivain (*) , ou deux styles entièrement différents chez le même auteur. La foi tire un immense profit des nuances que contiennent les passages répétés, car ils font ressortir d’une manière évidente le plan de Dieu dans les diverses parties qui composent la Bible. Qu’un prophète, Daniel, étudie la prophétie de Jérémie, cela remplit le croyant de confiance en la Révélation et lui fait comprendre en même temps la différence entre l’inspiration et l’enseignement de l’Esprit. Ne sait-il pas que les prophètes étudiaient leurs propres écrits ? En effet, la Bible est un tout divin, dont même les hommes inspirés appelés à le compléter, bien plus, dont Celui qui était la Parole faite chair, ne pouvaient se passer. Mais qu’une prophétie ou tel autre passage soit une réminiscence humaine d’écrits antérieurs, produit d’une mémoire plus ou moins fidèle, cela, le simple croyant le nie absolument. Ce que ces critiques ignorent, c’est que la parole de Dieu est un tout organique, composé par le Saint Esprit et non pas une collection d’écrits sans liaison entre eux (**). S’il convient à Dieu de se répéter, pourquoi ne le ferait-il pas ? aussi la foi en comprend la raison. Elle sait que les saints hommes de Dieu ont parlé «par l’Esprit saint» et non pas en se copiant les uns les autres.
(*) Voyez, par exemple, Ps. 14 et 53.
(**) À ce sujet nous ne pouvons mieux faire que de transcrire ici quelques lignes d’un serviteur de Dieu, qui bien des fois a combattu victorieusement l’incrédulité moderne : «Les objections formulées contre la Bible par les théologiens sceptiques aIlemands et leurs imitateurs dénotent une misérable étroitesse d’esprit qui ignore absolument les voies de Dieu, en dehors d’un petit cercle d’idées. Ces hommes commentent un livre dont au fond ils n’ont aucune connaissance et dont ils n’ont pas même étudié le but et l’intention. Jamais ce vaste champ, cet immense système de pensées dont toutes les parties se joignent, dépendent et découlent l’une de l’autre ne s’est déployé devant leurs yeux — système qui commence au point où le passé touche à l’éternité et nous conduit, par le développement et la solution de toutes les questions morales, au but où l’avenir se perd dans l’éternité selon Dieu. Nous y trouvons, poursuivies et développées historiquement, tout en les montrant dans leur réalisation morale et individuelle, toutes les formes des relations entre Dieu et l’homme. Chaque partie s’emboîte dans l’autre comme les pièces d’une carte de géographie dans un «jeu de patience» (puzzle). Quand les pièces sont assemblées, c’est un tout parfait auquel il ne manque rien. Tout ce système qui forme un ensemble, une unité absolue a cependant été écrit (car les meilleurs témoignages prouvent qu’il fut écrit) à de longs intervalles, dans l’espace d’environ 1500 ans; il a été poursuivi à travers toutes les conditions d’ignorance, de ténèbres ou de lumière dans lesquelles l’homme se trouve, et sous l’action de principes mis intentionnellement en contraste l’un avec l’autre, comme la loi et l’Évangile. Au milieu de toutes ces conditions diverses, ce système ne perd jamais son unité parfaite et absolue, ni la relation de ses diverses parties entre elles. Pour les sceptiques, ces choses sont non avenues ; ils n’ont pas même conscience de leur existence ; ils ont à peu près autant de connaissance de la Bible qu’un enfant qui choisirait pour les assembler, dans la carte géographique du «jeu de patience», deux morceaux situés aux antipodes, parce que leur couleur est rouge et qu’ils ont une jolie apparence.»
Sophonie, qui prophétisait sous le règne de Josias, annonce comme Nahum la chute de Ninive et prédit la destruction de l’Assyrie qui en fut la suite, événement imminent, car il eut lieu, suivant les suppositions historiques les plus probables, au commencement du règne de Jéhoïakim (Soph. 2: 10-15).
Ézéchiel enfin, prophétisant pendant la captivité, en 589 A. C. environ, rappelle au Pharaon la chute complète de l’Assyrie qui avait eu lieu plusieurs années auparavant et allait être suivie sous peu de celle de l’Égypte (Ézéch. 31).
* * *
Notons, en terminant cet Avant-propos, une particularité du prophète Nahum. Tandis que nous avons vu dans Michée divers interlocuteurs se succéder parfois si rapidement que la transition de l’un à l’autre exige une attention soutenue, nous n’entendons dans Nahum qu’une seule voix, celle de l’Éternel, s’adressant par son prophète, tantôt à une personne, tantôt à l’autre, et cela si inopinément, si abruptement même, que le contexte seul peut nous renseigner sur le personnage en cause : tel, par exemple, l’Assyrien (1: 14 ; 2: 11), le dernier roi d’Assyrie (Assur-edililane selon l’histoire) (3: 18) ; Manassé (1: 12) ; Juda (1: 15) ; Ninive (2: 13 ; 3: 5, 6: 8, 11). D’autres fois le prophète parle, sans les nommer, de l’Éternel (2 : 3) ; de Ninive (1: 8 ; 2: 7 ; 3: 1) ; du roi et du royaume d’Assyrie (1: 15 ; 2: 13 ; 1: 13). De cette manière l’attention est continuellement tenue en éveil, quant à l’imminence des jugements.
Ce chapitre forme un tout complet et va jusqu’à la restauration finale d’Israël. Cette restauration est un des grands sujets de la prophétie, comme nous l’apprend le discours de Pierre au chap. 3 des Actes. L’apôtre annonce, en effet, que Dieu avait prédit par la bouche de tous les prophètes que son Christ devait souffrir, et qu’il avait parlé, par la bouche de ses saints prophètes de tout temps, du rétablissement de toutes choses (Actes 3: 18-21). Mais retenons, dès le début, le fait que le livre de Nahum est «l’oracle touchant Ninive» (v. 1). Ce sujet est en apparence restreint, mais représente, en réalité, le jugement des nations, devenues les instruments de Dieu pour châtier son peuple, mais qui, dans l’accomplissement de leurs fonctions, n’en ont tiré aucun profit pour elles-mêmes. Au lieu de se juger en exerçant le jugement, elles ont persisté dans l’oubli de Dieu et leur haine contre lui, dans leur criminelle idolâtrie, dans la méchanceté, la violence, l’abus de la force, dans leurs débordements impurs. Dieu pourrait-il n’en pas tenir compte ? Après maint avertissement, il se décide enfin à donner libre cours à sa colère.
Souvenons-nous que la chute de Ninive fut l’effondrement de tout le système politique, religieux et commercial, de toute la civilisation d’alors, qui fut ensevelie sous les décombres de la cité, de telle sorte qu’une armée de dix mille hommes pouvait deux cents ans plus tard camper sur les ruines de la grande ville, sans se douter même que, sous cette poussière, un peuple immense était enseveli, avec ses arts, sa culture raffinée, sa vie intellectuelle, qui dépassaient toutes celles de l’Orient et égalaient même celle de l’Égypte.
Ce qui s’est passé autrefois se passera de nouveau dans les temps prophétiques, encore futurs, mais aujourd’hui si rapprochés de nous. Une ville symbolique, non plus la Ninive assyrienne, ni la Babylone chaldéenne qui subit le même sort, mais la grande Babylone, la chrétienté apostate qui dominera sur les rois de la terre, viendra en mémoire devant Dieu et recevra «la coupe... de la fureur de sa colère» (Apoc. 16: 19). Elle aussi sera précipitée en une seule heure (Apoc. 18: 10, 16, 19) et s’effondrera avec toute sa puissance religieuse blasphématrice, avec son organisation civile, militaire et commerciale, de manière à n’être «plus trouvée» (Apoc. 18: 21). Cette destruction sera contemporaine de celle de l’empire romain ressuscité, dernière forme impériale de la Babylone chaldéenne. Nous voyons donc que la prophétie de Nahum est loin d’avoir la portée restreinte qu’on serait tenté de lui donner à première vue.
Le jugement de Ninive donne lieu, dans les v. 2 à 5, à l’exposé des caractères de Dieu. Il ne s’agit ici, ni de l’essence de l’Être divin qui est amour et lumière, ni de ce dont il jouit en Lui-même, car il est le Dieu souverainement «bienheureux», et ces caractères demeurent éternellement vrais et ne changent jamais, mais il s’agit de la manière dont il se révèle dans son gouvernement. S’il avait jadis révélé les principes de ce gouvernement au peuple qu’il avait choisi, ne les ferait-il pas aussi connaître aux nations, lui, le Créateur et le souverain dominateur des hommes ? Tous sont responsables devant Lui. Sans doute, leur responsabilité diffère selon le degré de leur connaissance et les privilèges dont ils jouissent, mais elle n’en subsiste pas moins dans son entier. Donc, touchant Ninive comme touchant Israël, «c’est un Dieu jaloux et vengeur que l’Éternel ; l’Éternel est vengeur et plein de furie ; l’Éternel tire vengeance de ses adversaires et garde sa colère contre ses ennemis» (v. 2).
Dieu l’avait déclaré dans les mêmes termes à son peuple, lorsqu’il lui donna la loi en Sinaï, et cela, dès les premières paroles contenues dans les dix commandements : «Moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux» (Exode 20: 5). Il ne peut supporter l’idolâtrie qui a l’audace de venir ériger ses faux dieux à côté de lui ; il en est indigné ; ne tirera-t-il pas vengeance de tous ceux qui la pratiquent ? car les nations sont inexcusables, elles qui ont changé «la gloire du Dieu incorruptible» révélé par sa création, «en la ressemblance... d’un homme corruptible et d’oiseaux et de quadrupèdes et de reptiles» (Rom. 1: 20, 22). Sans doute Israël, auquel Dieu s’était révélé comme l’Éternel, était mille fois plus coupable de faire les mêmes choses que les nations et de se livrer à leur idolâtrie (voyez Exode 20: 4), mais celles-ci devaient éprouver à leur tour les coups de la vengeance et de la fureur de Dieu, après qu’il se serait servi d’elles (en Nahum, de l’Assyrien) pour répandre sa colère sur son peuple coupable.
Telles sont les voies de Dieu en gouvernement envers tous les hommes. Elles ne changent pas et sont applicables à tous. L’idolâtrie attire sa vengeance et nulle d’entre les nations ne pourra arguer de son ignorance quand elle se trouvera devant le jugement de Dieu.
Mais ce passage nous donne un autre caractère de son gouvernement. Il n’est pas seulement le Dieu jaloux qui garde sa colère contre ses ennemis : «L’Éternel est lent à la colère et grand en puissance, et il ne tiendra nullement le coupable pour innocent» (v. 3). Ici encore nous trouvons la révélation du caractère de son gouvernement envers les nations. Cette révélation n’a pas l’étendue de celle qui fut faite à Israël, quand, après le veau d’or, Moïse eut plaidé pour le peuple et que l’Éternel se fit connaître comme le «Dieu miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché, et qui ne tient nullement le coupable pour innocent, qui visite l’iniquité des pères sur les fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième génération» (Exode 34: 6, 7). Cependant Nahum montre ici trois caractères de ce gouvernement très importants pour les nations.
1° «Il est lent à la colère». Quel soulagement pour une conscience convaincue de péché ! Le Dieu qui garde sa colère contre ses ennemis est lent à la colère. Jamais l’homme, quelque provocante que soit son attitude, ne réussit à engager Dieu à une action prématurée ou à une explosion de fureur. Ninive pouvait s’en souvenir. Au premier signe de repentance, l’Éternel avait suspendu son jugement. Jonas, lui, s’irritait et disait : «Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort», alors que l’Éternel «se repentait du mal qu’il avait parlé de leur faire, et ne le faisait pas». Oui, il est lent à la colère et, 2°, «grand en puissance» pour arrêter d’un mot les jugements décrétés ou leur donner libre cours. Mais, 3°, jamais son gouvernement «ne tiendra le coupable pour innocent». Cela reste toujours vrai, car, comme nous l’avons dit, il s’agit ici du caractère de Dieu dans son gouvernement et de sa sainteté dans ses voies, mais non pas de l’oeuvre de la grâce qui justifie les coupables en vertu du sacrifice. La justice humaine pourrait commettre l’erreur de déclarer innocent un coupable, Dieu jamais. Il avait dans sa grande patience retenu le cours de sa colère envers Ninive, mais qu’avaient fait dès lors ces rois, des Salmanéser, Tiglath-Piléser, Sankherib, si ce n’est de provoquer Dieu à la colère par leur orgueil effréné, leur haine inassouvie contre l’Éternel et contre son peuple, et leurs blasphèmes ? En vérité, Dieu ne pouvait nullement tenir le coupable pour innocent. Le dernier d’entre tous, Assurbanipal, avait été plus méchant, plus violent, plus abominablement cruel que tous ses prédécesseurs, qu’il surpassait en faste et en puissance, et Nahum prophétisait sous son règne.
Aux v. 3 à 6 nous trouvons la description des voies de ce Dieu qui gouverne selon sa sainteté, sa justice et sa puissance : «Son chemin est dans le tourbillon et dans la tempête, et la nue est la poussière de ses pieds. Il tance la mer et la dessèche, et fait tarir toutes les rivières. Basan et le Carmel languissent, et la fleur du Liban languit. Les montagnes tremblent devant lui, et les collines se fondent ; et devant sa face la terre se soulève, et le monde et tous ceux qui y habitent. Qui tiendra devant son indignation, et qui subsistera devant l’ardeur de sa colère ? Sa fureur est versée comme le feu, et devant lui les rochers sont brisés» (v. 3-6).
Il ne s’agit plus ici de sa personne, mais des attributs par lesquels il se manifeste quand il donne libre cours à ses jugements. C’est ainsi qu’il s’était révélé jadis à Élie en Horeb. Il n’était pas dans le grand vent impétueux qui déchirait les montagnes et brisait les rochers, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu (1 Rois 19: 11), mais ces jugements terribles devaient précéder son apparition en grâce pour Élie. De même ici. Quand il s’agit de se frayer un chemin pour amener ses bien-aimés face à face devant lui, aucun obstacle ne prévaut. La mer même et toutes ses rivières ne peuvent lui opposer une barrière. La nuée ne peut lui cacher ce but auquel il tend, il la foule sous ses pieds et elle ne peut lui dérober la vue du terme de son chemin. Le monde contient des choses riches et prospères, aimables ou élevées, tout cela se flétrit et disparaît devant le déploiement de ses voies. Les puissances les plus fermement établies, les autorités subalternes tremblent et se fondent. Cela rappelle vivement le livre d’Amos tout entier et le chap. 1: 4 du livre de Michée. Les royautés les plus antiques, — et aucune, sauf celle d’Égypte, ne pouvait se vanter de sa durée plus que l’Assyrie, — ne peuvent subsister devant l’ardeur de sa colère. Cinquante ans environ après cette prophétie, l’effondrement prédit eut lieu.
Au v. 7 nous découvrons un tout autre point de vue : «L’Éternel est bon, un lieu fort au jour de la détresse, et il connaît ceux qui se confient en lui». Quelle différence d’avec les caractères précédents ! C’est qu’il s’agit ici de ce qu’Il est pour les siens, au milieu même des jugements, de ce qu’Il est pour tous les croyants et particulièrement pour le Résidu d’Israël, objet de toute la prophétie de l’Ancien Testament. Il est bon ; il n’a jamais changé de caractère pour les siens, dans quelque calamité qu’ils se trouvent. Quand ils sont accablés sous le poids des jugements, il les réconforte en leur déclarant ce qu’Il est, ce qu’Il a toujours été. Lorsque, sortis d’angoisse, ils jouiront enfin de la délivrance, ils pourront entonner le beau cantique millénaire : «Célébrez l’Éternel ! car il est bon ; car sa bonté demeure à toujours !» Tout du long des Psaumes nous entendons cette parole, cent fois répétée aux oreilles du Résidu, pour le soutenir au milieu de ses angoisses : «L’Éternel est bon !» Il en est de même pour nous : dans les douleurs de l’heure présente, l’amour du Père et du Fils est ce qui soutient le coeur et l’empêche de se laisser aller au doute et au découragement.
«Un lieu fort au jour de la détresse.» L’ennemi triomphe ; les fidèles traversent le jour grand et terrible de la tribulation finale appelé la détresse, la «tsarah» de Jacob. Il n’y a pas un lieu de refuge dans un monde où la fureur de Satan poursuit sans relâche le pauvre Résidu, mais l’Éternel est dans le palais de sa sainteté (Ps. 11: 4 ; Michée 1: 2 ; Hab. 2: 20) ; lui-même est le «lieu fort» : «Au mauvais jour», est-il dit, «il me mettra à couvert dans sa loge, il me tiendra caché dans le secret de sa tente ; il m’élèvera sur un rocher» (Ps. 27: 5).
«Il connaît ceux qui se confient en lui.» Cela ne nous suffit-il pas ? Cela suffisait à Christ quand les hommes l’outrageaient et disaient de lui : «Il s’est confié en Dieu ; qu’il le délivre maintenant, s’il tient à lui» (Matt. 27: 43) ; mais il arrivera un jour où les hommes impies qui s’étaient moqués des saints seront détruits.
Au v. 8 nous voyons ce qui arrivera à Ninive et à tous les ennemis de l’Éternel : «Mais, par une inondation débordante, il détruira entièrement son lieu, et les ténèbres poursuivront ses ennemis». Ce verset contient deux termes hébreux très caractéristiques : le terme déborder (Shataph, Sheteph) et le mot détruire entièrement (Kalah, Killayon) traduits en d’autres passages , consumer, consomption, consomption décrétée.
Les mots déborder, inondation débordante, s’appliquent invariablement à l’Assyrien historique ou prophétique, ou au «roi du Nord» (nord de la Palestine) qui, comme nous l’avons vu si souvent dans l’étude des prophètes, est le conducteur, probablement militaire, de la Confédération assyrienne. Mais il arrivera un moment, comme nous le voyons ici (1: 8) et dans d’autres passages, où celui qui déborde, l’Assyrien, sera débordé à son tour, et où «son lieu», Ninive, sera détruit (*) . L’inondation débordante sera retournée contre lui, par l’Éternel. Le mot : détruire entièrement, consomption décrétée, est «une expression technique qui sert à désigner les derniers jugements qui précèdent le règne du. Messie» (**). La consomption décrétée a lieu sur Jérusalem, par le désolateur (l’Assyrien prophétique), mais elle atteindra à la fin, non seulement lui et son pays (Ésaïe 10: 22, 23 ; Nah. 1: 8), mais aussi toutes les nations assemblées contre Jérusalem, et enfin «la terre», le pays d’Israël et le peuple apostat qui l’habite, sur lequel dominera l’Antichrist. Seul, le Résidu fidèle traversera cette subversion sans être entièrement détruit, sans que la consomption déterminée l’atteigne (***).
(*) Voir, par exemple, pour ce mot et son application : Ésaïe 8: 8 ; 10: 22 ; 28: 17 ; Dan. 9: 26 ; 11: 10, 22, 26, 40 ; Nah. 1: 8.
(**) Voir version J. N. Darby. Note à Ésaïe 10: 23 ; Jér. 4: 27 ; Nah. 1: 8.
(***) Voir pour l’Assyrien : Ésaïe 10: 22, 23 ; Nah. 1: 8 ; pour les nations : Jér. 30: 11 ; 46: 28 ; Nah. 1: 8 (ses ennemis) ; pour le peuple apostat et son pays: Dan. 9: 27; Ésaïe 28: 22; Soph. 1: 18; enfin pour le Résidu, gardé d’une entière destruction : Jér. 4: 27 ; 5: 10, 18 ; Ézéch. 11: 13.
Nous citons en note tous ces passages pour faire ressortir la vérité suivante que l’on pourrait perdre de vue à la lecture du livre de Nahum : S’il s’agit dans ce livre de la destruction historique prochaine de Ninive, l’Esprit de Dieu va bien au-delà de ce fait ; il n’agit, du reste, pas autrement pour aucune prophétie. À propos d’un jugement prochain, il projette sa lumière sur les événements de la fin. La chute de Ninive devient l’avant-coureur de l’effondrement futur de la puissance de l’Assyrien prophétique, en même temps que celui de tous les ennemis de l’Éternel qui ont eux-mêmes pris part à cette catastrophe : «Les ténèbres poursuivront ses ennemis». Ce ne sera pas seulement le pays de Ninive qui sera détruit, avant la venue du Seigneur comme Messie, mais Ses ennemis, en même temps que ceux de Ninive, seront ensevelis dans les ténèbres. Historiquement cela eut lieu pour Babylone et les Mèdes ; prophétiquement cela aura lieu pour la Bête romaine et les dix rois, ennemis de l’Assyrien. C’est pour ne s’être pas enquis de ces choses que les rationalistes modernes nient, avec beaucoup de légèreté, la portée future d’événements prophétiques qui ont eu leur accomplissement historique dans le passé.
«Qu’imaginez-vous contre l’Éternel ?» (v. 9). À qui donc s’adressent ces paroles ? Aux ennemis actuels de Ninive ? Mais Dieu les avait suscités contre la capitale de l’Assyrien. Non ; le prophète voit dans l’avenir ; il prédit que les ennemis de l’Assyrien, aussi bien que l’Assyrien lui-même, principalement en vue ici, trament des complots contre Christ. C’est ce que l’on voit très clairement au Ps. 2: 1-3 : «Pourquoi s’agitent les nations, et les peuples méditent-ils la vanité ? Les rois de la terre se lèvent, et les princes consultent ensemble contre l’Éternel et contre son Oint : Rompons leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes !» Le passage d’Actes 4: 25, 26, qui cite ce Psaume nous fournit une des preuves constantes que tel passage de la prophétie nous est donné comme renfermant plusieurs accomplissements divers: l’un prochain, l’autre pour les temps de la fin. Voyez aussi Actes 13: 41 comparé avec Hab. 1: 5.
«Il détruira entièrement ; la détresse ne se lèvera pas deux fois» (v. 9). Ce passage pourrait être compris dans le sens que la détresse de Ninive n’aura pas l’occasion de se renouveler, puisqu’elle est définitive, mais le mot «détresse», si caractéristique pour la «grande tribulation» des derniers jours, dirige nos pensées bien au-delà de cet événement prochain et nous porte aux temps de la fin qui précéderont le règne de Christ. La détresse n’atteindra pas seulement ceux qui, sous l’impulsion de Satan, l’ont provoquée, mais elle sera définitive et l’on n’en verra pas surgir une seconde. Il en a été ainsi de Ninive ; il en sera de même de l’Assyrien et des nations de la fin. Mais cette parole sera vraie aussi du Résidu fidèle. La détresse ne se lèvera pas deux fois pour les disciples aux derniers temps ; seulement ils la traverseront comme la fournaise de Daniel, sans être consumés, ou comme les eaux du jugement, sans être submergés (És. 43: 2), ou comme la destruction décrétée, sans être entièrement détruits (Jér. 5: 18).
«Quand même ils sont comme des ronces entrelacées, et comme ivres de leur vin, ils seront dévorés comme du chaume sec, entièrement» (v. 10). Ces expressions sont appliquées au peuple juif incrédule dans le chap. 7: 4 de Michée et à l’Assyrien en Ésaïe 10: 17. C’est de Ninive et de l’Assyrien qu’il est spécialement question dans notre passage, mais les nations et le peuple apostat seront atteints par le même jugement final. Il ne se répétera pas, parce que, pareil au feu dans le chaume, il les aura tous consumés en une fois et dévorés entièrement.
«De toi est sorti celui qui imagine du mal contre l’Éternel, un conseiller de Bélial» (v. 11). Cet Assur qui était sorti autrefois du pays de Shinhar pour bâtir Ninive (Gen. 10: 10, 11), était sorti de Ninive, siège de la puissance assyrienne, pour imaginer, dans un esprit d’orgueil satanique, du mal contre l’Éternel. Tous les rois d’Assyrie, de Pul à Assurbanipal, ont eu ce caractère, et leur haine orgueilleuse contre Dieu et contre son peuple avait déjà atteint ses dernières limites dans la personne de Sankhérib. C’est de la puissance assyrienne qu’il est exclusivement question dans ce passage. Au v. 9 le prophète avait dit: «Qu’imaginez-vous contre l’Éternel ?» comprenant dans ce mot toutes les puissances assemblées à la fin contre Christ. Un de ces ennemis, celui qui sort de Ninive, sujet principal de la prophétie de Nahum, est mis en relief ici, animé des mêmes sentiments que les autres. Il est un «conseiller de Bélial» ; la fourberie est son caractère dominant, fourberie déjà révélée aujourd’hui chez tant de nations destinées à jouer plus tard le rôle de l’Assyrien. Cet homme de la fin est le même roi fourbe qui est décrit au chap. 8 de Daniel (v. 23-25).
Quel contraste entre lui et le vrai Roi ! Celui qui doit régner en Israël et porte le sceptre de la domination universelle est sorti, non pas de l’immense Ninive, mais de Bethléhem Éphrata, petite entre les milliers de Juda, lui dont les origines sont dès les jours d’éternité et l’Esprit de l’Éternel reposera sur lui (Michée 5: 2 ; Ésaïe 11: 2). Celui qui sort de Ninive a couru dans le passé et courra dans l’avenir au-devant de la destruction ; celui qui est sorti de Bethléhem verra son trône établi à perpétuité (Ps. 45: 6). Celui qui est sorti de Ninive sera «avili» ; celui qui est sorti de Bethléhem sera haut élevé, aura un nom au-dessus de tout nom et verra tout genou se ployer devant lui (Phil. 2: 9).
«Ainsi dit l’Éternel : Qu’ils soient intacts, et ainsi nombreux, ils seront retranchés et ne seront plus» (v. 12). Le peuple de Ninive est encore en son entier, intact et nombreux, en ces jours de Nahum où déjà le sort de l’Assyrie se prépare dans l’ombre. Babylone, fief de l’Assyrie, toujours en ébullition, ne s’est pas encore révoltée définitivement ; les Mèdes ne sont pas encore partis en guerre pour assiéger Ninive. Quelques années se passeront encore avant la destruction de cette capitale du monde. Mais la prophétie va plus loin : Ce n’est pas Ninive seule, ni son dernier roi, disparaissant dans l’incendie de son palais, c’est la puissance militaire tout entière de cette nation, qui ne sera plus. La prophétie nous apprend qu’avec la défaite historique de l’Assyrie, le dernier mot de son histoire n’a pas été dit. Cette puissance formidable entrera de nouveau en scène à la fin des temps. Elle sera, comme nous l’avons vu, le fléau qui inonde, mais ce «peuple audacieux» sera subitement anéanti (Ésaïe 28: 19 ; 30: 31-33). Alors seulement cette parole sera pleinement réalisée : «Ils seront retranchés et ne seront plus»
«Et si je t’ai affligé, je ne t’affligerai plus. Et maintenant je briserai son joug de dessus toi, et je romprai tes liens» (v. 12, 13).
Après avoir pris à partie Ninive, les nations et le peuple juif infidèle, l’Éternel se tourne maintenant, d’une manière tout aussi subite et inattendue vers le Résidu affligé. Si nous nous reportons au règne du roi de Juda, sous lequel Nahum prophétisa, nous y découvrons, comme nous l’avons vu dans notre étude sur Michée (1: 1), des analogies frappantes avec le contenu de cette prophétie. Le règne de Manassé se divise en deux parts. Dans la première il fait pis que tous ses prédécesseurs. Il rétablit à Jérusalem l’idolâtrie dans toute son horreur, jusqu’à sacrifier ses fils à Moloch ; il pratique les enchantements et la magie ; il remplit Jérusalem de sang innocent ; il place, comble de la profanation, une idole dans le temple de Dieu. Ne reconnaît-on pas, dans ce tableau, tous les traits de l’Antichrist ? C’est ainsi que les habitants de Jérusalem sont induits à faire le mal plus que les nations elles-mêmes (2 Chron. 33: 1-10 ; 2 Rois 21).
Cet état de choses finit par un jugement sans merci sur le peuple apostat et son roi profane qui, chargé de chaînes, est emmené à Babylone par le roi d’Assyrie. Sous la pression de la détresse, le caractère de Manassé change du tout au tout. Il devient à nos yeux le type du Résidu repentant sorti du peuple réprouvé et s’en séparant. La détresse lui ouvre les yeux sur son état et, le jugeant sans remède, il a recours à Dieu et à sa grâce : «Quand il fut dans la détresse, il implora l’Éternel, son Dieu, et s’humilia beaucoup devant le Dieu de ses pères, et le pria ; et Il se laissa fléchir par lui, et écouta sa supplication, et le ramena à Jérusalem dans son royaume ; et Manassé reconnut que c’est l’Éternel qui est Dieu» (2 Chron. 33: 12, 13). Nous avons ici, disons-nous, une image frappante du Résidu, ramené à Dieu par la détresse et retrouvant la Restauration finale par le travail de la grâce dans sa conscience. Les prophètes avaient parlé à Manassé lorsqu’il avait abandonné l’Éternel pour se livrer à l’apostasie (2 Rois 21: 10-15) ; maintenant un autre prophète, Nahum, lui parle de la délivrance et de la faveur de Dieu, quand il est revenu à l’Éternel. Il en sera de même du Résidu, que tous les prophètes mentionnent et dont ils prédisent la restauration. La détresse ne se lèvera pas deux fois pour lui. L’Éternel lui parle, dans la personne de son roi, pour le consoler : «Si je t’ai affligé, je ne t’affligerai plus !» «Consolez, consolez mon peuple», dit Dieu, par la bouche d’Ésaïe. «Parlez au coeur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée, qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés» (Ésaïe 40: 1, 2).
«Et maintenant je briserai son joug de dessus toi, et je romprai tes liens» (v. 13). C’est ce qui arriva momentanément à Manassé, mais seulement dans une mesure, car, de son vivant le joug de l’Assyrien continuait à peser sur lui en tant que tributaire de ce roi. Il n’en fut pas de même pour Juda, car il passa immédiatement du joug de Ninive à celui, bien plus pesant, de Babylone.
Mais, remarquons-le, la prophétie ne fait qu’entrevoir ici, dans les événements prochains, ceux, bien autrement décisifs, de l’avenir.
«Et l’Éternel a commandé à ton égard : On ne sèmera plus de semence de ton nom. De la maison de ton dieu je retrancherai l’image taillée et l’image de fonte, je préparerai ton sépulcre, car tu es vil» (v. 14).
Ici l’Éternel se tourne vers l’Assyrien tout aussi inopinément qu’il venait de se tourner vers son peuple. Ce passage est en contraste absolu avec la délivrance annoncée à Juda. L’Assyrien sera détruit, sa postérité anéantie, ses idoles renversées, son sépulcre préparé. Tout cela eut lieu, sans doute, à la chute de Ninive, mais le prophète Ésaïe nous apprend qu’aux temps de la fin, lors de la Restauration d’Israël, Topheth (cf. 2 Rois 23: 10), préparé depuis longtemps pour l’Assyrien, sera embrasé pour le consumer définitivement et que ce même bûcher est préparé aussi pour «le Roi» (terme dont la parole prophétique se sert pour désigner l’Antichrist ; voyez Ésaïe 57: 9 ; Dan. 11: 36), ainsi que pour le peuple incrédule (Jér. 7: 31-34). La destruction des deux puissances ennemies de la fin aura lieu dans le même temps. L’Antichrist, l’homme de péché, le faux Messie, n’a pas encore paru, bien que son esprit soit partout à l’oeuvre aujourd’hui, et ce personnage ne sera révélé que lorsque l’Église, l’Épouse de Christ, aura été enlevée de la scène. Il en sera de même de l’empire romain ressuscité avec ses dix rois, et dont l’Antichrist sera l’allié ; il en sera de même encore de l’Assyrien qui, réapparaissant sous sa forme finale, comme roi du Nord et Gog, rencontrera son jugement préparé en Topheth. Nous savons, d’après Éz. 39, que, pendant sept ans, tout ce qui restera de lui, après que son armée sera tombée sur les montagnes d’Israël, sera consumé par le feu.
«Car tu es vil», dernier mot de la colère de l’Éternel contre cet homme souverainement orgueilleux qui avait pensé se mesurer avec le Dieu fort et élever ses idoles, Assur et Ishtar, en face de l’Éternel. Tu es vil ! Toutes les prétentions des plus favorisés d’entre les hommes, leur nom, qu’ils estiment impérissable, leur puissance ambitieuse, leur orgueil indomptable, l’exaltation d’eux-mêmes, tout sera foulé comme la boue des rues sous les pieds du vrai Roi, auquel il ne faudra qu’un geste pour prendre en main la domination universelle et anéantir ses ennemis comme le vil serpent dont l’homme écrase la tête sous son talon !
«Voici sur les montagnes les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, de celui qui annonce la paix ! Juda, célèbre tes fêtes, acquitte tes voeux; car le méchant (ou Bélial) ne passera plus par toi, il est entièrement retranché» (v. 15).
Par une singulière inintelligence de la parole prophétique on a attribué ce passage à la chute de Ninive, lorsqu’elle fut annoncée à Jérusalem. Où en est la preuve ? Ninive fut détruite au commencement du règne de Jéhoïakim (610-599 A. C.) et probablement deux ans après son début. Trouvons-nous, dans l’histoire de ce roi, aucune allusion à cet événement ? Jéhoïakim fut établi par le Pharaon Néco à la place de Joakhaz, soumis à un joug sévère et obligé de payer un lourd tribut. Puis il tomba pendant trois ans sous la domination de Nébucadnetsar, roi de Babylone, et s’étant révolté fut pillé par les bandes des Chaldéens, des Syriens, des Moabites et des Ammonites. Il n’aurait donc pu que se réjouir de voir Ninive subsister et l’empire assyrien avoir le dessus (Jér. 2: 18). Au bout de onze ans de règne, Nébucadnetsar le prit, le lia avec des chaînes d’airain, et l’emmena à Babylone (2 Chron. 36: 6). Donc rien ne pouvait être politiquement plus fatal à ce roi, ainsi qu’à Jérusalem et à Juda, que la ruine de Ninive. D’autre part, rien n’est plus clair que ce passage, appliqué aux événements prophétiques. Le Résidu coupable mais repentant ne sera plus affligé dans un jour futur. Juda sera délivré du joug de l’Assyrien quand cet ennemi du peuple de Dieu sera anéanti sur les montagnes d’Israël. C’est de cet événement prophétique et non pas de la chute historique de Ninive, que nous parle le chap. 52 d’Ésaïe, dont les termes correspondent si exactement à notre verset 15. Là aussi il est question de l’Assyrien qui a opprimé Israël sans cause. Mais à ce moment du jour futur, le Seigneur se révèle et dit à son peuple : «Me voici !» (v. 4, 6). Aussitôt la bonne nouvelle du royaume est proclamée ; la guerre est terminée, le règne de paix commence : «Combien sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, qui annonce la paix, qui apporte des nouvelles de bonheur, qui annonce le salut, qui dit à Sion : Ton Dieu règne !» (v. 7). C’est le moment où Dieu restaure Sion et console son peuple. De même, en Michée 5: 5, la paix est établie par l’apparition de Christ et la défaite de l’Assyrien.
En Nahum, la chute de Ninive est comme un tableau anticipé de ce qui arrivera à la fin des jours. Les bonnes nouvelles ne sont, pas plus qu’en Ésaïe, la chute de cette capitale, mais la venue du Messie ou Sauveur d’Israël, du vainqueur de ses ennemis. Sous son règne de paix, Juda pourra célébrer ses grandes fêtes et avant tout celle des tabernacles qui suivra le jugement des adversaires la «moisson» et la «vendange» (Zach. 14: 16-19 ; Ézéch. 45: 21-25). Désormais, rien ne viendra troubler ces solennités joyeuses. Le méchant, Bélial, cette créature de Satan, ne passera plus sur le territoire d’Israël comme «une inondation débordante», ainsi qu’il l’avait fait dans le passé, et le fera dans l’avenir.
Il se pourrait que le prophète fasse allusion, typiquement, au règne de Josias, sous lequel Juda put de nouveau célébrer la Pâque et la fête des pains sans levain (2 Chron. 35), mais ce règne avait pris fin avant la chute de Ninive. Tout ce que nous venons de dire reporte donc nos pensées, sans hésitation, au temps de la fin.
Quels seront les porteurs des bonnes nouvelles dont il est question ici ? La parole nous enseigne que ce témoignage sera rendu par des disciples juifs. Ce sont ceux qui, aux jours où le Seigneur était sur la terre, furent envoyés en mission dans les villes d’Israël, mais dont le témoignage se continuera à la fin des temps. Ce sont eux qui prêcheront aux nations l’évangile du royaume pendant la période de la grande tribulation. Ce sont eux enfin qui seront, sur les montagnes d’Israël, les messagers, vus et entendus de tous, de ce grand fait : l’inauguration du règne glorieux du Messie !
«Celui qui brise est monté contre toi : garde la forteresse, surveille le chemin, fortifie tes reins, affermis beaucoup ta puissance» (v. 1).
Après s’être adressé à Juda pour l’encourager et le consoler, l’Éternel se tourne subitement vers le Méchant, vers l’Assyrien roi de Ninive et l’interpelle. Ces interpellations inopinées sont, comme nous l’avons vu dans l’Avant-propos, un des traits extérieurs, caractéristiques de notre prophète. Ici nous entrons en plein dans la scène historique.
Les mots «Celui qui brise est monté contre toi» contrastent étrangement avec la parole de Michée : «Celui qui fait la brèche est monté devant eux» (Michée 2: 13). Là le Berger faisait la brèche pour briser les obstacles et délivrer ses brebis ; ici, le Vengeur monte pour briser à jamais la puissance hostile dont le joug pesait si lourdement sur Juda, et la retrancher entièrement. Donc le jugement des nations est aussi certain que la délivrance du peuple de Dieu.
Les instruments que l’Éternel emploie pour détruire Ninive sont appelés «ses hommes forts» (v. 3 ; És. 13: 3). Ce ne sont pas les mêmes hommes forts que l’Éternel fait descendre avec lui en Joël 3: 11, quand il s’assied pour juger toutes les nations et qui ont pour antitypes les hommes forts de David (2 Sam. 23: 8-39). Ici Babylone, associée aux Mèdes, est l’instrument dont Dieu se sert pour anéantir Ninive, comme il se servira plus tard des Mèdes et des Perses pour anéantir Babylone. Toutes ces puissances qui croient agir indépendamment et pour elles-mêmes sont des instruments inconscients et aveugles en la main de l’Éternel pour accomplir ses desseins. Ce principe est important à retenir dans le jour actuel. Dieu élève aujourd’hui une nation ; il l’abaissera demain. Aujourd’hui elle lui sert de verge ; demain il suscitera une verge nouvelle qui brisera, puis écrasera la première. L’orgueil de l’Assyrien est abaissé par l’orgueil de Babylone, par les hommes forts de l’Éternel ; l’orgueil de Babylone sera écrasé à son tour. Au temps de Nahum, Babylone, fief des rois d’Assyrie, s’était déjà révoltée à diverses reprises contre le joug de Ninive et avait dû maintes fois subir de sanglantes représailles. Maintenant le cadran marquait l’heure où l’Éternel, quoique lent à la colère, allait laisser libre cours à cette dernière. Retranchant la domination à Israël infidèle, Dieu avait décidé de la confier à Babylone dont il voulait faire la «tête d’or» des empires gentils. Il fallait donc que les prétentions de l’Assyrien à obtenir cette suprématie fussent anéanties, sans parler de l’iniquité de Ninive qui était arrivée à son comble. Malgré ses ambitions, Assur n’avait jamais obtenu l’empire universel. Ce terme ne veut pas dire que l’univers soit soumis à un tel empire, et ne fait pas même allusion à l’étendue de son territoire ; il signifie plutôt qu’une domination universelle ne rencontre plus de nation qui ne lui soit pas soumise et qu’elle a pour vassaux les rois de ces nations. Il en fut ainsi de Babylone et des autres empires qui lui succédèrent. Il en sera de même du dernier, de l’empire romain, ressuscité à la fin des temps sous la forme de la Bête et des dix rois, de cette confédération qui provoquera l’admiration du monde entier.
Qu’il est ironique cet appel au roi de Ninive : «Garde la forteresse, surveille le chemin, fortifie tes reins, affermis beaucoup ta puissance !» As-tu pris toutes tes précautions ? Surveille tout toi-même, forme tes réserves ; que rien ne manque ; que nulle part ta prévoyance ne soit en défaut ! Mes hommes forts pourront-ils quelque chose contre une organisation aussi savante ? Mais tu oublies une chose : «L’Éternel a ramené la gloire de Jacob comme la gloire d’Israël». Ce passage a été traduit de diverses manières, mais je ne doute pas que nous ne devions adopter cette version comme correspondant à l’interprétation spirituelle et dépassant le sens historique même dans un tableau aussi essentiellement historique que celui-ci. Au moment où «celui qui brise est monté», la gloire de Jacob (de l’ensemble du peuple représenté par Juda) et la gloire d’Israël (nom donné fréquemment aux dix tribus) ont été ramenées. Rien de pareil n’avait eu lieu, si ce n’est partiellement et très incomplètement sous Josias ; l’Éternel avait tiré pour un moment Juda de son abaissement profond, quoique le caractère du peuple ne fût nullement changé (Hab. 1: 1), mais déjà la ruine avait repris son cours sous les successeurs de ce roi pieux. Il n’en sera pas de même à la fin ; la gloire de l’ancien peuple de Dieu sera remise en lumière et alors l’Assyrien, Gog, sera détruit pour toujours. Ainsi le Résidu sera restauré, car, est-il dit, «ceux qui dépouillent» les avaient dépouillés et avaient gâté leurs sarments. Lors de la destruction de Ninive, cet état n’avait point changé, et aujourd’hui même Israël est aussi abaissé qu’alors. Il est comme un tronc sans rameaux, et toutes les nations le dépouillent. Tout changera lorsque la gloire du Messie qu’il avait méprisé apparaîtra et sera reconnue de lui, et qu’en parlant de Christ, il pourra dire : «Ma gloire» (Ps. 3: 3 ; Jér. 2: 11). On voit ici qu’Israël, tombé par son péché sous les coups de l’Assyrien, sera ramené par la chute de son ennemi, celle de Ninive n’étant que l’avant-coureur des terribles jugements de la fin, car la restauration est inséparable du jugement.
Aux v. 3, 4 nous avons une description magnifique de ces hommes forts de l’Éternel, c’est-à-dire de l’armée des Mèdes et des Chaldéens : «Le bouclier de ses hommes forts est teint en rouge, les hommes vaillants sont vêtus d’écarlate, l’acier fait étinceler les chars, au jour où il se prépare, et les lances de cyprès sont brandies. Les chars s’élancent avec furie dans les rues, ils se précipitent sur les places ; leur apparence est comme des torches, ils courent comme des éclairs». Il s’agit là des rues et des places de Ninive et non pas des villes d’Assyrie comme le veulent certains commentateurs. Ninive est toujours en vue en premier lieu dans Nahum.
«Il pense à ses vaillants hommes : ils trébuchent dans leur marche, ils se hâtent vers la muraille, et l’abri est préparé. Les portes des fleuves sont ouvertes, et le palais s’effondre» (v. 5, 6). L’Assyrien (toujours la même manière abrupte d’introduire les personnages) pense à opposer ses «vaillants hommes» aux «hommes forts» de l’Éternel. En vain ! Il faut que la volonté de Dieu s’accomplisse. Ces vaillants hommes se hâtent, sortant peut-être de quelque orgie ; ils trébuchent dans leur ivresse (cf. 1: 10) pour gagner les abris confiés à la défense, quand déjà une partie de la cité est envahie. «Les portes des fleuves sont ouvertes.» Les fleuves qui défendaient la ville et lui constituaient une barrière inattaquable servent maintenant de porte d’entrée aux assaillants (*) . Plus tard, ne différant qu’en un point de ceci, le sort de Babylone se décidera par le détournement de l’Euphrate, dont le lit mis à sec servira de porte d’entrée à l’ennemi pour s’emparer de la grande cité. Le palais magnifique, orné et merveilleusement agrandi par Sankhérib, s’effondre et n’est plus qu’une ruine.
(*) Cette interprétation me paraît beaucoup plus simple que celle d’autres commentateurs.
Telle est la sentence prononcée. «C’est arrêté» pour n’y plus revenir. Ninive, semblable à une reine dépouillée de ses vêtements, sera exposée aux outrages et emmenée captive avec ses servantes. La partie féminine de la ville devient la proie éplorée du vainqueur. Toute cette scène est annoncée comme ayant déjà eu lieu, tant l’arrêt est irrévocable.
«Dès le jour où elle exista, Ninive a été comme une mare (ou plutôt un étang, un réservoir «Berekah») d’eau» (v. 8) (*). Entourée de fleuves et de canaux, elle était dès le jour de son existence une cité inexpugnable, aussi bien que prospère, fournissant abondamment par ses fleuves de quoi alimenter les peuples. Elle avait augmenté le nombre de ses marchands plus que les étoiles des cieux (3: 15). À grand peine entretenait-on à Jérusalem les étangs et les réservoirs ; ceux de Ninive, fournis par la nature, la rendaient inabordable... «Mais ils fuient...» À quoi servent leurs défenses quand ils sont saisis de panique ? C’est la déroute... «Arrêtez ! Arrêtez !» Rien n’y peut ; pas un ne se retourne pour faire face à l’ennemi. Alors c’est le pillage ; les envahisseurs s’emparent des immenses richesses accumulées. Ninive est pillée, vidée, dévastée. Une angoisse indicible s’empare de tous ses habitants.
(*) Voir 1 Rois 22: 38 ; 2 Rois 18: 17 ; 20: 20 ; Néh. 2: 14 ; 3: 15, 16 ; Cant. 7: 4 ; Ésaïe 7: 3 ; 22: 9, 11 ; 36: 2 ; 2 Sam. 2: 13 ; 4: 12 ; Eccl. 2: 6.
Quel tableau graphique de ce désastre ! On croit assister à cette scène terrible, à cet effondrement ! L’histoire nous dira que pendant trois ans Ninive fut assiégée, puis prise. La chose est possible, mais ce que Dieu nous montre ici, c’est le jugement subit et final amené par les instruments préparés par Dieu pour cette destruction.
L’orgueil si connu de l’Assyrien est écrasé du coup. Quand Dieu prononce le terrible : «C’est arrêté», qui pourrait résister, ne fût-ce qu’un instant ? Le sort que l’Assyrien infligeait aux nations, ses attaques brusquées, la terreur qu’il répandait autour de lui, quand «tous les visages pâlissent» à son approche (Joël 2: 6), tout cela lui est infligé maintenant : «Le coeur se fond, et les genoux sont tremblants, et une poignante douleur est dans tous les reins, et tous les visages pâlissent» (v. 10). Nous le voyons ici, atteint par le sort même qu’il avait infligé à la grande Thèbes d’Égypte (chap. 3).
(v. 11 - 13.) — «Où est le repaire des lions, et le lieu où se repaissaient les lionceaux, où se promenaient le lion, la lionne, et le petit du lion, sans que personne les effrayât ? Le lion déchirait suffisamment pour ses petits, et étranglait pour ses lionnes, et remplissait de proie ses antres, et de bêtes déchirées ses repaires. Voici, j’en veux à toi, dit l’Éternel des armées ; et je réduirai tes chars en fumée ; et l’épée dévorera tes lionceaux, et je retrancherai de la terre ta proie ; et la voix de tes messagers ne s’entendra plus.»
L’image du lion était familière aux monarques assyriens et leurs monuments en témoignent. Dès Nimrod, la chasse aux lions était l’orgueil et le passe-temps des rois d’Assyrie. La force, l’impétuosité, la cruauté de cet animal qui dévore, que rien n’effraye, qui étrangle et déchire pour se satisfaire lui, sa lionne et ses lionceaux, sa soif de puissance et le butin dont il remplit ses antres, tout cela caractérisait l’Assyrien. Il suffit que l’Éternel des armées se lève pour s’opposer à celui auquel jamais homme n’avait pu résister ; aussitôt tout l’attirail de guerre avec lequel il s’élançait pour conquérir le monde est réduit en fumée. L’épée de Dieu anéantit sa progéniture par laquelle il aurait pu espérer reconquérir le pouvoir (*). Son royaume anéanti, ceux dont il faisait sa proie et qui se révoltaient constamment contre lui, se soumettent à l’empire nouveau suscité de Dieu et l’ère des carnages est close, sans que pour cela la paix soit jamais rétablie sur la terre. Elle ne le sera que lorsqu’il sera dit : «Paix sur la terre», à l’apparition du Seigneur dans son règne. «La voix de tes messagers ne s’entendra plus.» Ah ! comme elle avait été entendue autrefois cette voix menaçante que les messagers du roi venaient transmettre à Ézéchias et à Jérusalem, et qui osait s’élever jusqu’au trône même de Dieu ! (Ésaïe 36: 37). Dans un temps futur on n’entendra plus que les voix joyeuses des messagers de bonnes nouvelles qui annoncent la paix ! (1: 15).
(*) Le dernier rejeton des rois d’Assyrie, Assur-edil-ilane, périt dans le sac de Ninive.
Les histoires profanes nous ont à peine conservé une ou deux remarques au sujet de la grandeur de Ninive ; les anciens monuments assyriens découverts depuis le milieu du siècle passé, nous en disent bien davantage et nous initient au luxe sans précédent, et à l’étonnante prospérité de cette immense cité. Mais aucun document ne nous parle de sa chute et ne nous décrit son désastre. La Bible seule nous renseigne clairement et divinement sur les origines de Ninive et sur sa destruction, plus soudaine que celle de Babylone, quoique Ninive surpassât cette dernière en faste et en importance. Ce qui nous remplit d’admiration pour les Écritures, c’est que tous les documents bibliques au sujet de la ruine de Ninive sont prophétiques. Nahum y occupe la première place.
«Malheur à la ville de sang, toute pleine de fausseté et de violence ! la rapine ne la quitte pas» (v. 1).
Il n’y a qu’un seul «malheur» dans Nahum, celui de la ruine de Ninive. L’arrêt était prononcé au chap. 2 ; on en voit ici l’accomplissement final. Nahum est le seul prophète dont le livre se termine par un jugement définitif. S’il parle de la restauration d’Israël, ce n’est pour ainsi dire qu’en passant, au premier chapitre, et pour la situer dans l’ensemble de la prophétie. Ninive doit tomber ; toute la puissance d’un monde hautain et fier qui ne reconnaît que sa propre importance, d’un monde que son orgueil constitue l’ennemi du peuple de Dieu, toute cette puissance doit être anéantie. Au chap. 2, l’assaut et la prise de la ville étaient représentés comme conséquence du tort fait par l’Assyrien à la vigne d’Israël ; ici, au chap. 3, c’est le caractère même de Ninive qui attire sur elle ces représailles. Comme, dans Jérusalem, avaient été trouvés l’iniquité du peuple et le sang de tous les prophètes, ainsi dans Ninive, la ville de sang, Dieu ne trouve que fausseté, violence et rapine. Cette ville est comme la quintessence du caractère du peuple assyrien et de ses rois.
Les v. 2 et 3 ont un caractère différent des v. 3 à 7 du chap. 2 qui décrivaient l’attaque de Ninive, suivie aux v. 9 et 10 du pillage et de la terreur. Ici nous assistons au sac et au massacre épouvantable qui remplit la ville «de monceaux de corps morts et de cadavres sans fin».
Un trait de l’iniquité de Ninive est comme séparé de tous les autres, car il s’agit non plus du péché contre les hommes, mais du péché contre Dieu : «À cause de la multitude des prostitutions de la prostituée attrayante, enchanteresse, qui vend les nations par ses prostitutions, et les familles par ses enchantements, voici, j’en veux à toi, dit l’Éternel des armées, et je relèverai les pans de ta robe sur ton visage, et je montrerai aux nations ta nudité, et aux royaumes ta honte. Et je jetterai sur toi des ordures, et je t’avilirai, et je te donnerai en spectacle» (v. 4-6).
Elle avait réussi à captiver les nations par le culte de ses faux dieux et par sa magie. Combien d’entre elles s’étaient laissé entraîner à se prosterner devant les dieux de Ninive, en assistant à la faillite de leurs propres dieux, emmenés captifs par les rois d’Assyrie (És. 36: 19, 20), et s’exposaient ainsi de la part de l’Éternel au même jugement qu’elle. Maintenant, aux yeux de ces mêmes nations, elle était avilie au dernier point, une prostituée dont on expose la nudité au dégoût et au mépris de tous. C’est ainsi que Dieu estime et punit l’orgueil insensé de l’homme qui préconise ses faux dieux à la face même de l’Éternel des armées. Tu es vil, dit celui-ci au roi d’Assyrie (1: 14) ; je t’avilirai, dit-il à Ninive. Elle sera couverte d’ordures, image de la valeur que peuvent avoir tous les attraits et enchantements du monde aux yeux de Dieu. Puissions-nous, nous aussi, estimer ces choses, comme le faisait l’apôtre Paul, selon la mesure du sanctuaire ! (Phil. 3: 8).
«Et il arrivera que tous ceux qui te verront fuiront loin de toi, et diront : Ninive est dévastée ! Qui la plaindra ? D’où te chercherai-je des consolateurs ?» (v. 7).
Il en est ainsi de l’égoïsme du monde. Ceux qui ne sont pas directement frappés s’accommodent facilement du désastre des autres. Quelques mots de regret, peut-être, et l’oubli recouvre déjà la catastrophe. Les consolateurs ne se trouvent pas parmi les hommes. Dieu seul peut consoler, mais comment consolerait-il celle qui jusqu’à la fin l’a méprisé et s’est moquée de Lui ? Quand la repentance s’est produite et que Jérusalem a reçu le double de tous ses péchés, alors Dieu se présente à elle comme Consolateur. «Consolez», dit-il, «consolez mon peuple». Dès le moment où la conversion s’est opérée, les consolations ne manquent plus jamais ; elles sont le baume souverain dans l’épreuve : l’apôtre consolait ses frères et était lui-même consolé de Dieu. Tel est le résultat de l’oeuvre de Christ pour nous. Il a pris en grâce sur lui-même notre malédiction, le malheur prononcé sur le monde ; il a cherché des consolations, ici-bas, et n’en a pas trouvé (Ps. 69: 20) ; mais maintenant Il est consolé à la droite de Dieu et verra les fruits du travail de son âme introduits dans les lieux où Dieu les consolera eux-mêmes éternellement en essuyant toute larme de leurs yeux.
L’idolâtrie de l’Assyrien est un des points importants de la prophétie émise à son sujet. En Ésaïe 10: 8-11, on le voit estimant ses idoles supérieures à toutes les autres et à l’Éternel lui-même. Ésaïe 14 nous montre sa défaite finale (et celle de Babylone) à cause de son orgueil sans borne qui cherche à se substituer à Dieu lui-même. Les v. 19 et 20 de ce même chapitre rappellent le sac de Ninive, mais vont beaucoup plus loin et considèrent, comme du reste le chapitre tout entier, la défaite finale de l’Assyrien prophétique. En Ésaïe 47, le sort de Babylone est le même que celui de Ninive : même nudité découverte, même honte vue (v. 3). En Jér. 13: 26, 27, le Seigneur prononce un malheur sur Jérusalem comme Nahum sur Ninive : «Moi aussi», dit l’Éternel, «je relèverai tes pans sur ton visage, et ta honte se verra». Elle avait suivi l’idolâtrie des nations ; c’est par elle que les jugements commencent ; puis vient le tour de Ninive; enfin celui de Babylone. Tout cela a eu lieu historiquement, et se renouvellera prophétiquement à la fin des temps. Jérusalem, la maison balayée, où les sept esprits idolâtres se retrouveront à la fin, sous le règne de l’Antichrist, sera jugée, mais ensuite restaurée à cause du Résidu repentant et croyant ; tandis que la grande Babylone de la fin, la chrétienté apostate et idolâtre, sera entièrement détruite et que l’Assyrien sera consumé sur les montagnes d’Israël.
«Es-tu meilleure que No-Amon, qui habitait sur les canaux, des eaux autour d’elle, — elle qui avait la mer pour rempart, la mer pour sa muraille ? L’Éthiopie était sa force, et l’Égypte, et il n’y avait pas de fin ; Puth et les Libyens étaient parmi ceux qui l’aidaient» (v. 8, 9).
Ce passage, comme nous l’avons vu plus haut, nous donne la date de la prophétie de Nahum, mais il offre plusieurs autres particularités. No-Amon, Thèbes, capitale de la Haute-Égypte, fut assiégée, prise et mise à sac par Assurbanipal en l’an 633 A. C. Ce fut donc au plus tôt vers 660 que Nahum put faire mention de cet événement. La date de la mort d’Assurbanipal n’est pas connue, mais ne peut guère avoir eu lieu avant l’année 630, peut-être assez longtemps après cette date ; et comme Nahum prophétisa sous Manassé (698-643) la mention qu’il fait de la chute de Thèbes ne put avoir lieu que du vivant d’Assurbanipal (*).
(*) Au reste, comme en tout autre point, il n’y a de certain que les dates historiques données par l’Écriture, dès le commencement de la Genèse. Quand il s’agit des dates données par l’homme on flotte souvent sur une mer d’incertitudes. C’est ainsi que l’événement capital du monde antique, la ruine de Ninive, présente des dates contradictoires distantes les unes des autres d’une vingtaine d’années. Il en est de même de la prophétie de Nahum que le silence apparent des Écritures a fait transporter tantôt sous Ézéchias, tantôt sous Manassé, c’est-à-dire à près de 60 à 80 ans de distance.
Dieu annonce donc à Ninive ou à son roi le même sort qu’il venait d’infliger à No-Amon. La situation de Thèbes était identique à celle de Ninive. Elle aussi habitait sur «les fleuves», — mot qui indique toujours pour l’Égypte les canaux du Nil — comme Ninive entourée des canaux du Tigre; elle aussi avait «la mer» pour rempart, c’est-à-dire le vaste cours, le cours principal du Nil (cf. És. 19: 5), comme le Tigre était le rempart de Ninive. Thèbes était garantie contre les invasions par l’Éthiopie au midi, par la Basse Égypte et Memphis au nord. Elle s’appuyait sur toutes deux. Puth et les Libyens ses alliés la garantissaient encore. Qu’était-elle devenue ? Son sort, qu’Assurbanipal célèbre dans une inscription mémorable, était l’image exacte de ce qui allait arriver à Ninive (*). Elle aussi, comme Thèbes, serait emmenée et s’en irait en captivité (3: 10 ; 2: 7). Les petits enfants de No-Amon avaient été écrasés au coin de toutes les rues. En serait-il autrement de Ninive avec sa multitude de tués et ses monceaux de morts ? On sait que telle était la coutume atroce de ces peuples qui prétendaient à la haute culture et à la civilisation d’alors. (Ps. 137: 9 ; És. 13: 16 ; Osée 13: 16). La civilisation raffinée de nos jours ne pourrait-elle pas en offrir des exemples en Orient et en Occident ?
(*) «Je pris», dit-il, «la ville de Thèbes et mes mains la soumirent à la domination d’Assur et d’Ishtar (mes dieux). Je m’emparai de son argent, de son or, des objets précieux, des trésors du palais royal, des vêtements... des grands chevaux, des esclaves mâles, des femmes... et je suis rentré à Ninive avec un butin considérable».
«Toi aussi, tu seras enivrée ; tu seras cachée toi aussi, tu chercheras un lieu fort devant l’ennemi. Toutes tes forteresses sont comme des figuiers avec leurs premières figues ; si on les secoue, elles tombent dans la bouche de celui qui les mange. Voici, ton peuple au-dedans de toi est comme des femmes» (v. 11-13). Cet Assyrien qui avait dit : «Par la force de ma main je l’ai fait, et par ma sagesse, car je suis intelligent ; et j’ai ôté les bornes des peuples, et j’ai pillé leurs trésors, et comme un homme puissant j’ai fait descendre ceux qui étaient assis sur des trônes. Et ma main a trouvé, comme un nid, les richesses des peuples ; et, comme on ramasse des oeufs délaissés, moi, j’ai ramassé toute la terre, et il n’y en a pas eu un qui ait remué l’aile, ni ouvert le bec, ni crié» (És. 10: 13, 14) — cet Assyrien succombe à son tour. Quatre-vingts ans environ après Ninive, le même sort atteignait Babylone. Il y a une rétribution certaine dans ce monde. Vantez-vous, peuples, de votre puissance, élevez bien haut la tête ; invoquez l’appui de votre Dieu contre vos ennemis qui, de leur côté, invoquent le même appui contre vous. De fait, ce Dieu que vous invoquez dans votre aveuglement ne vaut pas mieux dans vos pensées qu’Assur et Ishtar. Le vrai Dieu ne vous conduit pas à la victoire, quoiqu’il puisse se servir de vous pour accomplir ses voies et qu’il puisse même vous appeler «ses hommes forts». Mais le vrai Dieu surveille tous vos actes et les rétribue. Ce que vous avez fait jadis à Thèbes sera fait à votre Ninive. Les atrocités que vous avez commises trouveront leur récompense. Ne clamez plus le nom de votre Dieu ; écoutez plutôt sa sentence irrévocable, son cri de «Malheur», son dernier mot : «C’est arrêté» !
«Les portes de ton pays sont grandes ouvertes à tes ennemis, le feu dévore tes barres» (v. 13). On voit ici que la chute de Ninive implique l’invasion de tout l’empire dont elle est le centre. Sa disparition est la chute même de l’Assyrien, ce qui confirme les allusions à l’Assyrien de la fin notées dans le cours de cet écrit. Pas plus que Babylone, Ninive ne sera reconstruite, mais ces puissances elles-mêmes, comme nous l’avons dit maintes fois, renaîtront sous des formes nouvelles, avec cette différence néanmoins que si la Babylone mystique disparaît pour toujours, l’Assyrie prophétique ne sera anéantie que dans sa puissance militaire et subsistera comme nation sous le règne glorieux de Christ, selon qu’il est écrit : «Béni soit l’Égypte, mon peuple, et l’Assyrie, l’ouvrage de mes mains, et Israël, mon héritage» (És. 19: 25).
Notez encore, en contraste avec l’avenir prophétique, que l’Assyrie tombe ici la première après l’Égypte, et après elle Babylone, tête d’or des quatre monarchies gentiles. À la fin des temps, la quatrième de ces monarchies, représentée par la Bête, l’empire romain ressuscité, successeur final de Babylone, tombera d’abord. Ce ne sera qu’après sa chute que l’Assyrien sera détruit. Ainsi l’ordre prophétique sera l’inverse de l’ordre historique.
«Là, le feu te dévorera, l’épée te détruira ; elle te dévorera comme l’yélek. Multiplie-toi comme l’yélek, multiplie-toi comme la sauterelle. Tu as augmenté le nombre de tes marchands plus que les étoiles des cieux ; l’yélek se répand, puis s’envole. Tes hommes d’élite sont comme les sauterelles, et tes capitaines sont comme une nuée de gobs qui campent dans les haies au frais du jour ; le soleil se lève, ils s’envolent, et on ne connaît pas le lieu où ils sont» (v. 15-17). — Ninive sera détruite par le feu et par l’épée. Il en fut de même, après elle, de Babylone (Jér. 50: 37 ; 51: 30). L’yélek, la sauterelle, image si fréquente de l’armée assyrienne en Joël et d’autres prophètes, sera le moyen de détruire cette puissance qui détruisait toutes les autres : une autre armée de sauterelles, celle de Babylone, la dévorera à son tour. Elle aura beau multiplier comme jadis la puissance et le nombre de ses armées. L’yélek a deux caractères : il dévore d’abord, puis il s’envole. Le temps est venu où les hommes d’élite de l’Assyrie, habitués à tout dévorer, se répandront, puis s’envoleront ; où les capitaines de ses troupes, comme une nuée de «gobs» qui campent dans les haies au frais du jour s’envoleront sans pouvoir être retrouvés. Toute cette scène de la fin nous reporte de nouveau vers les temps prophétiques.
«Tes pasteurs dorment, roi d’Assyrie ! tes vaillants hommes sont couchés là, ton peuple est dispersé sur les montagnes, et personne ne les rassemble» (v. 18). Cela ne rappelle-t-il pas la défaite future de l’Assyrien, prédite par Daniel ? «Il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir» (Dan. 11: 45). «Tu tomberas», dit Ézéchiel, «sur les montagnes d’Israël, toi et toutes tes bandes, et les peuples qui seront avec toi» (Ézéch. 39: 4).
«Il n’y a pas de soulagement à ta blessure ; ta plaie est très maligne ; tous ceux qui entendent parler de toi battent des mains sur toi ; car sur qui ta méchanceté n’a-t-elle pas continuellement passé ?» (v. 19). Ce passage reporte nos pensées au chap. 10 de Jérémie (v. 17-22). Là le prophète qui joue si souvent le rôle du Résidu d’Israël, s’écrie : «Malheur à moi, à cause de ma ruine ! ma plaie est douloureuse». Quand du pays du nord (la Chaldée) vient une grande commotion pour réduire en désolation les villes de Juda. Ici une sentence définitive est prononcée sur l’envahisseur, alors que la plaie douloureuse d’Israël sera guérie.
Tout du long de ce chapitre nous voyons donc établie cette simple vérité si facilement oubliée de tout temps parmi les hommes, qu’il y a une rétribution, et que ceux qui ont affligé le peuple de Dieu, quelque coupable qu’il fût, quelque discipline que Dieu ait jugé bon d’exercer à son égard, que ceux-là, les ennemis de Dieu et de son peuple en subiront la peine. «C’est une chose juste devant Dieu que de rendre la tribulation à ceux qui vous font subir la tribulation, et que de vous donner, à vous qui subissez la tribulation, du repos avec nous dans la révélation du seigneur Jésus du ciel» (2 Thess. 1: 6, 7).