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Sionisme chrétien : bon ou mauvais ?

 

De nombreux éléments de cet article sont tirés de l’ouvrage «For Zion’s sake» de Paul Richard Wilkinson, édité par Paternoster dans la série «Studies in Evangelical History and thought» (ISBN 978-1-84227-569-6).

On trouve dans le dictionnaire « Petit Robert » la définition suivante du sionisme : « Mouvement politique visant à l’établissement puis à la consolidation d’un état Juif (la nouvelle Sion) en Palestine ».

Mais réduire le sionisme à un mouvement politique est une vue tout à fait étroite du sujet.

Il y a un sionisme Juif qui peut être considéré comme une idéologie, ou une foi, ou une notion ou une idée ou une espérance ou un credo ou un mouvement, qui ont imprégné le peuple Juif dans toute son histoire. C’est l’idée, l’espoir ou la certitude que le peuple Juif reviendrait un jour dans sa terre d’autrefois (= Eretz Israël = la terre d’Israël).

Il y a un sionisme culturel qui fait de la terre d’Israël le centre spirituel national du judaïsme et qui a cherché à en faire un mouvement de masse.

Il y a eu et il y a un sionisme politique qui cherche à restaurer le peuple Juif dans sa terre comme autrefois, et à agir politiquement dans ce sens. Les motivations de ce sionisme politique ont été religieuses pour les uns, et non religieuses pour d’autres. Une fois l’état d’Israël créé en 1948, le sionisme a eu pour but d’affermir cet état, de le consolider et de l’étendre.

Le sionisme chrétien est un chapeau sous lequel on groupe beaucoup de chrétiens soutenant Israël. Il s’agit de chrétiens très divers mais qui reconnaissent le propos de Dieu vis-à-vis d’Israël développé dans les prophètes et qui voient dans la création de l’état d’Israël en 1948 un accomplissement de la prophétie. Il y a bien des désaccords entre eux sur l’interprétation de l’Écriture relativement à l’enlèvement de l’église, à l’identité et au rôle de l’antichrist, à la grande tribulation et à la seconde venue, mais on peut incorporer les éléments suivants dans la pensée du sionisme chrétien : 1. une distinction claire selon la Bible entre Israël et l’église. 2. L’enlèvement de l’église antérieur à la grande tribulation (prétribulationisme) et pouvant intervenir à tout moment. 3. Le retour des Juifs dans la terre d’Israël. 4. La reconstruction du temple. 5. La montée ou mise en place de l’antichrist. 6. La période de sept ans de la grande tribulation. 7. Le salut national des Juifs. 8. Le retour de Christ à Jérusalem. 9. Le règne de 1000 ans de Christ sur la terre.

Le sionisme chrétien proprement dit fait tous ses efforts pour favoriser la concrétisation et l’accélération de ce schéma. Certains ont été animés par des motifs humanitaires, d’autres par l’idée d’expier les crimes commis contre les Juifs au nom du christianisme, d’autres par le désir d’appliquer les concepts bibliques de libération et justice sociale. Mais le sionisme chrétien cadre bien avec une interprétation littérale de la Bible et des prophéties qui s’y trouvent.

La raison pour laquelle Bibliquest s’intéresse à cette question est la suivante : J.N. Darby a longtemps été un parfait inconnu dans les sphères des grandes religions et dans les sphères politiques (sa tombe le rappelle par l’inscription de 2 Cor. 6:9). Mais le conflit palestinien perdurant et s’exacerbant, la guerre des idées se rajoute à celle des armes. Or des opposants à Israël, et parmi les plus violents, ont soutenu que l’origine du mal à la base de ce conflit, était dans le sionisme chrétien qui serait le plus grand danger menaçant la paix et la justice dans le monde, et les idées de Darby en seraient la cause en ce qu’elles ont façonné une bonne partie de l’Amérique, spécialement les conservateurs du sud.

Ce sujet avait été abordé brièvement dans un sujet d’actualité antérieur (1.10.2004) faisant lui-même suite à une réponse aux idées développées au début de la guerre d’Iraq quand la presse francophone avait essayé d’expliquer les idées du président Bush lorsqu’il soutenait que son combat allait dans le sens biblique et dans le sens de l’histoire.

Que faut-il penser du sionisme chrétien et de la prétendue contribution de J.N. Darby ?

1. L’ouvrage de Paul R. Wilkinson donne beaucoup de détails corrects là-dessus et qui correspondent aux pages sur la prophétie qu’on trouve sur Bibliquest.

Le schéma de développement des événements futurs (ce que l’on peut appeler l’histoire prophétique = l’histoire du futur) est assez bien résumé dans le contenu des idées à la base du sionisme chrétien mentionné plus haut.

2. Toutefois ce n’est pas parce que nous croyons que l’histoire prophétique va se développer dans un certain sens que nous avons à faire des efforts pour aider à ce qu’elle se produise ainsi. Les prophètes de la Bible n’annonçaient pas les événements pour que les hommes aident à leur accomplissement, mais pour travailler dans les cœurs et les consciences pour les ramener à l’obéissance de Dieu. Les prophéties annoncent les châtiments de Dieu pour toucher les consciences de ceux qui Lui désobéissent, et elles annoncent les temps de bénédiction pour encourager ceux qui veulent obéir à Dieu. Il en va encore de même aujourd’hui avec les prophéties relatives à Israël et au Moyen Orient : a) le monde a beau croire qu’il arrivera à faire une paix sans Dieu, il faut qu’il comprenne qu’on ne peut pas y arriver si on se courbe pas devant Lui et devant Sa Parole ; l’inanité des efforts de paix est annoncée en Zacharie 12:3. b) l’annonce du Messie et de Son royaume encourage à se tourner vers Celui qui seul donne la paix quand on reconnaît et confesse ses péchés.

3. Il ne faut pas mêler le temps de l’église avec le temps où Israël sera le centre des voies de Dieu quant à la terre. Les événements que nous voyons aujourd’hui ne sont que des amorces d’événements futurs dont parle la prophétie, mais ils ne sont pas l’accomplissement de la prophétie. La distinction de ces deux ères est très nettement faite par le Seigneur en Actes 1:6-9: les disciples s’enquéraient de quand le Seigneur rétablirait son royaume ; Il leur répond que cela ne les regarde pas. — Le temps de l’église est le temps où Dieu « invite à son grand souper » (Luc 14), où Il offre la grâce aux pécheurs et annonce qu’Il viendra prendre les Siens pour les emmener au ciel. Le temps de l’église se termine par son enlèvement au ciel. L’accomplissement de la prophétie proprement dite recommence ensuite (il y a interruption entre la 69ème et la 70ème semaine de Daniel 9).

4. Même si l’accomplissement des prophéties ne relève pas du temps présent, cela n’empêche pas Dieu de favoriser le retour d’Israël dans sa terre. Ésaïe 18:4 est significatif à cet égard : « Car ainsi m’a dit l’Éternel : Je resterai tranquille, et je regarderai de ma demeure, comme une chaleur sereine sur la verdure, comme une nuée de rosée dans la chaleur de la moisson ». Entre temps, malheur à ceux qui s’attaquent à Israël, selon l’avertissement catégorique de Zacharie 2:8: « Car ainsi dit l’Éternel des armées : … celui qui vous touche, touche la prunelle de son œil ».

5. Quel est le rôle de Darby dans tout cela ? simplement il a contribué, avec d’autres, à remettre en lumière des déclaration de l’Écriture tombées dans l’oubli ; ce n’était pas la première fois que des portions de l’Écriture tombaient dans l’oubli et étaient remises au jour (2 Chroniques 34:14-15 ; 30:26 et autres). Il a aussi contribué à ce que des chrétiens écoutent simplement ce que Dieu disait dans Sa Parole et croient que cela se passerait comme Il l’a dit et écrit. Déjà le prophète Ésaïe (8:20) disait : « À la loi et au témoignage ! S’ils ne parlent pas selon cette parole, il n’y a pas d’aurore pour lui ». Le Seigneur Jésus a lui aussi insisté sur l’accomplissement littéral de Sa parole (Matthieu 24:35 ; Marc 13:31). Et effectivement les éléments de pensée du sionisme chrétien tels que résumés plus haut se trouvent dans la Bible et Darby a contribué à les remettre en lumière ; mais il n’est pour rien dans le fait que ces événements soient dans la Bible, ce n’est pas lui qui a écrit la Bible !

L'enseignement de Darby sur ces sujets n'est pas un corpus de doctrines obscures et compliquées basées sur des prophètes tardifs. Dans ses "études sur la Parole de Dieu", on trouve déjà, très tôt et très courtement, cet enseignement formulé de la manière suivante en rapport avec Genèse 14 et la victoire d'Abraham sur les rois des nations : « Ce tableau donc nous représente le triomphe final de la famille de la foi sur le prince du monde, triomphe réalisé en Esprit par l’Église (et finalement dans la gloire), dans ses espérances célestes et dans son union avec Christ, et qui sera réalisé littéralement sur la terre par les Juifs, pour lesquels le Christ sera sacrificateur selon le type de Melchisédec. Ce type sera pleinement accompli dans la position qu’il prendra comme Sacrificateur sur son trône, Médiateur dans ce même caractère, bénissant l’homme de la part de Dieu, et bénissant Dieu de la part de l’homme ; Dieu, lui-même, prenant alors, complètement et réellement, le caractère de possesseur des cieux et de la terre ». Autrement dit, et en bref : on a déjà là [écrit avant 1880] l'annonce du triomphe futur et littéral des Juifs sur la terre, mais ceux-ci feront alors partie de la famille de la foi, ce qui est encore loin d'être le cas ; il n'y a de triomphe de l'Église que dans la gloire céleste.

6. La doctrine de Darby favorise-t-elle Israël à l’encontre des palestiniens et implique-t-elle que les chrétiens doivent aider Israël à réaliser ses objectifs et à prendre part au sionisme chrétien dans son aspect politique et activiste ? — La certitude que Dieu accomplira Sa parole et rétablira pleinement Israël dans sa terre n’entraîne pas qu’il faille y contribuer maintenant, car le changement moral nécessaire à l’accomplissement des voies de Dieu n’a pas encore eu lieu. La restauration d’Israël dont parlent aussi bien l’Ancien Testament (presque tous les prophètes) que le Nouveau Testament (spécialement Romains 11 et d’autres passages) implique absolument que le peuple d’Israël se repente et se tourne vers Dieu et reconnaissent Jésus comme Messie (voir spécialement Zacharie 12:10). Or actuellement on est loin de ce travail spirituel à l’échelon national, même si quelques individus l’ont réalisé. — Favoriser aujourd’hui une nation plutôt qu’une autre, c’est ignorer les châtiments de Dieu annoncés sur son peuple aussi bien que sur les autres nations ; c’est ignorer que nous sommes dans un monde ennemi de Dieu (1 Jean 2:15 ; Jacques 4:4) ; c’est ignorer que le chrétien n’a pas à attendre d’autre place que celle de Christ rejeté (Galates 6:14 ; Jean 15:18-27).

7. Y a-t-il de l’antisémitisme à dire qu’il faut qu’Israël se repente et reconnaisse Jésus comme Messie ? non car la Bible l’annonce ; et nous disons aussi que tous les hommes sont pécheurs devant Dieu (même si c’est pour des motifs différents) et ont besoin de se repentir. Romains 11 montre que, si la mise à l’écart temporaire d’Israël comme nation a permis la bénédiction des nations non juives dans le christianisme, la restauration d’Israël implique que les nations à leur tour tombent dans la désobéissance généralisée (ce qui saute aux yeux aujourd’hui) et deviennent par là l’objet du jugement prochain de Dieu. — La Bible distingue bien entre la masse du peuple d’Israël (qui aura plus tard un caractère apostat complet) et un résidu fidèle selon son cœur. Amalgamer les deux va dans le sens contraire de ce que Dieu opère (Apocalypse 7).

8. Les accusations contre Darby d’avoir une doctrine néfaste politiquement sont d’autant plus frappantes qu’il a longtemps été tenu pour inexistant. — Elles sont d’autant plus mal fondées qu’il a toujours insisté sur l’espérance céleste du chrétien, qui ne marche dans ce monde que comme un forain (ou nomade) et un étranger. C’est ce que disait Christ aussi (Luc 9:58) : « le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ». — Les ennemis de Christ ont cherché aussi à le salir politiquement (Marc 12:14 ; Jean 11:48-50) et à l’accuser de vouloir se faire roi (Matthieu 27:11), ce à quoi Il n’a pas répondu tellement l’accusation était malhonnête. — Ce genre d’accusation ne vient pas d’aucun rôle que Darby ait eu ou puisse avoir dans les conflits de ce monde, mais de ce que le diable veut bannir ou proscrire l’enseignement de Darby relatif au lien entre l’église et Christ lui-même, et relatif à l’espérance céleste du chrétien.

9. Finalement retenons que le sionisme chrétien en tant que croyance en l’accomplissement prophétique du retour des Juifs dans leur pays concorde avec l’enseignement biblique (Ézéchiel 37:21 et bien d’autres passages) et concorde également avec ce qu’a enseigné Darby dans la mesure où il avait une lecture littérale des Écritures.

Par contre le sionisme chrétien dans son aspect activiste politique ne concorde pas avec l’enseignement de la Bible pour l’église, et ne concorde pas avec ce qu’a enseigné Darby. Il est donc parfaitement déplacé de l’accuser d’en être la source ou de le favoriser.