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Récits divers

 

tirés du périodique « La Bonne Nouvelle »

 

 

Table des matières :

1     La dette est payée

2     La prière du petit Henri

3     L’heureuse Nancy et son secret

4     La prière exaucée : Demandez et il vous sera donné

5     La petite messagère de bonnes nouvelles

6     « Le Seigneur arrangera tout ! »

7     La foi de la vieille Écossaise

8     Les cicatrices

 

 

1                        La dette est payée

Bonne Nouvelle 1869 p. 241 à 246

Bien des personnes désireuses de connaître le Seigneur Jésus comme leur Sauveur trouvent difficile de comprendre de quelle manière son sacrifice les sauve, et n’en reçoivent aucun soulagement. L’histoire véritable d’une pauvre femme qui éprouvait cette même difficulté pourra être utile à d’autres, en leur montrant comment cette grande bénédiction est reçue. Le Seigneur veuille qu’il en soit ainsi !

Elle s’appelait Betty et, comme je l’ai dit, elle était pauvre, très pauvre ; non seulement cela, elle était assez malade pour être confinée dans son lit. La maladie seule est déjà un grand malheur, aussi bien que la pauvreté ; mais quand elles viennent toutes deux ensemble, elles sont en vérité un lourd fardeau. Cependant Betty avait encore un plus lourd fardeau, un fardeau de doutes et de craintes touchant le salut de son âme. Elle avait entendu maintes et maintes fois parler de la mort expiatoire de notre divin Sauveur ; elle avait cru en lui, mais elle ne pouvait comprendre, et son âme était attristée à la pensée d’être éloignée de Dieu, et incapable de trouver le chemin pour aller à Lui.

Madame Pax, qui avait l’habitude de visiter Betty, avait essayé bien souvent de lui exposer la merveilleuse vérité, que Christ a expié le péché sur la croix, qu’il a payé la dette pour toujours, et qu’étant justifiés par la foi en lui, nous avons la paix avec Dieu ; mais, de quelque manière qu’elle présentât la chose, sa pauvre amie ne pouvait la saisir, et ainsi, sans trouver aucun soulagement pour son âme, la pauvre Betty avançait en âge jusqu’à ce qu’à la fin elle dut s’aliter et fut sur le point de mourir.

Enfin, un jour que Madame Pax entrait, elle trouva la pauvre Betty dans la plus profonde détresse. Elle avait tiré ses draps sur sa figure et sanglotait comme si son cœur allait se briser, tellement que son lit tremblait sous elle.

— Chère Betty, dit Madame Pax, qu’est-il arrivé qui vous rend si malheureuse aujourd’hui ?

— Oh ! Madame, je n’ai pu payer mon loyer, et ils sont venus pour la saisie, et pour prendre mon lit de dessous moi, et je mourrai ! Je mourrai !

Son angoisse était si grande que tout ce que son amie pouvait lui dire était inutile. Comment cela aurait-il pu la soulager ? Elle n’avait pas un sou, et la dette devait être payée ou le lit enlevé.

Pendant que Madame Pax essayait de la consoler, un coup violent retentit à la porte de la maison, ce qui jeta la pauvre créature dans une nouvelle angoisse. Ramenant les draps sur sa tête, elle s’écria : Oh ! Ils viennent ! Ils viennent ! Profondément émue à la vue de la détresse de cette infortunée, Madame Pax descendit doucement l’escalier, et trouva en effet deux hommes venus là pour saisir les meubles de Betty.

— Mais, leur dit-elle, quand ils eurent expliqué ce qu’ils venaient faire, vous savez que la pauvre femme ne peut absolument pas acquitter son loyer.

— Sans doute, Madame, mais nous n’y pouvons rien. Si elle ne peut pas payer son loyer, nous devons prendre son lit.

— Mais ce serait affreusement cruel ! La pauvre femme en mourra. Elle est déjà presque mourante.

— Madame, ce ne sont pas nos affaires. Il faut que nous ayons l’argent ou les meubles.

— Eh bien ! Dites-moi quelle est la somme que vous réclamez.

Les hommes le dirent. Alors la dame, tirant quelques grosses pièces de sa bourse, les leur remit en disant : « Rendez-moi ce qui me revient, et faites-moi un reçu ». Ils le firent, et en recevant la quittance, Madame Pax la plaça entre deux feuillets de la Bible qu’elle tenait à la main, et remonta pour rassurer la pauvre Betty au sujet de son lit, ne pensant guère que son acte de bonté allait être employé par l’Esprit de Dieu comme le moyen d’une meilleure bénédiction pour l’âme troublée de la malheureuse femme.

Elle la trouva au désespoir, attendant à chaque instant l’entrée des hommes de police pour la jeter sur le plancher et prendre son lit comme acquit de son loyer. Elle s’assit auprès d’elle, et lui dit doucement : « Betty, ne vous tourmentez pas… »

— Mais, Madame, je dois me tourmenter, car je mourrai ! »

— Mais la dette est payée, Betty.

La pauvre créature rejeta les draps de dessus sa figure et regarda avec étonnement autour d’elle. Elle pouvait à peine en croire ses oreilles. De nouveau, Madame Pax répéta ces mots délicieux :

— Je vous assure, Betty, que vous n’avez plus à vous tourmenter de votre dette, car je l’ai payée. Et ouvrant sa Bible, elle montra le reçu, disant : « Voyez Betty, voici le reçu pour l’argent ». Lisez-le vous-même et soyez convaincue.

La pauvre femme l’épela aussi bien qu’elle le put, et alors elle se mit à la contempler avec un regard singulièrement joyeux, comme si de nouvelles et merveilleuses pensées traversaient son esprit. À la fin, son visage s’éclaira, elle éleva les mains et s’écria :

— Ah ! Je comprends maintenant, Madame, je comprends et je vous remercie mille fois. Et plus que cela, je comprends maintenant le sens de ce que vous vous êtes si souvent efforcée de m’enseigner. J’ai compris maintenant, j’ai compris ! Jésus a payé ma dette, je suis délivrée et je puis mourir heureuse !

Et il en fut ainsi. Elle se renversa doucement sur l’oreiller et remit son esprit joyeux aux mains de Celui qui avait payé sa dette.

 

Et maintenant, lecteur, avez-vous compris ? Reconnaissez-vous Christ comme votre Sauveur et l’avez-vous reçu comme tel ? Croyez-vous qu’il a payé votre dette et que, votre dette étant payée par lui, vous n’avez plus du tout à la payer de nouveau ? Pouvez-vous dire avec le cantique :

Au pécheur dont Jésus a payé la rançon,

Dieu la réclame-t-il ? – Oh ! Non, mille fois non !

Si tel est le langage de votre cœur, vous donnez gloire à Christ. Vous l’honorez comme votre libérateur et vous pouvez être assuré que ce que vous lui avez confié, il le gardera jusqu’au dernier jour.

Si, au contraire, vous craignez que votre dette ne soit pas payée et pensez la payer vous-même par vos propres bonnes actions et vos mérites, vous rejetez réellement Christ et cherchez à obtenir le ciel sans lui. Ah ! Homme vain, que le Seigneur te délivre d’une semblable illusion ! Car assurément aucune de tes œuvres souillées ne sera jamais reçue dans le trésor du ciel comme paiement de la grande dette du péché.

Mais j’ai confiance qu’il n’en est pas ainsi à votre égard, cher lecteur. J’ai confiance que vous avez des pensées plus humbles et plus saines que de vous imaginer que vous pouvez vous sauver vous-même par quelque chose de vous-même. S’il en est ainsi, laissez-moi vous adresser sérieusement et avec affection à Celui seul qui a payé la dette du pécheur. « Nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes » (Éph. 1:7). Pourquoi voulez-vous douter plus longtemps quand Dieu vous dit cela ? Vous pouvez dire que vous croyez, mais vous savez qu’il est absolument impossible, en même temps, de croire un fait et d’avoir des doutes à cet égard. Si vous avez des doutes au sujet du paiement de votre dette, alors vous ne croyez pas que Christ l’a payée. Et souvenez-vous que le rejet de Christ comme substitut du pécheur est le grand péché, le péché capital. En effet, Dieu, dans les richesses de sa grâce pour l’homme perdu, a envoyé son Fils unique dans le monde souffrir l’affreux châtiment de la mort pour le péché de l’homme. Et cependant, vous méprisez sa miséricorde, vous dépréciez la mort de Christ, vous la traitez comme insuffisante pour effacer votre péché, et acquitter votre dette, quoique en réalité elle soit pleinement suffisante pour répondre aux péchés d’un millier de mondes.

De la sorte, cher lecteur, vous méprisez la grâce de Dieu, vous méprisez ce précieux sang « qui purifie de tout péché », vous méprisez la parole de Dieu qui déclare que le sang a fait propitiation pour le péché. Et si vous continuez à rejeter ainsi l’amour de Dieu et la valeur du sang de Christ et à traiter la parole de Dieu comme si elle était un mensonge, vous serez laissé pour périr dans l’incrédulité ; car il n’y a plus de sacrifice pour le péché par lequel il puisse être effacé.

 

 

2                        La prière du petit Henri

Bonne Nouvelle 1869 p. 121-122

Enfants, vous avez peut-être lu quelque chose ou entendu parler de Napoléon Bonaparte qui, dans son temps, guerroya beaucoup, livra beaucoup de batailles, conquit beaucoup de pays, causa la mort de millions d’hommes, et parcourut presque toute l’Europe avec ses armées. Entre autres places ainsi envahies, ses soldats entrèrent une fois dans une ville de Silésie (Pologne) où ils décidèrent de passer la nuit, prenant leurs quartiers chez l’habitant, c’est-à-dire que chaque famille de l’endroit était obligée de pourvoir à la nourriture et au logement d’un certain nombre de soldats. Une de ces familles était celle d’un pauvre tisserand qui n’avait même pas de quoi nourrir ses propres enfants. Comment aurait-il pu donner des vivres à plusieurs étrangers ? Néanmoins, c’est là ce qu’il devait faire. Un groupe de soldats entra, demandant à être nourris de pain, de viande et de bière. En vain les assura-t-il qu’il n’avait rien pour eux. Son refus fut pris pour une preuve d’inimitié, et les soldats exaspérés le menacèrent, non seulement de tout détruire chez lui mais encore de le maltraiter jusqu’à ce qu’il eût satisfait à leurs demandes. Toutes représentations étaient inutiles, et ils avaient déjà commencé leur œuvre de destruction quand un petit garçon nommé Henri, âgé de six ans, qui de frayeur s’était blotti derrière le poêle, sortit soudain de sa cachette et s’agenouillant devant tous aux pieds de son père terrifié, pria ainsi : « O miséricordieux Sauveur ! Rends ces hommes miséricordieux afin qu’ils puissent obtenir miséricorde de ta part ».

Cette courte prière fut entendue. Le petit garçon avait confessé le Seigneur devant tous, et le Seigneur en tint compte. Un des soldats étonnés se tourna vers les autres et s’écria : « Camarades, allons-nous-en ! Dieu demeure dans une maison où l’on prie. Tisserand, dit-il au père de l’enfant, nous n’avions pas l’intention de vous faire du mal. Voici pour vous ! » Et jetant une pièce d’argent, ils quittèrent tous la maison.

« Ceux qui m’honorent, je les honorerai » (1 Samuel 2:30).

 

 

3                        L’heureuse Nancy et son secret

Bonne Nouvelle 1869 p. 66 à 69

Dans une vielle maisonnette jaunie par le soleil, non loin d’un petit hameau, vivait jadis une femme toute seule. Seule au monde, sans famille ni parenté quelconque, presque aveugle, estropiée, infirme, elle ne trouvait qu’une maigre subsistance dans les produits de son petit jardin et s’occupait à tricoter et à filer. Elle était néanmoins remarquable par son joyeux contentement au point que partout, dans les villages d’alentour, elle était connue sous le nom de « l’heureuse Nancy ».

Elle était une enfant de Dieu par la foi en Jésus Christ. Elle avait été lavée de ses péchés par le précieux sang de Christ. Étant justifiée par la foi, elle avait la paix avec Dieu. Mais ce n’était pas tout. Bien que ce soit une grande chose, et de toute importance, d’avoir le pardon de ses péchés, d’avoir la paix avec Dieu, l’heureuse Nancy ne s’était pas arrêtée là, mais elle avait fait des progrès dans la connaissance et dans la jouissance de cette « paix de Dieu qui surpasse toute intelligence », et qui gardait tellement son cœur et son esprit dans le Christ Jésus qu’elle se montrait toujours la même, d’humeur égale et toujours contente, qu’elles que fussent les circonstances extérieures de sa vie.

— Eh bien, Nancy, disait le visiteur qui, parfois, s’arrêtait à sa porte, vous chantez encore ?

— Oh ! Oui, c’est ce que je fais toujours.

— J’aimerais que vous me disiez votre secret, Nancy. Vous êtes toute seule, vous travaillez péniblement, vous n’avez rien de bien attrayant autour de vous. D’où peut donc provenir votre bonheur habituel ?

— Peut-être, répondait Nancy, vient-il de ce que je n’ai personne autre que le Seigneur. On voit des gens riches comme vous dépendre de leurs familles et de leurs maisons ; aussi se forgent-ils d’avance toute espèce de craintes et sont-ils tourmentés d’inquiétudes. Je ne me figure jamais rien qui puisse me troubler, parce que je laisse tout ce qui me concerne entre les mains du Seigneur.

— Bien. Mais Nancy, supposez que la gelée vienne surprendre vos petites plantes et vos arbres fruitiers quand ils sont tout en fleurs ; supposez…

— Mais, répliqua Nancy, je ne suppose pas, je ne dois jamais supposer. Je n’ai que faire de rien supposer, si ce n’est que le Seigneur fera bien toutes choses. Ce qui fait que, vous autres, vous êtes malheureux, c’est que vous passez votre temps à supposer. Or, pourquoi ne pouvez-vous pas attendre, comme moi, que la supposition arrive et en tirer ensuite le meilleur parti ?

Parce que, peut-être, quelques-uns de ceux auxquels elle parlait de la sorte n’étaient pas en position d’agir ainsi ; et que d’autres, peut-être, n’étaient pas dans la condition voulue pour agir comme elle. Quant aux premiers, ceux-là seuls qui sont dans un état de proximité de Dieu, ceux qui ont été « approchés » sont en état de se confier en Lui. Le christianisme de nom ne peut conférer ce privilège à personne. La moralité, la religion, la probité, le droiture, l’amabilité – toutes ces dispositions sont absolument inutiles pour approcher quelqu’un de Dieu. C’est par le sang de Christ et par le moyen de la foi en Lui seul, que le pécheur est placé dans cette position bénie dans laquelle il peut se confier en Dieu, comme un enfant en son bon et tendre Père, « qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous », et qui, assurément, nous donnera aussi librement toutes choses avec lui. Ceux-là seuls ont, par grâce, droit à ses soins paternels ; ceux-là seuls peuvent s’attendre à Lui. Et pourtant, même parmi ceux qui sont dans cette position bénie de proximité de Dieu, il n’y en a que trop qui trouvent impossible d’imiter l’exemple de l’heureuse Nancy. Ils allèguent les circonstances ; et, sans doute, les circonstances des uns sont plus pénibles que celles des autres. Le caractère naturel, aussi, est loin d’être sans influence pour produire ou de joyeuses dispositions et une absence relative de soucis, ou bien le contraire. La maladie a encore plus d’influence à cet égard, et il n’est pas rare qu’il en résulte un état de découragement souvent triste à voir. Après tout, cependant, ce ne sont là que des causes secondaires, au dessus desquelles il est possible de s’élever, bien qu’elles puissent varier quant à leurs degrés.

« MAIS UNE SEULE CHOSE EST NÉCESSAIRE ».

S’il s’inquiète et s’agite pour beaucoup de choses, comment le croyant peut-il jouir de la paix dans un désert qui, tout agréable qu’il puisse paraître aux sens, est comme un labyrinthe de rosiers – pleins d’épines.

Le secret de l’heureuse Nancy consiste en une communion que rien n’entrave et n’interrompt, et il s’exprime par ces mots : « Je n’ai personne que le Seigneur ». L’objet de sa vue et de son cœur, c’était le Seigneur. Elle marchait continuellement avec Lui. Ignorant beaucoup de ce que des croyants plus intelligents ont acquis, et probablement incapable de communiquer même le peu qu’elle savait, elle était heureuse à la pensée que, quoi qu’il pût lui manquer, elle avait le Seigneur, à la fois avec elle et pour elle (Rom. 8:17, 31), comme seul COMPAGNON, comme AMI pleinement suffisant. Dans toutes les circonstances, c’est à Lui qu’elle regardait, attendant sa miséricordieuse intervention, mais soumise à sa volonté. Elle s’appuyait sur son bras tout puissant d’un cœur plein de confiance, persuadée de son amour ; et ne supposant pas autre chose, sinon que tout ce que le Seigneur ferait serait bien fait. Elle était contente de ce qu’elle avait, elle ne s’inquiétait de rien, mais « par des prières et des supplications, avec des actions de grâces », elle présentait ses requêtes à Dieu. Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardait son cœur et son esprit dans le Christ Jésus (Phil. 4:6-7). Occupée ainsi de Lui, les choses qui sont vénérables, justes, pures, aimables et de bonne renommée devaient remplir ses pensées, et par conséquent se manifester dans ses actions. Aussi le Dieu de paix était avec elle, et elle en avait le sentiment. Elle n’avait que le Seigneur, et parce que, dans son estimation, Il était assez, et son tout en tout, elle était « l’heureuse Nancy ». Cela n’est-il pas possible pour chaque enfant de Dieu ?

 

 

4                        La prière exaucée : Demandez et il vous sera donné

Bonne Nouvelle 1869 p. 213 à 216

Au commencement de l’année 1814, lorsque la guerre ravageait l’Europe, des troupes de Suédois, de Cosaques, d’Allemands et de Russes se trouvaient à une demi lieue de marche de la ville de Schleswig. Maints rapports alarmants sur leur manière de se conduire les avaient précédés et les habitants de la ville étaient fort effrayés à leur approche. Il y avait eu une trêve, mais elle devait se terminer le 5 janvier à minuit, époque qui approchait rapidement, et toutes les horreurs de la guerre et d’une licence effrénée allaient de nouveau fondre sur les habitants sans ressources de ce pays.

À l’entrée de la ville de Schleswig, du côté où se trouvait l’ennemi, était une maison isolée, habitée par une femme âgée et pieuse qui, apprenant l’approche de l’ennemi, priait, selon les paroles d’un vieux cantique, que Dieu « éleva une muraille autour d’eux ». Les habitants de la maison se composaient d’elle, de sa fille qui était veuve et de son petit-fils, un jeune homme de vingt ans. Ce dernier, entendant la prière de sa grand-mère, ne put s’empêcher de dire qu’il ne comprenait pas qu’elle pût demander une chose aussi impossible que cela, savoir qu’une muraille fût élevée autour d’eux pour défendre leur maison contre l’ennemi. La vieille femme qui était très sourde, comprenant ce que son petit-fils avait dit, fit observer qu’elle avait simplement voulu implorer la protection divine pour elle et pour sa maison, puis elle ajouta : « Penses-tu que si vraiment c’était la volonté de Dieu de bâtir une muraille autour de nous, cela lui serait impossible ? »

Enfin la terrible nuit du 5 janvier arriva, et sur le coup de minuit les troupes firent leur entrée de toutes parts. La maison mentionnée plus haut était au bord de la route et plus grande que les maisons environnantes qui n’étaient que de petites chaumières, lesquelles furent bientôt envahies par les soldats qui y demandaient ce dont ils avaient besoin en termes injurieux et menaçants. Les habitants de la maison au bord de la route écoutaient avec anxiété, s’attendant à tout moment d’entendre les sommations des soldats à leur propre porte. Mais bien que le bruit confus des voix, l’incessant piaffement des chevaux, les bouffonneries grossières, les rires bruyants se fissent entendre tout autour d’eux, personne n’aborda le seuil de leur porte. Fort avant dans la nuit, l’armée traversa la ville. Au moins quatre détachements de Cosaques, farouches et à moitié sauvages, formaient l’arrière garde. Il était tombé beaucoup de neige toute la journée, suivie maintenant d’un violent orage. Tellement que les Cosaques renoncèrent à de nouvelles poursuites et ne songèrent qu’à s’abriter, eux et leurs chevaux, dans les masures qui se trouvaient sur leur passage et qui, toutes petites qu’elles étaient, furent bientôt plus que pleines. Semblables à une nuée de sauterelles, hommes et chevaux se ruèrent sur les malheureux habitants, dévorant tout devant eux. Quelle terrible nuit pour ceux qui furent abandonnés à leur merci !

Mais au milieu de tout ce tumulte et de tout ce désordre, la maison de la femme de prière était en paix ; pas un seul traînard de cette bande sauvage, non pas même un voisin effrayé, n’approcha la porte. Heure après heure s’écoula. Ces âmes qui veillaient s’étonnaient de leur merveilleuse conservation ; et tandis que la foi et la crainte possédaient alternativement leur cœur, l’aube parut enfin.

Mais voici de nouveau les troupes en mouvement, le réveil résonne, le brutal Cosaque pillera sans doute chaque maison avant de marcher lui-même à la mort. La prière les préservera-t-elle encore du danger qui les menace maintenant plus que jamais ? Si jusqu’à présent, grâce à l’obscurité et à l’ouragan qui se déchaîna toute la nuit, ils ont échappé à l’observation, la lumière du matin les trahira sans doute et ils ne seront pas plus épargnés que d’autres. Non. Le Seigneur ne délivre pas à moitié pour abandonner ensuite. La foi saisit ce qui lui appartient et dit : « je ne te laisserai point que tu ne m’aies béni » ; cette vieille femme qui veillait là, tremblante tout en espérant et en priant, était plus puissante que toute une armée de cruels Cosaques. Oui, sa maison est encore protégée ; aucun pas n’est entendu sur le seuil, aucune main rude n’ébranle la porte.

Maintenant qu’ils osent regarder au dehors, ils découvrent aussitôt les moyens dont Dieu s’est servi pour leur délivrance. La neige qui était tombée si abondamment la veille avait été entassée par l’orage de la nuit à une telle hauteur entre la maison et la route, que tout abord en était impossible, et ainsi une muraille s’était littéralement élevée autour d’eux, selon la prière de la vieille femme. « Vois-tu maintenant, mon fils, s’écria-t-elle, qu’il était possible à Dieu d’élever une muraille autour de nous pour nous préserver de l’ennemi ? »

« Toutes choses sont possibles à celui qui croit ».

 

5                        La petite messagère de bonnes nouvelles

 

« Comment entendront-ils sans quelqu’un qui prêche ? » Romains 10:14

Bonne Nouvelle 1869 pages 193 à 206

Adèle était une petite fille pauvre et de plus malade. Elle habitait avec ses parents une des rues les plus sombres d’une grande ville, et bien qu’elle eût déjà sept ans, elle n’avait jamais encore visité la campagne environnante. Elle n’avait jamais vu les champs couverts de moissons, jamais cueilli des fleurs dans la prairie, jamais couru gaîment dans les bois ou au bord d’un ruisseau. À l’âge de deux ans, elle avait fait une chute malheureuse et depuis lors elle n’avait plus pu marcher. Elle passait toutes ses journées étendue sur un petit lit près de la fenêtre et regardait, dans la cour sombre et humide, les jeux de ses jeunes frères qui s’ébattaient dans la boue. Ces enfants étaient laissés seuls toute la journée : le père travaillait dans une manufacture et la mère cherchait à gagner quelque chose en allant faire le gros ouvrage dans différentes maisons. Les heures de la journée paraissaient souvent bien longues à notre pauvre malade quand elle était ainsi toute seule, sans avoir personne à qui causer et rien à voir que cette cour si sale et si sombre où pénétrait à peine la lumière. Pendant les chaudes journées d’été, quand un brillant soleil illuminait toute la campagne, parfois un rayon parvenait jusqu’à la cour, et éclairait pour un instant la muraille humide. Alors l’enfant le suivait du regard et se disait combien il serait beau de pouvoir s’en aller avec ce rayon dans le ciel bleu, vers les oiseaux qui chantent dans les airs.

Elle ne pensait pas à Dieu. Hélas ! La pauvre enfant ne connaissait pas le Seigneur Jésus, et le brillant Soleil de Justice n’avait pas encore lui dans son âme. On ne lui avait pas parlé de Jésus, ses parents ne prononçaient jamais son nom, et si elle entendait parfois le nom de Dieu c’était dans les jurons de ses voisins ou de son père. Sa mère avait pour elle une tendre affection et la soignait de son mieux, mais elle ne pouvait pas lui communiquer ce qu’elle ne connaissait pas elle-même. La pauvre petite souffrait donc et souffrait beaucoup, sans savoir où trouver ni consolation ni espérance ; elle était souvent triste et malheureuse, elle pleurait et se plaignait ce qui ne soulageait pas son cœur. Mais le Dieu tout bon, qui donne à l’oiseau le grain nécessaire pour sa nourriture avait vu l’enfant malade et seule ; il avait entendu ses gémissements et ses plaintes ; il connaissait son isolement et sa tristesse. Il voulait faire luire dans son âme un soleil plus beau que celui de cette terre, et faire briller dans sa sombre retraite les plus doux et les plus chauds rayons de sa grâce.

Un après-midi du mois de juin, un bruit inhabituel attira l’attention de la jeune fille étendue sur son lit près de la fenêtre comme à l’accoutumée. Une charrette chargée de meubles entrait dans la cour. Une femme vêtue de noir et une petite fille la suivaient. Adèle vit la charrette s’arrêter devant la maison en face d’elle, on déchargea les meubles, l’inconnue et sa fille entrèrent dans la maison et le véhicule s’éloigna. Les jours suivants, on put voir une fenêtre, ordinairement fermée, ouverte et ornée de rideaux blancs. Puis chaque matin la petite fille passait, en se rendant à l’école, quelques livres à la main. Elle ne s’amusait pas dans la cour, mais quand elle y passait, c’était en courant gaiement et en chantant. Un jour Adèle entendit sa voisine chanter un joli cantique tout en s’occupant de recueillir des éclats de bois épars dans la cour. C’était la première fois de sa vie qu’Adèle entendait chanter, aussi prêtait-elle toute son attention à la douce voix qui résonnait si près d’elle. Osant à peine respirer, la bouche entre ouverte, l’œil humide, le regard fixe, elle ne perdit aucune des notes harmonieuses du cantique suivant :

 

Tristement j’erre ici-bas

Dans les pleurs et la souffrance ;

De voyager je suis las ;

Mais une douce espérance

Vient fortifier mon cœur,

Et l’inonder de bonheur.

 

Plus haut que ce triste lieu,

Dans une joie éternelle,

Bien au-delà du ciel bleu,

Est des cités la plus belle.

C’est la ville du Dieu fort,

Où ne règne plus la mort.

 

Là, réunis tous un jour,

Et pour toujours dans la gloire,

Dans la paix et dans l’amour,

Chantant l’hymne de la victoire,

Auprès de Dieu dans les cieux,

Nous serons toujours heureux.

 

Les yeux d’Adèle s’étaient remplis de larmes, son cœur battait avec force, une émotion qui lui était inconnue s’était emparée de tout son être, et la douce voix s’était tue qu’elle écoutait encore. Elle aurait voulu appeler la chanteuse, mais elle n’osa pas et suivit tristement du regard la joyeuse petite fille qui rentrait chez elle. Le soir de ce même jour, se sentant plus souffrante qu’à l’ordinaire (la chaleur avait été accablante toute l’après midi), Adèle demanda qu’on la laissât pour la nuit près de la fenêtre ouverte. La nuit vint, une belle et chaude nuit d’été ; la voûte du ciel, parsemée d’innombrables étoiles, s’étendait au dessus de la terre endormie. Adèle ne dormait pas, ses douleurs la tenaient éveillée, elle s’agitait sur sa couche, et cherchait en vain le repos et le sommeil. Insensiblement son regard s’éleva vers le ciel, et s’arrêta à contempler les mondes brillants qui scintillaient dans l’azur au-dessus de sa tête. Peu à peu ce spectacle la calma, ses larmes tarirent, un sentiment singulier et tout nouveau pour elle vint faire battre son cœur, et les vers de la petite voisine lui revinrent à la mémoire :

 

Auprès de Dieu dans les cieux,

Nous serons toujours heureux.

 

« Toujours heureux ! » pensait-elle. Oh ! Que je voudrais savoir si je pourrai l’être un jour ; c’est dans le ciel qu’on est heureux, là-haut dans les étoiles. Ah ! Je suis sûre qu’il doit y faire bien beau. Mais comment pourrait-on y aller ? Si seulement je le savais ! Peut-être cette jeune fille le sait ; si j’osais lui parler ! Ainsi pensait la pauvre Adèle, et toujours revenait à son esprit cette question : Comment pourrais-je aller au ciel où l’on est heureux ?

La nuit s’écoula pour elle dans ces pensées et, le matin venu, aux premiers rayons du soleil, la fenêtre à rideaux blancs s’ouvrit, et Berthe, la petite voisine, y parut. Elle regarda un moment les nuages blancs qui passaient dans le ciel bleu, puis son regard s’abaissant vers la cour, elle aperçut la malade et lui sourit, mais se retira aussitôt. Adèle regardait toujours à la fenêtre, mais la petite fille ne reparut point, et, lasse de regarder aussi longtemps, Adèle se laissait aller en arrière avec un soupir quand une douce voix la fit tressaillir. C’était Berthe qui était descendue pour lui dire un mot d’amitié. Le cœur d’Adèle battit de joie et son pâle visage se colora d’une vive rougeur.

— Comment t’appelles-tu ? demanda Berthe.

— Adèle, répondit bien bas l’enfant malade.

— Pourquoi es-tu si tôt à la fenêtre ? Es-tu restée ainsi toute la nuit ?

— Oui, répondit l’enfant. J’avais si mal que j’ai demandé à rester ici, et j’y ai passé la nuit comme j’y passe la journée.

— Es-tu ainsi toujours toute seule, ajouta la bonne petite, n’as-tu point de sœur pour s’amuser avec toi, te lire de belles histoires ou te chanter des hymnes ?

— Non, répondit Adèle en pleurant, je n’ai personne. Je suis toujours toute seule…

— Mais tu pourrais lire un peu. Si tu le veux, je te prêterai un livre avec des images.

— Je ne sais pas lire, répondit Adèle en pleurant encore.

Eh bien ! répondit l’excellente enfant, je demanderai à maman la permission de venir vers toi et je te lirai ; ainsi ne pleure pas, ne sois pas triste, je veux être ton amie. Et jetant les bras autour du cou de la petite infirme, elle l’embrassa avec tendresse ; mais entendant la voix de sa mère qui l’appelait de la fenêtre, elle se hâta de courir auprès d’elle. Adèle la suivit des yeux avec anxiété, en se demandant si sa maman lui permettrait de revenir auprès d’elle. « Elle me chantera peut-être quelque chose », pensait-elle, « oh ! que je voudrais savoir pourquoi elle m’aime tant, moi qui ne lui avais jamais parlé ».

Ainsi s’écoulèrent quelques heures qui parurent bien longues à Adèle. Mais soudain un pas léger se fit entendre de nouveau, et Berthe qui passait pour aller à l’école lui dit avec joie : « Je viendrai, maman me l’a permis ». Et après un tendre baiser, elle la quitta en courant.

En effet, elle revint et les heures que Berthe passa auprès d’elle furent bien douces à la pauvre infirme. Son cœur, si souvent rempli de tristesse et d’amertume, s’ouvrit à l’affection si tendre et si délicate de sa jeune amie. Elle lui confia ses peines, lui dit comment elle l’avait entendue chanter, et comment elle avait désiré ardemment de pouvoir lui demander de quelle manière on peut aller au ciel où l’on est toujours heureux. Berthe répondait avec joie à toutes ces questions, et Adèle entendit pour la première fois le message d’amour de Dieu. Elle apprit qu’elle était aimée, qu’elle avait été aimée de tout temps par le Sauveur, et ses larmes coulèrent au récit de ses souffrances et de sa mort.

La mère de Berthe avait eu d’abord quelques scrupules de laisser son enfant, qu’elle avait si soigneusement surveillée et préservée de mauvais exemples, se rendre souvent dans cette demeure sombre et sale, dont elle redoutait l’atmosphère corrompue. Mais l’instante prière de Berthe avait fait cesser ses hésitations, et elle avait enfin consenti avec joie, voyant dans cette circonstance une direction providentielle à laquelle elle ne croyait pas devoir s’opposer. Bientôt même, elle prit le plus vif intérêt à ce que faisait sa chère fille, et s’associa par ses prières à l’œuvre que Dieu lui avait donné à faire dans sa faiblesse. Oui, c’était bien l’œuvre de Dieu, et Berthe l’accomplissait sous son regard, aussi reçut-elle d’en haut sa bénédiction précieuse.

Mais qui donc avait enseigné à Berthe les vérités qu’elle expliquait à sa nouvelle amie ? Ses parents, répondrez-vous sans doute. En effet, dès son enfance, elle avait été nourrie des saintes Écritures, on lui avait appris à diriger ses regards sur le Sauveur, on lui avait parlé de son amour pour les pécheurs, de sa mort et de sa résurrection. Mais quoiqu’elle eût toujours été une enfant aimable et docile, ce ne fut qu’à la mort de son père que ces semences divines fructifièrent dans son cœur, et que, par la grâce de Dieu, elle comprit et reçut à salut la Bonne Nouvelle. Quand la petite fille vit son père bon et tendre couché immobile sur son lit de mort, quand elle vit couler les larmes de sa mère, les siennes coulèrent aussi abondamment, et elle comprit alors, comme elle ne l’avait jamais fait, ce que c’est que la mort. Elle savait que son père s’était endormi en Jésus, qu’il était heureux près du Seigneur. Mais, pensait-elle, si j’étais à sa place, que serais-je devenue ? Sa détresse fut grande, et d’autant plus grande que, voyant sa mère si affligée, elle ne lui communiqua pas ses craintes et les renferma dans son cœur. Mais elle avait appris à prier et c’est dans le cœur de Dieu qu’elle versa ses peines et qu’elle chercha le soulagement à ses terreurs. Sa requête fut entendue par Celui qui, sur cette terre, accueillait les petits enfants ; et la plus douce joie, la paix la plus parfaite vinrent remplir son âme. Dès lors, son désir le plus ardent fut de dire à sa mère ce qui s’était passé en elle. Cette bonne mère en fut bien heureuse, ce fut une puissante consolation à sa douleur. Leur affection se trouva renforcée par la communauté de sentiments et de pensées, ensemble elles prièrent et demandèrent à Dieu son secours dans leur affliction. Ensemble elles lurent la Parole de vie, et l’âme de Berthe s’ouvrit toujours davantage à ses divins enseignements. Aussi montra-t-elle bientôt par des fruits la vie qui était en elle, et sa conduite devint toujours plus pieuse et bonne, elle fut la joie de sa mère, le rayon de soleil de la pauvre veuve. Dieu plaçait devant elle une œuvre à faire, et ce jeune cœur soumis à la volonté divine l’accomplissait avec joie en demandant à Dieu force et secours.

L’été s’écoula ainsi pour nos deux amies dans une douce intimité, et l’automne arriva bientôt, pluvieux et froid. Il n’était plus question pour Adèle de rester près de la fenêtre, son petit lit avait été placé au fond de la chambre. Mais, bien que condamnée à une sombre réclusion, la jeune infirme ne pleurait pas, ne gémissait pas. Que lui était-il donc arrivé ? Ah ! La paix de Dieu habitait ce jeune cœur, et le remplissait d’une douceur et d’une patience vraiment admirables. Tous autour d’elle en étaient frappés, sa mère l’admirait, et bien qu’elle ne comprît pas tout ce que lui disait sa fille, elle était heureuse de la voir consolée, et sa tendresse pour elle en était augmentée. Le père d’Adèle trouvait qu’elle était devenue une étrange créature, mais il était content de la voir sourire ou de l’entendre chanter bien doucement. Ses frères eux-mêmes subissaient cette douce influence ; quand la pluie inondait la cour et les forçait à rentrer, c’était autour du lit d’Adèle qu’ils venaient s’installer, et souvent les histoires de la Bible que leur racontait leur sœur les tenait tranquilles pendant plus d’une heure.

Et à qui était dû tout ce changement ? Après Dieu, à notre amie Berthe. C’était elle qui, chaque jour, avait consacré ses loisirs à la pauvre petite. Elle avait eu pitié de ses souffrances, les avait comprises et soulagées autant qu’il était en son pouvoir. Elle lui lisait les Saintes Écritures et avait même commencé à lui apprendre à lire. Souvent pendant les longues heures de solitude, Adèle épelait lentement quelques beaux passages de la petite Bible que lui avait donné la mère de Berthe, et ces paroles divines tombaient sur son cœur comme une rosée bienfaisante. La mère de Berthe était venue parfois, elle aussi, voir la petite Adèle, mais, craignant de paraître importune à ses parents, elle avait laissé sa fille faire seule ses visites, se contentant de prier pour elle et de la diriger de ses conseils. Parfois cependant elle avait apporté un plat délicat ou quelques fruits à la malade, et les parents de celle-ci n’avaient pu rester insensibles à une affection si touchante et si désintéressée. Elle s’en aperçut bien lorsqu’un jour la mère d’Adèle accourut tout en pleurs auprès d’elle.

— Oh ! Madame, s’écria-t-elle avec angoisse ; venez, je vous prie, venez voir ma pauvre petite ! Elle va mourir !...

— Depuis quand est-elle donc si mal ? demande vivement la mère de Berthe, je ne la croyais pas plus souffrante que d’habitude.

— Oh ! Non, elle ne souffre pas davantage, répondit la mère en pleurant. Depuis une semaine, elle était si faible, si faible, mais toujours si douce, chère enfant. Mais aujourd’hui, ô Madame, quand je l’ai regardée ce matin, comme elle avait changé ! Quand votre fille a passé en allant à l’école, Adèle lui a dit : « Viens à 11 heures », comme si elle craignait de ne plus la revoir. Puis, il y a un moment, elle m’a dit tout à coup : maman, va chercher Madame, je crois que je m’en vais. Et je suis venue, Madame, car je sais que vous aiderez ce pauvre ange à mourir.

— C’est le Seigneur Jésus qui l’aidera, répondit avec émotion la mère chrétienne, et votre enfant le connaît et l’aime. En disant ces mots, elle entra dans la chambre sombre et , s’approchant du lit de la petite malade :

— N’est-il pas vrai, mon enfant, lui dit-elle d’une voix tendre et douce, vous aimez le Seigneur Jésus ?

Le regard éteint d’Adèle se ranima subitement, une larme brille dans son œil, et elle répondit faiblement d’une voix entrecoupée : « Il portera ses agneaux dans son sein ». Puis faisant un effort :

— Madame, voulez-vous me donner ce petit livre sous mon oreiller ? Et dès qu’elle l’eut :

— Tiens, mère, c’est pour toi, c’est ma bible. Tu la liras, n’est-ce pas ?... Mais tu ne peux pas, tu ne sais pas… Et une douloureuse expression de tristesse passa sur ce jeune visage.

— Je le lirai moi-même à votre mère, ma chère enfant. Je vous le promets, répondit l’amie chrétienne, et votre mère désirera peut-être aussi apprendre à lire.

— Oh ! Maman, promets-le-moi, s’écria la petite avec une force extraordinaire.

— Oui, ma bien-aimée je te promets tout, répondit en pleurant la mère désolée, en embrassant sa fille et la remettant sur ses oreillers.

Adèle resta quelques instants silencieuse et comme incapable de parler. Sa respiration haletante interrompait seule le silence.

— Où sont mes frères ? demanda-t-elle enfin, je voudrais les embrasser encore.

La mère les appela, ils se tenaient dehors, silencieux et saisis, ne comprenant pas bien de quoi il s’agissait pour leur sœur, mais craignant vaguement quelque malheur. Ils entrèrent sans bruit. Leur mère, les prenant l’un après l’autre dans ses bras, approcha leur front des lèvres pâlies de la mourante.

— Adieu, Charles ; adieu, Paul, murmura celle-ci, aimez Jésus, et vous irez aussi au ciel…

La respiration lui manquait presque à chaque mot. Elle ajouta avec peine :

Mère, tu diras adieu à papa pour moi. Je l’aime beaucoup, dis-lui de lire aussi… d’aimer Jésus…

Puis, tournant ses regards vers la bonne voisine qui la soutenait :

— Quand Berthe viendra-t-elle ?

Au même instant, un pas léger se fit entendre, et Berthe parut sur le seuil. Elle comprit immédiatement l’état de son amie, et s’arrêta un moment, les yeux pleins de larmes. Mais Adèle l’avait aperçue et lui tendait les bras. Les deux jeunes filles s’étreignirent dans un long embrassement.

— Je m’en vais, dit Adèle d’une voix presque éteinte. Ne pleure pas, Berthe… Je suis si heureuse… tu sais… le ciel si beau, chante, Berthe, chante… toujours heureux !

Elle retomba épuisée ; mais voyant que Berthe ne chantait pas, elle lui fit signe, et notre amie, refoulant ses larmes, commença faiblement le cantique tant aimé : Tristement j’erre ici-bas…

Quelle scène dans cette chambre basse et sombre ! Cette enfant luttant contre la mort, contemplant avec amour cette autre enfant dont la tremblante voix parlait d’un autre monde, d’un monde de lumière et de bonheur. Ces deux femmes, l’une attendrie mais sur le visage de laquelle se lisait le recueillement et l’adoration, l’autre, sanglotant avec amertume, incapable de comprendre tout ce qui se passait dans l’âme de son enfant, mais subjuguée par cette foi, ainsi que par les émotions diverses qui se livraient un combat dans son âme. Le dernier moment était arrivé pour Adèle, sa poitrine haletait avec effort, sa respiration était oppressée et sifflante, mais quelle expression sur ce pâle visage, sur ces traits décomposés ! La douce voix chantait toujours, le regard ineffable de la mourante était toujours fixé sur son amie. Quand Berthe eut fini, les lèvres d’Adèle remuèrent comme pour parler, mais le son expira sur sa bouche, ses paupières se fermèrent et s’enfoncèrent graduellement, sa poitrine se souleva encore péniblement, puis un sourire passa tout à coup sur ce visage pâle, les petites mains s’agitèrent et retombèrent, et ce fut tout… La mort avait saisi sa proie. Mais non, ce n’était pas la mort qui avait obtenu la victoire dans cette lutte suprême ; la paix que respirait ce petit visage parlait de vie et d’immortalité, et l’âme victorieuse, affranchie de toutes entraves, jouissait pleinement du repos de la maison du Père.

Ce fut une grande perte pour Berthe que celle de sa petite amie, elle en ressentait un grand vide. Elle s’était si bien habituée à la voir chaque jour, à chaque instant, qu’elle ne pouvait passer devant la fenêtre sans un douloureux serrement de cœur. Mais cette âme aimante ne pouvait se passer d’objets d’affection, aussi ne tarda-t-elle pas à reporter sur les frères d’Adèle l’intérêt qu’elle avait ressenti pour leur sœur. Elle obtint de leur mère la permission de les faire entrer dans une école, où elle pouvait les accompagner chaque jour en y allant elle-même. Elle lui promit de les surveiller comme si elle eût été leur propre sœur, et elle tint sa parole. Elle leur faisait répéter leurs leçons, leur racontait de belles histoires, et leur apprenait à chanter de doux cantiques.

De son côté la mère de Berthe étendait la même sollicitude à sa voisine affligée. Les lectures de la Parole de Dieu qu’elle lui fit aussi régulièrement que possible, eurent par la grâce de Dieu un effet béni sur son âme. C’est ainsi que Berthe et sa mère continuèrent paisiblement leur œuvre, accompagnée de la bénédiction du Seigneur qui, de ce lit de mort, fit sortir le bien de toute une famille.

 

6                        « Le Seigneur arrangera tout ! »

Bonne Nouvelle 1869 pages 180 à 185

J’ai à cœur de vous raconter un évènement qui a plongé dans la douleur et le deuil une famille chrétienne. En vous le racontant, mon désir est de fixer votre attention sur les conséquences que peut avoir la désobéissance à la volonté de son père ou de sa mère.

C’était le dimanche 18 juillet. M. J. se mit en route avec son fils, un jeune homme âgé de 16 ans, sage et intelligent, aimant beaucoup le travail, pour se rendre dans un village à une assez grande distance de la ville qu’ils habitaient. En faisant cette course, le père se proposait d’annoncer la Parole de Dieu aux habitants de ce village auxquels on avait retiré, depuis quelques semaines déjà, le prêtre qu’ils avaient. Cette circonstance faisait penser à notre ami que le moment était favorable pour parler à ces âmes de l’amour de Dieu envers les pauvres pécheurs.

Depuis la gare du chemin de fer où ils s’arrêtaient jusqu’au village en question, il y avait encore une distance de trois kilomètres à parcourir. Le jeune homme dit à son père :

— Papa, comment feras-tu pour réunir quelques personnes afin de leur annoncer la parole de Dieu ?

Le père lui répondit :

— Ne sois pas en peine, quand nous serons là, le Seigneur arrangera tout !

Hélas, à ce moment-là, ni l’un ni l’autre ne pensait au moyen dont Dieu allait se servir pour cela. Quel rapport avec Genèse 22:7, 8 !

Arrivés près du village qui était l’objet de leur course, ils furent obligés de traverser une rivière assez profonde, ce qui se fit sans danger au moyen d’un bateau. La journée était une de ces chaudes journées d’été, et avant d’aller prendre leur repas, ils voulurent se rafraîchir en prenant un bain. Des deux, seul le père savait nager, en conséquence il indiqua à son garçon un banc de sable où il pouvait se baigner sans crainte, aussi longtemps qu’il ne s’éloignerait pas de l’endroit qui lui était désigné. Malheureusement, il ne le fit pas : le sable était si joli, si agréable sous les pieds, qu’il se permit d’avancer, sans prendre garde que plus il avançait plus il approchait du plan incliné que présentait le banc de sable sur lequel il se trouvait. Le sable, on peut le comprendre, céda sous ses pieds, le poids de son corps même faisait que le sable s’écartait toujours plus, tellement que le pauvre jeune homme eut bien vite de l’eau jusque sous le menton. Se voyant en danger, il cria à son père pour qu’il vînt le secourir. À ce moment-là le père se trouvait sur la rive opposée à celle où se trouvait le jeune ; entendant le cri de détresse et d’angoisse que jeta son fils, il s’élança à la nage pour aller au secours de son enfant ; mais contrarié par le courant qui provenait du canal du moulin, le pauvre père ne put aborder son fils de flanc comme il le désirait, car il savait qu’en pareil cas ceux qui se noient cherchent toujours à s’accrocher à l’objet quelconque qui est à leur portée ; il voulait donc éviter cela afin d’avoir ses mouvements plus libres s’il réussissait à le saisir par le flanc. Malheureusement, cela ne lui fut pas possible ; amené par le courant en face de son fils, ce qu’il craignait arriva ; car le pauvre jeune, voyant son père à portée de lui, saisit ses deux bras au moment où il les étendait pour nager. Dès lors, les mouvements du père étant entièrement paralysés, il ne put résister, en sorte que les deux coulèrent au fond. Le père, cependant, ne perdit pas connaissance car arrivé au fond de la rivière, il donna un vigoureux coup de pied, et ils revinrent à fleur d’eau, mais ce ne fut que pour un court instant, car le pauvre jeune homme accrochant ses jambes à celles de son père, ils retournèrent au fond. Là devait se passer la scène la plus angoissante pour le cœur du père. Ne voyant d’autre moyen de salut pour l’un et pour l’autre, il parvint à se dégager des étreintes de son fils (qui, selon toute probabilité avait déjà cessé de vivre) ; et lorsqu’il fut revenu au dessus de l’eau, le corps de son enfant avait disparu… le courant l’avait déjà entraîné, car il ne fut repêché que deux heures après et assez loin au dessous du lieu de l’accident. Personne ne se trouvait là pour prêter secours en quoi que ce fût ; un jeune homme d’une vingtaine d’années était près mais il ne savait pas nager et, outre cela, il était atteint d’une infirmité qui le rendait incapable d’être en secours dans une pareille circonstance.

Tout ce que je viens de vous dire s’est passé en moins de temps que je n’en mets à vous le décrire. Bientôt la nouvelle de ce qui venait d’arriver parvint à la connaissance de tous les habitants de la commune, et comme vous pouvez le penser, en un instant le rivage fut couvert de personnes qui venaient constater le malheur qui était arrivé. Malgré l’angoisse de son âme et le brisement profond de son cœur, notre ami, pressé de questions, dut répondre à ce qui lui fut demandé ; il put aussi parler de l’amour du Seigneur, de l’œuvre de salut accomplie par son Fils Jésus, et enfin, de son espérance au sujet de l’avenir de celui qui n’était plus, et de la sienne propre.

L’enterrement ne put avoir lieu que le mardi 20 juillet, car il y avait quelques arrangements à prendre pour cette circonstance, et il eut lieu à midi ; mais dès 11 heures du matin, un grand nombre de personnes affluaient déjà au cimetière ; l’inhumation eut lieu avec ordre et bienséance ; pas un cri ne se fit entendre car les habitants du village paraissaient sympathiser avec la famille éprouvée. La parole de Dieu fut lue et méditée, et l’évangile de la grâce put ainsi être présenté à cette foule qui l’écoutait avec un religieux recueillement ; des vieillards même pleuraient en entendant cette bonne nouvelle. Un grand nombre d’exemplaires de l’évangile de Jean et de traités d’appel furent distribués et acceptés avec un grand empressement. Quinze jours après, la pose sur la tombe d’une pierre sur laquelle se lisait le beau et riche passage de Jean 3:16 fut de nouveau l’occasion de réunir les habitants du village et d’autres arrivés d’ailleurs, et la parole de Dieu leur fut de nouveau adressée par la lecture et la méditation de 2 Cor. 5:1-8. Cette fois encore, l’attention des auditeurs fut soutenue ; ensuite, l’on put avoir des entretiens particuliers avec quelques personnes qui écoutaient la parole avec plaisir.

Maintenant, que résultera-t-il de ces semailles ? Dieu le sait car c’est lui seul qui donne l’accroissement à sa parole semée dans les cœurs ; mais ce qui frappe, c’est le moyen dont Dieu s’est servi pour réaliser, au-delà de ce que l’on pensait, le désir du père que Dieu venait de frapper. Mais si l’on considère l’ensemble de ces circonstances, il est permis d’espérer que Dieu fera son œuvre d’amour dans cette localité, désormais ouverte aux messagers du salut.

Chers lecteurs, j’espère que le récit de ce triste évènement vous montrera, une fois de plus, l’importance qu’il y a d’être prêts à quitter ce monde à tout instant, et qu’importe le moyen que Dieu trouvera bon d’employer pour nous en retirer. C’est pourquoi, permettez-moi de vous poser cette simple question : Êtes-vous prêts ? Si vous aviez vu dans le train le jeune Louis, son chapeau neuf sur la tête, le dimanche matin, combien il était joyeux ; jamais encore il n’était allé en train, il était heureux de se voir emporté comme à vol d’oiseau, et pourtant sans qu’il le sût, la mort s’approchait rapidement pour se saisir de son impuissante victime. Oh ! Lequel d’entre vous peut affirmer que la mort est loin de lui ? Elle peut être très près, soyez-en sûrs, et jugez de votre malheur si vous n’étiez pas prêts ! Quant aux dispositions du jeune Louis, depuis quelque temps il était plus sérieux qu’à l’ordinaire, et fréquemment il posait à son père des questions sur différents passages de l’Écriture sainte, ce qui paraissait indiquer un travail de Dieu dans son cœur. Sous un autre rapport, sa conduite était exemplaire. Quant son maître de dessin apprit qu’il était mort, il dit à la personne qui lui apportait ce message : « Je perds en lui mon meilleur élève ».

Que ce simple récit d’un évènement qui a fait couler bien des larmes soit dans les mains de Dieu un moyen de vous amener à la réflexion et au sérieux, pour ce qui regarde votre état actuel devant Dieu. Tel est le vœu et la prière que fait à Dieu pour vous votre ami.

 

7                        La foi de la vieille Écossaise

Bonne Nouvelle 1869 pages 154 à 156

Au bord d’un torrent bouillonnant, dans une des vallées les plus reculées de l’Écosse, se trouvait une petite maison basse, couverte de chaume, avec son entrée tournée au midi et toute lambrissée de chèvrefeuille. Sous cet humble toit et sur un lit de blancheur éclatante, reposait la vielle Nancy l’Écossaise, attendant patiemment et joyeusement l’heure où son âme heureuse prendrait son vol vers les demeures célestes, réalisant ce que disait l’apôtre Paul : « Car nous savons que, si notre maison terrestre qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons un édifice de la part de Dieu, une maison qui n’est pas faite de main, éternelle, dans les cieux » (2 Cor. 5:1).

Près de son lit, sur une petite table, se trouvaient ses lunettes et sa Bible bien feuilletée – sa fiole et sa cruche ainsi qu’elle avait l’habitude de l’appeler, dont elle se nourrissait spirituellement chaque jour, et même à chaque heure, le « Pain de Vie ». Un jeune serviteur du Christ allait souvent la voir ; il aimait écouter les simples expressions qu’elle tirait des vérités de la Bible ; car lorsqu’elle parlait de son « héritage incorruptible, sans souillure, inflétrissable », il semblait qu’elle le voyait de près, et l’auditeur croyait presque entendre les rachetés dans les cieux, disant : « À celui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang ».

Un jour le jeune chrétien posa à l’heureuse malade cette question effrayante :

— Eh bien, Nancy, après toutes vos prières, votre vigilance et votre attente, que penseriez-vous si Dieu permettait que votre âme fût éternellement perdue ?

La pieuse Nancy se dressa sur son coude et tournant vers lui un regard sérieux, elle posa sa main droite sur la « précieuse Bible », ouverte devant elle, et répondit tranquillement :

— Ah ! Mon cher, est-ce là toute la connaissance que vous avez acquise ? Et ses yeux étincelant d’une clarté presque céleste, elle continua : C’est Dieu qui ferait la plus grande perte. La pauvre Nancy ne perdrait que son âme, ce qui serait sans doute une grande perte ; mais Dieu perdrait son honneur et son caractère. N’ai-je pas suspendu mon âme à ses très grandes et précieuses promesses, et s’il manquait à sa parole, il deviendrait lui-même un menteur et s’exposerait à la confusion à la face de l’univers.

Ainsi parla la vieille pèlerine écossaise. Ce fut là une des dernières paroles qui tombèrent de ses lèvres mourantes, paroles des plus précieuses, semblables à des pommes d’or dans des paniers d’argent.

 

Que le lecteur les médite. Elles peuvent s’appliquer à chaque pas de la marche du pèlerin, du premier au dernier. Par la foi, la vieille écossaise avait placé le salut de son âme sur les promesses de Dieu en Christ par l’évangile. Elle savait que son cher Fils avait dit : « Celui qui entend ma parole, et qui croit celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement ; mais il est passé de la mort à la vie » (Jean 5:24). Elle savait que Dieu a dit : « Quiconque croit est justifié par lui (Christ) » ; et encore : « Le sang de Jésus Christ son Fils nous purifie de tout péché » (1 Jean 1:7), car il a porté nos péchés en son corps sur le bois. C’était le premier pas. Et durant toute sa vie la pèlerine écossaise s’attacha fermement, pour toutes choses et à chaque heure du besoin, à Ses très grandes et précieuses promesses. Le divin argument de Romains 8 était le sien par la foi : « Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui ? » (Rom. 8:32). Dans toutes ses peines, elle avait trouvé en lui un secours opportun et toujours à sa disposition, et maintenant qu’elle allait quitter l’aride désert pour entrer dans la maison éternelle, pouvait-elle penser qu’il se montrerait infidèle à sa parole ? Non. Pour que l’âme de la vieille Nancy pût être perdue, il eût fallu que l’honneur, le caractère de Dieu, Dieu Lui-même fussent complètement altérés et devinssent un objet de confusion à la face de l’univers. Chère vieille pèlerine !

 

8                        Les cicatrices

Bonne Nouvelle 1869 pages 37 à 39

Lorsque j’étais encore jeune, raconte un ancien esclave noir, le fils de mon maître m’enseignait chaque soir tout ce qu’il avait appris pendant la journée. C’est ainsi que j’appris à lire. Alors nous lûmes ensemble, verset après verset, le Nouveau Testament. Cependant cette lecture nous amena bientôt à sentir que nous étions pécheurs devant Dieu ; nous commençâmes à prier pour le salut de notre âme, et le Seigneur nous entendit et nous fit la grâce de placer toute notre espérance en Jésus Christ. Quelque temps après, j’établis parmi les noirs des réunions de prière et d’édification. Mon vieux maître, apprenant tout cela, en fut violemment irrité, surtout parce que son fils était devenu pieux. Sous peine du fouet, il me défendit de continuer les réunions. Sans tenir compte de cette menace, je continuai à annoncer l’Évangile chaque dimanche, et chaque lundi matin j’étais régulièrement battu par mon maître avec un fouet de lanières, de sorte que mon dos avait à se guérir de lundi en lundi. C’était avec la plus grande peine que j’accomplissais mon travail de chaque jour. Ainsi se passa un an et demi.

Un lundi matin, mon maître, comme de coutume, ordonna à mes compagnons d’esclavage de me dépouiller de mes vêtements et de me lier à un arbre afin qu’il pût me fouetter. On lui obéit. Il se tint alors devant moi en me regardant fixement d’un air sombre, cependant le fouet pendait encore tranquillement à son côté. Sa conscience était remuée ; il était arrivé à un moment décisif de sa vie.

— Jacques, dit-il, ton dos est littéralement couvert de plaies et de cicatrices. Je ne sais plus où frapper. Jusqu’à quand veux-tu donc, misérable, persévérer si opiniâtrement dans ta ligne de conduite ?

— Aussi longtemps, Monsieur, lui répondis-je, que mon Sauveur me laissera la vie.

— Mais pourquoi es-tu donc aussi obstiné ?

— Parce que je veux, au matin de la résurrection, quand mon pauvre corps se lèvera de la poussière, pouvoir montrer mes cicatrices à mon Dieu comme un témoignage de ma fidélité. Telle fut ma réponse.

Mon maître se tut, puis commanda aux assistants de me délier et me renvoya au travail des champs. Tard dans la soirée, il revint à moi.

— Assieds-toi Jacques, me dit-il, et dis-moi franchement la vérité. Ton dos est depuis longtemps couvert de blessures, tu as en outre un travail pénible, et tu n’es qu’un misérable esclave. Dis-moi, malgré toutes ces misères, es-tu réellement heureux ?

— Monsieur, lui répondis-je, je ne crois pas qu’il y ait dans le monde entier un homme plus heureux que moi.

Il se tut longtemps, et reprit :

— Jacques, tu m’as dit une fois que ta religion t’enseigne à prier pour tes ennemis. Veux-tu maintenant prier pour ton vieux maître ?

— Oh ! De tout mon cœur, affirmai-je.

Nous nous agenouillâmes donc tous les deux et je priai pour lui. Dès lors, il vint souvent me trouver aux champs, et toujours je devais prier avec lui. Enfin il reçut la paix par le sang de l’Agneau. Alors nous vécûmes ensemble comme des frères. Sur son lit de mort il me donna la liberté, et m’engagea à annoncer l’Évangile tant que je vivrais. Je le vis partir avec l’espérance de le retrouver dans le ciel.

J’ai depuis lors connu beaucoup de chrétiens, que j’ai aimés de cœur. Mais je n’ai jamais été si intimement uni à aucun d’eux que je l’avais été à mon vieux maître. Oui, je le retrouverai dans le ciel !